La situation universitaire dans la Bande de Gaza

Evelyne Duval[1]

Couverture 1 n°170

Séjournant à Gaza du 4 au 10 mai 2013 avec une délégation de l’AFPS d’Evry, j’ai été reçue dans les 3 principales universités de la ville de Gaza, et dans 2 collèges universitaires. Un accent particulier a été mis sur les départements de français auxquels nous avions apporté des livres. Nous avons par ailleurs visité plusieurs écoles, un collège et des associations en rapport avec l’éducation (organisation d’activités périscolaires ou prise en charge d’enfants handicapés).

L’enseignement supérieur palestinien

Les universités palestiniennes sont de développement récent. En 1950, sont d’abord créés des collèges universitaires pour former des professeurs et des techniciens puis dans les années 70, pour préserver l’identité palestinienne et permettre des études sur place, les premières universités apparaissent. En 1993, dans le cadre du « processus d’Oslo » l’éducation est transférée d’Israël à l’Autorité palestinienne (AP). En 1998 paraît la loi n°11 sur l’Enseignement supérieur qui dans son article 2 stipule que chaque citoyen peut accéder à l’enseignement supérieur et crée 3 types d’établissements : gouvernementaux, publics non gouvernementaux, et privés. Les établissements sont largement autonomes mais un Conseil de l’enseignement supérieur définit les règles communes à tous les établissements.

Au niveau de l’enseignement supérieur en 2012, selon le Bureau central palestinien de statistiques (PCBS), la Palestine compte 49 institutions dont 14 universités, 15 collèges universitaires, 16 centres de recherche. Avec 213 000 étudiants, soit 25,8 % de la classe d’âge dans l’enseignement supérieur, la Palestine se place haut dans les standards internationaux et très au dessus des pays arabes voisins. Ce formidable développement du secteur de l’éducation et de l’enseignement supérieur malgré l’occupation montre à quel point la résistance par la culture et l’éducation est fondamentale pour les Palestiniens.

Pour autant, les universités palestiniennes sont confrontées à des difficultés dont les principales sont :

  • restrictions à la mobilité inter-académique imposée par l’occupant ;
  • fragmentation : conséquence de l’occupation … mais pas seulement ;
  • insuffisance chronique des dotations : 60 à 70 % des ressources proviennent des droits d’inscription ;
  • dépendance : une aide internationale est versée à l’AP pour l’enseignement supérieur (20 millions de dollars en 2002, 90 en 2011), le paiement des personnels de certains établissements dépend entièrement des fonds versés par l’aide internationale ;
  • insuffisance des capacités d’accueil face à une demande croissante, insuffisance du nombre de professeurs qualifiés ;
  • problèmes de gouvernance.

La Bande de Gaza compte 10 établissements universitaires accueillant plus de 100 000 étudiants :

– 5 universités : l’Université Al Aqsa, l’Université Al Azhar, l’Université islamique de Gaza, l’Université de Palestine et l’Université de Gaza.

– 5 collèges universitaires dont le Palestine technical College (PTC) de Deir El Balah, le Collège de sciences et technologies de Khan Yunis (CST), le Collège universitaire de sciences appliquées (CAS) .

Notons qu’avant la libération des zones occupées par les colons en 2005, pour permettre aux étudiants du sud de la Bande de Gaza de suivre leurs études malgré les check-points, une annexe d’Al Aqsa (Al Aqsa-Sud) a été construite à Khan Yunis ainsi que 3 antennes de Al Quds Open University ; ces établissements sont toujours en activité.

Les établissements visités

Collège de sciences et technologie de Khan Yunis

L’établissement, créé en 1991, est devenu une institution gouvernementale en 1997 et compte  2 400 étudiant(e)s. Il est mixte, mais depuis 4 ans les étudiantes sont séparées des étudiants lors des cours.

Il comporte 4 départements :

  • Sciences médicales,
  • Administration-gestion-finances,
  • Informatique,
  • Ingénierie et Arts appliqués.

