Le Venezuela, les Caraïbes et la révolution

Ernesto Toledo Brückmann*

 

128-page-001La Révolution bolivarienne est, de nos jours, le grand événement de l’Amérique Latine et un espoir pour toute la région ; les changements favorisés par Hugo Chavez au Venezuela sont sans aucun doute une graine qui peut très bien germer ailleurs dans une Amérique latine marquée par des politiques intérieures et extérieures traversées par des liens de domination et de dépendance. La patrie du libertador Simon Bolivar, qui constitue une source d’inspiration pour Chavez, occupe le premier plan d’un processus qui paraît irréversible.

Le Venezuela, un pays de contradictions

Le Venezuela est un des pays d’Amérique latine qui présente la plus grande division entre les classes : 80 % de la population vit dans la pauvreté et la Banque mondiale calcule que 20 % des plus pauvres ne dispose que de 3,7 % du Produit national brut, tandis que 10 % des citoyens les plus riches accaparent 37 % des richesses. Les énormes disparités de richesse ont été relativement atténuées au début de la décennie des années 1980, lorsqu’une partie de l’argent du pétrole est passée des couches sociales les plus hautes vers les plus basses dans un pays que l’on disait être « l’Arabie Saoudite de l’Amérique Latine » ; mais avec l’effondrement du prix du pétrole et le démarrage d’un programme rigoureux d’ajustement structurel, le Venezuela est rapidement entré dans une crise économique permanente.

On dit que « le coup de Caracas » de 1989 — lorsque les gens sont descendus des quartiers périphériques de Caracas et se sont regroupés dans le centre et les quartiers riches pour protester contre l’augmentation des prix du carburant réclamée par le FMI — fut un événement déterminant pour l’évolution politique de Hugo Chavez. Trois ans plus tard, en février 1992, le jeune colonel idéaliste prit la tête d’un coup d’Etat au nom des masses populaires, nommé « insurrection populaire bolivarienne ». Le coup d’Etat échoua mais propulsa Chavez au centre de la politique vénézuélienne et, lorsqu’en 1998 il se présenta aux élections présidentielles avec un programme qui voulait en finir avec la corruption et la soumission aux pouvoirs étrangers et initier une révolution sociale, il l’emporta sans aucun problème avec 56 % des voix, soutenu y compris par des couches de la classe moyenne qui, aujourd’hui, amères, sont dans l’opposition.

L’échec du coup d’Etat

Les divisions de classe de ce pays sont apparues aux yeux du monde comme une blessure incurable lors des événements des 11 et 13 avril 2002. Au cours d’un affrontement entre l’opposition et les partisans de Chavez, des hommes armés, non identifiés à ce jour, ont tiré des coups de feu contre la foule et tué 18 personnes, pour la plupart partisans de Chavez. Quelques heures après que le général Efrain Vazquez a exigé la démission de Chavez, un groupe d’officiers et de soldats a procédé à son arrestation au Palais présidentiel et l’a emmené vers une île éloignée de la côte. Une junte dirigée par Pedro Carmona, président de la Chambre de commerce vénézuélienne, soutenue par des généraux et des amiraux impliqués, s’installa au pouvoir et prit unilatéralement la décision de dissoudre l’Assemblée Nationale, la Cour Suprême, le Conseil Electoral National et tous les gouvernements d’Etat et municipaux. Elle a également annulé un ensemble de quarante-huit lois qui avaient été approuvées par l’Assemblée Nationale et que la droite considérait comme une menace pour le règne du système de propriété privée.

Ce fut un exemple classique de comment outrepasser ses propres possibilités. De nombreuses unités militaires, rendues furieuses par des actes aussi osés, n’ont pas voulu croire que Chavez avait démissionné et se sont rangées de son côté, tandis que des centaines de milliers de pauvres descendaient vers le centre de Caracas, formant une masse impossible à contenir qui dispersa les forces favorables au putsch. En rappelant les événements, Chavez a signalé postérieurement : « le gouvernement était faible, nous étions faibles mais au moment où nous en avions le plus besoin, le peuple est sorti dans la rue et nous a sauvés ». Ce qui s’est passé, dit le sociologue péruvien Anibal Quijano, dépasse les frontières du Venezuela, puisqu’il s’agit de « la première victoire de masse en Amérique et dans le monde depuis fort longtemps ». Quarante-huit heures plus tard, Chavez était de nouveau au pouvoir.

