Le pouvoir des créanciers et le pouvoir monétaire de l’Etat dans la crise argentine

Jaime Marques-Pereira*

et Ramon Tortajada**

 

128-page-001Récemment, s’est tenu à Madrid, sous les auspices de la Casa de America et de l’ambassade argentine en Espagne, un colloque intitulé « Réflexions sur la démocratie à l’entrée du 21ème siècle ». Un quotidien espagnol du 14 décembre 2004, El Pais, qui est l’équivalent du quotidien français Le Monde tant par la nature et le ton des articles que le type de lecteurs, titrait ainsi son compte-rendu de ce colloque : « Globalisation contre souveraineté populaire ». Il mettait en exergue une affirmation de Cristina Fernandez de Kirchner, sénatrice de la République argentine et épouse du président : « Le FMI s’est trompé pendant 10 ans dans ses ordonnances [au sens médical du terme] et cependant il n’y a personne qui évalue ce travail ».

La profondeur de la crise monétaire, économique et sociale, l’ampleur des échos politiques — tous les partis furent rejetés, au plus fort de la crise, par le slogan le plus commun : « que se vayan todos ! » [qu’ils s’en aillent tous] — appellent en effet à une telle évaluation où l’ensemble des dimensions politiques, économiques et sociales soient prises en compte. Cependant, ce n’est pas là l’objet de cet article, et ce pour plusieurs raisons. La première est que cette crise n’est pas “un coup de tonnerre dans un ciel serein ”, nous sommes ici dans le cadre de la “chronique d’une crise annoncée” depuis plusieurs années déjà et très précisément au moment même où furent prises les mesures regroupées sous l’appellation de plan de convertibilité[1]. La seconde raison tient à ce que cette évaluation est en cours dans de nombreux centres de recherche : en effet, la politique économique adoptée par le gouvernement argentin, ses rapports avec le FMI et les autres organismes internationaux, constituent un cas d’école. Les études, colloques, ouvrages, articles ne font pas défaut, loin de là. Enfin parce que l’espace physique est trop restreint pour un tel travail qui nous soit propre. Aussi cet article n’a pour objet que dessiner les traits généraux de la relation qui unit le régime de change et l’ouverture économique à la régulation sociale et qui expliquent le piège dans lequel s’est enfermée l’Argentine.

1 – Régime de change et système monétaire

Le choix d’un gouvernement d’associer le régime de change, l’évolution des échanges internationaux et les règles d’émission de monnaie est toujours le résultat d’un compromis entre une contrainte et une volonté.

En l’occurrence la contrainte que subissait l’Argentine n’était pas l’effet premier d’une volonté externe, telle celle des organismes internationaux comme le FMI et la Banque mondiale. Elle était interne à l’Argentine, c’était l’hyperinflation. Indiquons les principaux traits de cette situation. Les gouvernements militaires qui se sont succédés jusqu’à leur effondrement qui suivit la guerre des Iles Malouines, s’étaient considérablement endettés afin de régler le déficit de la balance du commerce, déficit qui était l’effet d’une politique publique de déficits budgétaires afin d’acheter la paix sociale. L’arrivée au pouvoir de Raul Alfonsin en 1983 fut marquée par un réajustement du système monétaire, une nouvelle monnaie fut créée en 1985, l’austral, et les dettes externes renégociées. Cette expérience s’acheva dans l’hyperinflation de 1988-89. En mai 1989, Carlos Menem fut élu président. Le taux d’inflation atteignait alors 1 200 % l’an. En avril 1991, le gouvernement argentin adopta la proposition de son ministre des finances, Domingo Cavallo, le plan de convertibilité, et qui est ce qu’on nomme aussi currency board.

Ce n’était pas la première crise de nature inflationniste que connaissait l’Argentine, ni même les divers pays du Cône Sud de l’Amérique. Le choix qui a été fait par les autorités argentines n’a pas visé, à titre premier, les activités internes qui ont toujours besoin d’un certain degré de souplesse monétaire (à l’exemple de ce qui s’est fait au Brésil), mais la protection des créanciers.

Cependant, ce faisant, si à court terme le plan de convertibilité pouvait être efficace en matière de stabilisation des prix, sa mise en place était grosse de la crise qui survint dix ans plus tard. Voyons d’abord en quoi consiste ce plan de convertibilité (et son substrat théorique, le currency board) et nous verrons, ensuite les effets qui en découlent logiquement.

