Les extraits suivants d’un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) permettent d’établir un aperçu de la situation sanitaire à Gaza et en Cisjordanie au printemps 2014, c’est-à-dire avant l’opération « Bordure protectrice » qui a frappé Gaza au cours de l’été suivant.
Situation sanitaire dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et dans le Golan syrien occupé[1] – Rapport du Secrétariat
Aperçu général
On continue d’observer des restrictions à la liberté de circulation, notamment le blocus de la Bande de Gaza, la présence de postes de contrôle et de barrages en Cisjordanie, et le régime des permis de voyage. Quatre des 14 postes de contrôle autour de Jérusalem sont accessibles aux Palestiniens munis d’un permis qui n’habitent pas la ville ; Jérusalem est coupée du reste de la Cisjordanie par un mur depuis 2006[2]. Pour pouvoir accéder aux soins de santé, 14,3 % de la population palestinienne de Jérusalem, qui est de 404 165 habitants, doit franchir le mur[3].
Le Ministère palestinien de la Santé, l’UNRWA et les organisations non gouvernementales assurent ensemble une large couverture géographique en ce qui concerne la santé publique et les services de soins de santé primaires à but non lucratif, notamment les services de prévention et de vaccination. Mais la charge pour les ménages est élevée (39,8 % des dépenses de santé sont supportées par la population générale) et les deux tiers des dépenses de santé sont dus aux soins curatifs[4]. Les restrictions imposées à la liberté de circulation des patients, du personnel soignant et des marchandises ont entravé le fonctionnement et le développement du système de santé. Ces dernières années, le fonctionnement du Ministère de la Santé, principal dispensateur de soins, a été gravement compromis par la crise financière qui touche l’Autorité palestinienne. La capacité du Ministère de la Santé d’assurer un approvisionnement adéquat en médicaments essentiels et produits médicaux jetables s’en est trouvée réduite ; le Ministère a indiqué qu’en 2013, dans la Bande de Gaza, en moyenne 29 % des médicaments essentiels et 52 % des produits médicaux jetables étaient en rupture de stock. Si les cas orientés ont augmenté de 10 % par rapport à 2012 – en partie à cause de la pénurie de médicaments –, la crise financière a également conduit à une augmentation des montants dus aux hôpitaux spécialisés pour les soins aux malades orientés vers ces établissements, de l’intérieur ou de l’extérieur du territoire palestinien occupé.
Le Ministère de la Santé gère quatre niveaux différents de centres de soins de santé primaires selon la taille de la population et la demande prévue, mais la répartition aussi bien des composantes des services que des ressources humaines dans le cadre du système reste inéquitable. Le modèle actuel est dépassé, les services offerts suivant l’approche verticale axée sur les maladies et visant principalement les grands défis sanitaires du passé, à savoir les maladies transmissibles, la mortalité maternelle et la mortalité de l’enfant. Les principales causes de décès sont les maladies cardiovasculaires, le cancer, les maladies cérébrovasculaires et le diabète, reflétant ainsi la prévalence marquée des maladies non transmissibles et des facteurs de risque de ces maladies. Il ressort des données disponibles que les comportements néfastes commencent très tôt[5].
Principaux domaines dans lesquels l’OMS fournit un appui au Ministère palestinien de la Santé
L’OMS et le Ministère palestinien de la Santé poursuivent depuis un certain temps un dialogue sur la modernisation du système de soins de santé primaires sur la base d’un modèle de médecine familiale. En septembre et octobre 2013, en collaboration avec le Ministère de la Santé, l’OMS a procédé à une analyse complète de la situation du système actuel de soins primaires qui doit servir de base aux transformations nécessaires. Les maladies non transmissibles constituent une préoccupation essentielle de santé publique dans le territoire palestinien occupé. L’OMS a aidé le Ministère de la Santé à mettre en œuvre l’ensemble des interventions essentielles pour lutter contre les maladies non transmissibles dans le cadre des soins de santé primaires. Les interventions visent à améliorer l’accès des malades à des soins de bonne qualité fondés sur des bases scientifiques en privilégiant la proximité. Entre janvier 2013 et 2014, l’ensemble d’interventions a été introduit avec succès dans trois districts pilotes. Le Ministère de la Santé et l’OMS s’efforcent actuellement d’élargir la mise en œuvre de l’ensemble d’interventions à tous les districts.
