Crise mondiale de l’énergie : Fukushima et ses conséquences

Shigeko N. Fukai*

 

157Cette année, un certain nombre de bouleversements naturels, politiques ou financiers ont frappé les marchés de l’énergie dans le monde entier. Le 11 mars 2011 un tremblement de terre de force 9 et un tsunami géant ont touché le nord-est du Japon. En plus de quelque 25 000 morts ou disparus, ils ont provoqué un accident nucléaire de niveau 9, identique à celui de Tchernobyl dans son impact géographique et ses effets à long terme sur la santé et l’environnement, en paralysant le générateur diesel de secours et le système de refroidissement de la centrale nucléaire Daïshi de Fukushima qui est située à 200 kilomètres de Tokyo et qui est gérée par Tepco (Tokyo Electric Power Company).

En Afrique du Nord et au Moyen-Orient une vague de ferveur révolutionnaire a fait peser encore plus d’incertitude sur l’offre de pétrole et son prix. Un autre facteur géopolitique inquiétant est la montée du nationalisme, en particulier parmi les pays asiatiques en croissance rapide et les pays en développement riches en ressources naturelles[1]. Ce nationalisme est alimenté par l’intensification de la concurrence à l’échelle mondiale pour le contrôle de l’énergie et des autres ressources rares qui découle de l’augmentation rapide de la demande énergétique de la Chine, de l’Inde et d’autres pays émergents où la croissance est rapide.

Ces facteurs renforcent la perception, dans le public et chez les décideurs, de la crise globale de l’énergie dont l’enjeu est la survie de l’humanité.

L’évolution de la crise de l’énergie

 Il faut faire remarquer ici que cette crise de l’énergie est une crise qui dure depuis longtemps. Qui est profondément ancrée dans la conscience des responsables politiques, des hommes d’affaires et du public depuis la première crise de l’énergie déclenchée en 1973 par la quatrième guerre israëlo-arabe et l’embargo imposé alors par l’OPEP. Cette crise est survenue l’année qui a suivi la publication de « Limites à la croissance », le célèbre rapport établi par une équipe de chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology). Le groupe du MIT nous a rappelé la nature finie de la capacité de la terre à supporter la vie, c’est-à-dire, en premier lieu, la capacité à fournir des ressources (renouvelables, semi-renouvelables ou non renouvelables) pour les activités humaines et en second lieu pour absorber les déchets, la pollution et les dommages à l’environnement que causent ces activités. Ils prédisaient que si l’humanité ne ralentissait pas l’expansion démographique et économique et continuait à polluer l’environnement, en moins de 100 ans nous irions dans le mur et nos économies, notre civilisation commenceraient à devenir ingérable[2].

La crise de 1973-74 a semblé justifier cet avertissement. L’embargo sur le pétrole a provoqué une pénurie cruciale de pétrole et la récession aux États-Unis et dans les autres pays industriels dont l’économie dépendait d’un pétrole bon marché. Le prix du pétrole fut multiplié par quatre et l’économie s’enfonça dans une longue période de stagflation. Ce sentiment de crise se renforça encore au cours de la seconde crise pétrolière en 1979-80 provoquée par la révolution iranienne et la guerre Iran-Irak qui s’en suivit (1980-1988) où l’offre de pétrole diminua.

Cependant ce sentiment de crise a diminué lorsque le prix du pétrole a baissé. Dans les années 80-90 du pétrole fut découvert en Alaska, en Mer du Nord, au Mexique et au large des côtes d’Afrique et du Brésil. L’accroissement de la production de pays n’appartenant pas à l’OPEP conduisit à une période de pétrole bon marché qui a duré les 25 années suivantes[3].

Depuis le début de ce siècle, la production russe a apporté l’essentiel de l’accroissement de la production non-OPEP[4]. En conséquence de la révolution du gaz de schiste développée aux États-Unis la production de gaz naturel s’est accrue dans ce pays et ailleurs poussant son prix à la baisse. La demande et les prix de l’énergie ont ensuite baissé du fait de la récession mondiale — la pire depuis la Grande Dépression de 1929 — qui a été déclenchée en 2008 par la chute de Lehman Brothers, la quatrième banque des États-Unis, entraînée par des pertes massives sur ses prêts immobiliers à haut risque (les subprimes). Dès lors que la demande augmentait en Chine et dans d’autres pays d’Asie moins affectés par la récession, les prix du pétrole recommencèrent à grimper. En février 2011 les prix firent un bond en avant au moment où la guerre civile en Lybie interrompit les exportations. Après avoir atteint le sommet de 115 dollars le baril en septembre, les prix repartirent à la baisse. Avec de telles fluctuations des prix, le sentiment de crise énergétique ne pouvait qu’osciller lui-même. Néanmoins les analystes préviennent de la menace d’une crise de l’énergie dont ils soulignent les deux causes majeures : le peak oil et l’épuisement des énergies fossiles ; le changement climatique.

