I. Un accès difficile à la terre pour les Palestiniens
Victimes d’une dépossession répétée de leurs terres, les Palestiniens voient les possibilités de développement du monde rural se réduire sous la pression de l’occupation et de l’immigration israélienne.
Avant 1947, cette immigration en Palestine mandataire s’est traduite par des achats de terres au profit des immigrants, effectués de manière privée par des personnes physiques ou morales ou par le Fonds national juif (FNJ). Dans une certaine mesure, ces achats devenaient irréversibles pour les vendeurs palestiniens. Ainsi les statuts du FNJ (aujourd’hui propriétaire d’environ 13 % du patrimoine foncier israélien) précisent-ils que les terres acquises sont « la propriété perpétuelle du peuple juif », ce qui interdit leur cession ou même leur location à un Palestinien, fut-il même « Palestinien d’Israël », c’est-à-dire Palestinien demeuré sur le territoire israélien après 1949. À la fin de 1944, ces achats avaient porté sur 149 170 hectares (ha.), dont 87 % de terres agricoles, soit de l’ordre du quart de la surface agricole utile du territoire de l’État d’Israël défini à partir des lignes du cessez le feu de 1949 (la « ligne verte »)[1].
Après la proclamation de l’État d’Israël en 1948 et le départ massif de la population palestinienne (la Naqba), la pression exercée pour l’appropriation des terres palestiniennes sur le territoire israélien est devenue plus vive. Aux achats de terres évoqués précédemment se sont ajoutées diverses procédures juridiques permettant une extension rapide du domaine foncier public (expropriations ou occupation des terres devenues vacantes du fait de l’exil de leurs anciens propriétaires, incapables de faire valoir leurs droits puisqu’interdits de retour). Au final les « Palestiniens d’Israël » ne sont propriétaires aujourd’hui que de 3,5 % du patrimoine foncier israélien[2].
Après 1967, l’occupation par l’État d’Israël de la Cisjordanie (précédemment annexée par la Jordanie) et de Gaza (précédemment sous administration égyptienne)[3] place ces territoires (les « territoires occupés ») sous la responsabilité de cet État. Cette responsabilité porte d’abord sur la sécurité avec pour effet des expropriations pour l’établissement d’espaces nécessaires pour assurer cette sécurité (bases militaires, zones réglementées) et surtout des territoires interdits aux Palestiniens. Elle conduit également à placer ces territoires sous la juridiction d’Israël, avec pour effet une superposition de dispositions juridiques d’origines différentes (héritages du Droit ottoman, du Droit britannique, du Droit jordanien [ou égyptien à Gaza] et du Droit israélien), traduisant les nombreuses mutations historiques qu’a connues la région. Ce pluralisme institutionnel a facilité une extension du domaine foncier administré par la puissance occupante. Diverses procédures ont été mises en œuvre. Les terres (et maisons) abandonnés par des propriétaires palestiniens ayant fui au cours de la guerre ont été prises en charge par des curateurs nommés par les autorités militaires de la puissance occupante, leur donnant tous pouvoirs de vendre ou louer ces biens. En 1979, de l’ordre de 430 km2 de terres ont ainsi saisies en Cisjordanie[4]. Les terres, antérieurement propriété « d’un État hostile » (donc terres du domaine public jordanien avant 1967), mesure élargie ensuite à celles qui étaient propriété d’une société ou d’une organisation relevant d’un même État hostile, ont été classés en « terres domaniales », également administrées par des curateurs. Au début des années 1990, de l’ordre de 1 800 km2 de terres (34 % de l’ensemble cisjordanien) seraient ainsi entrées dans le domaine public de la puissance occupante. Il convient d’ajouter à ces procédures, les expropriations pour cause d’utilité publique, principalement pour la construction de routes, supervisées par les autorités militaires (au début des années 1990, de l’ordre de 50 à 100 km2 de terres en Cisjordanie devenant terres d’État de la puissance occupante) et les achats de terres effectués par des personnes physiques ou morales israéliennes autorisées par le Ministre de la Défense[5]. La confiscation des terres pour raison de sécurité (héritée de la loi britannique en vigueur pendant le « mandat ») a donné à l’occupant le droit de prendre possession de terrains sans faire disparaître les droits de propriété, les propriétaires étant seulement empêchés d’y accéder à moins que de recevoir une autorisation. Lorsque celles-ci n’étaient pas renouvelées, ces terres tombaient sous le coup de la législation d’origine ottomane prescrivant la confiscation des terres continuellement non cultivées depuis au moins trois ans. En 1979, le Ministère israélien de la Défense estimait à 61 km2 la surface ainsi confisquée en Cisjordanie[6]. À ces mesures de prise de possession des terres s’ajoutent les restrictions à l’usage de celles-ci, pour des raisons de sécurité ou d’aménagement. Ainsi en est-il des « zones fermées », où l’accès est interdit à toute personne ne disposant pas d’une autorisation spéciale[7], et des « zones de combat », réservées à l’usage de l’armée d’occupation pour ses exercices, où la sécurité des biens et personnes civiles ne saurait être assurée. Dans les années 1980, de l’ordre de 111 000 km2 de terres cisjordaniennes seraient soumises à de telles restrictions[8]. Les autorités militaires de la puissance occupante ont de plus le pouvoir de définir des « zones de sécurité », autour des camps militaires, des routes et des colonies, au sein desquelles le droit de construire des Palestiniens est restreint (soumis à autorisation) ou interdit. En Cisjordanie, les surfaces ainsi concernées atteindraient 880 km2. La constitution de « réserves naturelles », décidée par les autorités de la puissance occupante, impose une autorisation préalable délivrée par l’autorité militaire à la mise en culture des terres incluses dans le périmètre de ces réserves[9]. La surface ainsi concernée serait, en Cisjordanie dans les années 1990, de l’ordre de 340 km2. Cette prise de contrôle des terres cisjordaniennes a largement favorisé les flux migratoires depuis Israël vers ces territoires occupés, principalement en Cisjordanie, à travers l’établissement de « colonies », autorisées par les autorités israéliennes ou simplement de fait.
Les accords d’Oslo (second accord intérimaire du 28 septembre 1995), conclus entre le gouvernement israélien d’Yitzhac Rabin et l’Organisation pour la libération de la Palestine de Yasser Arafat, ont conduit à un émiettement et une discontinuité des territoires occupés, partagés entre une zone A sous administration complète de l’Autorité palestinienne (AP), comprenant aujourd’hui les grandes villes palestiniennes soit 55 % de la population et 20 % du sol de la Cisjordanie, une zone B où la puissance occupante conserve la responsabilité en matière de sécurité alors que l’AP est responsable en matière civile, comprenant les villages palestiniens, soit aujourd’hui 18 % de la Cisjordanie, et une zone C placée sous le contrôle exclusif de la puissance occupante, couvrant 62 % du territoire cisjordanien. Au lendemain des accords, l’établissement de nouvelles colonies a été multiplié. Mesurée à partir du nombre de colons installés en Cisjordanie, cette extension de la colonisation est impressionnante, tout comme son ampleur après 1993. D’un total de 10 608 colons résidants en Cisjordanie, Jérusalem-Est compris, en 1972, on passe à 111 000 colons, ruraux et urbains, établis en Cisjordanie, hors Jérusalem-Est, en 1993, à 193 000 en 2000 et de l’ordre de 375 000 en 2014[10], alors que le nombre d’implantation de colonies, rurales ou urbaines, est proche de 250 en 2014. La multiplication des colonies rurales a bénéficié de l’agrandissement du domaine public foncier puisque, depuis 1978, les terres utilisées par ces colonies doivent provenir de ce domaine. La localisation de ces colonies a, par ailleurs, accentué les effets de la discontinuité spatiale en isolant davantage les villes et villages palestiniens des zones A et B, souvent séparés les uns des autres par ces implantations. La recherche de « corridors sécurisés » reliant les colonies à la ville et entre elles a conduit également à des déplacements de population palestinienne. La réalisation du corridor E1 reliant Jérusalem-Est à la colonie de Ma’ale Adumim[11] en est un bon exemple. Il occupe une surface d’environ 12 km2 et isole de l’ordre de 48 km2 de terres palestiniennes. Les habitants logés dans la zone occupée par E1 ont reçu un ordre d’expulsion. Leur relogement, prévu par la puissance occupante, devrait se faire à Al-Jabal et sur deux sites à édifier près de Jéricho, dans la vallée du Jourdain. Dans la pratique, il s’agit de reloger des communautés palestiniennes nomades ou d’éleveurs dans ce qu’ils considèrent comme de véritables townships au risque de briser leur univers culturel, leur économie et leurs réseaux commerciaux et sociaux. La perspective de ce déplacement suscite les réactions significatives des intéressés. « Nous voulons vivre dans le désert. À Nuweimeh [un des sites prévus pour le relogement], y aura-t-il une place pour nous : une mauvaise économie, un manque d’équipement scolaire et pas de place pour nos animaux » précise l’un d’eux, un autre ajoutant : « Vous ne pouvez pas simplement nous installer dans une ville. Quelle serait notre place dans la société palestinienne ? On ne change pas un berger en avocat ou ingénieur[12] ». Ces communautés restent aujourd’hui dans leur habitat d’origine attendant les résultats des recours juridiques qu’elles ont posés, restant toujours sous la menace d’une expulsion.
Le renforcement des mesures de sécurité de la puissance occupante à l’occasion des Intifadas (extension des « périmètres de sécurité » par saisies de terrains, interdiction de la circulations des Palestiniens sur certains axes, multiplication des points de contrôle), la construction du mur de séparation à partir de 2002[13] ont accentué à la fois les pressions sur la terre et les entraves à la circulation des biens et des personnes. Ainsi, dans certaines régions, le tracé du mur ne correspond pas à la « ligne verte » de sorte que sa construction, non seulement implique la saisie des terres nécessaires à son édification (sur une largeur allant de 40 à 150 mètres) mais isole les parcelles palestiniennes qui se situent de l’autre côté de ce mur. Dans ce dernier cas les propriétaires de celles-ci doivent demander aux autorités occupantes un permis de passage qui les soumet à l’arbitraire de ces autorités et ne leur épargne pas les détours pour atteindre les points de passage et les délais pour franchir ces points qui sont également des points de contrôle. Faute de ces permis, ces propriétaires n’ont d’autre recours que d’essayer de vendre ces parcelles.