De nombreuses institutions se sont ridiculisées, parmi lesquelles le journal états-unien The New York Times, en écrivant un éditorial en faveur du putsch le samedi 13 avril pour se rétracter le mardi 16. De même, l’administration de George Bush avait accusé Chavez d’avoir provoqué le putsch, mais évita de revenir sur le sujet en voyant qu’il était à nouveau au pouvoir. Au Pérou, nous nous souviendrons du dirigeant Alejandro Toledo qui signala : « Je ne portais pas Chavez dans mon cœur », avant de se soustraire pendant une semaine au harcèlement de la presse.

La révolution comme moyen

Il est évident que la Révolution bolivarienne représente un succès ayant des implications présentes et futures, difficiles à effacer, annuler ou ignorer. Or ce processus est lié au destin manifeste de toute la nation latino-américaine. L’orientation prise par la majorité du peuple vénézuélien incarne une authentique et naturelle démonstration de sa réelle indépendance politique.

Quant à la continuité du néolibéralisme au Venezuela, Chavez dit avec emphase : « Nous aurions perdu lamentablement notre temps si, après tout cela le modèle économique capitaliste et néo-libéral qui a conduit à la pauvreté la plus grande partie des Vénézuéliens, était resté intact. Nous aurions perdu du temps et la vie. Et nous ne sommes pas disposés à la perdre mais à l’offrir au bénéfice de la grande majorité dans son espoir de dignité. » , indique-t-il dans le récent acte de ratification de son mandat, et il rappelle en outre la priorité d’avancer plus rapidement et plus profondément vers la transformation socio-économique du pays. Cela démontre aux différents dirigeants régionaux l’importance d’un travail dans l’unité, qui viendra à bout des contraintes imposées par les Organismes financiers internationaux comme le FMI, La Banque Mondiale et La Banque Interaméricaine de Développement (BID) ; c’est dans ce dessein que Chavez propose une Alternative bolivarienne pour l’Amérique latine et les Caraïbes (ALBA).

Qu’est-ce que l’ALBA ?

Alors que l’Alliance pour le Libre Commerce des Amériques (ALCA) répond aux intérêts du capital transnational, et vise à la libéralisation absolue du commerce des biens et services et des investissements, l’Alternative bolivarienne pour l’Amérique latine et les Caraïbes (ALBA) met l’accent sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, prenant en compte les intérêts des peuples latino-américains.

Le fondement de l’ALBA, c’est la création de mécanismes visant à créer des avantages en termes de coopération entre les nations qui permettront de compenser l’asymétrie existante entre les différents pays de l’hémisphère. Elle se base sur le concours de fonds compensatoires pour corriger les disparités qui placent les pays faibles dans une situation désavantageuse par rapport aux grandes puissances. Dans ce but, la proposition vénézuélienne accorde la priorité à l’intégration latino-américaine et à la négociation par blocs sous-régionaux. En ouvrant de nouveaux espaces de consultation afin d’approfondir la connaissance des différentes positions et d’identifier des espaces d’intérêt commun, cette proposition doit permettre la constitution d’alliances stratégiques et la présentation de positions communes lors du processus de négociation. Le défi est d’empêcher une dispersion dans différentes négociations pour éviter que les nations de la région soient englouties par les pressions qu’elles subissent pour conclure un accord rapide avec l’ALCA.