Peak oil et épuisement des énergies fossiles

Le pic du pétrole désigne le moment où la production mondiale de pétrole aura atteint son maximum et commencera à décliner de manière inexorable. Ce concept repose sur l’idée que lorsque est atteint le point où la moitié des ressources mondiales de pétrole ont été consommées, la fin de nos sociétés fondées sur le pétrole est proche[5]. Le moment où cela se produira est un sujet de débat mais dans son rapport World Energy Outlook de 2010, l’Agence internationale de l’énergie (AEI) considère que le monde a atteint ce pic en 2006[6].

Howard Kunstler et beaucoup d’autres experts de l’énergie affirment que nous devons envisager non seulement la fin du pétrole à bon marché mais également celle de toutes les énergies fossiles peu chères. Ils indiquent également que le passage à l’ère post-pétrole prendra au minimum plusieurs décennies[7] et qu’il faut se préparer à une transition de civilisation vers un âge post-carbone en émergence[8].

Changement climatique et réchauffement global

Le changement climatique, seconde cause de la crise énergétique signifie une modification du climat telle que le réchauffement de la planète et la répétition d’événements météorologiques extrêmes attribuables à une concentration croissante de gaz à effet de serre produits par les activités humaines. Cela a la capacité d’affecter tous les systèmes de la nature et de l’homme et peut être une menace pour le développement humain et la survie de l’espèce.

L’épuisement des ressources et le changement climatique sont tous les deux le produit d’une consommation excessive de pétrole et autres énergies fossiles, le pétrole comptant pour 33,5 %, le charbon 26,8 % et le gaz pour 20,8 %. La part des énergies renouvelables (hydraulique, solaire, éolien, géothermie et biocarburants) est de 12,9 %, celle du nucléaire de 5,8 % avec 4 % pour le reste.

Pour la période 2008-2035, la consommation d’énergie dans les pays à croissance accélérée qui n’appartiennent pas à l’OCDE augmenterait très rapidement (85 %) selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie tandis que celle des pays de l’OCDE croîtrait lentement (18 %). La Chine et l’Inde comptent pour la moitié de l’accroissement prévu. Il est prévu qu’en 2035 la Chine qui est récemment devenue le premier consommateur mondial du monde pour l’énergie utilisera 68 % d’énergie de plus que les États-Unis[9].

Si les carburants fossiles continuent d’être la source principale de l’offre mondiale d’énergie comme c’est le cas aujourd’hui, alors, il est à redouter que l’on dépasse les limites de la capacité de la terre à supporter la vie et que notre civilisation soit mortellement atteinte[10].

Renaissance nucléaire

 Considérée comme solution possible à ce problème, l’énergie nucléaire a refait surface au cours des dernières années. Avec elle on produit de l’électricité sans émission de carbone, ce qui permet de satisfaire les besoins d’énergie d’une économie mondiale qui croît rapidement tout en combattant le réchauffement global. Avec ce type de raisonnement les pays qui avaient arrêté d’installer des réacteurs nucléaires après le désastreux accident de Tchernobyl en 1986, ont commencé à reconsidérer cette production d’énergie. De nouveaux réacteurs sont en train d’être construits partout dans le monde et davantage encore sont en projet.

L’accident nucléaire de Fukushima

C’est alors qu’advint l’accident nucléaire du 11 mars 2011 à Fukushima. L’explosion et la fonte totale des barres du métal de fission se produisirent. Des matières radioactives dangereuses s’échappèrent. En août, à la demande d’une commission parlementaire, le gouvernement admet que la quantité de césium 137 éjectée par la fusion du réacteur de Fukushima réacteurs était environ 168 fois plus élevée que celle émise par la bombe d’Hiroshima et que le césium 137 qui avait été relâché resterait actif pendant des décennies et pourrait provoquer le cancer[11]. Ces matières ont contaminé non seulement l’environnement immédiat, y compris les fermes voisines, leurs productions ainsi que le littoral proche, mais aussi l’eau du robinet dans des lieux éloignés comme Tokyo.

L’accident jeta de sérieux doutes sur « la renaissance du nucléaire dans le monde ». Bien plus, quelques analystes comme Thomas Homer-Dixon et Hyriuki Koide considèrent maintenant que cet accident est un point de rupture qui changera non seulement la politique énergétique mondiale mais également notre point de vue sur la civilisation et le progrès. Ils voient la cause ultime de la catastrophe dans notre civilisation qui est orientée par la consommation, la croissance économique et la recherche du profit et qui se bâtit sur une utilisation déraisonnable d’énergie carbonée[12].

