Ce dossier s’appuie sur un certain nombre d’interventions et de débats menés dans le cadre des États généraux de l’action humanitaire internationale qui se sont déroulés à Grenoble les 2, 3 et 4 novembre 2015. Ils font suite à une première édition qui a eu lieu à Annemasse les 27 et 28 novembre 2014[1]. En accord avec Humacoop, l’association organisatrice, il nous a semblé utile et intéressant d’utiliser, en partie, des matériaux de cet événement. Il ne s’agit donc pas de proposer une publication d’actes en tant que telle[2], mais cette manifestation ayant rassemblé un panel international de représentants d’ONG, de chercheurs et d’universitaires, des questionnements et des interrogations ont émergé sur la nature et la place de l’action humanitaire dans le monde d’aujourd’hui et, de manière implicite, mais souvent aussi de manière explicite, sur les rapports Nord/Sud.
Une question transversale a formé un arrière-plan récurrent des discussions, celui de la temporalité et d’une transformation dès lors du positionnement de l’action humanitaire entre une solidarité internationale liée à l’urgence d’une aide dans le cadre d’événements paroxysmiques et une solidarité liée à des souffrances plus récurrentes, mais qui conduisent à être confronté à des enjeux politiques et économiques créant des dilemmes dans l’action. C’est par ce biais que l’action humanitaire peut être aussi un révélateur de problèmes de sous-développement.
Affiner les questionnements ne signifie pas être en mesure d’apporter des réponses toutes faites, mais d’essayer de délimiter des pistes, aussi pour l’action, action qui du fait des évolutions des contextes nécessite sans doute des réévaluations d’élaboration (texte Marc Troisvallets). Certes, l’aide humanitaire se trouve prise dans les ambiguïtés connues de l’aide au développement : asymétrie de pouvoir (intervention de Jacky Bouju) ce qui renvoie aux effets de domination, accentuation de la dépendance (texte de Djané Adou). L’autonomisation des populations et des organisations locales n’est pas aisée. En dehors du fait que les organisations locales du Sud n’accèdent guère aux ressources de l’aide humanitaire (1 à 2 %), elles sont aussi prises dans des orientations politiques nationales qui peuvent limiter et même contrarier leurs projets. La question de la propriété foncière en est un exemple typique (texte Jérôme Kouakou et alii.). D’autres interventions[3] ont aussi mis en exergue que des politiques de développement plus volontaristes peuvent avoir des effets pervers comme dans le cas du Laos (intervention de Danièle Tran). Cependant, il s’agit de politiques le plus souvent extraverties (extractivisme, agriculture d’exportation …) qui ne profitent guère aux populations et qui limitent leurs capacités d’intervention et d’inflexion politiques. Le droit international peut-il être un point d’appui ? Un droit international humanitaire existe, mais reste plutôt limité aux situations d’urgence et comme tout droit international nécessite des rapports de force pour être respecté. Le droit d’ingérence plus récent est manifestement encore plus ambigu (texte de Kamel Mohanna). Formellement, il ne relève pas des prérogatives des ONG humanitaires, mais des actions étatiques au nom d’intérêts qui ne sont pas forcément ceux des peuples.
La rédaction
Notes:
[1] Les actes sont disponibles sur : http://www.humacoop.com/images/pdf/Actes-%20Etats%20Gnraux%202014.pdf.
[2] Sept tables rondes et quatre groupes de travail ont eu lieu autour de thématiques transversales telles que la transition humanitaire et les rapports Nord/Sud, le rôle de la coopération décentralisée en temps de crise, la question des partenariats, le droit international humanitaire et la question de l’ingérence ou encore les questions de professionnalisation et d’engagement humanitaire. Le programme complet et les vidéos des tables rondes sont disponibles sur le site suivant : https://www.youtube.com/channel/UCfQxExZY6JmL1tIGZbp6DHg.
[3] non reprises ici, voir le site d’Humacoop..