En 2013, l’OMS a continué de collaborer étroitement avec le point focal du Ministère de la Santé pour la lutte antitabac, en mettant l’accent sur la sensibilisation de la population aux dangers du tabagisme. Avec un appui technique de l’OMS, le Ministère de la Santé a conduit une campagne dans les médias sur le thème « J’ai le droit de vivre dans un monde sans tabac ». L’OMS a également aidé le Ministère de la Santé et le Ministère de l’Éducation à sensibiliser plus de 12 000 étudiants des écoles secondaires par un concours en ligne visant à améliorer leurs connaissances sur les questions sanitaires et sociales liées au tabac.
Avec l’appui du Gouvernement norvégien, l’OMS a continué d’apporter son soutien à la création d’un institut national palestinien de santé publique. En 2013, l’équipe du projet a poursuivi l’application de plusieurs recommandations de l’évaluation qualitative du registre des causes de décès ; entrepris une description détaillée du registre du cancer ; établi un projet de rapport sur l’examen systématique de la qualité de l’eau et de la santé dans la Bande de Gaza ; établi le tableau de gestion hospitalière en le présentant aux directeurs des établissements de Cisjordanie et de la Bande de Gaza pour qu’ils puissent l’utiliser ; achevé et imprimé la stratégie nationale du système d’information sanitaire et le rapport d’évaluation du système d’information sanitaire ; et entrepris les activités nécessaires en vue de la mise en place d’un registre national des accidents de la circulation routière.
L’OMS applique actuellement un projet triennal d’appui à la santé mentale et d’appui psychosocial. Le projet constitue la deuxième phase d’une initiative financée par l’Union européenne visant à renforcer les soins de santé mentale dans le territoire palestinien occupé. Au cours des 10 dernières années, l’OMS a aidé le Ministère palestinien de la Santé à mener à bien la réforme des services de santé mentale en passant d’un système fondé sur les soins en établissement psychiatrique à un système fondé sur les soins dans la communauté et la réadaptation. En 2013, l’OMS a aidé le Ministère de la Santé à élaborer un projet de plan de ressources humaines pour les professionnels de la santé mentale et une politique opérationnelle pour les centres de santé mentale communautaires. Les professionnels de la santé mentale ont été formés à la thérapie cognitivo-comportementale et à la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent. La santé mentale a été entièrement intégrée aux soins de santé primaires dans deux districts de la Bande de Gaza. Dans le cadre de cet effort, la population générale et les professionnels de la santé ont disposé d’un éventail d’activités de formation au niveau communautaire et de sensibilisation aux droits des usagers, grâce à leur entourage et à des associations familiales.
À l’appui des activités contre le VIH/sida et avec les subventions fournies par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’OMS a continué d’apporter ses conseils techniques au groupe thématique des Nations Unies sur la tuberculose et le VIH/sida en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. En ce qui concerne le VIH/sida, l’OMS a entrepris la première enquête biocomportementale chez les utilisateurs de drogues injectables en Cisjordanie en 2013. Elle vise à comprendre le schéma épidémiologique du VIH/sida dans ce cadre à faible prévalence, suivant une enquête du même type effectuée en 2010 à Jérusalem dans un contexte social différent. L’OMS a également fourni un éventail de services d’appui pour le renforcement des capacités en matière de conseil et de tests volontaires, de traitement antirétroviral et d’observance du traitement. Le Ministère de la Santé a intégré le traitement du VIH/sida dans les services de soins de santé primaires des gouvernorats de Ramallah et de la Bande de Gaza, et offre désormais les soins bucco-dentaires dans son centre spécial de Ramallah. Une mission technique d’un expert international extérieur a suivi les patients sur le plan clinique pour veiller à ce que les normes de traitement et de soins de l’OMS continuent d’être utilisées. Une étude de recensement sur la tuberculose a également été effectuée dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie. Il s’agissait de déterminer : a) dans quelle mesure les cas de tuberculose étaient notifiés par le programme national de lutte contre la maladie ; b) le niveau de confirmation des cas de tuberculose dans le pays ; et c) l’étendue du problème de la détection incomplète des cas de tuberculose en raison de problèmes de sous-notification et de sous-diagnostic. Une enquête de dépistage a également été effectuée chez les Bédouins en Cisjordanie.