Le plan de convertibilité

 On peut repérer quatre caractéristiques principales, parmi les mesures de ce plan de convertibilité.

       a – La première et la plus significative est la règle de convertibilité stricte. Un peso (la dénomination d’austral ayant été abandonnée pour revenir à celle d’avant) ne pouvait être émis que si un dollar des Etats-Unis était déposé à la Banque centrale. Celle-ci est devenue une “caisse d’émission”, ou encore, caisse de conversion – traduction littérale de caja de conversion. Cette mesure est double. Elle indique d’une part un rapport de parité des changes : un peso = un dollar (dont la volonté symbolique est de l’ordre de l’évidence) ; et d’autre part la volonté de lier l’Argentine aux Etats-Unis, alors que ceux-ci n’occupent pas la première place parmi les partenaires commerciaux de l’Argentine. Peut-être, est-ce la double conséquence de la domination du dollar, ou que l’euro n’était pas encore complètement mis en place, ou encore que le Mercosur avec ses promesses de politiques conjointes était encore dans ses préliminaires ? Mais le fait est là : un dollar = un peso.

       b – Cette affirmation, pour être crédible, s’est accompagnée d’une seconde mesure, la libre circulation des capitaux. A la garantie de convertibilité, s’est ajoutée celle de la liquidité. Il convenait d’attirer les capitaux extérieurs. Ici, on peut avancer une hypothèse susceptible, peut-être, de répondre à la question antérieure. C’est parce que nombre de capitaux d’origine argentine, placés à l’étranger dans la zone dollar, souhaitaient revenir en toute sécurité (économique !) que le choix du seul dollar comme base de l’émission des pesos a trouvé son intérêt.

       c – La possibilité d’utiliser les titres de la dette externe lors de l’acquisition des entreprises publiques.

       d – Une autonomie accrue de la Banque centrale à l’égard des autorités publiques, sanctionnée par la fixation de limites étroites pour l’achat de titres publics. Le financement du déficit public ne doit pas, selon ce plan, se confondre avec la logique monétaire ; à l’Etat de se financer sur les marchés ou auprès des institutions financières, nationales ou non.

Les diverses mesures de ce plan de convertibilité se sont accompagnées d’une ingérence plus importante des organismes internationaux dans la définition de la politique économique et sociale argentine, notamment au travers des programmes d’assistance financière conditionnels. Cependant, soulignons-le, si les mesures d’ingérence sont la conséquence de ce type de plan, elles n’en sont ni à l’origine, ni la cause.

Examinons de plus près la première des principales caractéristiques de ce plan de convertibilité : la règle de convertibilité stricte. Cet examen est d’autant plus nécessaire que cette règle constitue la base logique de tout le plan, elle rend compte tant de sa réussite (en matière de prix) à court terme que de son échec désastreux en matière économique, sociale et, enfin, monétaire à plus long terme.

Cette règle, où la Banque centrale est une “caisse d’émission”, apparaît dans la littérature économique sous les termes de currency board. Ce n’est pas là une chose nouvelle pour les économistes. C’est la forme modernisée d’une très ancienne règle d’émission de monnaie (en fait, de billets de banque). Selon cette règle, la Banque centrale, qui est la banque qui prête aux autres banques et, par là, approvisionne toute l’économie, ne peut émettre de billets de banques que seulement si un dépôt d’or (ou de tout autre métal) a été fait. Le billet de banque est alors un “certificat d’or”. La valeur de ce billet représente celle de l’or déposé à la Banque centrale. La convertibilité assure qu’à tout moment le détenteur du billet peut le convertir en or. De fait, le fondement de ce billet, la monnaie véritable au sens où elle assure le règlement des dettes et créances et permet l’évaluation des échanges, c’est l’or. C’est pourquoi ce système est appelé “système de l’étalon-or”. Le but d’une telle règle d’émission est de garantir le détenteur du billet de banque du maintien du pouvoir d’achat de ce dernier, au moins tant que les règles de l’émission des billets sont respectées. On comprend sans peine que ce qui est d’abord garanti dans un tel système, ce sont les droits des créanciers.

Historiquement, ce système constitue le fonds de la plupart des manuels et traités en économie politique ; il fut aussi la base du système monétaire et bancaire du Royaume-Uni au 19ème siècle. Bien entendu, à la cohérence sans faille des exposés des traités économiques, répondirent les crises monétaires de tout le 19ème siècle et ceci alors que la Grande-Bretagne était la puissance dominante. Suite à cette longue expérience historique, s’affirma la nécessité d’une Banque centrale capable de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort. Le FMI, même à son corps défendant, a été amené à jouer un rôle semblable dans le cas de l’Argentine, pour contrer le doute sur le caractère soutenable des emprunts qui ont assuré la liquidité, depuis la loi de convertibilité, en dépit du déficit de la balance commerciale.

Le plan de convertibilité adopté par l’Argentine s’inscrit en droite ligne dans ce système. Comme ce système de l’étalon-or, aussi désigné par les auteurs britanniques de currency principle, le système d’émission correspondant fut désigné par les termes de currency board.