Ce qu’a révélé l’accident de Fukushima

On peut classer en trois catégories les facteurs qui attribuent à l’accident de Fukushima un impact aussi profond : 1/ les facteurs scientifiques et technologiques ; 2/ les facteurs économiques ; 3/ les facteurs sociaux et psychologiques.

1/ Les facteurs scientifiques et technologiques

L’accident de Fukushima a mis en évidence un problème inquiétant et non résolu encore concernant la gestion et l’évacuation du combustible radioactif consommé dans les réacteurs. Les efforts frénétiques pour refroidir les réacteurs en surchauffe et les barres de combustible employées ont provoqué une réflexion mondiale sur le stockage des combustibles usés. Ce que les gens ont appris en premier ce sont les difficultés et les limites du savoir concernant la contamination par les radiations, leurs effets sur la santé, en particulier pour la contamination à faible niveau et la décontamination[13] des zones touchées par les radiations.

Quelques municipalités ont ainsi commencé à nettoyer le sol en surface et à laver les bâtiments des écoles et des centres de soins pour enfants. Mais la progression a été lente. Cela parce que la crise de Fukushima était sans précédent et qu’il y a beaucoup d’inconnu en matière de contamination et sur les méthodes de décontamination. Étaient aussi inédits la manière de se débarrasser de quantités énormes de déchets radioactifs, de cendres et de terre et les lieux où les entreposer. Cela nécessitait non seulement énormément de temps et d’argent mais aussi une nouvelle recherche-développement.

Au moment de la rédaction de cet article, huit mois après le tremblement de terre et le tsunami, un groupe d’experts gouvernementaux travaille toujours sur les programmes de décontamination tandis que les efforts conjugués du gouvernement, de l’industrie et de la recherche commencent à progresser et que diverses technologies de base dont les effets ont été vérifiés en laboratoire sont enfin testés sur les terres contaminées.

En octobre 2011 l’Assemblée départementale de Fukushima a lancé une pétition demandant que la totalité des dix réacteurs des deux centrales nucléaires de la circonscription, dont quatre en fonctionnement, soient déclassés. Alors qu’une commission gouvernementale annonçait que le démantèlement prendrait au moins 30 ans, certains experts tournent en dérision cette estimation dont l’optimisme prête à rire. Le fait choquant pour le public est que personne, y compris les experts officiels ne savent quand le complexe nucléaire maudit s’arrêtera de cracher des radiations et quand ses réacteurs auront refroidi. Même après que cela se sera produit, personne ne sait vraiment combien de temps cela prendra pour sécuriser le site et enlever les équipements détruits[14].

En bref, ce que les gens du monde entier ont appris du désastre de Fukushima se ramène une chose : l’énergie nucléaire est une technologie à haut risque. C’est une technologie à moitié pensée[15].

2/ Les facteurs sociaux et psychologiques

Le gouvernement a décrété « zone interdite » un périmètre de 20 km de rayon autour de la centrale de Daïchi-Fukushima et établi des  « zones spécifiques d’évacuation recommandée » appelées « points chauds » à l’extérieur de la zone interdite, là où le niveau de radiation a atteint 20 millisieverts-an[16]. Environ 8 % — 160 000 personnes — des quelque deux millions d’habitants de Fukushima ont été obligés d’évacuer les lieux. À peu près 50 000 personnes ont été envoyées dans des secteurs hors de Fukushima et plus de 8 000 sont parties de leur propre chef par crainte des radiations[17]. Les ventes de produits agricoles ont été très affectées après qu’on ait détecté dans les produits alimentaires des niveaux de radioactivité dépassant les normes de sécurité.

 Préjugés et stigmatisation

Après le bombardement atomique d’Hiroshima et de Nagasaki les personnes irradiées, appelées hibakusha ont été stigmatisés parce que certains craignaient que les survivants puissent émettre des radiations et provoquer des mutations génétiques. De nombreux hibakusha dissimulèrent leur histoire par crainte d’une discrimination dans leur recherche d’un emploi ou d’un conjoint.

De semblables préjugés ont été observés à l’égard des gens ou des produits venant de Fukushima. On cite des exemples où des enfants évacués de Fukushima ont été malmenés, brutalisés dans leur nouvelle école et certaines productions de Fukushima ont été refusées par les consommateurs. Une ville a renoncé à planter du riz[18].

 Manque d’information et désinformation

« Les contradictions de certaines déclarations officielles et l’apparition de discours « experts » sans base scientifique ont jeté la confusion et accru le stress ». Telle est la description faite par un psychologue distingué, de la situation après les accidents de Three Mile Island (1969) et Tchernobyl (1986)[19]. La même chose s’est produite au Japon après Fukushima. Bien que le gouvernement et les scientifiques aient su dès le mois de mars que la contamination par la radioactivité créerait une zone inhabitable à Fukushima, l’information du public s’est faite lentement et par bribes. Le manque d’information et les commentaires contradictoires venant du gouvernement, des hommes politiques, des scientifiques et des médias ont aiguisé la méfiance  des gens envers les autorités et accru leur angoisse de l’avenir.