Au total, 30 formations sont dispensées, 10 correspondant à bac +4 et 20 à bac+2.

Dans ce collège un enseignement de français optionnel est développé, l’établissement entretient de bonnes relations avec le Consulat français. Le développement de l’enseignement du français dans l’établissement correspond au souhait des étudiants de pouvoir poursuivre des études en France et au développement de conventions entre des écoles palestiniennes et françaises (les cours de français optionnels commencent dans certains collèges de Gaza dès la 6ème).

L’établissement vit essentiellement des droits d’inscription des étudiants ; ils sont très peu élevés par rapport à d’autres établissements selon son directeur.

Le campus est très soigné, arboré, mais souffre d’une insuffisance de locaux. L’établissement a subi des destructions en 2008, un des bâtiments a été presqu’entièrement détruit ainsi qu’un laboratoire. Une partie seulement a pu être réhabilitée. Cependant, le Qatar et la Banque islamique viennent de financer un centre de conférences.

Enfin, les enseignements pratiques manquent de matériel ou disposent de matériel très obsolète en particulier pour les formations médicales.

Nous avons visité quelques bâtiments (dont le laboratoire de contrôle de qualité des aliments qui souhaiterait des contacts avec des formations homologues en France) et vu les ruines du bâtiment bombardé en 2008.

PTC (Polytechnical College) de Deir El Balah

Le PTC est un établissement technique créé 1996, après les accords d’Oslo, par le Ministère de l’Éducation de l’Autorité palestinienne (AP) qui souhaitait assurer les bases scientifiques et techniques du futur État palestinien. Cet établissement avait alors développé des coopérations avec l’IUT de Cachan dans le domaine des automatismes industriels et avec un autre établissement français dans le domaine de la gestion hôtelière. Depuis la 2ème Intifada et plus encore depuis 2006, les programmes de coopération avec la France se sont arrêtés.

L’établissement compte 5 départements délivrant 3 bachelors (bac +4) et 13 diplômes (bac +2) :

  • Arts appliqués (télévision et mode)
  • Gestion hôtelière,
  • Management et finances,
  • Ingéniérie,
  • Informatique,

Le gouvernement (AP) paie les salaires des personnels mais n’apporte pas d’autre d’aide matérielle (équipement, fonctionnement). Les frais d’inscription des étudiants sont les seules ressources.

L’établissement, souffre d’une insuffisance de locaux et de matériel du fait des obstructions liées au blocus et de la pauvreté qu’il génère. Ainsi, dans le domaine des automatismes les étudiants travaillent sur du matériel vieux de 15 ans.

L’établissement souhaiterait développer des formations dans le domaine de la maintenance des appareils électroniques.

Le Département de média et TV manque de matériel et souhaiterait développer des collaborations.

Plusieurs autres projets ont déjà passé la première phase de sélection dans des projets développés par la Banque mondiale (dessin de mode et confection) ou avec l’UE dans le domaine du tourisme et de l’hôtellerie.

Nous avons pu visiter les locaux d’informatique, le studio de radio, le laboratoire de préparation alimentaires (restauration) et l’atelier de broderie et de confection de vêtements. Nous avons constaté la vétusté des équipements : le plus récent étant le studio de radio dont le matériel n’a que 6 ans d’âge.

Université Al Azhar

L’Université a été fondée en 1991 sur décision de Yasser Arafat pour former des cadres de haut niveau alors que l’accès des étudiants palestiniens aux universités arabes et internationales était très limité (toujours d’actualité). Son conseil d’administration élu est sous tutelle d’Abu Mazen (AP).

C’est la deuxième université par l’importance, elle compte 18 156 étudiant(e)s inscrits dans 12 facultés : et 24 programmes d’études supérieures (certains distingués au niveau mondial) :

  • Médecine,
  • Odontologie,
  • Pharmacie,
  • Sciences appliquées à la médecine,
  • Ingénierie et technologies de l’information,
  • Sciences,
  • Agriculture et environnement,
  • Éducation,
  • Droit,
  • Arts et sciences humaines,
  • Économie et administration,
  • Langues…

Notre hôte, Samim Mislah, a insisté sur le développement de secteurs utiles à la population de Gaza. Cet établissement est laïc et continue de pratiquer la mixité y compris en classe. Malgré des pressions, il n’y a pas d’obligation pour les filles de porter le voile. Pour la recherche beaucoup de soutien serait nécessaire pour les infrastructures.