Dans ce système, l’or est remplacé par la monnaie d’un autre pays et afin que les choses soient aisément vérifiables, la parité retenue fut de un pour un. Ici, le détenteur de la monnaie argentine, le peso, est assuré du maintien de la parité par rapport au dollar ; c’est-à-dire que par rapport aux autres monnaies, le peso argentin va fluctuer comme le dollar. Cependant, la monnaie de l’Argentine n’est pas le dollar ; on se situe, si l’on suit la typologie des régimes de dollarisation dressée par J. F. Ponsot (2004), dans une “gestion active de la dollarisation”[2]. L’unité de compte nominale est la monnaie argentine et c’est en cette monnaie que s’effectuent les divers règlements avec les autorités publiques (paiement des impôts et taxes, rémunération des fonctionnaires).

Les effets de ce plan de convertibilité

Les effets de toute modification du système monétaire sont immédiats et généraux. Ce fut le cas pour l’Argentine. L’austral disparut. Le peso, nouvelle parité, lui fut substitué. Ce faisant, les autorités reconnaissaient que le dollar servait déjà tant de monnaie de compte que de moyen de règlement et que l’austral n’avait qu’une présence fictive. La conversion de l’austral au peso-dollar se fit au cours du jour. Les effets les plus durs de l’hyper-inflation se sont maintenus, par exemple, les salaires réels ont été maintenus bas. L’effet sur les prix fut immédiat ; l’inflation disparut avec l’austral ; les agents économiques, de nouveau, étaient en mesure de faire des anticipations en termes de monnaie. Les effets du choc hyper-inflationniste furent l’acceptation de toute situation économique, sociale et politique pourvu qu’elle garantisse la stabilité monétaire.

Or, le système monétaire ne se réduit pas à cette dimension, et il ne se confond pas avec la “qualité” d’une monnaie. Dans un article publié en 1999, le ministre des finances à l’origine du plan de convertibilité, D. Cavallo, présentait ainsi la logique de sa décision (Cavallo, 1999, apud Ponsot, 2004, p. 10) :

« la qualité d’une monnaie réside, d’une part, dans son aptitude à sauvegarder durablement la stabilité des prix et, d’autre part, dans la confiance que cette monnaie suscite chez les agents économiques, qui l’utiliseront alors pour leurs transactions commerciales et financières » ;

et un peu plus loin, il précise :

« la qualité d’une monnaie se dégrade quand l’Etat en abuse pour financer un déficit budgétaire ou pour accroître la compétitivité extérieure de son économie ».

On ne saurait être plus clair. La politique monétaire du gouvernement argentin ne doit pas être soupçonnée ni de dévaluations “compétitives” (destinées soit à relancer la capacité exportatrice, soit à protéger — relativement — les industries argentines), ni de chercher à résoudre des questions budgétaires. Le “choc” hyperinflationniste est toujours présent dans le comportement des Argentins et l’auteur justifie son plan sur cette base : d’abord la stabilité des prix, toujours la stabilité des prix.

Cette stabilisation des prix dans un système d’émission lié organiquement au commerce international soulève la question de son articulation à l’emploi et aux salaires et la question de l’ouverture économique. Considérons d’abord cette dernière comme condition de fonctionnement de la règle de convertibilité avant de montrer comment la première a déterminé sa remise en cause.

L’enjeu de ce choix de politique économique et monétaire était double. D’abord modifier les anticipations des agents économiques quant aux mouvements des prix. Ce fut fait. Restait le second enjeu : assurer une entrée suffisante de dollars pour garantir l’émission des pesos requise pour les relations économiques. Trois possibilités sont envisageables (et ont été mises à contribution) : la balance commerciale, l’entrée des capitaux étrangers par des incitations à des investissements directs, et enfin des emprunts.

La première de ces possibilités est la plus significative économiquement. L’excédent ou le déficit commercial sont liés directement à l’ensemble de l’activité économique nationale et à ses rapports internationaux. Cela signifie, aussi, que l’économie de l’Argentine, dans son ensemble, est soumise aux aléas du commerce international. Le déficit de la balance commerciale peut alors résulter tant d’une modification de la parité du dollar par rapport aux autres monnaies des pays importateurs de biens argentins (et sur cette modification, la politique argentine ne peut rien) que d’un manque de compétitivité propre à l’économie argentine. En l’occurrence, le lancement du plan de convertibilité coïncida avec une période d’appréciation du dollar par rapport aux autres monnaies. Les entreprises argentines, soit purent réduire l’ensemble de leurs coûts (essentiellement les coûts salariaux), soit disparurent. Toute la période 1991-2001 se lit comme une augmentation de la population au chômage, hormis la poussée de 1996-1998. On y reviendra ci-après.