Avec l’appui de l’Union européenne, l’OMS cherche à améliorer la qualité des services hospitaliers dans les six centres d’orientation médicale spécialisés de Jérusalem-Est appartenant au réseau des hôpitaux de Jérusalem-Est. L’OMS collabore avec les hôpitaux pour renforcer les capacités locales dans les domaines de la prise en charge de qualité, de la gestion des risques, de la sécurité des installations et de la prévention des infections. Il s’agit de veiller à ce que les normes dans tous les hôpitaux soient ratifiées en fin de compte par la Joint Commission International, l’organe international responsable de l’agrément des hôpitaux sur la base de la qualité des soins. En 2013, les deux premiers hôpitaux ont obtenu l’agrément de la Commission. L’OMS a aidé le réseau à mettre au point une stratégie quinquennale durable avec un plan de travail. Des comités du réseau ont été établis pour faciliter la coordination et la collaboration ainsi que des activités communes. Depuis décembre 2013, le réseau a été inscrit comme organisme officiel, ce qui lui permettra de nommer des membres du personnel, de s’engager dans des initiatives communes et de procéder à des appels de fonds.
L’OMS, en collaboration avec le Ministère palestinien de la Santé, cherche à améliorer le système de fourniture de services du Ministère. Un point focal pour l’amélioration de la qualité et la sécurité des patients a été nommé dans chacun des hôpitaux de district et au département des soins de santé primaires. Une équipe nationale a reçu en Jordanie une formation sur l’Initiative pour la sécurité des patients à l’hôpital. Cette équipe collaborera avec le point focal national de la sécurité des patients pour former des agents hospitaliers des secteurs public et non gouvernemental, procéder à des évaluations initiales et veiller au suivi régulier sur la mise en œuvre avec les établissements participant au réseau. Jusqu’ici, trois hôpitaux (deux établissements publics et un non gouvernemental) ont commencé à appliquer l’Initiative de la sécurité des patients à l’hôpital. En 2014, on prévoit que tous les hôpitaux publics de Cisjordanie, un hôpital public de la Bande de Gaza et un hôpital non gouvernemental de Cisjordanie commenceront à appliquer l’Initiative.
L’OMS continue d’aider le Ministère de la Santé à renforcer sa capacité institutionnelle ainsi que le système de santé national. L’OMS a aidé le Département des politiques et de la planification du Ministère à conduire le processus de planification national de la santé et à élaborer la stratégie nationale de la santé pour 2014-2016. L’OMS collabore aussi avec cette équipe pour institutionnaliser un dispositif de suivi et d’évaluation devant renforcer la responsabilisation de toutes les parties prenantes du secteur de la santé, en particulier le Ministère de la Santé et la communauté des donateurs. Afin d’améliorer la planification des ressources humaines et l’élaboration des politiques, l’OMS aide le Ministère de la Santé à mettre sur pied un observatoire des ressources humaines. À la fin 2013, une délégation palestinienne a participé à un voyage d’étude pour suivre la mise en œuvre de l’observatoire des ressources humaines au Ministère de la Santé à Khartoum. Pour appuyer les améliorations du financement national de la santé, l’OMS a collaboré avec le Ministère de la Santé afin d’assurer la mise au point définitive de l’outil OMS d’évaluation du financement de la santé.
Avec des subventions du gouvernement suisse, l’OMS intervient dans le domaine de la sensibilisation afin : d’améliorer la qualité des données concernant les indicateurs liés aux droits de l’homme et les déterminants sociaux de la santé ; de suivre les questions humanitaires essentielles affectant le secteur de la santé publique ; et d’assurer une action de plaidoyer avec les juristes et auprès d’eux concernant le droit international humanitaire et les droits de l’homme. Les obstacles à l’accès des patients de Cisjordanie et de la Bande de Gaza aux hôpitaux de Jérusalem-Est, qui sont les principaux centres d’orientation du secteur tertiaire, constituent un problème majeur au même titre que les obstacles à l’accès des ambulances, du personnel hospitalier et des étudiants en médecine et en soins de santé de Cisjordanie. En 2013, 38 083 patients de Cisjordanie et de la Bande de Gaza ont été orientés par le Ministère palestinien de la Santé vers des hôpitaux de Jérusalem-Est, d’Égypte, d’Israël et de Jordanie. La même année, 20,5 % des demandes de permis de voyage pour un traitement médical présentées au nom de malades de Cisjordanie et 12,0 % des demandes présentées au nom de malades de la Bande de Gaza ont été refusées ou sont restées sans réponse[6]. Pour la Bande de Gaza, ce taux représente une augmentation de 60 % par rapport à 2012. L’OMS a également effectué des démarches auprès du Ministère de la Santé et de la communauté humanitaire concernant la pénurie de médicaments essentiels, de produits médicaux jetables et de carburant dans la Bande de Gaza[7] et auprès du Gouvernement israélien concernant l’accès des détenus palestiniens aux services de soins.