L’ALBA propose d’établir des consensus autour d’accords d’intégration reconstruits pour atteindre un développement endogène national et régional qui supprimera la pauvreté, corrigera les inégalités sociales et assurera une qualité de vie améliorée pour les peuples. La proposition de l’ALBA vient se greffer sur le réveil de la conscience qui s’exprime dans l’émergence d’un nouveau leadership politique, économique, social et militaire en Amérique latine et dans les Caraïbes. Aujourd’hui, plus que jamais, il est nécessaire de relancer l’unité latino-américaine et caribéenne. L’ALBA, comme proposition bolivarienne et vénézuélienne, vient s’ajouter à la lutte des mouvements, des organisations et des campagnes nationales qui se multiplient et s’articulent dans tout le continent contre l’ALCA.

La notion néo-libérale d’accès aux marchés se limite à prendre des mesures pour réduire les droits de douanes et à éliminer les entraves au commerce et à l’investissement. Ainsi on comprend que le « libre commerce » ne bénéficie qu’aux pays qui connaissent le plus haut degré d’industrialisation et de développement. De fait, nombreuses sont les études scientifiques qui démontrent de façon irréfutable que l’application des critères actuels de la globalisation et leur manifestation, dans l’Hémisphère Sud ou dans les régions voisines, a anéanti l’espoir d’un véritable développement endogène dans tout pays du continent.

Non à l’ALCA, oui à l’ALBA…

Face à tout cela : qu’y a-t-il derrière l’urgence de George Bush pour que l’ALCA soit mise en œuvre dès 2005 ? Il y a trois raisons à cela :

       – a/ éponger la récession aux Etats-Unis ;

       – b/ contenir l’influence européenne dans la région, neutraliser la Communauté Andine des Nations (CAN) et le Mercosur, ce dernier étant renforcé par l’autorité de Lula da Silva au Brésil et de Nestor Kirchner en Argentine ;

       – c/ camoufler par des négociations économiques, l’interventionnisme militaire états-unien qui trouve une nouvelle jeunesse en Amérique du Sud.

Tout indique que les pays développés ne veulent pas éliminer les subventions, ni les mesures ayant des effets équivalents et ne prétendent pas non plus diminuer substantiellement les aides, de crainte de perdre leurs marchés dans le monde. Bien au contraire, ils ne proposent de le faire qu’après avoir négocié de façon multilatérale. C’est pourquoi, il n’est pas possible de demander un accès plus important aux marchés sud-américains. Pour être juste, il faut négocier l’accès aux marchés pour les produits agricoles au sein-même du forum multilatéral, et seulement après avoir pris pleinement connaissance de la véritable portée de l’accord adopté par les puissances agricoles du monde concernant l’élimination des subventions ou des mesures équivalentes et la diminution ou la maîtrise des aides intérieures.

La proposition de Chavez a engendré une vague d’adhésions qui croît et semble s’étendre. Pour le moment, il s’agit d’amplifier la thèse du leader cubain Fidel Castro : réaliser un plébiscite régional pour consulter la population latino-américaine afin de savoir si elle désire participer à l’ALCA. La proposition vénézuélienne vise, en outre, à ôter sa légitimité et à faire front à l’ordre économique imposé par le néolibéralisme, modèle économique qui s’organise et fonctionne sur la base des inégalités et qui depuis 1994, prétend avec insistance s’emparer du continent au moyen de l’ALCA.

Mentionnons le “darwinisme social” présenté par ce qu’on appelle le “Consensus de Washington”, dont la signature en 1989 a pour objectif de consolider un système capitaliste mondial basé sur la liberté du marché ; ce qui conduit à une sélection naturelle, “les plus aptes” dominant sur “les plus faibles” incapables d’affronter un monde de compétition et de conflits.

Les Etats-Unis rencontrent aujourd’hui un autre problème lié à l’apparition de gouvernements totalement démocratiques, arrivés au pouvoir par des élections totalement libres et claires. Des gouvernements peu enclins à faire des concessions favorables à Washington qui ne sait plus quelle stratégie appliquer. Les analystes états-uniens sont à la recherche de la forme, de la manière, ou de la stratégie à appliquer pour faire “entendre raison” à quelques pays du sud du Rio Grande pour qu’ils reviennent à leur condition de pays acceptant totalement la politique de l’Empire.