À la fin septembre, malgré la permanence des craintes sur les niveaux de radiation, le gouvernement a levé la recommandation d’évacuation pour certaines zones. Mais la crainte qui subsistait et la lenteur du processus de décontamination explique que le retour vers ces secteurs ait été lent. Environ un quart de la population de huit municipalités autour de la centrale n° 1 n’ont aucunement l’intention de revenir vivre là, d’après une étude menée en septembre par l’Université de Kukushima[20].

L’incertitude et la peur ont communiqué un stress atroce aux personnes qui vivaient encore  dans les zones contaminées et à celles qui avaient été évacuées. Comme beaucoup de « points chauds » ont été détectés en dehors des zones décrétées à évacuer, l’inquiétude de la contamination s’est largement répandue au Japon, même en dehors des zones concernées.

 Opinion publique et politique gouvernementale

Après l’accident les sondages ont montré que presque 70 % des Japonais sont partisans du démantèlement ou de la réduction du nombre des centrales nucléaires alors que 82 % des gens était favorables à l’énergie nucléaire en 2005[21].

La décision de l’ancien premier ministre Naoto Kan (prise en juillet 2011) de réduire et éventuellement éliminer la dépendance du Japon à l’égard de l’énergie nucléaire a été approuvée par plus de 70 % de ceux qui ont répondu à diverses enquêtes[22]. Une majorité écrasante des personnes interrogées ont aussi soutenu l’appel de Kan au développement des énergies renouvelables pour remplacer l’énergie nucléaire.

Le successeur de Kan, le Premier ministre Noda, a cependant écarté cette idée et déclaré la remise en état des réacteurs arrêtés, dès l’été prochain. Qu’y a-t-il derrière le renversement de position à l’égard du nucléaire opéré par Noda ?

3/ Les facteurs politiques et économiques

Le « village nucléaire »

Les critiques mettent en exergue l’influence du puissant « village nucléaire », cette communauté faite de liens étroits entre les milieux politiques, économiques, ceux de l’administration et de la recherche auxquels s’ajoutent les médias grand public. L’accident nucléaire de Fukushima a montré à tout le monde la manière dont la politique énergétique japonaise a été monopolisée par le « village nucléaire » et comment celui-ci a manipulé l’opinion publique[23]. Le système manque de contrôle démocratique et est incapable de corriger ses erreurs et de s’adapter aux évolutions[24].

Pendant des décennies, Tepco et d’autres services publics ont fourni des emplois de retraités aux agences de régulation tout en versant des fonds généreux aux hommes politiques en place[25]. Une des causes cruciales du désastre de Fukushima vient de la corruption de l’agence de régulation du nucléaire par ce « village ».

Il faut remarquer qu’on trouve aussi ce type de « village nucléaire » dans beaucoup d’autres pays, les exportations de technologie nucléaire s’accompagnant de l’exportation et du développement de tels « villages »[26]. La raison en est que le choix du nucléaire est trop risqué et trop coûteux pour la plupart des investisseurs et assureurs privés, et, de ce fait, le soutien politique et financier est essentiel pour la construction de centrales nucléaires, au Japon comme ailleurs[27].

 L’exportation des centrales nucléaires et du « village nucléaire »

Comme avant le désastre de Fukushima, l’industrie japonaise du nucléaire, en étroite liaison avec le Ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie (METI) avait pour objectif d’entrer sur le marché qui se développait pour la construction de quelque 150 centrales un peu partout dans le monde quand 440 réacteurs étaient déjà en fonctionnement. Trois grandes entreprises, Hitachi, Toshiba (qui a construit plusieurs des réacteurs de Fukushima) et Mitsubishi-Industrie lourde sont devenus des leaders mondiaux de la technologie du nucléaire.

Bien sûr, placée sous l’influence du « village nucléaire », l’Administration Noda a repris les négociations pour exporter la technologie nucléaire civile en Inde et au Vietnam et cela alors que les réacteurs de Fukushima sont toujours dans une situation critique[28]. Il n’est pas étonnant que cette politique ait été critiquée au Japon et à l’étranger comme étant inopportune, irresponsable, ambigüe et moralement condamnable. Elle est critiquée aussi pour anachronisme compte tenu du fait que le nucléaire est une industrie en déclin et également pour le fardeau financier, les exportations de centrales allant de pair avec une importante aide publique au développement (ODA).

 Le coût de l’accident nucléaire de Fukushima

Selon les estimations de Bloomberg, le coût de l’accident nucléaire de Fukushima s’élève à 17 000 milliards de yen (223 milliards de dollars)[29]. Beaucoup d’analystes considèrent que cela ne représente que la pointe de l’iceberg de l’ensemble des coûts qui incluent le dédommagement des habitants des zones contaminées, la décontamination, le déclassement de la centrale et les autres dépenses entraînées par l’accident, alors que les coûts humains, sociaux et politiques ont été incalculables, et probablement le resteront à jamais.