Dans le cadre du Partenariat des Nations Unies visant à promouvoir les droits des personnes handicapées, l’OMS a commencé sa collaboration avec cinq autres institutions du système des Nations Unies pour intégrer la question des droits des handicapés dans les organismes concernés et auprès de leurs homologues dans les ministères palestiniens, dont le Ministère de la Santé. Le projet a été lancé en janvier 2014 avec l’appui du Coordonnateur humanitaire des Nations Unies pour les territoires palestiniens occupés.
L’OMS continue de diriger le Secteur Santé et Nutrition qu’elle préside en compagnie du Ministère de la Santé. Le Secteur offre une plate-forme pour la coordination et le partenariat communs visant à renforcer la capacité collective de répondre de manière efficace aux besoins sanitaires et humanitaires. Le Ministère de la Santé et 30 organisations d’action sanitaire et humanitaire du système des Nations Unies, des organisations non gouvernementales et des secteurs public et privé participent aux activités du Secteur. Les partenaires apportent les soins de santé primaires essentiels et des services de nutrition aux communautés vulnérables dont l’accès est limité. L’OMS organise des réunions mensuelles avec les partenaires pour examiner les questions d’action sanitaire et humanitaire, définir les lacunes et satisfaire les besoins en vue d’une meilleure action coordonnée.
Avec le Ministère de la Santé et les partenaires du Secteur Santé et Nutrition, l’OMS a mis au point une vue d’ensemble des besoins humanitaires pour 2014. Celle-ci analyse la situation sanitaire et humanitaire et met en évidence les besoins prioritaires, les communautés et groupes vulnérables, ainsi que les obstacles et difficultés d’accès aux services de santé essentiels dans les zones suivantes : Bande de Gaza, périphérie de Jérusalem-Est, zone C en Cisjordanie, zones militaires fermées et « zone de jointure ». Sur cette base, le Secteur Santé et Nutrition a pu élaborer son plan d’action stratégique pour 2014 dont les principaux objectifs sont les suivants : assurer l’accès des communautés vulnérables à des services de santé essentiels abordables et de bonne qualité, et l’orientation des victimes d’actes de violence vers des organisations de protection et des services de sensibilisation ; et veiller à ce que les communautés vulnérables soient mieux préparées pour faire face aux conséquences des catastrophes naturelles ou dues à l’homme, actuelles ou potentielles.
En tant que chef de file du Secteur Santé et Nutrition et fournisseur en dernier recours, l’OMS a continué à chercher à réduire la pénurie de médicaments indispensables à la survie et de produits médicaux jetables. Elle a en outre contribué à combler certaines des lacunes dans l’approvisionnement des produits pharmaceutiques et a continué à aider à coordonner l’importation de dons de fournitures médicales à la Bande de Gaza. L’Organisation a également fourni une assistance technique nécessaire d’urgence, du matériel médical et des pièces de rechange nécessaires pour l’entretien, la réparation et l’amélioration du matériel existant, en particulier les générateurs et le matériel médical endommagés à la suite des interruptions de courant fréquentes causées par la pénurie de carburant. .
Notes:
[1] Organisation mondiale de la santé (OMS), Soixante-septième assemblée mondiale de la santé, point 19 de l’ordre du jour provisoire, A67/41, 17 avril 2014.
[2] Factsheet du Bureau des Nations Unies pour la coordination des Affaires humanitaires, actualisé en février 2014.
[3] Sur le site du Bureau central palestinien de statistiques : http://www.pcbs.gov.ps/Portals
[4] Bureau central palestinien de statistiques, site cité.
[5] Global school-based student health Survey, sur le site : http://www.who.int/chp/gshs/2010_GSHS_FS_Gaza_and_West_Bank.pdf
[6] OMS, « Right to health : barriers to health access in the occupied Palestinian territory », Genève, 2014.
[7] Sur le site : http://www.emrto.who.int/palestine-news/who-expresses-concern-over-the-gaza-humanitarian-health-crisis.html