Le besoin de devises pour la création de monnaie devait aussi être satisfait par des investissements étrangers directs. Pour cela le gouvernement argentin mit en place une campagne de privatisation systématique des entreprises publiques. Afin d’attirer les investisseurs étrangers il y avait la clause du plan de convertibilité sur le mouvement des capitaux, nous l’avons dit. Il y avait aussi le “prix attractif” de ces actifs pour les entreprises qui acceptaient le “risque” argentin. De nombreuses entreprises européennes acceptèrent ce risque et prirent des parts dans les secteurs des télécommunications, de l’électricité, de l’eau, etc. Ce fut la principale source d’entrée des dollars, avec l’endettement.

A court terme, le plan eut les effets attendus : la hausse annuelle des prix, encore que supérieure à celle de la zone principale du dollar, les Etats-Unis, revint à un niveau acceptable, inférieure à 10 %. La stabilité des prix était obtenue. L’endettement international, pourrait-on dire, fut un succès. Le plan de convertibilité apparut vite éminemment recommandable, surtout accom-pagné de cette “remise” sur le marché des entreprises publiques issues des nationalisations antérieures, de sorte que pendant que se déroula leur vente, les prêts ne firent par défaut. La création de monnaie argentine, le peso, était assurée, mais il fallait payer les intérêts. En 1999, ils représentaient 40 % de la valeur des exportations et il convenait de rembourser les emprunts. Comme tout était déjà vendu, la voie était ouverte à la crise de 2001.

2 – Le piège de la convertibilité

Le currency principle a impliqué un déficit de la balance du commerce qui a conduit à une trajectoire explosive de l’endettement externe. L’explosion a été retardée de six ans après un premier mouvement de retrait des capitaux externes qui eut lieu dans la foulée de la crise mexicaine de fin 94. La rapidité de la dégradation du déficit du compte courant effraie, comme au Mexique, mais la crise fut de courte durée. Celle-ci apparut comme l’épreuve de feu du régime monétaire. La restructuration bancaire, éliminant les petits établissements et renforçant la part de capital étranger du secteur, évita les faillites susceptibles de paralyser le système de paiements. La récession et l’amélioration de l’environ-nement externe desserrent la contrainte externe[3] après que le FMI a constitué un fonds financier qui enraye la hausse du taux d’intérêt. Le débat que provoqua la crise mexicaine de 1994 (“crise Tequila”) mit certes en avant le coût d’une unification monétaire artificielle avec les Etats-Unis mais la conviction du gouvernement argentin faisait écho à la plaidoirie du consensus de Washington en faveur de la libéralisation complète de l’économie. Le retour du capital étranger signifia alors une poussée de la croissance donnant lieu à un besoin exponentiel de financement externe. Quand les marchés le jugèrent insoutenable, il déclencha une nouvelle récession qui, cette fois, se transforma en dépression du fait de l’entêtement des autorités à maintenir la parité auxquels les marchés ne croyaient plus. Le FMI ne servit plus alors qu’à prêter les devises qui gonfleront les actifs argentins à l’étranger et à en reporter la charge sur la gestion de l’après-crise.

Ce qui apparaît aujourd’hui comme la chronique d’une crise annoncée pose la question de la responsabilité gouvernementale. Les émeutes ont démontré le rejet de la classe politique. L’approbation que suscite le gouvernement actuel n’est sans doute pas étrangère au fait qu’il attribue au FMI la responsabilité de la crise. Quelle que soit la pugnacité du gouvernement dans la négociation de conversion des dettes en défaut, le modèle économique n’est pas pour autant substantiellement modifié. La maxi-dévaluation du peso argentin — dont le taux de change nominal s’est maintenant stabilisé autour de 3 pour 1, comme le real brésilien — a dopé les exportations et l’on en est revenu aux forts excédents commerciaux des années 80. Le fardeau de la dette n’en continue pas moins de peser sur le potentiel de croissance et d’impliquer l’aggravation des inégalités sociales. Il implique désormais un excédent budgétaire qui assure le service de la dette accumulée et de celle qu’il faut, malgré tout, continuer d’émettre.

En dépit du bras de fer actuel avec le FMI, la politique économique que celui-ci prescrit continue de prévaloir. La responsabilité de la crise renvoie, en ce sens, à l’interprétation qui est donnée du piège de la convertibilité. Pour le FMI, ce dernier résulte de l’héritage de laxisme budgétaire dont le gouvernement Menem ne s’est pas départi. A cet argumentaire dit “fiscaliste”, s’oppose l’analyse qui met en lumière la dérive d’endettement externe inhérente à une libéralisation économique, brutale et adossée, qui plus est, sur une loi de convertibilité tenue pour inviolable au point d’être inscrite dans la Constitution. Le pouvoir des créanciers qui s’est ainsi consolidé pose la question de l’instrument monétaire comme instrument de la souveraineté politique. L’opposition entre la globalisation (ou le FMI) et la souveraineté populaire doit être alors replacée dans cette perspective pour expliquer comment son expertise est une représentation des contraintes économiques qui ont fondé la légitimité gouvernementale et continuent, en partie, de le faire.