Ces révélations ont ranimé le débat mondial sur les dangers du nucléaire et ont obligé de nombreux gouvernements à réexaminer les règles actuelles de la régulation nationale et internationale du secteur nucléaire et à réviser leurs politiques en matière d’énergie nucléaire.

Le choc mondial du désastre de Fukushima

 Règlementations internationales

Fukushima a rappelé la leçon de Tchernobyl, à savoir que les particules radioactives qui s’échappent d’une centrale peuvent traverser les frontières et deviennent un problème international. Après Fukushima il y a eu une demande croissante venant des experts et de la société civile pour : 1/ un amendement de la Convention sur la sécurité nucléaire — CSN — qui renforce l’indépendance des régulateurs vis-à-vis des liens avec l’industrie ou le contrôle par les autorités en charge du développement du nucléaire[30] ; 2/ l’établissement de règles internationales sévères sur les dispositifs de sécurité des centrales nucléaires afin de s’assurer qu’elles sont totalement sans risque ; 3/ la création d’une agence internationale de régulation indépendante qui ait le pouvoir d’autoriser la mise en route des centrales aussi bien que leur fermeture[31].

Révision des politiques en matière d’énergie nucléaire

En Europe où se situent 152 installations nucléaires dans 15 pays membres de l’Union européenne (UE) fournissant environ un tiers de son électricité, le sentiment anti-nucléaire a augmenté dans la population, déclenchant une reconsidération sérieuse chez les décideurs publics quant à leur politique en la matière. Les pays sans installations nucléaires comme l’Autriche, le Danemark, l’Irlande et le Luxembourg ont réaffirmé leur opposition traditionnelle au développement du nucléaire. Beaucoup de pays déjà engagés dans la production de cette énergie comme la France, la Finlande, le Royaume Uni et la Slovaquie ont maintenu leur position mais nombre d’entre eux ont pratiqué des tests de résistance et quelques-uns ont réduit leurs programmes.

En France où 58 réacteurs produisent 75 % de l’électricité du pays — la plus haute dépendance du monde à l’énergie nucléaire — une enquête a montré que la proportion des partisans du nucléaire est passée de 66 % avant le désastre de Fukushima à 58 % après[32]. Un autre sondage a révélé que 77 % de la population était pour une forme ou une autre de sortie du nucléaire[33]. Le gouvernement français a lancé un plan de tests pour la totalité des 58 réacteurs[34].

En Allemagne où l’énergie nucléaire couvrait 25 % des besoins, la Chancelière Angela Merkel a décidé de fermer immédiatement les huit réacteurs les plus vieux et de fermer les 17 autres réacteurs d’ici 2022[35]. En septembre, Siemens la plus grande firme d’ingénierie d’Europe a annoncé qu’elle ne construirait plus désormais de centrales, où que ce soit dans le monde, et envisage de développer de manière consistante son portefeuille de technologies pour les énergies renouvelables[36].

En Suisse, traditionnellement favorable à l’énergie nucléaire, il a été décidé de ne pas remplacer les cinq centrales en fonctionnement aujourd’hui et de programmer une sortie progressive du nucléaire entre 2019 et 2034.

L’Italie qui cherchait précédemment à construire de nouvelles centrales après la longue période de gel qui a suivi, dans ce pays, l’accident de Tchernobyl, a pris position contre.

Israël a changé complètement ses projets et décidé de passer du nucléaire au gaz naturel.

Aux États-Unis particulièrement à l’aise avec la plus grande collection de réacteurs du monde, on renonça à un projet de centrale au Texas après Fukushima. Leur politique en matière d’énergie nucléaire avait cependant chancelé déjà avant Fukushima à cause des coûts élevés de la construction et de l’assurance des centrales et de la chute du prix du gaz naturel. Malgré les promesses d’importantes subventions et le soutien que le Président Barack Obama apportait à l’énergie nucléaire (et qu’il a réaffirmé après Fukushima), les programmes pour quelque 30 nouveaux réacteurs aux États-Unis ont été ramenés à quatre[37].

Même dans les pays en développement, malgré la croissance rapide des besoins en énergie, Fukushima a servi un rappel glaçant des risques que fait courir l’énergie nucléaire.

Taiwan s’interroge sur la mise hors service de quatre réacteurs tout en maintenant en fonctionnement une cinquième unité récemment construite.

Le Venezuela est passé de l’option nucléaire à l’option gaz naturel.

La Chine a suspendu l’agrément de nouveaux réacteurs en attendant une évaluation sur la sécurité, réduisant l’objectif d’accroissement de ses capacités en nucléaire qu’elle visait avant Fukushima[38].