L’exemple de la région de la vallée du Jourdain et du nord de la Mer morte peut être jugé excessif en raison de l’ampleur des prises de contrôle de la puissance occupante sur les terres palestiniennes, justifiées souvent par la place stratégique qu’occupe la région dans la défense d’Israël (à la frontière entre Cisjordanie et Jordanie). L’étude faite en 2010 par l’organisation non gouvernementale israélienne B’Tselem[14] donne pourtant un aperçu précis des restrictions apportées à l’accès à la terre des Palestiniens. Cette région (Nord et centre de la vallée du Jourdain et Nord de la Mer morte) couvre 1 611,7 km2, classée à 87,5 % en zone C. Sa population, en 2010, comprend 64 451 Palestiniens (dont 51 217 habitant Jéricho, sa périphérie et dans 16 villages), 9 354 citoyens israéliens résidant dans 37 colonies (dont 7 non autorisées) et environs 15 000 membres de petites communautés bédouines sans établissement fixe.
Sur les 1 611,7 km2 de la région, B’Tselem estime que 1 249 km2, soit 77,5 % de la superficie de la région, sont devenus inaccessibles ou d’accès restreint pour les Palestiniens, soit parce que la propriété leur en échappe (terres entrées dans le domaine public de la puissance occupante ou confiées à l’administration municipale des colonies), soit en raison des limitations imposées par le classement des terres en « zone de combat » ou en « réserves naturelles », soit par des obstacles en interdisant ou en gênant l’accès (tracé du « mur » ou champs de mines). Le tableau 1 rend compte des surfaces concernées. Du fait du chevauchement du statut des terres et du genre de restriction qui les concerne (par exemple terres du domaine public également classées en « zone de combat ») le total des différentes superficies n’est pas égal aux 1 249 km2 avancés par B’Tselem qui figurent en bas du tableau.
Tableau 1 : Surfaces interdites ou d’accès limité aux Palestiniens dans la région vallée du Jourdain et du Nord de la Mer morte
Type de restriction | Surface concernée (en km2) |
Aire de gestion municipale des colonies | 191,4 |
Terres propriété du domaine public de la puissance occupante | 861,4 |
Terres classées en « zones de combat » | 736,4 |
Terres classées en « réserves naturelles » | 317,9 |
Champs de mines | 16,9 |
Terres rendues d’accès difficile du fait du mur | 2,5 |
Total | 1249,0 |
Source : B’Tselem, étude citée, 2011
Tableau 2 : la surface agricole utilisée en 2010-2011
Gaza | Cisjordanie (vallée du Jourdain et nord de la Mer morte inclus) | ensemble | |
Superficie totale (en km2) | 365,0 | 5655,0 | 6020,0 |
Surface cultivée (en km2) | 105,5 | 929,4 | 1 034,9 |
Dont : arboriculture (en km2) | 47,5 | 612,5 | 660,0 |
Dont : culture de légumes (en km2) | 33,7 | 95,9 | 129,6 |
Dont : culture de plein champ (en km2) | 24,5 | 220,9 | 225,4 |
Source : Bureau central de statistiques palestinien
Les 37 colonies, dont certaines sont anciennes, Mehola et Argaman fondés en 1968, Massu’a et le kibboutz de Gilgal en 1969, disposent ainsi d’une superficie de 191,4 km2, dont elles assurent une gestion municipale. Sur cette surface, 6,6 km2 sont occupés par les espaces d’habitation. La surface agricole utilisée à des fins de culture (à l’exclusion des zones pastorales) par ces colonies est estimée à 32 000 ha.[15] dont la moitié affectée à la production arboricole (dattes).
Les restrictions dans l’accès à la terre que nous venons d’évoquer, combinées à d’autres difficultés telle que des accès insuffisants à l’eau, débouchent sur la régression des activités agricoles. L’étude de B’Tselem cite l’exemple du village palestinien d’al-Aloja où la surface agricole utilisée pour les cultures est passée de 11 000 ha., dont 5 000 pour des plantations de bananes, avant 1967, à 1 200 ha. dont 200 réservés à la culture de la banane. Un recul de près de 90 % de la surface agricole cultivée est sans doute extrême mais ne doit pas cacher la tendance à la régression qui touche l’ensemble de l’agriculture cisjordanienne.
D’un point de vue global, quelle surface de leur territoire reste sous contrôle palestinien ? Sur la base de la campagne agricole 2010-2011, le Ministère palestinien de l’agriculture indique les surfaces cultivées figurant dans le tableau 2. Le cas de Gaza reste spécifique. L’évacuation de ce territoire par la puissance occupante s’est accompagnée du retrait des colonies et des quelques 9 000 colons qui les habitaient. Cela n’a pas eu pour conséquence le plein usage par les Palestiniens de l’ensemble des terres exploitables de la zone. Depuis la fin de 2008, de manière unilatérale, une bande de terre située le long de la ligne de frontière (la « ligne verte »), dans le territoire palestinien, de l’ordre de 300 à 1 500 mètres de large, est d’accès interdit pour une part, d’accès restreint pour le reste, du fait de la puissance occupante. Selon l’organisation EWASH[16], 35 % des terres cultivables de Gaza sont incluses dans cette bande, une moitié d’entre elles demeurent en jachère. Il faut dire que la venue des agriculteurs de Gaza cultivant ces terres dépend du bon vouloir des militaires de la puissance occupante. Le témoignage de l’un d’entre eux, Khan-Yunis, habitant Khuza’a, traduit bien les difficultés qu’ils rencontrent. « En général, je peux dire que parfois nous sommes autorisés à nous rendre dans nos terres et à d’autres moments, ils nous tirent dessus afin de nous en interdire l’accès. Nous sommes dans une complète incertitude et ne savons pas comment nous entendre avec les militaires de la force d’occupation car nous ne recevons pas de consignes précises et journalières. Parfois même ils autorisent certains agriculteurs à venir travailler leurs terres et ouvrent le feu sur d’autres »[17]. Ces restrictions établies par la puissance occupante touchent aussi la mer et des zones de pêche réduites ont été laissées à la disposition des Palestiniens. Le nombre des pécheurs de Gaza est ainsi passé de 10 000 en l’an 2000 à 3 500 en juillet 2013. Il faut ajouter que les infractions maritimes se payent cher : de 2009 à 2013, au moins 300 bateaux ont été saisis et, au cours de la seule année 2013, 12 ont été détruits ou endommagés par des tirs provenant des forces d’occupation[18].
L’évaluation de l’ensemble des terres rendues inaccessibles ou d’accès réservé du fait de la puissance occupante fait l’objet d’évaluations différentes. Une étude de l’OCHA[19], pour l’année 2005, indique que 38,3 % des 5 655 km2 du sol de la seule Cisjordanie sont d’accès interdit ou réservé (soumis à autorisation) pour les Palestiniens. Le tableau 3 ci-après en donne le décompte.
Cette répartition du sol n’est pas figée. Ainsi, l’organisation israélienne B’Tselem évalue, pour sa part, à 42 % la superficie de la Cisjordanie qui est sous le contrôle de la puissance occupante, au début des années 2010. La pression exercée ainsi sur les agriculteurs est une des causes de la régression de l’agriculture palestinienne et un obstacle sérieux à son développement futur.
Tableau 3 : surfaces contrôlées par la puissance occupante en 2005 en Cisjordanie
Types de restriction | En % de la surface totale de la Cisjordanie | Cumul des pourcentages, corrigé des doublons issus de l’appartenance des terres à plusieurs types de restriction |
Surface occupée par les colonies | 5,1 | 5,1 |
Dont colonies autorisées | 3,1 | |
Dont avant-postes des colonies (non autorisés officiellement) | 0,2 | |
Dont terres cultivées par des colons hors des terres attribuées aux colonies | 1,8 | |
Infrastructures militaires (bases, zones fermées soumises à autorisation d’accès) | 21,0 | 23,3 |
Réserves naturelles | 8,7 | 28,1 |
Terres situées en dehors du mur et classées en zone fermée (soumise à autorisation) | 10,2 | 38,3 |
Source : OCHA, « The Humanitarian Impact on Palestinians of Israeli Settlements and Other Infrastructure in the West Bank », Nations unies, juillet 2007.
II. La Palestine : un « archipel » d’enclaves peu reliées entre elles
Les accords intérimaires d’Oslo ont abandonné, sans doute pour le temps d’une transition en attente d’accords définitifs, la continuité géographique des territoires occupés. La division des territoires palestiniens en trois zones[20] les a en effet émiettés en une série de portions d’espaces palestiniens enclavés[21]. Dans le cas de Gaza cet enclavement prend la forme d’un isolement du fait du blocus en place depuis 2007. Principalement en Cisjordanie, c’est le développement des colonies, souvent établies autour de ces portions d’espaces palestiniens qui a renforcé leur isolement en faisant du passage de l’une à l’autre non pas une simple traversée de territoires en zone C, mais un chemin complexe contournant les espaces attribués à ces colonies.
Avec la multiplication des colonies en Cisjordanie, la puissance occupante a développé un réseau routier spécifique reliant ces colonies entre elles et relié au réseau routier israélien. Ces routes contournent les villes et villages palestiniens et constituent un réseau parallèle se superposant à l’ancien, sans libre connexion avec celui-ci. Elles ont été construites, tantôt en récupérant des tronçons des anciennes routes, tantôt par construction de nouveaux tronçons.
Il s’agit de voies à usage réservé dont les Palestiniens sont dans une large mesure exclus. Si la circulation y est libre pour les véhicules israéliens, leur utilisation n’est possible pour des conducteurs palestiniens qu’à la condition d’obtenir un permis de passage. Ces permis sont accordés en fonction des véhicules et des raisons de leur déplacement : transport commercial, transport public ou voitures privées. Ces permis ne sont accordés qu’avec parcimonie pour les deux premières catégories et très rarement pour la troisième. Afin de contrôler l’usage de ce réseau, chacune de ces routes est encadrée par un ensemble d’obstructions interdisant l’accès de véhicules ne provenant pas des colonies ailleurs qu’aux points de passage prévus et contrôlés (check points). Ces points de passage sont doublés par des points de contrôle volant, fonctionnant de manière aléatoire. Pour des raisons de sécurité, nombre de portions de ces routes sont encadrées par des dispositifs de clôture qui interdisent tout passage d’homme ou d’animal.