L’importance de développer les visites et échanges scientifiques, ainsi que les subventions pour des bourses, est soulignée. Il a fait état de difficultés importantes concernant le matériel médical et paramédical et le manque d’ordinateurs.

Visite du Département de français et rencontre avec des enseignants et des étudiants.

Nous posons la question des liens entre les 2 départements de français (Al Aqsa et Al Azhar). Il apparaît qu’il n’y a pas d’échange direct entre les deux Universités, pas d’initiatives communes dans ce domaine ni de mise en commun de fonds documentaires. Le lien est indirect par l’intermédiaire de l’Institut français. Les enseignants ont souligné que leur diplôme est différent de celui d’Al Aqsa puisqu’ils délivrent une licence de langue anglais-français ou le français représente une partie minoritaire. De ce fait, ils semblent moins aidés par le Consulat que le Département de Français d’Al Aqsa qui dispose d’un centre de ressources très riche et est largement bénéficiaire des rencontres et du matériel. Ils se sentent un peu oubliés. Ainsi après 10 ans, ils ont enfin obtenu une bourse et n’ont eu que 3 visites de délégations. Pourtant ils ont plus d’étudiants et nous avons pu constater leur excellente formation lors de nos discussions très libres avec eux. Le Département de français a besoin de dictionnaires de français/français postérieurs à la réforme de l’orthographe de 2008. 100 petits Robert ou Larousse et 20 gros seraient nécessaires.

Visite de l’Institut de l’eau et l’environnement, et rencontre avec le directeur.

L’Institut forme des étudiants jusqu’au Magister. Il effectue des analyses d’eau en liaison avec l’Autorité de l’eau palestinienne et mène des recherches. Ils veulent développer les énergies renouvelables (biogaz, systèmes solaires…). Ils ont reçu un fonds pour construire le bâtiment et sont maintenant à la recherche de financements pour les équipements. En ce qui concerne l’eau, ils souhaitent développer l’analyse des métaux lourds. Ils disposent d’un appareil d’analyse financé par l’UNESCO et sont à la recherche de formations pour pouvoir l’utiliser.

Financement de l’Université

L’Université connaît une crise qui l’étouffe, le Ministère (Ramallah) donnait une subvention annuelle mais du fait de la situation (division politique et blocus) l’Université n’a pas pu toucher ces crédits. Cette Université ne dispose donc que des droits des étudiants comme ressource, la plupart des étudiants sont très pauvres, on ne peut donc pas espérer augmenter les droits pour améliorer la situation. Actuellement les dons et les aides du gouvernement de Gaza vont surtout sur les universités spécialisées, dans le cadre d’une politique clientéliste. Malgré cela le niveau des étudiants est très élevé, la recherche est présente (120 publications internationales) et les 20 meilleurs médecins sont issus d’Al Azhar.

Les bombardements de 2008 et 2012 n’ont pas été nombreux sur le site de Gaza même (quelques laboratoires touchés), mais les bâtiments d’agronomie situés à Beit Hanoun ont été intégralement détruits en 2008, soit 140 000 m2 d’installations comportant la ferme expérimentale du bétail (de très nombreux bovins et ovins sont morts) et les laboratoires de recherche. Les pays donateurs reconstruisent les infrastructures (ex donation du roi du Maroc pour la faculté d’Agronomie). En attendant les chercheurs travaillent dans des containers. Le projet du Centre d’astronomie devait être développé sur le site de Beit Hanoun, des expertises avaient jugé le site favorable. Mais tout a été détruit en 2008. La chaire UNESCO a toutefois été attribuée à l’un des chercheurs de ce centre.