Réussites politiques et sociales

La Révolution bolivarienne a quelques réussites à son actif. On ne peut nier le progrès au sein de l’organisation populaire des travailleurs, étudiants, femmes, paysans, professionnels, techniciens et classe moyenne, que représente le renforcement au sein du peuple des valeurs de démocratie, de liberté, de paix, de solidarité, de convivialité et de bien commun. Une démocratie participative et agissante est en train de se construire à travers les Conseils locaux de planification publique qui rendront possible la participation de communautés organisées à la prise de décisions quant aux travaux réalisés par les mairies. De même on accorde aux peuples indigènes le droit à l’éducation et à l’expression dans leur langue d’origine.

Finalement la nouvelle loi sur les hydrocarbures interdit la privatisation de l’entreprise publique des pétroles du Venezuela (PDVSA) et établit le contrôle de l’Etat sur la plupart des transactions pétrolières et la hausse des impôts portant sur celles-ci.

Sur le plan social, le chômage a été réduit de 17,8 % en 1998 à 13,1 % en 2001. La population ayant accès à l’eau potable a augmenté de 82 % à 86 % et le raccordement au réseau d’évacuation des eaux usées de 65 % à 79 %. Une réforme agraire est également en cours grâce à la loi sur les Terres et le Développement agraire qui prévoit de donner des terres à de petits et moyens propriétaires, tout en cherchant à éliminer du latifundium (grande propriété terrienne) une oligarchie improductive et corrompue qui garde sans les cultiver de grandes étendues de terre alors que la population souffre de la faim. Par ailleurs, plus de trois millions d’enfants ont reçu des chaussures et des uniformes scolaires.

Il a aussi été mis en place une Banque du Peuple Souverain afin d’accorder des crédits aux pauvres et une Banque de la Femme qui soutient les femmes chefs de famille. On a procédé à la construction de 150 000 logements en deux ans, réalisés par l’Institut National du Logement (INZVI) et le Fundabarrio, avec la participation des Forces armées. Cinq millions d’habitants ont bénéficié du droit à la propriété de terrains urbains dans différents quartiers. Pour la première fois de leur vie, deux millions de vénézuéliens ont accès à l’eau potable, grâce à un accord d’investissement avec le gouvernement chinois.

Il est clair que, à l’occasion du coup d’Etat de 2002, s’est généralisé dans la conscience citoyenne le sentiment d’un nécessaire recours répété à l’action politique. Cette mentalité s’est enracinée davantage dans les mois qui ont suivi, lorsque l’économie a été temporairement détruite par la grève du pétrole lancée par les dirigeants de PDVSA et soutenue par toute l’opposition. Ces deux faits ont marqué l’économie vénézuélienne de ces dernières années.

Mais tout n’est pas réussite. Il faut reconnaître que les réformes actuellement développées n’ont pas encore touché la propriété capitaliste et les monopoles financiers. Ce pourrait ne pas être une critique, car il faut comprendre la nécessité de n’avancer qu’à pas mesurés sans tomber dans la précipitation. Chaque avancée vers la démocratie participative depuis la première élection de Chavez, a été conçue pour aller vers un seul but. Les Missions mises en place dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’emploi représentent des formes parallèles qui se comprennent comme des raccourcis pour pallier les structures existantes actuellement incapables d’aller vers une transformation révolutionnaire.

Par ailleurs, la seule idée d’une révolution démocratique implique que tout ce qui a été obtenu par la voie électorale se traduise en pouvoir ; mais un changement fondamental à l’intérieur de l’Etat vénézuélien lui-même, n’est pas encore possible. La transformation de l’Etat est sans doute le but le plus stratégique qu’une révolution puisse espérer mener à bien ; cela sera hors d’atteinte du peuple vénézuélien tant qu’il ne se mobilisera pas pour obtenir la complète institutionnalisation de son droit à peser politiquement dans toutes les instances du gouvernement.