Pour les conducteurs palestiniens la détention de permis d’emprunter ce réseau réservé ne leur épargne pas la contrainte de satisfaire aux contrôles qu’ils soient mobiles ou implantés à des points fixes. Les temps d’attente deviennent alors incertains, dépendant de la densité du trafic et des intentions des contrôleurs. L’emprunt de ce réseau par un Palestinien ne disposant pas de permis donne lieu à poursuite et sanction. Un conducteur palestinien sans ce permis n’a donc d’autres choix que celui d’utiliser au mieux l’ancien réseau routier devenu principalement palestinien ou du moins ce qu’il en reste lorsque le réseau à usage réservé a capté des tronçons de routes anciennes. L’allongement des trajets qui en résulte est variable d’un district cisjordanien à l’autre mais peut être très important. La séparation des deux réseaux n’empêche pas certains points de contrôle d’être à double usage, assurant aussi la surveillance de routes de l’ancien réseau, ce qui rentre d’ailleurs dans les attributions de la puissance occupante en zones B et C. Le conducteur palestinien empruntant l’ancien réseau sera alors soumis à contrôle au passage de ces points de surveillance, rendant le temps, déjà rallongé de son déplacement, incertain.
L’ensemble de ces dispositions contraignantes a été instauré à des fins de sécurité. Elles paraissaient, compte tenu de leur ampleur, devoir être temporaires, appliquées dans un contexte de tension spécifique (les intifadas). Elles sont devenues depuis permanentes.
Alors que les colonies sont cantonnées à quelques régions de la Cisjordanie et ne constituent des entraves à la circulation des Palestiniens que dans ces régions, l’édification de ce réseau routier à usage réservé a considérablement accru l’étendue de ces entraves. Ces routes, du fait des différents dispositifs qui en assurent la protection, deviennent de véritables barrières dressées entre les espaces palestiniens, renforçant leur enclavement. Peu de régions de la Cisjordanie échappent aux effets du tracé de ce réseau ; la partie Nord (Tubas, Jénine) et la partie Sud (Sud et Est d’Hébron) sont moins affectées. Suivant l’organisme des Nations unies OCHA[22], si ce réseau à usage réservé fonctionne comme un ensemble de corridors pour les différentes colonies, il élève aussi de véritables barrières pour les villes et les villages palestiniens. Cet organisme y voit la cause principale de l’enclavement de « l’archipel » palestinien[23].
Les conséquences sociales de cet enclavement sont lourdes. De véritables coupures des relations sociales et familiales s’instaurent, séparant des lieux de vie palestiniens autrefois voisins et faisant de ceux-ci des mondes fermés. Ceci se traduit par un relâchement sensible des liens sociaux. Au plan économique, les difficultés que rencontre l’acheminement des personnes et des biens se traduisent à la fois par un accroissement des frais et des délais liés aux transports. Il s’y ajoute le caractère incertain de ces délais, voir même de la réalisation de ces acheminements soumis aux points de contrôle au bon vouloir de la puissance occupante. La Banque mondiale[24] reconnaît que cet enclavement produit, dans l’économie palestinienne, une augmentation sensible des coûts de transaction et surtout élève le niveau d’incertitude et réduit l’efficacité des agents productifs, ce qui ne peut manquer de décourager les investisseurs.
L’exemple de la ville de Naplouse est ici révélateur. Située dans la partie Nord de la Cisjordanie dont elle est une des grandes villes, Naplouse est habitée par 130 000 Palestiniens et constitue un pôle régional. Avant 1995, elle était un centre commercial important et abritait des activités manufacturières. Elle demeure un centre universitaire important et, avec ses 13 centres de santé et ses 6 hôpitaux, a un rôle appréciable dans la région Nord de la Cisjordanie. Les colonies, par leurs implantations à sa périphérie, l’ont pratiquement entourée. En 2006, on pouvait compter 14 colonies, augmentées dans leur voisinage immédiat par 26 implantations non encore comptées comme colonies. La mise en place du réseau à usage réservé, reliant ces différentes colonies entre elles et les connectant à l’ensemble du réseau, a pratiquement réalisé un encerclement de la ville. La disposition des points de contrôle accompagnant ces nouvelles voies est telle qu’il est devenu impossible pour un Palestinien d’entrer ou de sortir de la ville sans passer par un de ces points. À la même date, des autorisations d’emprunter les voies de ce réseau avaient été accordées à 22 cars palestiniens (sur les 220 existant à Naplouse), à 150 taxis (sur 2 250) et à 50 voitures de particuliers. L’ampleur des mesures de contrôle adoptées autour de Naplouse témoigne de l’importance que lui accordent les forces de sécurité de la puissance occupante qui considèrent cette ville comme un foyer de la résistance palestinienne[25]. Les effets de cet enclavement de la ville sont particulièrement douloureux. Les étudiants éprouvent de nouvelles difficultés pour rejoindre leurs écoles et Universités. L’accès des patients venus de la région tend à devenir problématique, ce qui constitue une régression en matière de santé publique. La venue d’une nombreuse clientèle depuis l’extérieur de la cité a été réduite, en même temps que les manufacturiers et les commerçants de la ville rencontraient des difficultés pour leurs approvisionnements. Certains ont préféré déplacer leurs activités hors de la ville. Ils ne retrouvent pas là une clientèle aussi nombreuse que celle dont ils bénéficiaient avant. Le rôle de pôle commercial et manufacturier exercé par la ville tend ainsi à s’éteindre et, avec lui, c’est l’ensemble de l’activité économique de la région qui régresse. En témoigne l’augmentation du chômage : entre 1999 et 2006, le taux de chômage de la région de Naplouse est passé de 18,2 % à 26,3[26]. Cet exemple tend donc à justifier les avis portés par la Banque mondiale et l’OCHA sur les causes du déclin de l’économie palestinienne.
Face à cet enclavement nouveau, le développement de l’ancien réseau routier maintenant principalement utilisé par les Palestiniens semble l’unique remède. Il passe par le percement de tunnels ou de passages souterrains sous les routes à usage réservé permettant l’ouverture de nouvelles voies reliant les enclaves palestiniennes tout en contournant également les différentes colonies. L’élargissement des anciennes routes non utilisées par le réseau réservé aux colonies est aussi mis en œuvre au profit des Palestiniens. Enfin les forces d’occupation ont entrepris d’ouvrir des routes (fabric of life roads) reliant différents lieux de vie palestiniens précédemment séparés.
La situation particulière de Jérusalem-Est, ville annexée, offre un autre exemple des difficultés quotidiennes qui résultent de ces enclavements. La situation de cette ville de 440 000 habitants (en 2008) ne semble guère différente de celle que connaissent les autres villes palestiniennes. À partir de 1968 les colonies se sont multipliées et l’espace qu‘elles occupent s’est élargi au point de l’entourer complètement. La mise en place du mur a fragmenté durablement l’espace occupé par la ville, ses banlieues et les villages de proximité liés directement aux activités de cette ville. Ce mur est long de 162 km et se situe presqu’entièrement en Cisjordanie, au delà de la « ligne verte ». Son tracé épouse les contours de ces différentes colonies, créant une véritable barrière entre la ville et ses périphéries, isolant même complètement certaines d’entre elles[27]. Cet enclavement est renforcé par le faible nombre des points de passage et de contrôle permettant de le franchir. Seuls 4 points (sur 13) étaient ouverts aux Palestiniens de Cisjordanie ne résidant pas dans la ville, en 2005. Les relations classiques d’une grande ville et de sa périphérie, composées par exemple de personnes travaillant en centre-ville, mais demeurant en sa périphérie, de marchandises dirigées vers le centre-ville depuis ses faubourgs, sont ainsi perturbées par le franchissement de ces points de passage. Par exemple en 2004, un quart des 253 000 Palestiniens résidant dans l’espace communal de Jérusalem-Est était concerné par cette obligation. L’exemple de la ville de Kufr Aqab, ville de la banlieue proche de Jérusalem-Est, située en zone C, est ici éclairant. L’édification du mur a non seulement coupé Kufr Aqab de ses accès à Jérusalem, obligeant ses habitants à franchir un point de contrôle et à justifier leur déplacement, ce qui leur fait redouter un non renouvellement de leur carte d’accès lorsqu’ils travaillent en ville, mais encore a conduit à un déplacement des populations vivant sur le tracée de ce mur ou complètement isolées par celui-ci. Ainsi l’accueil de ces déplacés a considérablement augmenté la population de Kufr Aqab, déclenchant un « boom » d’urbanisation débridée et livrant ces nouveaux arrivants aux spéculateurs et promoteurs immobiliers présents sur place. Faute de plan d’urbanisation, des constructions sauvages, sans permis et sans supervision technique, ont vu le jour. La puissance occupante paraît avoir laissé faire, sans que l’Autorité palestinienne ne puisse intervenir[28].
La situation de Jérusalem-Est est également originale. Annexée par la puissance occupante, elle est considérée par celle-ci comme partie de son territoire national. Franchir le mur revient à franchir une frontière et distingue les Palestiniens habitants sur le territoire de la Municipalité (élargie) de Jérusalem de ceux habitant à proximité mais du côté cisjordanien[29]. Les premiers ont reçu un statut de résident permanent qui, s’ils sont en possession d’une carte de séjour en règle, les autorise à franchir le mur en toute liberté. Une liberté qui, à l’occasion des deux intifadas, a été sévèrement remise en cause. Les seconds ne peuvent franchir les points de contrôle qu’à la condition de posséder un permis délivré par le service des affaires civiles des forces de sécurité de la puissance occupante au terme d’un processus bureaucratique qui peut prendre du temps. Ces permis doivent être renouvelés tous les trois mois et ne permettent de franchir un point de passage qu’aux heures où celui-ci est ouvert. Le détenteur de ce permis n’échappe pas aux files d’attente qui précèdent le passage des points de contrôle, pas plus qu’il ne peut se soustraire aux délais supplémentaires créés par la vigilance accrue demandée périodiquement à ceux qui les contrôlent[30]. Démarches administratives longues et périodiques, pertes continuelles de temps aux points de passage du mur sont donc le prix à payer pour maintenir la venue en ville des travailleurs résidant en périphérie.