Le soutien du FMI et sa critique du laxisme budgétaire

Le FMI n’a pas tort d’affirmer que le fait de fixer les conditions de son appui financier à l’équilibre externe ne l’autorise pas à dicter le choix du régime monétaire. La survie prolongée du plan de convertibilité est d’abord un choix national qui a non seulement préservé mais considérablement accru les gains financiers privés grâce à l’endettement externe de l’Etat. Avec le regain de la confiance qui suivit la crise de 95, l’endettement externe n’est plus le complément des privatisations pour assurer la disponibilité de devises. C’est de lui seul que dépend maintenant la variation des réserves de change qui conditionne la liquidité de l’économie. La volonté du gouvernement argentin s’avère payante. Les limites à l’endettement semblent ignorées. Le spread argentin qui mesure l’écart de risque par rapport au taux d’intérêt nord-américain devient le plus bas parmi les économies émergentes. L’accroissement du ratio de la dette aux exportations finira, toutefois, par renverser la confiance quand le déficit commercial explose, après la dévaluation du real en 98. Le Brésil représentait alors un tiers des exportations argentines.

Rétrospectivement, il est aujourd’hui manifeste que le plan de convertibilité s’est maintenu grâce à l’appui du FMI, même s’il semble s’y être conformé à contre-cœur depuis que la crise brésilienne lui a ouvert les yeux sur la catastrophe prévisible. Le FMI ne renie pas, pour autant, son appui. Cela paraîtrait, pour le moins, inconvenant après avoir fait du président Carlos Menem, peu avant que ne commence la déconfiture, l’orateur principal de la réunion annuelle FMI / Banque Mondiale, en duo avec le président américain Bill Clinton. Le FMI fait à présent acte de contrition, se reconnaissant le tort d’avoir cautionné le laxisme budgétaire qu’il tient pour responsable de la rupture du régime monétaire.

Les experts du FMI estiment maintenant qu’il eut fallu sortir de la convertibilité en 1996-97. Michael Mussa, directeur des recherches du FMI, explique que ce dernier ne pouvait que se conformer au choix souverain du régime monétaire que fait le gouvernement argentin. Son appui est l’expression de l’adhésion générale que remporte le plan auprès de la communauté financière internationale et il semblait aller de soi, face au consensus politique sur la libéralisation complète de l’économie, que le plan était parvenu à l’établir (Mussa, 2002). Certains membres du Bureau exécutif du FMI considèrent qu’il s’est trompé en appuyant le plan de convertibilité en l’absence des conditions politiques d’une responsabilité budgétaire qui eût évité un endettement repoussant à plus tard la nécessité de dégager l’excédent budgétaire qui finance le service de la dette extérieure (de Beaufort Wijnholds, 2003). Force est de constater que la rupture du régime monétaire aura donné gain de cause au FMI. L’Argentine, comme les autres pays ayant tablé sur la fixité du taux de change — même sous la forme plus souple du flottement contrôlé — se sont rangés à l’exigence d’un excédent budgétaire pour rendre crédible leur capacité à servir la dette et à consolider les réformes structurelles qui déterminent le coût du travail[4].

Sans doute, le FMI s’est-il senti pris au piège du succès qu’a remporté le plan de convertibilité dès lors qu’il ne pouvait inciter à une transition moins dramatique, ce qui a conduit les libéraux fondamentalistes à dénoncer la perte de l’argent public des plans de sauvetage et l’aléa moral qu’ils génèrent comme ferment du surendettement. Le débat d’experts qu’a suscité l’échec du FMI à prévenir ou, du moins, amoindrir la crise monétaire laisse dans l’ombre le piège de la convertibilité qui se noue par les effets macro-économiques d’une libéralisation commerciale et financière dans le régime monétaire prévalant. L’explication “fiscaliste” de la crise n’est pas anodine dans cette perspective. La vision dichotomique de l’économie séparant l’analyse des phénomènes réels — la production et la distribution des revenus — des phénomènes monétaires conduit la défense du FMI à mettre en avant le laxisme budgétaire qui dégrade la qualité de la monnaie. Cette défense fait ainsi l’impasse sur le fait que la dérive de la dette publique externe couvre le besoin de financement externe du secteur privé et le report des dettes externes — privées et publiques — qui s’est opéré avec le plan Brady de 1993. Mais, loin d’être contre-productive du point de vue politique, ces dérives de l’endettement externe auront constitué le levier du consensus sur la nécessité de l’excédent budgétaire et de nouvelles réductions du coût du travail.