Université islamique de Gaza

Cette très importante Université indépendante a été fondée en 1978 par les Frères musulmans. Les étudiantes doivent porter le voile et sont séparées en cours des étudiants. La recherche y est présente avec notamment 2 programmes Al Maqdisi (programmes de coopération avec la France). Elle a des coopérations avec des universités américaines, européennes et arabes.

L’Université accueille actuellement 21 000 étudiant(e)s, dans 11 facultés :

  • Médecine,
  • Professions de santé,
  • Sciences de la santé,
  • Ingénierie,
  • Technologie de l’information,
  • Science,
  • Commerce,
  • Éducation
  • Arts,
  • Études islamiques,
  • Lois et charia.

Cette université a été particulièrement touchée par les bombardements de l’opération « Plomb durci » de 2008. Ce sont principalement les bâtiments d’ingénierie qui disposaient de beaucoup d’équipements qui ont été détruits, dont 42 laboratoires pratiques. Immédiatement les autres universités de Gaza ont accueilli les étudiants pour des cours et enseignements pratiques. Ce fut une période très difficile car les enseignements étaient éclatés sur plusieurs sites et les équipements manquaient pour les formations pratiques, mais tous les cours ont été assurés. Dès la fin des attaques, la direction de l’Université a pris la décision de reconstruire les immeubles détruits. Un appel aux donateurs a été lancé pour reconstruire les laboratoires, des financements importants ont été obtenus de la Banque islamique et de la Banque mondiale. Mais l’État d’Israël a bloqué l’acheminement du matériel. Ce blocage a pu être contourné en utilisant les tunnels. Maintenant tout est reconstruit, le nouveau bâtiment est consacré aux sciences et à l’ingénierie. Les sciences de l’ingénieur devaient disposer d’un département indépendant, la construction d’un bâtiment nouveau avait commencé mais les Israéliens sont revenus le bombarder, il sera reconstruit ! L’Université a également le projet de créer un département de médecine dans un bâtiment indépendant qui devrait être construit dans les territoires libérés[2].

L’Université s’est vu décerner beaucoup de prix tels que le prix de la Banque islamique pour la recherche scientifique, le prix du campus « amis de l’environnement et du développement durable » etc. ce qui constitue, outre l’aspect honorifique, une aide financière importante.

Le centre IWAN a également subi des dommages importants : l’étage de l’immeuble qui abritait tous les ordinateurs a été entièrement détruit, les disques durs avec tout le fond documentaire ont été perdus. Cette destruction a eu beaucoup d’écho. Depuis le centre a repris ses activités et a reçu le Grand Prix Patrimoine arabe 2012 décerné par la Ligue arabe pour l’Éducation, la Culture et la Science (ALECSO).

L’Université assure 48 formations de Master réparties sur plusieurs départements. Du fait de la pauvreté de la population, l’Université fonctionne avec des droits universitaires réduits, son budget ne lui permet pas de développer des formations doctorales. Elle doit aussi concentrer les programmes sur les formations théoriques et les apprentissages sur ordinateurs du fait de l’impossibilité de financer les enseignements pratiques.

Universitaires rencontrés et demandes particulières

Hala Khozondar : travaille dans le domaine de l’ingénierie électrique, des nanotechnologies, le côté théorique des ondes, le développement des nouvelles technologies de la communication. Elle encadre les masters, suit un étudiant de master qui travaille sur l’énergie solaire en coopération avec la Finlande, un autre sur l’énergie éolienne en coopération avec l’Allemagne. Elle bénéficie d’un programme de coopération Al Maqdisi qui lui a permis de réaliser des travaux de recherche en France.