Jérusalem-Est remplit également une fonction importante en matière de santé. Centre hospitalier, il couvre une zone qui dépasse nettement son espace communal et comprend une partie des territoires occupés de Cisjordanie. L’hospitalisation de patients venus de ces territoires s’accompagne donc du franchissement de ces points de contrôle. Ce franchissement est également soumis à autorisation. Sa délivrance implique de réunir une lettre de référence émanant d’un hôpital palestinien situé hors de Jérusalem et un document d’acceptation provenant d’un hôpital palestinien de Jérusalem. Ces différents documents réunis et remis aux services responsables de la puissance occupante, la délivrance de l’autorisation peut demander encore plusieurs semaines. Une fois l’autorisation obtenue, le patient devra encore satisfaire aux attentes et contrôles demandés au point de passage. L’OCHA révèle qu’en 2005 les hôpitaux palestiniens de Jérusalem-Est avaient perdu près de la moitié de leurs patients découragés par l’ampleur des démarches et des délais. Cet exemple de Jérusalem-Est confirme donc parfaitement les effets régressifs de l’enclavement des territoires palestiniens sur la vie économique et sociale.
L’enclavement et le blocus de Gaza créent un ensemble de restrictions encore plus sévères. Si l’entrée ou la sortie du territoire de cette ville et de ses environs sont soumises aux mêmes règles, la délivrance de permis y est plus rare. Les points de contrôle par où peuvent s’effectuer ces mouvements sont aussi très peu nombreux. L’organisation palestinienne BADIL en recensait 3 en 2014 (pour une population estimée à 1 816 379 habitants en juillet 2014). Kerem Shalom et Erez donnent accès à Israël et Rafah s’ouvre sur le territoire égyptien. Les deux premiers ne sont accessibles que de manière limitée. Kerem Shalom est ouvert pendant la journée 5 jours par semaine et est surtout un point d’entrée pour des marchandises autorisées par la puissance occupante. Erez n’est ouvert que pour des cas d’urgence et pour le passage de travailleurs ou d’autres personnes palestiniennes autorisées, ainsi que pour le passage de l’aide humanitaire. Le troisième, Rafah, n’est ouvert que partiellement de 9 heures à 15 heures pour des cas d’urgence et le passage de personnes autorisées[31]. Les barrières établies autour de Gaza sont donc très rigides[32], même si la puissance occupante peut les assouplir (ou les renforcer) périodiquement, en faisant de celles-ci un moyen de pression politique sur les pouvoirs palestiniens en place à Gaza.
III. Le logement en Palestine
La question du logement dans les territoires occupés se poserait en des termes identiques à celle à laquelle doivent faire face les autres pays en développement si son traitement ne rencontrait pas différentes restrictions. La satisfaction du besoin essentiel de se loger réclame en effet, ici comme ailleurs, un entretien et une rénovation du parc de logements existants afin d’éviter l’insalubrité et d’en améliorer le confort, en plus d’un effort de construction de logements neufs, au rythme de la croissance démographique, pour lutter contre le surpeuplement des logements existants. Cependant différents obstacles, variant suivant les villes ou régions ainsi que leur localisation en zone A et B ou en zone C, rendent difficile la satisfaction de ce besoin. Dans les deux premières zones les questions d’aménagement et d’urbanisme sont de la responsabilité des autorités palestiniennes. Il n’en va pas de même en zone C où la puissance occupante exerce tous les pouvoirs, civils ou de sécurité.
La plus grande partie du monde rural de la Cisjordanie se trouve en zone C. Les villages palestiniens s’y trouvant voient donc toutes les propositions d’aménagement ou de construction les concernant imposées ou soumises à l’approbation des autorités de la puissance occupante. Les zones non constructibles pour les Palestiniens sont nombreuses et restreignent ainsi la possibilité d’accroissement des surfaces bâties de ces villages. Les aires militaires fermées, les réserves naturelles, les terres entrées dans le domaine public (de la puissance occupante), mais également les espaces de sécurité en bordure des axes routiers ou à la périphérie des colonies sont non seulement impropres à de nouvelles constructions, mais rendent susceptibles d’expulsion tous les Palestiniens habitant dans ces zones avant leur classement dans ces différentes catégories, leurs biens immobiliers pouvant faire l’objet de démolition[33]. Dans ce dernier cas, les décisions prises par les autorités de la puissance occupante ne semblent pas toujours respecter les droits des Palestiniens expulsés, soit parce que les plans de relogement qui leur sont appliqués ne leur assurent pas une compensation équitable des biens perdus, soit parce qu’il est attendu des expulsables qu’ils fassent eux-mêmes la proposition d’un plan de relogement (pouvant être accepté ou refusé par ces mêmes autorités). Cette question devient parfois la source de conflit et de résistance, sous la forme de refus de quitter les lieux et d’un cycle sans fin de démolition et reconstruction sans autorisation des biens préalablement détruits. L’exemple du village d’Al-Nabi Samwil est très éclairant. Situé en Zone C, au Nord-Est de Jérusalem, ce village a le malheur d’être voisin d’un site archéologique reconnu, occupant une surface de 3 hectares, et de s’être trouvé du mauvais côté du mur de séparation au moment où celui-ci fut construit. En 1971, l’armée d’occupation, prétextant le danger créé parle mauvais état des logements palestiniens pour d’éventuels visiteurs du site, a détruit la plupart de ces maisons et a déplacé la population à plus grande distance du site. En 1995, la puissance occupante a créé une zone naturelle protégée sur une superficie de 3,5 km2, englobant le site et le village, pour en faire un parc naturel et archéologique. En 2013, la décision d’édifier un pôle d’attraction touristique a été prise. Sur une surface de 0,12 hectare, ce pôle doit comprendre un centre d’accueil, un restaurant, une boutique de souvenirs, des routes et des parkings. Les villageois palestiniens, du fait de la place de leur village dans une zone doublement frappée de restrictions particulières en matière d’urbanisme, ne pourront guère bénéficier de l’opportunité nouvelle. « Nous ne sommes pas autorisés à construire aucune sorte d’infrastructure. Nous ne pouvons pas poser un revêtement sur nos routes ou rénover nos maisons. Une fois, une ONG nous a donné des matériaux pour améliorer nos routes, mais la puissance occupante a tout confisqué », dit l’un de ces villageois. Les restrictions vont plus loin : il leur est même interdit d’établir des clôtures. Faute d’autorisation de construire des locaux scolaires, le village doit se contenter de l’école existante qui ne peut accueillir que dix élèves. Il s’ensuit que la plupart des jeunes du village doivent être scolarisés dans d’autres villages, ce qui les oblige à franchir quotidiennement un point de contrôle. Pour une raison semblable, le village ne dispose pas de centre de soin, ce qui amène toutes les personnes malades à se rendre à un tel centre à plus de 10 km du village. Enfin le village ne dispose d’aucun magasin, ce qui conduit ses habitants à faire leurs achats dans un autre village, à devoir franchir pour cela un point de contrôle où il leur faut s’entendre avec les militaires pour savoir ce qu’ils pourront rapporter à leur domicile. Le résultat des conditions de vie faites à ces villageois est simple : en 2014, cinq familles ont quitté le village. L’un des habitants conclut : « Nous faisons face à un déplacement forcé silencieux. Lentement de nombreux villageois partent. Nous ne disposons pas même des conditions de vie les plus élémentaires et les gens ne peuvent plus vivre ainsi »[34].
Hors de ces zones inconstructibles, les capacités des villages palestiniens à réaliser de nouvelles constructions se trouvent restreintes par l’obligation de voir leurs plans d’urbanisme approuvés et des permis de construire accordés par les autorités de la puissance occupante. Suivant l’organisation israélienne B’Tselem plusieurs reproches peuvent être adressés à ces autorités. Le manque d’intérêt de celles-ci pour le développement économique et social des régions palestiniennes sous leur contrôle dans la vallée du Jourdain et dans le Nord de la région de la Mer morte se traduit par l’absence d’élaboration d’un plan d’aménagement d’ensemble de la zone. Sur quelle base devient-il possible de juger des plans d’urbanisme proposés ? Faute de mieux, c’est un plan d’aménagement de la région conçu avant 1947 sous le mandat britannique qui est utilisé et permet de s’opposer à l’élargissement des zones constructibles et à la délivrance de nouveaux permis de construire sous le prétexte de la vocation agricole de la région et de la préservation des surfaces dédiées à l’agriculture. Dans la même région, la partialité de ces autorités est également mise en avant lorsque sont examinés les plans d’urbanisation des villages palestiniens et ceux des colonies. B’Tselem donne l’exemple du village palestinien d’Al-Jiftik doté d’une surface constructible de 59 hectares pour une population de 5 176 habitants alors que dans le même temps la colonie de Maskiyat dispose de 69 hectares pour une population de 200 colons.
À l’exception d’Hébron et de Jérusalem-Est, les villes palestiniennes de Cisjordanie se situent en zone A et relèvent donc exclusivement de l’Autorité palestinienne. Les contraintes exercées par la puissance occupante y sont moindres. Leur capacité à développer leur parc immobilier ou à le rénover n’est limitée que par la dimension de la surface constructible et, comme dans tous les pays en développement, la disponibilité des moyens techniques et financiers pour le faire.