Nouvelles formes de déstabilisation sociale et politique

Bien que la Révolution bolivarienne joue sa partie à l’intérieur du Venezuela, il n’est pas moins évident qu’elle agit aussi dans les pays voisins et sur tout le continent. Cependant, ce n’est pas ce qui semble pour le moment inquiéter Washington qui, en liaison avec la classe supérieure alignée sur ses positions, considère pouvoir prendre d’autres types de mesures pour tronquer les changements que le Venezuela veut faire passer de façon pacifique et démocratique.

Les experts états-uniens en déstabilisation ont plusieurs niveaux d’intervention, même si le principal est de faire agir la CIA et d’autres institutions proches. Cependant les temps changent et ce serait intolérable d’agir selon les anciennes habitudes. Désormais, c’est la bourgeoisie locale qui s’emploie au sabotage de la transformation sociale ; pour cela nous avons l’Action Démocratique et COPEI, partis politiques traditionnels, à l’expression plutôt limitée au Venezuela jusqu’à présent.

Mais n’oublions pas que la carte la plus importante que les Etats-Unis jouent dans la région, c’est le Plan Colombie. Il lui permet d’exercer son ingérence dans la zone, pour pouvoir déstabiliser à tout moment, au nom de la lutte contre le narcotrafic et la guérilla colombienne. La crainte est que le Venezuela ne devienne un laboratoire pour les plans de déstabilisation qui s’élaborent sans nul doute quelque part dans quelque endroit de ce pays et aussi dans d’autres pays, y compris aux Etats-Unis. Il suffit de se rappeler l’énorme influence que possède la superpuissance nord-américaine sur les milieux économiques, financiers, entrepreneuriaux et les services secrets : aucune personne sensée qui voudrait évaluer et étudier l’historique de l’intervention et de l’ingérence états-unienne en Amérique latine et ailleurs, ne peut ignorer que Washington met toujours beaucoup de créativité en la matière, maniant les plus inhabituels, les plus récents et les plus sensationnels instruments de déstabilisation pour installer des gouvernements adeptes de son influence et de ses desseins. Sans aller plus loin, rappelons qu’au début de l’année 2004, les services de contre-espionnage du Venezuela ont rasé dans les environs de Caracas la propriété d’un cubain ayant des intérêts économiques à Miami, dans laquelle s’entraînaient des paramilitaires colombiens visant à assassiner Chavez et à déstabiliser le pays.

Les possibilités de déstabiliser le Venezuela sont importantes étant donné que ce pays est vital pour les intérêts des multinationales, ainsi que pour les gouvernements et les groupes oligarchiques qui sont et ont toujours été prêts à toute manœuvre pour défendre leurs intérêts. Seuls le peuple, les classes populaires et moyennes, les travailleurs et les petits commerçants et producteurs pourront, s’ils sont unis, maintenir à distance les machinations des privilégiés.

 Les secteurs progressistes vénézuéliens assurent être en possession de documents qui démontreraient que l’Agence états-unienne pour le Développement International (USAID, l’United States Agency for International Development) versait plus de 5 millions de dollars par an à diverses organisations de l’opposition, entre autres à Sumate[1], l’organisation qui jusqu’à présent ne reconnaît pas les résultats du référendum révocatoire contre le Président Chavez. Comme l’on sait, l’USAID est financée par le Congrès des Etats-Unis et contrôlée par le Département d’Etat. Mais Sumate a également reçu des fonds du gouvernement états-unien au travers de National Endowment for Democraty en 2003, ce qui prouve clairement l’ingérence nord-américaine dans les affaires du Venezuela.

« Le referendum révocatoire n’a pas été un référendum pour Hugo Chavez, c’était un référendum pour le processus révolutionnaire, auquel la plupart des vénézuéliens ont apporté leur soutien. C’est le moment d’approfondir la révolution ! » a annoncé le dirigeant vénézuélien à la foule rassemblée à l’extérieur du Palais présidentiel qui célébrait son triomphe lors de la consultation populaire du 15 août dernier.