Les énergies renouvelables

Ce qui a été récemment révélé sur le risque, le coût réel de l’énergie nucléaire et sur les limites du savoir scientifique et technologique dans ce domaine a développé, dans le monde entier, un sentiment anti-nucléaire chez le citoyen ordinaire jusque là indifférent par manque de connaissances. D’après un sondage réalisé par Ipsos MORI, 62 % des citoyens de 24 pays dans le monde refuse l’utilisation de l’énergie nucléaire et un quart d’entre eux a changé d’opinion après le désastre de Fukushima[39].

Le marché mondial des énergies renouvelables se développe rapidement. Entre 2005 et 2010, la capacité installée en énergie éolienne s’est accrue de 255 % tandis que le solaire photovoltaïque croissait de plus de 1 000 %[40]. Prenant en compte que l’efficacité renforcée et l’offre d’énergie renouvelable peuvent aider à contrer le changement climatique, les pays européens investissent massivement dans le solaire, l’éolien et d’autres énergies renouvelables.

Même aux États-Unis bien connus comme traînards en matière d’investissement pour le renouvelable, le secteur de l’énergie verte a un taux de croissance double de celui de l’économie dans son ensemble.

La Chine est un cas intéressant. Avec une combinaison de directives du gouvernement central sur les énergies renouvelables et de subventions généreuses, la Chine non seulement accroît sa production d’énergie renouvelable mais construit aussi des industries puissantes pour exporter dans le monde entier les technologies du solaire et de l’éolien et les équipements qui vont avec[41]. Les fabricants chinois de panneaux solaires qui n’existaient pratiquement pas sur le marché américain il y a deux ans, en détiennent aujourd’hui plus de la moitié[42].

Ainsi alors même que le « village nucléaire » réaffirme son pouvoir au Japon et partout ailleurs, quelques-uns des leaders mondiaux du secteur de l’énergie déplacent leur intérêt stratégique du nucléaire vers les énergies renouvelables.

Comme on l’a mentionné plus haut, Siemens a décidé d’abandonner le nucléaire et de doubler son portefeuille dans les énergies renouvelables.

NRG Energy, entreprise leader du secteur aux États-Unis s’est retirée du projet de centrale au Texas — ce qui a conduit à l’annulation du projet — et a investi massivement dans des projets d’énergie propre pour devenir rapidement un acteur majeur  de l’énergie verte dans ce pays[43] ; ses projets incluent l’énergie éolienne sur terre et en mer, le solaire thermique et photovoltaïque y compris la distribution d’énergie solaire et elle envisage aussi la reconversion de ses centrales thermiques au charbon vers la biomasse. Le Conseil américain pour l’innovation énergétique qui est un groupe d’hommes d’affaires préoccupé par ce qu’ils appellent le sous-investissement dans la recherche fondamentale sur l’énergie, a lancé un appel pour un triplement des dépenses publiques consacrées à la recherche-développement sur les énergies propres[44].

Au Japon où le potentiel en énergies renouvelables par habitant est le plus élevé des pays industrialisés, le développement de l’énergie renouvelable se renforce au sein de la société civile et certains segments du secteur privé en dépit du subtil retournement de politique en faveur du nucléaire engagé par le Premier ministre Noda[45]. Le développement de ce potentiel a été contré par le monopole de la production et du transport d’énergie de dix entreprises japonaises qui ont empêché les producteurs indépendants de se connecter aux lignes à haute tension pour écouler leur énergie. Après Fukushima, cependant, une revendication monte dans la société civile et les médias pour que l’on sépare la production d’énergie de son transport de manière à donner aux nouveaux producteurs d’énergie renouvelable un accès égal au réseau de distribution[46].

En partie pour surmonter ce problème, Masayochi Son, fondateur et président de Softbank, l’homme le plus riche du Japon a proposé un investissement de 26 milliards de dollars pour un super-réseau qui permettrait efficacement de transporter l’énergie à travers le pays. Pour soutenir l’initiative de Son, 36 des 47 préfets ont officiellement lancé en juillet 2011 le Conseil des énergies renouvelables[47]. Son a indiqué que lui et d’autres chefs d’entreprise du secteur privé étaient capables de remplacer en quelques années le nucléaire détruit par de l’énergie renouvelable et que l’infrastructure prévue pourrait aider le Japon à compter en 2030 sur de l’énergie propre pour 60 % de sa consommation[48].

 Le problème de la soutenabilité au cœur de la crise énergétique

Au-delà du problème de l’énergie nucléaire la catastrophe de Fukushima a relancé le débat sur la viabilité de notre civilisation. Le concept de soutenabilité est construit à partir de la reconnaissance de la limite de la capacité de la terre à supporter la vie. Quand les économies de la Chine, de l’Inde et d’autres pays en développement reproduisent le modèle de développement occidental et s’approchent du niveau de développement des pays développés, il devient clair que cette limite est suffisamment dépassée pour provoquer des dommages irréversibles au fonctionnement des écosystèmes terrestres dont dépend la vie humaine. Et ce jour approche très vite si on observe la croissance exponentielle de la demande d’énergie et de la pollution dans ces économies émergentes[49].