La situation de la ville d’Hébron est tout autre. Située dans la partie Sud de la Cisjordanie, elle compte 165 000 habitants. Elle joue le rôle de métropole dans sa région où 560 000 Palestiniens habitent dans ce district. Elle est donc un centre commercial conséquent. Après 1967, des colonies se sont établies dans sa périphérie, l’entourant partiellement et fragmentant l’espace agricole contigu. En 2006 il existe ainsi 24 colonies périphériques. De plus, entre 1979 et 1983, 4 colonies ont été créées à l’intérieur même de la vieille ville, en plein centre, entraînant des tensions parfois violentes entre colons et Palestiniens. La présence de ces colonies a été avancée par la puissance occupante pour justifier son refus de s’en retirer après 1995. Un accord intérimaire particulier, conclu par le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne en janvier 1997, a débouché sur un partage de la ville. Une zone H2, comprenant la vieille ville, le marché central (« old Suq ») et les différentes colonies, a été placée sous le contrôle de la puissance occupante en matière de sécurité et d’ordre public, alors que le reste de la ville, la zone H1, était mise sous la responsabilité de l’Autorité palestinienne. En zone H2, la puissance occupante a adopté des mesures de sécurité permanentes et rigoureuses[35]. Des zones tampons ont été constituées autour des colonies notamment celles de la vieille ville. Dans ces zones, les différentes rues font l’objet de restrictions à la circulation des Palestiniens. Certaines sont interdites en totalité à tout passage de Palestiniens ; dans d’autres rues, seule la circulation automobile ou/et l’exercice d’une activité commerciale sont prohibés. La mise en place de ces zones, accompagnée par l’établissement de points de passage contrôlés, a eu des conséquences désastreuses pour la population palestinienne de la zone H2 et tout particulièrement dans la vieille ville et au marché central. La fermeture de magasins imposée par la puissance occupante dans certains axes s’est accompagnée de la diminution drastique de la clientèle palestinienne du marché et de la vieille ville, dissuadée par les entraves apportées à la circulation des véhicules et des personnes. Pour les Palestiniens, la vie commerciale s’est éteinte dans la zone H2. En 2000 il y avait 1 610 magasins. 650 ont été fermés sur ordre de la puissance occupante et 700 ont disparu faute de clients. En 2006, sur les 260 restant, seuls 10 % conservent une activité commerciale réelle[36]. Les conséquences économiques et sociales de ce déclin commercial sont particulièrement lourdes. Le taux de chômage atteint 80 % en zone H2 et le revenu moyen mensuel des habitants ne s’élevait, en 2006, qu’à 160 dollars contre 405 en moyenne en Cisjordanie. Cependant ces très mauvaises conditions de vie ne concernent qu’un petit nombre de Palestiniens : l’OCHA estime que de l’ordre de 90 % des Palestiniens habitant la vieille ville l’ont fui. C’est donc un phénomène d’éviction qui se produit dans les conditions spécifiques de la zone H2 d’Hébron. La réinstallation de ces familles devient alors une nouvelle contrainte qui complique la satisfaction des besoins de logement hors de cette zone H2.
Le cas de Jérusalem est très spécifique, en conséquence de la particularité de son histoire récente. À la suite de la guerre de 1948, la ville est coupée en deux. Sa partie Ouest (Jérusalem-Ouest) entre dans l’espace national du nouvel État, alors que le reste de la ville (Jérusalem-Est) demeure cisjordanien et, à ce titre, sera annexé par la Jordanie en 1950. En 1967, toute la Cisjordanie, Jérusalem-Est incluse, est occupée par Israël. La puissance occupante a adopté très vite deux mesures qui modifient radicalement le statut de la partie palestinienne de la ville : d’une part Jérusalem est proclamée réunifiée et ville-capitale, ce qui équivaut à une déclaration unilatérale d’annexion[37], d’autre part les limites de la ville sont étendues principalement vers l’Est, passant des 6 km2 de l’ancienne Jérusalem-Est à 72 km2, ce qui équivaut à un agrandissement tout aussi unilatéral de l’espace annexé. Deux conséquences importantes en résultent. La communauté internationale n’a jamais cautionné cette annexion de sorte que, si l’ensemble de la ville entre dans l’espace national de la puissance occupante aux yeux de celle-ci, le statut de la partie Est de la ville demeure un territoire occupé en matière de droit international. La situation des Palestiniens habitants les parties annexées de la ville reste ambiguë. Non reconnus comme citoyens d’Israël, un statut de résident permanent, c’est-à-dire d’étrangers demeurant dans leur propre ville leur a été attribué. Des contraintes résultent de ce statut : avoir une carte de résidence à jour et en obtenir le renouvellement périodique auprès de la puissance occupante[38].
Dès la proclamation de son annexion, Jérusalem-Est a connu une multiplication rapide des colonies installées dans son périmètre. De quelques dizaines de milliers en 1968, année des premières installations, le nombre des colons s’accroit rapidement : 76 000 en 1983, 153 000 en 1993, de l’ordre de 190 000 en 2008[39]. L’OCHA indique qu’en 1987 le nombre des habitants des colonies étaient de 111 300, occupant une surface de 890 hectares. En 2004 ils étaient 184 034 sur une surface de 2 170 hectares. Peu à peu ces colonies ont entouré la ville, fragmentant et isolant les banlieues et villages palestiniens limitrophes. Ces installations n’ont pu être réalisées que par une réduction sévère des terrains palestiniens pouvant être construits et, de ce fait, une forte limitation du développement du parc logement palestinien. Jérusalem-Est étant sous juridiction israélienne, les règles en vigueur concernant les expropriations à des fins d’utilité publique ont été appliquées. En six campagnes successives d’expropriation, 23,4 km2 de terres, soit le tiers de la superficie annexée, ont ainsi été captées. La dizaine de colonies installées sur ces terres avait construit 33 511 logements (chiffre de 1994)[40]. Par ailleurs, sous l’action conjointe de la Municipalité de Jérusalem et des autorités de la puissance occupante, en 1994, 6 km2 de terres promises à expropriation étaient gelés et d’autres terres, d’une surface de 31 km2 étaient déclarées inconstructibles. Cela ne laisse qu’une surface de l’ordre de 10 km2 pouvant servir au développement de logements palestiniens. Ceci ne signifie pas que ces 10 km2 peuvent être librement utilisés pour la construction. Suivant la loi israélienne en vigueur, les permis de construire ne sont accordés qu’en conformité avec le plan d’occupation des sols, les constructions « sauvages » (sans permis de construire) comme les constructions en zone non constructible pouvant être détruites. En 1994, aucun plan d’ensemble n’avait été produit ; seuls existaient quelques plans partiels. Par suite, nombre de terrains palestiniens ne répondant pas à l’exigence de la loi, l’octroi de permis de construire a été soumis au bon vouloir de la Municipalité de la ville[41]. Le bilan était lourd : en 1994, alors que de l’ordre de 150 permis de construire étaient accordés annuellement à des Palestiniens, 91 % des logements palestiniens existants étaient surpeuplés et au dessous des standards de confort[42].
La vieille ville de Jérusalem, située dans Jérusalem-Est, offre une situation particulière du fait qu’elle constitue un ensemble totalement bâti. Elle est historiquement constituée de quatre quartiers habités par des populations de différentes communautés (Musulmans, Chrétiens, Arméniens et Juifs). Lors du partage de la ville, en 1949, le positionnement de la vieille ville au delà de la « ligne verte » a entraîné le départ vers Israël des habitants du quartier juif. En 1968 en suite à l’annexion de Jérusalem-Est, ce quartier juif a été reconstitué par expropriation et réhabilité. L’édification d’une esplanade située face au Mur des lamentations a conduit à l’expropriation et à la démolition du « quartier maghrébin » qui comptait auparavant 600 habitants. En dehors de ce quartier, une colonisation de la vieille ville est entreprise sous la forme de l’achat des biens immobiliers proposés à la vente. Ce type d’opération rencontre une forte opposition des Palestiniens et impose le déguisement de l’identité de l’acheteur[43]. Pour cette raison elle ne connaît que peu de succès mais il reste toujours la possibilité pour la Municipalité de procéder à des opérations de réhabilitation débouchant sur des expropriations pour cause d’utilité publique. En 2005 la population de la vieille ville était la suivante :
Tableau 1 : population et superficie de la vieille ville de Jérusalem en 2005
Population | Superficie en hectare | |
Quartier musulman | 25 600 | 46,1 |
Quartier chrétien | 5 400 | 19,2 |
Quartier arménien | 2 500 | 12,6 |
Quartier juif | 2 500* | 12,2 |
Ensemble des quartiers | 37 000 | 90,1 |
* En 2009 de l’ordre d’un millier de personnes de confession israélite habitent hors du quartier juif.
Source : Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, Atlas des Palestiniens, Éditions Autrement, Paris, 2011
Il semble difficile de résoudre la question de la vétusté et des insuffisances quantitatives et qualitatives des logements à Jérusalem-Est et dans ses banlieues immédiates[44]. L‘insuffisance quantitative est aggravée par les opérations de destruction de maisons menées pour différents motifs dans les quartiers et banlieues palestiniens. Suivant l’OCHA, 673 maisons auraient ainsi été démolies entre 2000 et 2009. De plus la politique conduite par la Municipalité de Jérusalem néglige les secteurs d’habitation palestiniens. En conséquence de l’insuffisance des dépenses municipales consacrées à ces secteurs, leur équipement en matière de voirie, d’état des rues et routes, d’équipements collectifs est insuffisant et ne saurait être comparé à celui existant dans les autres secteurs.
Gaza fournit l’exemple le plus criant des difficultés rencontrées pour résoudre les questions du logement en Palestine. D’une part la surface constructible est limitée géographiquement par la superficie restreinte de cette bande côtière étroite (365 km2). La part utile de cette superficie est encore réduite par la zone tampon établie par la puissance occupante le long de la barrière de sécurité depuis 2008. Il en résulte que, bien que sous responsabilité palestinienne complète depuis 2005, tout accroissement de la surface construite ne peut se faire qu’au détriment des surfaces employées à un autre usage, essentiellement ici un usage agricole. Par ailleurs, Gaza a été le terrain de deux affrontements armés, en 2008 et en 2014, qui ont entraîné des destructions très importantes dans le parc logement (de l’ordre de 20 000 logements rendus inhabitables en 2014) et dans les équipements collectifs (hôpitaux, cliniques, écoles etc.). Les charges de la reconstruction sont telles que toute amélioration quantitative du logement ne peut constituer qu’un projet lointain. En effet pour les Gazaouis frappés par ces destructions, se loger se résume d’abord à trouver un hébergement provisoire pour pallier à la destruction de son logement. Les villes et villages du Nord et de l’Est de la bande de Gaza, principalement ceux situés dans la zone tampon ont particulièrement souffert en 2014. La situation de leurs habitants qui ont dû les évacuer dans l’urgence devient inextricable du fait des restrictions à l’accès à la zone tampon. À Khuza’a, certains habitants témoignent : « Nous ne pouvons même pas revenir à nos logements pour y chercher des effets personnels ou constater si ceux-ci ont été détruits ou pas[45] ».