La restructuration de la dette externe, aujourd’hui en défaut, et la dévalorisation des actifs suite à la dévaluation sembleraient ainsi signifier une crise régénératrice de l’accumulation du capital et, plus particulièrement, de sa dimension financière. Marx en avait montré le caractère fonctionnel, mais l’ampleur de la crise et ses effets d’hystérésis sur le marché du travail conduisent à douter de ce caractère fonctionnel en soulignant les limites à l’investissement qu’impliquent la volatilité de l’activité et l’impossibilité d’un ajustement externe fondé uniquement sur la réduction du coût du travail (Salama, 2004).

Vulnérabilité financière, régression sociale et pouvoir des créanciers

La tradition keynésienne qui met en avant le caractère intrinsèque à l’économie de marché de l’instabilité financière conduit à poser en termes différents la responsabilité budgétaire. Une telle analyse montre que tant la responsabilité du FMI que celle du gouvernement sont en cause mais qu’elles se rapportent d’abord  aux choix monétaires car la dérive de l’endettement et la régression sociale en sont la conséquence. L’évolution de la dette publique tout au long des dix ans de convertibilité et la réduction des coûts du travail qu’elle impose constituent une démonstration de sa fonctionnalité. On comprend ainsi le caractère illusoire du projet de développement soutenu par la norme monétaire.

Le piège de la convertibilité n’est pas celui de conforter l’ivresse de l’endettement qui aurait rendu le gouvernement argentin sourd aux conseils de prudence budgétaire, pour paraphraser Michael Mussa (op. cit., p. 15), mais bien les effets sur l’évolution de la dette externe des conditions de protection des créances établies par le plan de convertibilité. Le déséquilibre budgétaire ne devient incontrôlable qu’à la fin de la décennie, du fait de la dépression. La politique de contraction budgétaire s’avère alors auto-destructive car le respect des objectifs qui lui ont été fixés est censé indiquer aux marchés à quel degré la dette est — ou non — soutenable. Loin de signifier le choc de confiance qui devait renverser le cadre déflationniste, cette politique fit office de sonnette d’alarme des marchés. Le caractère soutenable — ou non — de l’endettement externe ne tient pas au léger déficit budgétaire que s’est autorisé le gouvernement Menem dans les périodes ascendantes du cycle et qui n’atteint pas 2 % du PIB en 1997, l’année précédant le début de la dépression (Damill, Frenkel et Maurizio, 2003). Il tient à l’évolution du besoin de financement externe qui croît de façon continue. L’inertie de sa progression est celle des revenus de l’investissement. Cette inertie atténue d’ailleurs le comportement contra-cyclique du compte courant par rapport au PIB, mais les fluctuations de son solde resteront dans la zone de déficit tout au long de la décennie. Le déficit est d’abord financé par les privatisations, complété par l’endettement externe qui en devient par la suite le seul support. Au départ, les entrées de capital dépassent le déficit du compte courant et abondent la croissance de l’offre de monnaie et de crédit. C’est dans le second cycle expansif que se révèle le rôle significativement différent que jouent les secteurs privé et public dans l’apport de capital extérieur qui détermine l’accumulation des réserves de change et, par là, de liquidité de l’économie.

Du début de l’année 1991 à la fin 2000, l’accroissement de la dette externe publique est de l’ordre des 32 milliards de dollars. Celui du secteur privé et du secteur financier atteint les 55 milliards mais cet apport de devises est toutefois contrebalancé par une progression plus rapide des actifs externes du secteur privé. L’accumulation des réserves est donc conditionnée à l’endettement externe de l’Etat qui fournit au secteur privé les devises qui soldent le déficit de la balance de commerce et des services des facteurs, c’est-à-dire, les rapatriements de profits et de dividendes (Damill, Frenkel et Maurizio, 2003). C’est là le prix différé de la privatisation. De 1992 à 2000, pour chaque dollar gagné par les 500 plus grandes entreprises privatisées, 80 cents sont expatriés (Azpiazu, 2001, apud Salama, 2003). Dans les années 97-98, ce rapatriement représente 55 % des entrées au titre de la privatisation. Joint aux intérêts de la dette et aux services à la production, le besoin de financement externe atteint ainsi la moitié des exportations. Le réinvestissement des profits n’est que d’un quart de ce qui est rapatrié. Le déséquilibre budgétaire est donc la variable d’ajustement du besoin et de la capacité de financement (Salama, 2003).

Le plan de sauvetage de fin 2000 n’altéra en rien les anticipations de montée du risque argentin. La récession qu’a impliquée la diminution des entrées de capital a réduit les recettes et accrû le besoin de financement au point que la perte des réserves de change se double d’une panique bancaire qui atteint le niveau d’un milliard par jour la dernière semaine de novembre 2001. Le gouvernement ne disposant que du montant de 15 milliards de devises, correspondant à peine au montant de la monnaie nationale en circulation, se voit contraint d’instaurer une limite aux retraits de 250 pesos par semaine. Il déclenche ainsi la révolte de la classe moyenne à laquelle fait écho le pillage des supermarchés par les pauvres.