En réponse à ces arguments, le ministère japonais de l’environnement met en avant les 3R : réduire (la consommation), réutiliser (les produits encore utilisables), recycler (les éléments et matières). Beaucoup de gens se prononcent pour un mode de vie plus simple. Le débat public porte maintenant sur l’installation de production d’énergie à partir des ressources locales pour l’énergie renouvelable tandis que le système mondialisé de la production est critiqué dans la mesure où la catastrophe nucléaire de Fukushima a démontré qu’une rupture de la chaîne d’approvisionnement pouvait bloquer dans le monde entier la production de voitures, d’électronique et d’autres produits industriels encore. De même un nombre croissant de voix s’élèvent pour réclamer des villes plus compactes, des transports collectifs, des jardins publics et des logements efficients en matière d’énergie.

Une commission gouvernementale a annoncé que le nettoyage intégral de Fukushima prendrait au moins 30 ans. Honnêtement, avouent les experts, personne ne sait le temps que cela prendra, ni quels types de conséquences aura la contamination. Fukushima deviendra peut-être ce que Kunstler appelle une « urgence durable » qui sert de rappel permanent de la question de la soutenabilité et aide à structurer, aux différents niveaux de la société, des forces qui convergeront pour mettre en œuvre la transition d’un système qui abuse de l’énergie carbonée vers un système où l’offre d’une énergie peu carbonée et propre sera efficiente.

Sortir du nucléaire n’est pas suffisant. Il faut un débat plus au fond sur les causes structurelles de la crise énergétique et la soutenabilité de l’ordre économique mondial auquel ont conduit la mondialisation du système dispendieux de la production et de la consommation de masse. Il faut que les pays développés mettent en œuvre une réduction substantielle de leur consommation d’énergie et des autres ressources pour que les pays en développement développent leurs économies sans dépasser la capacité de la terre à supporter la vie. Une telle réduction nécessitera des changements radicaux dans notre mode de vie, notre système économique et dans les valeurs.

Notes:

*  Chiba University et Okoyama University, Japon

[1]  Gabe Collins et al. Asia’s rising energy and resource nationalism. The National Bureau of Asian Research, NBR Special Report 31, September 2011; “Time for a new energy policy”, The Wall Street Journal, 7 July 2009.

[2]  Donella H. Meadows et al., The Limits to Growth, Universe Books, 1972.

[3]  Tom Whipple, “Peak oil”, Bulletin of the Atomic Scientists vol 64, no. 5, November/December 2008.

[4]  “Oil price history and analysis”, Energy Economist Newsletter, October 2011. http://www.wtrg.com/prices.htm.

[5]  Tracy Hanes, “Survival means radical change”, The Toronto Star, 6 June 2009.

[6]  Mason Inman, “Has the World Already Passed ‘Peak Oil’? New analysis pegs 2006 as highpoint of conventional crude production”, National Geographic News, 9 November 2010.

[7]  Howard Kunstler, The Long Emergency : Surviving the End of Oil, Climate Change, and Other Converging Catastrophes of the Twenty-First Century, Atlantic Monthly Press, 2005.

[8]  Nafeez Mosaddeq Ahmed, “The end of cheap oil”, Le monde diplomatique, November 2010.

[9]  United States Energy Information Agency, International Energy Outlook, 2011. http://www.eia.doe.gov/oiaf/ieo/index.html

[10]  Rachel Warren, “The role of interactions in a world implementing change adaptation and mitigation solutions to climate”, Philosophical Transaction of Royal Society. A 369, 1934, janvier 2011.

[11]  Japan Times, 28 août 2011.

[12]  Thomas Homer-Dixon, “Our Fukushima moment : nuclear power is now officially on life support, and the energy problem will be a defining challenge in our evolution as a species”, The Globe and Mail, Canada, 18 mars 2011 ; Hiroaki Koide, “Japan risks nuclear disaster for consumer convenience”, The Japan Times, 17 mai 2011.

[13]  La décontamination consiste à enlever les substances radioactives sur le corps, les bâtiments, le sol et toute autre zone ou matériel contaminé.

[14]  Mari Yamaguchi et Charles Hutzler, “Decommis-sioning reactors to take decades, untold millions”, The Japan Times, 11 avril 2011.

[15]  Anthony Rowley, “Time to get back to basics on energy use : Lessons from Fukushima is not just alternate sources but also the need to conserve energy”, The Business Times Singapore, 7 avril 2011.