Le vote pour le « Non », — vote contre la révocation du mandat présidentiel — l’a emporté dans 23 des 24 Etats du pays, y compris dans les 8 Etats actuellement gouvernés par l’opposition, même si cela s’est parfois joué à très peu de voix. De la sorte, la Révolution bolivarienne est entrée dans une nouvelle étape sa légitimité est réaffirmée avec l’assentiment de 60 % des votants. Il faut considérer que jamais auparavant, Chavez ou le processus révolutionnaire n’avaient compté autant de soutien au Venezuela, ou autant d’approbation — malgré la répugnance d’une partie de la communauté internationale. Des intellectuels du monde entier ainsi que des organisations politiques et sociales ont pris fait et cause en faveur du dirigeant.

Le Venezuela est aujourd’hui devenu un espace d’étude pour les sociologues, les politologues, les spécialistes de questions internationales car chaque jour voit quelque événement et le flot d’informations et de désinformations que connaît le pays est énorme. Ce qui se passe au Venezuela est ce qui est susceptible d’arriver dans tout pays latino-américain qui a été habitué pendant des décennies à vivre dans l’injustice sociale, à être manœuvré par des groupes économiques et politiques néfastes qui ont été placés au gouvernement et à la tête de l’économie de nos pays ; des groupes oligarchiques qui n’ont jamais eu ni n’auront jamais le projet d’un pays décent, mais qui ont été et continuent d’être de vils serviteurs qui exécutent une politique impérialiste qui les sert directement, eux et leurs maîtres.

Réponse à la presse privée

Il est devenu banal de dire que les moyens de communication ont toujours occupé une place très importante dans le cours des événements du pays ; quant aux coups d’Etat, ils ont toujours eu lieu d’une façon ou de l’autre. Cependant, il est évident que la presque totalité des médias n’a pas fait preuve du moindre engagement envers la société vénézuélienne lors des événements qui ont conduit au renversement provisoire de Hugo Chavez. Cette tentative de coup d’Etat au Venezuela restera dans l’histoire comme la plus grande campagne médiatique de ces dernières années en faveur du désordre institutionnel.

Jusqu’à présent, la presse privée alliée à la droite vénézuélienne qui possède les journaux, les chaînes de télévision et de radio conservent une attitude de rejet envers la Révolution bolivarienne et ses défenseurs ; d’une façon ou de l’autre, ces médias accordent régulièrement des faveurs à ceux qui s’y montrent ouvertement opposés. Face à tout cela, l’organisation populaire se manifeste par la création de Centres d’Information Gratuits, qui sont des cabines Internet réparties dans tout le pays pour que le peuple puisse les utiliser gratuitement. Il existe aussi des Médias Alternatifs Communautaires composés de 467 journaux communautaires, 9 télévisions et 38 radios, avec entre autres Radio Perola, Radio Comunitaria, Radio Alternativa de Caracas, Radio Catia Libre, Radio Ali Pimera, Radio Sendero, La voz del Invidente, TV Vive, TV Catia et TV tambores.  Ces médias font l’effort de faire entendre la voix de ceux qui ont toujours été exclus, et produisent, par ailleurs, des programmes pour renforcer les valeurs et la dignité. Mais la presse privée et d’opposition à la révolution parle de harcèlement lorsqu’il s’agit de discuter de la Loi de Responsabilité Sociale des Moyens de Communication. Il se crée aussi des campagnes pour contrer le terrorisme médiatique de la contre-révolution.