Ce que Michael Mussa appelle l’ivresse de l’endettement public externe paraît une explication pour le moins hypocrite de la crise argentine dès lors que la stabilité monétaire était fondée sur la possibilité même de cet endettement qui permet de boucler la balance des paiements. Le problème n’est pas celui du laxisme budgétaire quand le déficit est facile à financer mais le cercle vicieux d’un endettement contraint par le déficit du compte courant. Le cercle vicieux s’établit de la façon suivante. La valorisation du change réel a réduit la compétitivité-prix. Le choc de l’offre a, certes, permis une très forte augmentation de la productivité et celle-ci réduit d’autant plus le coût du travail que la libéralisation du marché du travail et la réorganisation productive ont déconnecté le salaire nominal de la productivité. Les réformes structurelles ont bien mené à un ajustement de l’emploi et des salaires qui rapproche l’Argentine du modèle de concurrence pure et parfaite.

La régression sociale qui en résulte tient surtout à la perte de revenus due à l’augmentation du chômage et du sous-emploi, ce qui aura fait basculer en dix ans plus de la moitié de la population au-dessous de la ligne de pauvreté. Le mouvement fut continu jusqu’à la crise monétaire qui accélère la tendance lourde d’une variation cyclique du niveau de l’emploi en fonction de la demande et des prix relatifs dus à l’appréciation du change réel, combinée à une variation contra-cyclique du sous-emploi alors que la population active s’accroît par augmentation de la participation des  femmes (Damill et al., op. cit.). Cette tendance lourde s’était affirmée dès la mise en œuvre du plan de convertibilité.

Le piège de la convertibilité réside dans ce pari de faire de la flexibilité du taux de salaire la contrepartie d’une acceptation de la monnaie, gagée sur l’entrée des devises. Le pari d’une résorption du déficit du commerce extérieur s’est avéré illusoire. Son financement a fait de l’endettement externe public le moyen d’en soutenir la progression ainsi que le rapatriement des profits et des dividendes. Le piège n’est pas propre à l’Argentine, mais il était ici impossible d’en sortir du fait du choix d’un ancrage total, inscrit dans la Constitution. Le cas argentin témoigne par là, plus encore qu’ailleurs, d’une capture des décideurs de la politique économique par les créanciers. Cette hypothèse est celle d’une lecture gramscienne de l’endettement externe et d’une libéralisation économique tablant sur la désindustrialisation pour casser les compromis hérités du perónisme[5] (Basualdo, 2001). La financiarisation de la richesse fondée sur la rente agricole qu’a instituée l’endettement externe des gouvernements militaires explique que, pour protéger les créances menacées par l’hyper-inflation ouverte, le currency principle ait été repêché de l’histoire ancienne des difficultés à assurer le financement externe au début du siècle[6] pour protéger les créances menacées par l’hyperinflation ouverte. La règle de convertibilité a restauré l’hégémonie d’un pouvoir financier dominant de l’ancienne oligarchie terrienne.

L’hégémonie renvoie à la légitimité de cette politique et soulève alors la question de la dimension stratégique que recouvrent les règles et les institutions dans la confiance en la monnaie mais aussi celle d’une théorie économique qui définit aujourd’hui les conditions juridiques et monétaires qui sont censées permettre aux marchés d’assurer la cohésion sociale[7]. Envisagée dans cette perspective, le problème de la crédibilité de toute politique économique n’est pas qu’une question subjective d’attentes des agents économiques, réductibles à des anticipations rationnelles ou à une convention perçue comme un phénomène essentiellement psychologique. La crédibilité est un complexe de croyances sur la capacité d’une politique économique d’assurer une combinaison entre des interventions juridiques, monétaires et discursives (ces dernières déterminant l’opinion publique et la délibération politique) dont la cohérence lui permet de produire les effets escomptés (Théret, 1999).

Ce que démontre la crise argentine est que cette cohérence est d’abord monétaire. La rupture du système de paiement et de règlement de la dette a impliqué la pire crise économique et sociale de l’histoire du pays, mais la flexibilité du travail et la politique monétaire commandée par la capacité d’endettement de l’Etat continuent d’être les variables de bouclage macroéconomique (Lo Vuolo, 2004). La continuité de la politique économique au Brésil avec le gouvernement Lula rend tout aussi évidente l’importance que joue la politique monétaire dans la formation de ce qu’il faut bien appeler un compromis social maintenant que Brasilia est devenu l’incarnation du consensus post-Washington. Il faut faire une seconde observation sur l’importance du discours de la crédibilité qu’inspire la théorie économique. Dans un cas comme dans l’autre, le conflit distributif de la société capitaliste se joue hors du monde de la fabrique et des bureaux ou de celui des mouvements sociaux revendiquant l’accès aux services publics — ces mondes qui ont engendré au Brésil le Parti des Travailleurs — ou qui ont renversé le gouvernement en Argentine ; il se décide dans l’arène feutrée où s’est conçue une politique monétaire dont la légitimité que lui donne le débat public, témoigne de la force idéologique des “money doctors[8].