La reconstruction ne peut être alors qu’une tâche à accomplir dans l’urgence. La question des moyens financiers et matériels de cette reconstruction devient essentielle. Les moyens financiers proviennent essentiellement de l’aide internationale et en subissent les contraintes habituelles, insuffisance des sommes octroyées, délais trop étendus pour obtenir le déblocage des crédits, incertitude sur le renouvellement de ceux-ci d’une année à l’autre, ce qui rend impossible la programmation dans le temps les différentes étapes d’une reconstruction de cette ampleur. Gaza est également en situation de blocus depuis 2007, blocus renforcé ou allégé au gré de la puissance occupante. Pour cette raison la réunion des moyens matériels nécessaires à cette reconstruction se traduit plutôt par des pénuries. Les matériaux de construction doivent être apportés et, pour arriver, doivent passer par les points de contrôle de la puissance occupante. Celle-ci a donc tous lesmoyens d’utiliser ces matériaux comme outil politique de pression sur les autorités palestiniennes. Suivant BADIL[46] deux ans après l’opération « plomb durci » de 2008-09, seules 13,3 % des familles ayant eu leurs logements détruits ou endommagés avaient pu reconstruire ou réparer ceux-ci[47].
IV. Un accès difficile à l’eau pour les Palestiniens
L’occupation des terres palestiniennes a aussi un effet sur l’accès à l’eau de leurs habitants dans une région où lutter contre l’aridité constitue une de leurs préoccupations majeures. Les difficultés rencontrées pour accéder à des ressources hydriques ne sont pas sans conséquences à la fois sur la production agricole et sur l’approvisionnement domestique des populations. Pourtant les ressources hydriques de Cisjordanie ne sont pas négligeables, les montagnes de cette région stoppant les flux humides venus de l’Ouest. La perméabilité des sous-sols a rendu possible la constitution d’aquifères composés de nappes superposées. On compte ainsi trois aquifères, délimités en fonction du sens d’écoulement des eaux, un aquifère occidental qui est le mieux doté et recouvre l’Ouest de la région, un aquifère nord-oriental dans la région de Naplouse et Jénine et un aquifère oriental délimité à l’Est par la vallée du Jourdain et la Mer morte. Dans la vallée du Jourdain et sur les versants ouest des montagnes cisjordaniennes, les nappes supérieures, situées à faible profondeur, sont aisément exploitables.
L’occupation de la Cisjordanie et de Gaza, en 1967, a permis à la puissance occupante de prendre le contrôle des ressources hydriques de ces territoires, donnant tout pouvoir en la matière aux forces militaires. Cela revenait donc à faire rentrer l’eau des territoires occupés dans le domaine public de la puissance occupante, qui devait être, par ses compétences techniques, capable d’obtenir une utilisation optimale d’une ressource rare. Pour les Palestiniens, le forage de nouveaux puits ou la captation de nouvelles sources devenaient soumis à une autorisation préalable délivrée par les autorités d’occupation au risque de voir les forages ou captations illégaux détruits. Ces autorisations ont été rarement accordées. Dans l’aquifère occidental aucun permis de forage n’a été accordé, témoignant de la politique restrictive menée par l’occupant[48]. Cette politique de surveillance stricte de l’usage de la ressource a ensuite été étendue à l’irrigation des terres agricoles (également soumise à autorisation), alors que le distributeur d’eau potable en Cisjordanie, le West Bank Water Development, passait sous le contrôle de la puissance occupante. En 1982, la société israélienne de distribution d’eau Mekorot a étendu ses activités à la Cisjordanie, notamment dans l’aquifère oriental, au profit des colonies. L’occupation a donc conduit à un partage très inégal de la ressource : sur l’ensemble de la Palestine mandataire (Israël, Cisjordanie et Gaza), près de 80 % des eaux des nappes souterraines bénéficiaient à Israël et aux colonies alors que 75 % des captages étant pourtant situés en Cisjordanie[49]. De plus le West Bank Water Development, sous contrôle de l’occupant, a développé lentement son réseau : plus de 200 villages palestiniens n’ont pas été connectés avant 1995, leurs habitants devant s’approvisionner par camion-citerne dans des conditions plus aléatoires et onéreuses. Enfin le régime d’autorisation préalable auquel était soumise l’irrigation des terres a affecté les activités agricoles palestiniennes : à peine 10 % de celles-ci étaient irriguées[50].
Dans la suite de l’accord intérimaire du 28 septembre 1995 (Oslo 2) est conclu un accord hydraulique (également intérimaire) entre le gouvernement israélien et l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP). Cet accord prévoit un partage des ressources des trois aquifères en dotations fixes. Le tableau 1 ci-après indique cette répartition.
Tableau 1 : répartition des ressources hydriques contenue dans l’accord intérimaire de 1995
Part Palestinienne | En % | Part Israélienne | En % | Total de la ressource de l’aquifère | |
Aquifère occidental | 22 | 6 % | 340 | 94 % | 362 |
Aquifère nord-oriental | 42 | 29 % | 103 | 71 % | 145 |
Aquifère oriental | 54 | 57,4 % | 40 | 42,5 % | 172* |
* L’accord laisse 78 millions de m3 non affectés
Unité : million de m3 par an
Source : Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Hamed Souiah, op. cit. 2011.
Sous réserve de la bonne estimation de la richesse et de la qualité des eaux des aquifères (contestée en ce qui concerne l’aquifère oriental) et de l’inemploi de 78 millions de m3 de la ressource du même aquifère, l’accord légalise un partage inégal. 118 millions de m3, soit 19,8 % des 601 millions de l’ensemble des prélèvements vont aux 2,4 millions de Palestiniens de Cisjordanie alors que 483 millions de m3 sont attribués à 6,9 millions habitants d’Israël[51], soit 80,2 %. L’accord intérimaire établit la subordination de l’Autorité palestinienne de l’eau, institué par cet accord, à une commission mixte où les représentants israéliens disposent d’un droit de véto. Dans la zone C (plus de 60 % du territoire de la Cisjordanie), le pouvoir de l’Autorité palestinienne en matière d’hydraulique est encore plus réduit. Le système d’autorisation préalable avant tout nouveau forage ou nouvelle captation ainsi que pour la réparation des installations existantes y est maintenu. Enfin cet accord reconnaît à la société israélienne Mekorot le droit, en Cisjordanie, de prélever, fournir de l’eau et la facturer à des villages palestiniens[52].
L’édification du mur de séparation, à partir de 2002, renforce les difficultés d’approvisionnement en eau. À la question de l’accès aux terres palestiniennes maintenant situées en « zone d’accès contrôlé » au delà du mur, s’ajoute celle de l’usage des puits qui se retrouvent dans la même situation. La région de Qalqilya, et tout particulièrement le village de Jayyous, privé de la presque totalité de ses puits, est ainsi fortement touchée. L’Organisation EWASH rapporte un témoignage de la situation des agriculteurs concernés.
« Abu Azzam est l’un des plus importants producteurs de Jayyous, un village agricole palestinien qui a été sévèrement frappé par la construction du mur en 2003. Plus des trois quarts des terres agricoles du village et six puits sont maintenant derrière le mur et seulement 100 des 900 agriculteurs palestiniens ont reçu des permis israéliens les autorisant à franchir les « portes agricoles » (check point) qui sont ouvertes trois fois par jour pour des périodes limitées.
“De nombreux cultivateurs ont abandonné leurs terres parce qu’ils étaient trop pauvres pour payer le carburant nécessaire pour alimenter les groupes diesel pompant l’eau des puits”, déclare Abu Azzam, en évoquant le refus israélien d’autoriser les agriculteurs palestiniens à employer des pompes électriques moins onéreuses. De plus les quotas imposés par le gouvernement israélien sur les quantités d’eau allouées aux agriculteurs de Jayyous leur interdisent de se tourner vers des produits plus profitables que ceux qu’ils cultivent actuellement ; entre 1983 et 2012, les quantités d’eau allouées aux cultivateurs locaux n’ont augmenté que de 10 %. “Ce n’est pas juste car cela ne correspond pas à nos besoins”, déclare Abu Azzam. Jayyous achète maintenant son eau auprès du village voisin d’Azzun, mais, en été, la population doit faire face à des pénuries périodiques »[53].
La région de la vallée du Jourdain et du Nord de la Mer morte, étudiée par l’organisation israélienne B’Tselem[54] en 2010, constitue une illustration précise de la question. L’étendue de cette région correspond sensiblement à celle de l’aquifère oriental, cité ci-avant. Les ressources hydriques y sont importantes. Elles sont constituées par les eaux souterraines contenues dans les nappes de l’aquifère et par les eaux fluviales du Jourdain et de ses affluents. Ces dernières sont captées au moyen de retenues d’eau ou par pompage direct. Leur exploitation, partagée entre Israël et Jordanie, exclut les Palestiniens qui n’ont aucun accès à ces eaux du fait des « zones fermées » établies par la puissance occupante. Les demandes adressées par l’Autorité palestinienne à l’occasion des discussions conduisant à l’accord hydraulique intérimaire ont été reportées aux futures négociations d’un accord définitif qui n’ont pas eu lieu à ce jour. Pourtant ces ressources sont abondamment exploitées : en 2008, 420 millions de m3 ont été captés, 55 millions allant à la Jordanie, 45 aux communautés établies dans la région du lac Tibériade (en territoire israélien, au delà de la « ligne verte ») et le reste (320 millions) approvisionnant Israël[55].