Achever la révolution en direction du socialisme

Bien qu’à plusieurs reprises, la presse d’opposition du Venezuela et la presse étrangère aient insisté pour accorder un caractère socialiste à la Révolution bolivarienne, non sans avoir qualifié Chavez « d’émissaire au service de Fidel Castro », le dirigeant vénézuélien a nié que le processus en cours de consolidation ait un caractère communiste, ni que son parti, le Mouvement Cinquième République (MVR) ait un profil marxiste. Tout cela est pris en compte par la gauche du pays elle-même et celle de l’étranger, qui après avoir initialement gardé leurs distances suivent aujourd’hui le mouvement. Comme si cela ne suffisait pas, une série de mouvements politiques armés, parmi lesquels les Montoneros et les Tupamaros, se sont manifestés, assurant qu’ils défendraient la révolution par la lutte armée.

La victoire — qui affaiblit encore plus la contre-révolution — doit profiter aux couches progressistes afin de faire avancer la révolution par la prise de mesures concrètes dans les domaines politique, économique et social qui enlèveront des espaces à l’impérialisme et à la bourgeoisie vénézuélienne. L’histoire démontre qu’une révolution qui ne va pas jusqu’au bout est renversée (cela s’est produit au Chili et au Nicaragua). A cet effet le Parti Communiste du Venezuela propose une série de mesures qui comprennent :

       – la nationalisation du système bancaire, mis sous contrôle ouvrier et social, au même titre que celle des industries de base, du marché intérieur et extérieur, des grandes entreprises de transports et de l’alimentaire ;

       – le non-paiement de la dette extérieure et l’affectation des ressources ainsi dégagées à une relance robuste de l’économie qui, aujourd’hui, ne s’appuie que sur les prix momentanément élevés du pétrole ;

       – le contrôle ouvrier et la gestion démocratique de PDVSA qui garantira la participation majoritaire des travailleurs à tous les organes de décision ;

       – la constitution de brigades d’autodéfense qui, dans chaque quartier, entreprise et lieu habité veilleront à l’ordre et à la sécurité du peuple ;

       – la constitution de milices ouvrières et populaires qui défendront le processus social et révolutionnaire contre toute agression de l’intérieur ou de l’extérieur ;

       – le contrôle ouvrier et populaire des moyens de communication et finalement l’instruction militaire massive, car : « chaque pêcheur, chaque étudiant, chaque personne du peuple doit apprendre à manier un fusil parce que c’est là le concept du peuple en armes », comme l’a dit Chavez lui-même dans son programme radiodiffusé : Aló Présidente en avril 2004.

Les Patrouilles (groupes de militants pour le « Non » lors du dernier référendum), les Cercles Bolivariens, les Unités de la Bataille Electorale (UBE) et les Missions (organisations qui se consacrent à apporter des solutions à des problèmes spécifiques) doivent discuter de l’organisation d’assemblées de soutien au processus révolutionnaire dans chaque secteur, quartier, paroisse, etc. Ces assemblées serviront à désigner les candidats aux prochaines élections. Cette structure de pouvoir doit intervenir aussi pour canaliser les réclamations de voisinage, pour décider de la répartition des différents budgets : municipaux, des Etats et celui de la nation. Les bases révolutionnaires qui composent les organisations révolutionnaires devront élire des délégués révocables à tout moment, pour constituer une grande Assemblée nationale qui élira le Chef dirigeant de la révolution. Ce système de pouvoir, basé sur la prise de décision par les travailleurs, devra être transposé à tous les secteurs. Au secteur étudiant pour qu’il impulse la démocratisation des centres d’étude, ce qui passe par l’élection de toutes les autorités éducatives, où chaque étudiant, professeur, ouvrier et employé doit avoir une voix et participer à la prise de décisions.

En ce moment le Venezuela traverse de très durs moments, car les changements ne peuvent s’effectuer du jour au lendemain, mais du point de vue idéologique ce pays est en bon chemin pour pouvoir apporter davantage de justice sociale, de développement et de prospérité, d’indépendance et une réelle souveraineté.

 

Notes:

* Journaliste péruvien. A collaboré à divers médias du Pérou et d’ailleurs. A également été enseignant.

Il travaille actuellement pour le journal en ligne : <Soberania.org.pe>.

Traduit aimablement par Maïté Lacaze.

[1] Sumate = rejoins-nous (note de la traductrice).