[16]  BBC Monitoring Asia Pacific – Political Supplied by BBC Worldwide Monitoring, 5 octobre 2011.

[17]  The Japan Times, 7 octobre 2011, Washington Post, 19 septembre 2011, Bloomberg Businessweek, 27 octobre 2011.

[18]  “Fukushima desolation worse since Nagasaki as residents flee”, Bloomberg Businessweek, 27 septembre 2010 ; M. V. Ramana, “Nuclear power and the public”, The Bulletin of the Atomic Scientists, 67 (4), 2011.

[19]  Professor Evelyn Bromet du Départment de Psychiatrie de Stony Brook State University of New York, citée dans “Fukushima desolation worst since Nagasaki as residents flee”, Bloomberg Businessweek, 27 octobre 2011.

[20]  The Japan Times, 10 novembre 2011.

[21]  The International Herald Tribune, 14 July 2011; IAEA poll in 2005, GlobeScan, 2005, cité par M. V. Ramana, “Nuclear power and the public”? The Bulletin of the Atomic Scientists 67(4), 2011.

[22]  Enquête Asahi citée par  The International Herald Tribune, 14 juillet 2011; enquête Kyodo citée par The Japan Times, 25 juillet 2011.

[23]  Takashi Kitazume, “Japan needs a ‘fresh start’ to resolve lingering issues”, The Japan Times, 1er novembre 2011.

[24]  Mycle Schneider, “Nuclear fallout comes with aura of arrogance”, Bloomberg, 22 mars 2011.

[25]  The Japan Times, 22 septembre 2011 ; Mark Mackinnon, “Why Japan’s government won’t give up on nuclear power”, The Globe and Mail, Canada, 14 octobre 2011.

[26]  David Mc Neill, “The sun sets on Japan’s nuclear age”, The Irish Times, 27 octobre 2011.

[27]  Mack Cooper, “The implications of Fukushima : The US perspective”, Bulletin of the Atomic Scientists, 67, 4, 2011.

[28]  Tatsuo Ito, “Japan Closer to Exporting Nuclear Technology to India, Vietnam”, Wall Street Journal, 31 octobre 2011.

[29]  Bloomberg Businessweek, 27 septembre 2011.

[30]  Ann Maclachlan, Yanmei Xie, William Freebairn, “Fukushima fuels push for independent regulators”, Inside N.R.C., Vol. 33, No. 16, 1er août 2011.

[31]  Antonio Didier Vianna, “Regulations – Viewpoint – A new authority”, Nuclear Engineering International, 1er novembre 2011.

[32]  The Yomiuri Shimbun, éditorial du 25 avril 2011.

[33]  Réalisé par l’IFOP en mai pour le Journal du Dimanche.

[34]  Christian Science Monitor, 16 mars 2011.

[35]  The Globe and Mail, 31 mai 2011 et The Banker, 1er juin 2011.

[36]  Le patron de l’entreprise, Peter Löscher a dit qu’il était en train de mettre un terme à son projet de coopérer avec Rosatom, l’entreprise publique russe d’énergie nucléaire, pour la construction de dizaines de centrales nucléaires en Russie dans les deux décennies à venir. Cf. John Broder,  “The year of peril an promise”, rapport spécial Energie, The International Herald Tribune, 11 octobre 2011.

[37]  Stephanie Cooke, “Does nuclear power have a future ? Many countries cut back on their plans and even aim to eliminate plants”, The International Herald Tribune, 11 octobre 2011.

[38]  La Chine prévoyait d’installer 86 GW de capacité nucléaire avant 2020 pour arriver à 60 GW (contre 12 aujourd’hui).

[39]  Damian Carrington, “Citizens across the world oppose nuclear power”, The Guardian, 23 June 2011.

[40]  Sven Teske et alii, The Advanced Energy Revolution : Sustainable energy outlook for Japan, 2011, European Energy Council, Greenpeace.

[41]  John M. Broder, art.cit.

[42]  Keith Bradsher, “U.S. and China on brink of trade war over solar power industry”, The New York Times, 10 novembre 2011.

[43]  http://www.nrgenergy.com/pdf/NRG_2010_YIR.pdf.

[44]  John M. Broder, art.cit.

[45]  Greenpeace, The advanced energy revolution: A sustainable energy outlook for Japan. Report 2nd edition (2011) European Energy Council, Greenpeace.

[46]  Cf la série d’éditoriaux “Seeking a society without nuclear power generation,” Asahi Shimbun, 7 et 19 juillet 2011; “Current nuclear debate to set nation’s course for decades,” The Japan Times, 23 et 30 septembre 2011.

[47]  “How nuclear energy divided Japan,” The Nikkei Weekly, 8 août 2011.

[48]  Eric Johnston, “Despite headwinds, solar energy making progress, advocates say”, The Japan Times, 24 September 2011.

[49]  Rachel Warren, art.cit.