La société israélienne Mekorot joue un rôle important dans l’exploitation des eaux souterraines de l’aquifère oriental. Nombre des stations de pompage qu’elle utilise sont situées dans la vallée du Jourdain, lui apportant 32 des 46,5 millions de m3 produits en 2008. Cette production est pour l’essentiel destinée aux colonies de la vallée du Jourdain et de Cisjordanie. Cependant 6 millions de m3 ont été fournis à des villages palestiniens. Du côté palestinien, en 2008, les 89 puits et forages en activité (il y en avait 209 avant 1967) ont produit 10,37 millions de m3 et la captation des eaux de 22 sources actives ajoute 20,3 millions de m3 donnant une production totale de 30,7 millions de m3. Ce résultat n’est pas sans poser question. Aux termes de l’accord de 1995, les quantités d’eau, issues de l’aquifère oriental, allouées aux Palestiniens auraient dû être respectivement de 24 millions de m3 par forages et 30 millions par sources, pour un total de 54 millions de m3. Plusieurs causes interviennent ici. La diminution du nombre de sources ou de puits accessibles aux Palestiniens, soit en raison de l’établissement de « zones fermées », soit du fait de la politique restrictive de la puissance occupante n’autorisant qu’un faible nombre de nouveaux forages ou de réparations de forages existants pour faire face au tarissement des plus anciens, constitue la première de ces causes. Toutefois il semble également admis que les forages et prélèvements effectués par Mekorot n’aient pas été sans effet sur la production d’eau palestinienne. Mekorot le reconnaît implicitement en délivrant 6 millions de m3 à des villages palestiniens. Il faut préciser que les puits et forages palestiniens dans la vallée du Jourdain sont de faible profondeur, allant de quelques douzaines de mètres jusqu’à 200 m. Il n’est du reste accordé, par les autorités occupantes, de permis de forage qu’à la condition que la profondeur de ceux-ci n’excède pas 300 mètres. Ce qui équivaut à un autre partage, les eaux des nappes les proches de la surface allant aux Palestiniens et celles des nappes les plus profondes étant exploitées par la puissance occupante. Les forages effectués par Mekorot peuvent aller jusqu’à une profondeur de 1 500 mètres et il semble que ces prélèvements en profondeur tendent à assécher les nappes de surface. B’Tselem donne en exemple le village palestinien de al-A’uja, situé à proximité de la colonie de Ytav dans la vallée du Jourdain. Mekorot a mis en service trois forages profonds, dans le voisinage de la colonie et de al-A’uja, pour approvisionner, entre autres, cette colonie avec un débit annuel de 2,06 millions de m3. Ce village est alimenté par 7 puits et les quantités d’eau obtenues par ces puits vont en diminuant de manière conséquente, passant de 0,7 million de m3 pendant l’année 2000 à 0,43 million en 2008. Cet exemple tendrait ainsi à montrer que, dans la vallée du Jourdain, le partage inégal de l’eau, légalisé par l’accord de 1995, deviendrait au fil du temps de plus en plus inégal du fait de l’assèchement des ressources accessibles aux Palestiniens.
La conséquence d’un prélèvement inégal est une forte disparité entre les bénéficiaires. Ainsi, en 2008, les colonies implantées dans la vallée du Jourdain et au Nord de la Mer morte ont reçu 44,8 millions de m3 d’eau (dont 43,7 pour l’irrigation), 70 % étant fournis par Mekorot et le reste provenant des eaux fluviales du bassin et du retraitement des eaux usées. Ces 44,8 millions de m3 attribués aux 9 354 colons dépassent les 36,7 millions de m3 reçus par les 76 000 habitants palestiniens de la région, les 6 millions fournis par Mekerot étant inclus. Ceci a bien sûr une incidence sur l’irrigation des parcelles cultivées mais affecte également les quantités d’eau à usage domestique attribuées aux habitants de la région. B’Tselem indique ainsi une allocation journalière moyenne par habitant allant de 487 litres dans les colonies de la vallée à 727 litres dans celles du Nord de la Mer morte[56]. Pour les Palestiniens, la même allocation va de 161 litres dans le district de Jéricho, à 61,8 litres dans la partie palestinienne du Nord de la vallée et 61 litres dans la région de Wadi al-Far’a. Les disparités lorsqu’elles sont mesurées au niveau local peuvent devenir énormes. Ainsi en est-il de la colonie de Ro’i édifiée au voisinage de al-Hadidya, village qui abrite une communauté bédouine. Cette allocation journalière par habitant est de 431 litres pour les colons de Ro’i et de 20 litres pour les habitants de al-Hadidya[57]. Encore faut-il ajouter qu’al-Hadidya n’étant pas relié au réseau de distribution d’eau, ces 20 litres par habitant sont apportés par camion citerne (et payés en conséquence). Cette inégalité se retrouve dans la part des dépenses consacrées à l’eau dans le budget des ménages. Selon B’Tselem, dans le cas d’une famille palestinienne bénéficiant d’un accès à l’eau courante, la dépense moyenne mensuelle est de 283 shekels soit 8 % de sa dépense de consommation totale. Lorsque l’approvisionnement de la famille est effectué par camion citerne, cette dépense atteint 1 744 shekels. Pour une famille établie dans une colonie cette dépense moyenne s’élève à 105 shekels, soit 0,9 % du budget de consommation.
Dans la région de Gaza, la question de l’eau se pose en des termes différents. La faiblesse des ressources hydriques de la région la rend dépendante d’apports extérieurs de sorte que l’évacuation de la région par la puissance occupante en 2005 n’y a guère modifié l’état de subordination de l’Autorité palestinienne de l’eau. Il s’y ajoute l’ampleur des destructions résultant des affrontements armés qu’a connus la région ou de celles opérées dans la zone déclarée d’accès restreint le long de la « ligne verte » (zone tampon située le long de la ligne-frontière). Le blocus de la région, en place depuis 2006, affecte également la fourniture d’eau par insuffisance des approvisionnements en carburant nécessaire pour le fonctionnement des groupes de pompage. La situation de pénurie chronique d’eau qui résulte de ces différentes conditions spécifiques touche les ménages dans leur accès à l’eau pour usage domestique. Les plus concernés sont les habitants en zone d’accès restreint. 66,7 % des familles concernées ont accès à l’eau courante distribuée par les communes. Cette distribution municipale fait l’objet de sévères restrictions : plus d’un quart de ces ménages ne sont approvisionnés qu’un jour par semaine pendant quelques heures ; pour plus de 30 % d’entre eux, l’accès à l’eau courante se fait pendant quelques heures non pas un jour par semaine mais deux. Pour faire face à ces restrictions ou pour pallier le non accès au réseau d’eau courante que reste-t-il ? L’usage de puits artisanaux dont la qualité de l’eau est douteuse ou l’achat à des prix très élevés aux camions citernes[58].
Cette pénurie touche également les agriculteurs. EWASH[59] rapporte ce témoignage qui illustre sans complaisance le sort de ces derniers.
« Sedqi Al-Qara, 50 ans est propriétaire de 40 dunums (4 hectares) de terres agricoles situées à 700 mètres de la ligne de partage du périmètre avec Israël sur la commune de Al Qarara au Sud de la bande de Gaza. Avant que l’armée israélienne n’aplanisse ce secteur en détruisant ses arbres, Sedqi faisait pousser là des amandiers, des orangers, des citronniers, des dattiers et des oliviers. “J’ai été obligé de me tourner vers la culture des légumes, bien que ceux-ci demandent des quantités d’eau qui ne sont pas disponibles dans cette zone, mais je n’avais pas d’autres choix”, a dit Sedqi.
En 2008 l’armée israélienne a détruit le puits qu’il partageait avec d’autres agriculteurs, rendant difficile la poursuite d’activités agricoles dans cette zone. Depuis lors Sedqi obtient des quantités d’eau insuffisantes à partir d’un puits voisin, ce qui l’oblige à ne plus cultiver que 6,5 dunums (0,65 ha.), laissant le reste de sa terre en jachère. “L’eau des puits est chère et ne suffit pas, je dois emprunter de l’argent à mes amis et à mes proches pour acheter de l’eau. Je suis surchargé de dettes que je ne peux pas rembourser”, a dit Sedqi. “La plupart des légumes que j’ai plantés cette année se sont desséchés parce que je ne pouvais pas les arroser tous les jours” ».
Globalement dans les territoires occupés, la combinaison d’un accès difficile à la terre et d’un accès tout aussi problématique à l’eau est lourde de conséquences. En Cisjordanie, en 1967, s’il y avait 750 puits et forages existants, dont 413 opérationnels, on en comptait plus que 364 en 1990[60]. En ajoutant à cette raréfaction de l’eau la limitation des terres accessibles du fait d’une prise de possession par la puissance occupante ou de leur classement en « zones fermées », il n’est pas étonnant que les surfaces cultivées palestiniennes déclinent. La CNUCED estime à 30 % leur réduction entre 1965 et 1994[61]. Avec de faibles possibilités d’irrigation, le passage à une agriculture plus intensive semble compromis et les perspectives de progrès du monde rural sont minces. De plus la présence sur les mêmes territoires de colonies à vocation agricole, pratiquant une agriculture intensive sur des terres largement irriguées, employant des techniques agronomiques avancées, exerce une concurrence redoutable pour les agriculteurs palestiniens qui risquent de perdre leurs débouchés traditionnels sur leurs propres marchés. Loin de se réduire, les obstacles au développement du monde rural palestinien se sont ainsi renforcés au cours des 50 dernières années.
Pour les familles palestiniennes de Gaza ou de Cisjordanie, un rationnement drastique de l’eau constitue un frein à l’amélioration de la satisfaction des besoins humains essentiels. L’usage d’une quantité d’eau adéquate interfère avec la presque totalité de ces besoins et tout particulièrement la satisfaction des besoins alimentaires et du besoin de santé. L’insuffisance de cette quantité d’eau est donc également un obstacle certain au développement humain.
Notes:
[1] Source : Jean-Paul Chagnollaud, Sid-Ahmed Souiah, Atlas des Palestiniens, Éditions Autrement, Paris, 2011.
[2] Source : Jean-Paul Chagnollaud, Sid-Ahmed Souiah, op. cit., 2011.
[3] Ainsi que le plateau du Golan (syrien) et le désert du Sinaï (égyptien).
[4] Source : Jean-François Legrain, « Politiques israéliennes du territoire en Cisjordanie-Gaza (1967-1995) », Monde arabe Maghreb-Machrek, n°152, avrio-juin 1996.
[5] Jean-François Legrain, article cité, 1996.
[6] Ibid.
[7] Faute d’une autorisation ou de son renouvellement, les terrains en « zone fermée » tombent sous le coup de la législation ottomane sur les terres incultes et entrent dans le domaine public de la puissance occupante.
[8] Jean-François Legrain, article cité, 1996.
[9] Le maintien en jachère de ces terres les soumet à la législation d’origine ottomane sur les terres incultes. Source : Jean-François Legrain, art. cité.