Kamal E.M. Elkhahlout (biotechnologies), chef du Département de sciences et biologie : ce Département délivre 4 diplômes (biotechnologie, bactériologie … licences et master). Il anime une équipe de recherche avec 4 PHD formés en Turquie, Afrique du sud et Malaisie. Il s’intéresse au développement des textiles d’usage agricole aux biotechnologies et aux cultures en hydroponique. Il est à la recherche de partenaires dans ces domaines pour monter un système pilote. Or il s’est heurté à la difficulté de trouver des partenariats car les bases de données disponibles ne semblent pas à jour, beaucoup de données se sont révélées fausses. Une aide pour trouver des partenaires serait donc très utile. Il souligne que le programme de Master coûte cher et souhaite voir développer les partenariats pour avoir sur place des formations de qualité. En effet, actuellement les étudiants doivent quitter la Palestine pour avoir de bonnes formations mais après leurs études, beaucoup ne rentrent pas. Or Gaza a besoin de gens bien formés sur place pour développer le pays.

Ahmed Muhaisen, chef du Département d’ingénierie archéologique et Mohamed El Kalout, président du Centre reconstruction d’héritage « IWAN[3] » du Département d’ingénierie archéologique. Le Département comporte 250 étudiants formés jusqu’au master. Il espère pouvoir développer d’autres masters spécialisés en architecture palestinienne. Côté recherche, un programme Al Maqdisi est en cours avec des experts français de l’INSA de Strasbourg et une coopération est en cours avec René Elter qui doit venir prochainement[4]. Ils manquent d’experts locaux. Ils insistent sur le peu de moyens qui ne permettent pas la nécessaire préservation des sites : même la France a cessé sa contribution et le gouvernement de Gaza a d’autres priorités. Il déplore les incursions de l’armée israélienne qui intervient avec des chars sur les vestiges des sites archéologiques. La reconnaissance de la Palestine à l’UNESCO puis à l’ONU a renforcé les difficultés sur le terrain.

On note une augmentation de l’intérêt des jeunes pour leur patrimoine. L’activité la plus importante est l’organisation en avril d’une semaine concernant la sauvegarde du patrimoine avec le 18 avril, la journée de l’Héritage national.

L’Université islamique est partenaire de coopérations avec la France dans le cadre des programmes Al Maqdisi. Parmi les universitaires rencontrés, deux sont impliqués dans ces programmes. De l’avis unanime le montant financier est jugé trop faible pour permettre de développer la recherche (5000 dollars sur 2 ans, soit le budget d’un Master). Mais leur appréciation est très positive, car ces programmes permettent des échanges essentiels avec la communauté universitaire hors Gaza et de venir travailler en France dans des laboratoires bien équipés.

Ils demandent à ce que nous passions des appels sur notre réseau pour trouver des partenaires en particulier dans le domaine des télécommunications, de la purification de l’eau et des cultures en hydroponique.

Université Al Aqsa

Université fondée en 1955 sous administration égyptienne en tant qu’Institut de formation des maîtres (objectif : former des professeurs de tous niveaux), cet établissement est devenu en 1991 une faculté gouvernementale d’éducation, puis en 2000, une Université de plein exercice sous le nom d’Al Aqsa. Elle est constituée de 2 campus l’un à Gaza et l’autre à Khan Yunis. En tant qu’Université gouvernementale, elle bénéficie de la prise en charge par le gouvernement des salaires des enseignants. Elle peut de ce fait pratiquer des droits d’inscription moins élevés. Actuellement, cette université compte 15 000 étudiant(e)s et regroupe 7 grandes facultés :

  • Sciences (chimie, mathématiques, biologie, physique, informatique, technologies et sciences appliquées),
  • Lettres et Sciences humaines (anglais, français, arabe, études islamiques, histoire, géographie, sociologie),
  • Médias (relations publiques, télévision, journalisme),
  • Beaux-arts (photographie, décoration, éducation artistique),
  • Éducation,
  • Éducation physique,
  • Administration et finances.

Visite au Département de français.

Nous avons été accueillis par le doyen de la faculté de Lettres et sciences humaines Dr. Nabeel Taha et par Ziad Medoukh, directeur du département, et ses collègues. Le Département de français a été ouvert en 2000 en coopération avec le Consulat général de France à Jérusalem. Il dispose d’une bibliothèque et d’un centre de ressources multimédia. Notre délégation apportait des dictionnaires et des livres, DVD et CD. Après les présentations nous avons pu discuter librement avec les élèves. Le Département nous est apparu très créatif et très actif, les élèves épanouis adorant le français et le parlant très bien (les interprètes qui nous ont accompagnés lors des visites étaient d’anciens étudiants du département). Nous avons été très impressionnés par un jeune étudiant qui après seulement un an et demi d’étude du français compose déjà des poèmes inspirés.

Potentiel et difficultés particulières des universités de Gaza

La Bande de Gaza dispose déjà d’un fort potentiel universitaire, d’un haut niveau d’éducation sans distinction de genre (beaucoup de femmes font des études universitaires) ceci résultant d’une volonté politique de résistance par la culture voulue par l’OLP et qui se maintient sous le gouvernement Hamas. L’enthousiasme des étudiants, très fiers de leurs campus, pour qui les études sont l’ouverture sur le monde, est communicatif. Mais, pour beaucoup il y a peu d’espoir de valoriser leurs acquis dans un débouché professionnel et ils en ont tout à fait conscience. La forte motivation des enseignants, leur détermination à être utiles à leur pays malgré les conditions très difficiles est impressionnante : ainsi en 2008-2009 aucun enseignement n’a été annulé et les examens ont été passés.

Pourtant les universités de Gaza connaissent non seulement les difficultés des universités palestiniennes, mais s’y ajoutent actuellement des difficultés spécifiques qui résultent principalement du blocus et des destructions mais aussi de la division du pouvoir politique.

Conséquences du blocus et des attaques

Obstacles à la circulation des personnes

La vie universitaire à Gaza a été sévèrement affectée depuis les restrictions à la circulation des personnes et des biens mises en place par Israël suite aux accords d’Oslo (construction de la barrière de sécurité) et renforcées en 2006 par un blocus de fer[5]. Ainsi, les universitaires de Gaza ne peuvent pratiquement plus se rendre à des invitations à l’étranger ou même en Cisjordanie et les universitaires étrangers venir dans les universités de Gaza. Entre 2000 et 2005[6] la participation des universitaires palestiniens de Gaza à des rencontres extérieures avait diminué d’environ 75 %. Les étudiants, même boursiers, peuvent se voir refuser de sortir. Depuis 2006, le nombre de sujets de thèse déposés dans des universités étrangères a diminué de moitié et 25 doctorants gazaouis sur 128 inscrits en thèse ont pu se rendre à l’étranger pour leur soutenance.

Problèmes d’infrastructures

En 2008, les forces aériennes israéliennes ont détruit 6 bâtiments universitaires dont deux bâtiments de l’Université islamique de Gaza (sciences de l’ingénieur et centre IWAN d’archéologie), la ferme pilote (140 000 m2), les bâtiments du futur centre d’astronomie de l’université Al Azhar à Beit Hanoun et un bâtiment du CST de Khan Yunis. De nouvelles destructions ont eu lieu en novembre 2012. Tous ces bâtiments n’ont pu être reconstruits. De plus le nombre croissant d’étudiants nécessite des extensions ou créations de nouveaux bâtiments. Israël interdisant ou limitant fortement l’entrée des matériaux de construction dans Gaza, ces matériaux transitaient par le Sud de Gaza, or les tunnels ont été noyés et le passage de Rafah est quasiment fermé. Les constructions sont bloquées.

Problèmes d’équipements

Du fait du blocus les établissements de Gaza rencontrent des problèmes d’approvisionnement en matériels et équipements adéquats. L’obsolescence du matériel ou son absence affecte largement les enseignements pratiques et la recherche.

Problèmes de fonctionnement

Liés principalement aux coupures de courant (actuellement 8h. voire 4h. de courant par 24h.) :

  • arrêt d’un grand nombre d’instruments scientifiques ;
  • annulation de cours ou de travaux de laboratoire utilisant des outils de démonstration pilotés par ordinateur, des appareils de mesure etc… ;
  • entrave au fonctionnement des services administratifs ;
  • entrave aux communications et visio-conférences.