[10] Source : Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, sur le site : http://www.plateforme-palestine.org
[11] Ce corridor implique l’établissement d’une zone de sécurité de part et d’autre de l’axe de communication.
[12] Source : BADIL, « Forced Population Transfer : the Case of Palestine », Working Paper n°17, décembre 2014.
[13] Jugée contraire au droit international par la Cour internationale de justice.
[14] B’Tselem, « Dispossession and Exploitation. Israel’s Policy in the Jordan Valley and Northern Dead Sea », mai 2011.
[15] La même étude évalue à 50 000 ha. la surface cultivée régulièrement par les agriculteurs palestiniens dans la région.
[16] Source : Emergency Water and Sanitation/Hygiene group (EWASH), Fact sheet n°13, décembre 2012.
[17] Source : BADIL, « Forced Population Transfer : the Case of Palestine », Working Paper n°17, décembre 2014.
[18] Source : Ibid.
[19] Office for the Coordination of Human Affairs (OCHA), « The Humanitarian Impact on Palestinians of Israeli Settlements and Other Infrastructure in the West Bank », Nations unies, juillet 2007.
[20] Rappel : les accords d’Oslo partagent les territoires occupés en une zone A (les principales villes palestiniennes) où l’Autorité palestinienne exerce à la fois des responsabilités civiles et de sécurité, une zone B (les villages palestiniens) où ces responsabilités sont partagées, la puissance occupante ayant en charge la sécurité, et une zone C (le reste des territoires, c’est-à-dire plus de 60 % de la Cisjordanie) sous la responsabilité complète de cette dernière.
[21] C’est-à-dire les portions des territoires palestiniens situées en zone A et en zone B et les villages palestiniens situés en zone C.
[22] L’Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA) est une institution des Nations unies.
[23] OCHA, « The Humanitarian Impact on Palestinians of Israeli Settlements and Other Infrastructure in the West Bank », Nations unies, juillet 2007.
[24] World Bank Technical Team, « Movement and Access Restrictions in the West Bank. Uncertainty and Inefficiency in the Palestinian Economy », World Bank, 9 mai 2007 ; accessible sur le site : http://www.worldbank.org/ps
[25] Bien que située en zone A, Naplouse et ses environs (6 villages et 3 camps de réfugiés) sont l’objet de nombreuses incursions nocturnes des forces de sécurité de la puissance occupante. Entre le mois de juin 2005 et le mois d’avril 2007, le rythme de ces incursions a été de l’ordre de 10 par semaine. Ceci ne peut manquer de poser question sur la mise en application réelle des accords intérimaires de 1995.
[26] Source : OCHA, études cités, 2007.
[27] C’est autour de Jérusalem-Est que la puissance occupante a mis en place les premières fabric of life roads.
[28] Source : BADIL « Forced Population Transfer : the Case of Palestine », Working Paper n°17, décembre 2014.
[29] Source : OCHA, étude citée, 2007.
[30] Suivant l’OCHA, mêmes les professions pouvant travailler dans des situation d’urgence (par exemple le personnel médical) n’échappent pas à la lourdeur des contrôles.
[31] Source : BADIL, op. cit. décembre 2014.
[32] Les restrictions au passage des marchandises sont importantes et permettent de comprendre l’importance des moyens clandestins (tunnels) permettant d’en assurer le passage pour la population palestinienne civile de Gaza.
[33] Selon l’organisation israélienne B’Tselem, dans la vallée du Jourdain et le Nord de la région de la Mer morte, entre 2004 et le premier trimestre 2010, 163 logements ont ainsi été démolis et leurs 1 060 habitants expulsés. Source : B’Tselem, « Dispossession and Exploitation. Israel’s Policy in the Jordan Valley and Northern Dead Sea », mai 2011.
[34] Source : BADIL « Forced Population Transfer : the Case of Palestine », Working Paper n°17, décembre 2014.
[35] En période de tension (par exemple la seconde Intifada), aux restriction à la circulation des Palestiniens se sont ajoutées des couvre-feux de longue durée dans la zone H2 (377 jours en trois ans !). Source : Jean-Paul Chagnollaud, Sid-Ahmed Souiah, Atlas des Palestiniens, Éditions Autrement, Paris, 2011.
[36] Source : Office for the Coordination of Human Affairs (OCHA), « The Humanitarian Impact on Palestinians of Israeli Settlements and Other Infrastructure in the West Bank », Nations unies, juillet 2007.
[37] Aux yeux du Conseil de sécurité des Nations unies, cette annexion « n’a aucune validité légale et constitue une violation flagrante de la Convention de Genève ».
[38] Le statut accordé est celui de résident permanent. La carte de séjour délivrée donne à son titulaire le droit de vivre, entrer et sortir de Jérusalem. Du fait de l’annexion de la ville, cette carte donne également droit à détenir des propriétés et à travailler en Israël. Elle place son titulaire sous le régime fiscal israélien. Son renouvellement à période régulière est subordonné à l’examen de la permanence de la résidence dans la ville. Ainsi une absence prolongée lors d’un séjour à l’étranger peut donner lieu à un non renouvellement. La mise en œuvre de la notion de centre de vie (logement et travail dans la ville) pour caractériser la permanence de la résidence est perçue avec inquiétude, puisqu’élargissant les obligations du résident, et fait planer un doute sur le sort réservé aux Palestiniens qui demeurent à Jérusalem sans que la ville soit leur lieu de travail. De 1967 à 2008, 13 125 cartes de séjour n’auraient pas été renouvelées, dont 4 577 pour la seule année 2008. Le droit d’entrer et sortir librement de la ville, c’est-à-dire le plus souvent la liberté de se rendre dans les territoires palestiniens occupés a fait l’objet de restrictions sévères à partir de 1993, restrictions encore accrues en 2001. Sources : Jean-Paul Chagnollaud, Sid-Ahmed Souiah Atlas des Palestiniens, Éditions Autrement, Paris, 2011 ; OCHA, étude citée, 2007.
[39] En 2008, la population de l’ensemble de la Municipalité de Jérusalem était de l’ordre de 760 000 habitants répartis ainsi :
Jérusalem-Ouest | Jérusalem-Est | ensemble | |
Population de confession israélite | 320 000 | 190 000 | 510 000 |
Population palestinienne | __ | 250 000 | 250 000 |
Total | 320 000 | 440 000 | 760 000 |
Source : Jean-Paul Chagnollaud, Sid-Ahmed Souiah, op. cité, 2011.
[40] Source : Jean-François Legrain, « Politiques israéliennes du territoire en Cisjordanie-Gaza (1967-1995) », Monde arabe Maghreb-Machrek, n°152, avrio-juin 1996.
[41] Jean-François Legrain, article cité, 1996.
[42] S. Kaminker et associés, Planning and Housing Issues in East Jerusalem, A Report Prepared for the Society of St. Yves in response to High Court of Justice Petition 1091/94, repris par : B’Tselem, Ir-Shalem Jerusalem Report, n°1 décembre 1994, et cité par Jean-François Legrain, article cité, 1996.
[43] Source : Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, op. cit., 2011.
[44] Le mur de séparation et les complications qu’il produit fournit un argument à la Municipalité de Jérusalem pour limiter les services publics de base (santé, assainissement, premiers secours) attribués aux banlieues palestiniennes placées sous son autorité. L’exemple de la ville de Kufr Aqab est significatif de cela. Source : BADIL « Forced Population Transfer : the Case of Palestine », Working Paper n°17, décembre 2014.
[45] Source : BADIL « Forced Population Transfer : the Case of Palestine », Working Paper n°17, décembre 2014.
[46] BADIL : Ressource Center for Palestinian residency and refugee Right.
[47] Source : BADIL, article cité, décembre 2014.
[48] Entre 1967 et 1992, en Cisjordanie, 23 autorisations de forage de nouveaux puits ont été accordées à des Palestiniens alors que dans le même temps 32 puits étaient forés à l’usage des colonies. Source : Jean-François Legrain, « Politiques israéliennes du territoire en Cisjordanie-Gaza (1967-1995) », Monde arabe Maghreb-Machrek, n°152, avril-juin 1996.
[49] Source : Jean-Paul Chagnollaud, Sid-Ahmed Souiah, Atlas des Palestiniens, Éditions Autrement, Paris, 2011.
[50] Contre 35 % au Liban et 45 % en Israël. Source : Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Ahmed Souiah, op. cit. 2011.
[51] Ces 483 millions de m3 s’ajoutent à la production propre d’Israël qui est estimée entre 1 400 et 1 600 millions de m3. Ces chiffres de population datent de 2008, les Palestiniens résidant en Israël sont inclus dans la population de ce pays.
[52] Source : Jean-Paul Chagnollaud et Sid-Hamed Souiah, op. cit., 2011.
[53] Emergency Water and Sanitation/Hygiene group (EWASH), « Water for Agriculture in the West Bank », Fact sheet n°14, mars 2013.
[54] B’Tselem, « Dispossession and Exploitation. Israel’s Policy in the Jordan Valley and Northern Dead Sea », mai 2011.
[55] La question du caractère excessif des prélèvements est soulevée. L’abaissement du niveau des eaux de la Mer morte est souvent avancé au même titre que les pertes de biodiversité constatées dans le fleuve et ses affluents. Elle ne se pose pas seulement en Israël et en Jordanie mais concerne aussi les États en amont, principalement la Syrie et le Liban.
[56] Ces chiffres, selon B’Tselem, sont de loin supérieurs à l’allocation attribuée aux habitants d’Israël qui sont en moyenne de 165 litres.
[57] L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande une allocation de 100 litres d’eau par personne et par jour (que n’atteignent pas les villages palestiniens de la vallée du Jourdain). Selon cette organisation une dotation de 20 litres représente un seuil d’alerte à partir duquel la survie est menacée à brève échéance.
[58] Emergency Water and Sanitation/Hygiene group (EWASH), « Water and Sanitation in the Access Restricted Areas of the Gaza Strip », Fact sheet n°13, décembre 2012.
[59] Ibid.
[60] Source : S. Glover et A. Hunter, « Meeting Futur Palestinian Water Needs », Palestine Economic Policy Research Institute, 2010, cité par EWASH, publication citée, mars 2013.
[61] CNUCED, « Report on UNCTAD Assistance to the Palestinian People : Developments in the Economy of the Occuped Palestinian Territory », juillet 2012.