Problèmes liés à l’état général de pauvreté causé par le blocus

La paralysie économique rend maintenant 80 % de la population dépendante d’aides internationales, certains établissements ne disposent plus que des droits d’inscription comme seule ressource et ne peuvent les augmenter du fait de l’appauvrissement général des familles. Cela touche l’enseignement supérieur de plusieurs façons :

  • hausse du taux d’étudiants abandonnant les études ;
  • apparition de problèmes psychologiques chez les étudiants ;
  • incapacité des universités à payer les salaires régulièrement ;
  • manque d’argent pour le matériel pédagogique ;
  • incapacité des universités à souscrire les abonnements aux bases de données, aux publications scientifiques ;
  • incapacité des universités à apporter un appui financier aux travaux de recherche.

Tout ceci rejaillit aussi sur la recherche scientifique, les chiffres sont éloquents : ainsi en 2006, 427 publications ont été comptabilisées contre seulement 54 ces 2 dernières années !

Conséquences de la division politique

Depuis 2007, le pouvoir est divisé entre l’Autorité palestinienne et le gouvernement de Gaza. Les pays donateurs européens ne versent leurs aides qu’à des ONG. Ceci pousse au développement d’un clientélisme qui creuse les inégalités entre établissements. Ainsi l’Université Al Azhar, 2ème en importance à Gaza, est en grande difficulté car la dotation annuelle de l’Autorité palestinienne n’est plus versée. À cela s’ajoute des pressions sur les universités laïques.

Conclusion

 J’ai été frappée par la forte motivation, le grand enthousiasme des étudiants, leur envie d’apprendre leur désir de s’ouvrir sur le monde par la connaissance et par la résolution des universitaires rencontrés à assurer leurs missions même dans les pires conditions.

La volonté de la puissance occupante de briser cette résistance par la culture est manifeste. C’est un véritable boycott académique qui est en œuvre à Gaza. Ce blocus illégal et inhumain doit cesser.

Notes:

[1]  Evelyne DUVAL est Secrétaire générale du Collectif interuniversitaire pour la coopération avec les universités palestiniennes (CICUP). Avec son aimable autorisation nous reprenons ici de larges extraits du compte-rendu de son voyage dans la Bande de Gaza publié dans La lettre du CICUP, n°34, mars 2014.

[2] Ces territoires correspondent à ceux occupés par les colons israéliens avant 2005.

[3] Le centre IWAN vise à préserver l’héritage architectural de la société palestinienne, des programmes de formation archéologique en partenariat avec la France forment des ouvriers et des étudiants palestiniens en Archéologie ou dans le domaine de la préservation du patrimoine (cours de culture et techniques de restauration : mozaïques, sculpture sur bois et pierre, peintures…)

[4] René Elter est archéologue à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem et chercheur associé à l’Université de Lorraine. Il a mené la mission de restauration du site de Umm El Amer à Gaza, et travaille depuis 2001 à sa protection et à sa valorisation avec le soutien notamment du Consulat général de France à Jérusalem. En outre, il organise des programmes de formation archéologique en partenariat avec l’Université islamique de Gaza afin de former des ouvriers et des étudiants palestiniens en Archéologie ou dans le domaine du patrimoine.

[5] Le blocus décrété en 2006 suite à l’enlèvement d’un soldat israélien, a été renforcé en juin 2007 suite à la prise de contrôle de la Bande de Gaza par le Hamas. Il est terrestre, maritime et aérien. Il touche, outre la circulation des personnes, l’approvisionnement en carburant, en électricité, importations et exportations de matériaux, l’accès aux ressources, et même l’aide alimentaire et les médicaments. Il conduit à de graves menaces sur l’hygiène, la santé, l’approvisionnement en eau, et paralyse toute vie économique. C’est une véritable punition collective imposée à une population civile.

[6] Selon le Ministère de l’enseignement supérieur palestinien.