Le caractère inéluctable de la crise dû au régime financier renvoie en Amérique latine à l’endettement de l’Etat comme déterminant de la création monétaire et de l’endettement privé. L’endettement de l’Etat fait du taux de salaire la variable d’ajustement entre le taux d’intérêt et le taux de profit[9]. Le conflit entre intérêts financiers et productifs que doit arbitrer la politique monétaire est en fait un terrain de construction de compromis sociaux. En Argentine, elle en est explicitement le principal terrain. C’est là une question nouvelle posée à l’analyse de la monnaie : expliquer en quoi elle est un moyen fondamental de l’action sociale qui procède de la souveraineté qui en fait un bien économique mais aussi, ce qu’elle a toujours été dans l’histoire[10], un medium de cohésion et un enjeu de pouvoir (Aglietta et Orléan, 2004). L’histoire monétaire récente de l’Argentine est, à cet égard, exemplaire des recompositions politiques que le pouvoir monétaire de l’Etat permet d’engager [11].

Pour en savoir plus

 Aglietta M. et Orléan A., La monnaie entre violence et confiance, Odile Jacob, Paris 2004.

Aglietta M. et Orléan A. (sous la dir. de), La monnaie souveraine, Odile Jacob, Paris, 1998.

Azpiazu D., « Privatizaciones y regulaciones en la economia argentina », miméo, FLACSO, Buenos Aires 2001.

Basualdo E., Sistema politico y modelo de acumulacion, U. Quilmes / FLASCO / Idep, Buenos Aires, 2001.

de Beaufort Wijnholds J. O., « The Argentina Drama : a View from the IMF Board » in : Teunissen et Akkerman. The Crisis that was not Prevented, Lessons for Argentina, the IMF and globalization.

Cavallo D., « La qualité de la monnaie », Economie Internationale 1999, n° 80, pp. 103-118.

Damill M., Frenkel R. et Maurizio R., « Politicas macroeconomicas y vulnerabilidad social. La Argentina en les años noventa », CEPAL, Serie Financiamiento del desarrollo, n° 135, Santiago du Chili, 2003.

Della Paolera, G. et Taylor A. M., Tensando el ancla, La caja de conversión argentina y la búsqueda de la estabilidad macreconomica, 1880-1935, FCE, Buenos Aires, Mexico, 2003.

Lo Vuolo R., « La herencia menemista en la salida de crisis de Argentina », colloque Régulation sociale et développement, IRIS / CREDAL / USP, Paris, 2004.

Lo Vuolo R., Alternativas. La economia como cuestion social, éd. Altamira, Buenos Aires, 2001.

Nellburg F., « Economistas y culturas economicas en Brasil y Argentina. Notas para una comparacion a proposito de las heterodoxias », Tiempo social 16 (2), octobre 2004.

Marques-Pereira J., (sous la dir. de) « Théories de la “dollarisation”, nature de la monnaie et pratiques monétaires », Journée d’études, CEPSE / UPMF, Grenoble, 2004.

Marques-Pereira J., « L’aléa moral de la souveraineté monétaire en Amérique latine ou le voile du conflit distributif », in : Marques-Pereira J., 2004, ou Cadernos do Prolam / Usp, n° 4, 2003 <www.usp.br/prolam/ano2vol1.html>.

Mussa M., Argentina y el FMI. Del triumfo a la tragedia, Planeta, Buenos Aires, 2002.

Ponsot J. F., « La dollarisation : une interprétation institutionnaliste et macroéconomique », in : Marques-Pereira J., 2004.

Salama P., « Amérique latine, dettes et dépendance financière de l’Etat », colloque Régulation sociale et développement, IRIS / CREDAL / USP, Paris, 2004.

Salama P., « L’économie argentine et l’endettement », in : Quattrocchi-Woisson D. (sous la dir. de), Argentine. Enjeux et racines d’une société en crise, éd. Tiempo et Le Félin, Paris, 2003.

Salama P., « Chroniques d’une crise annoncée », in : La lettre de la régulation, traduit en anglais, 2003.

Salama P., La dollarisation, Algema – La Découverte, Paris, 1989.

Théret B., « L’effectivité de la politique économique : de l’autopoièse des systèmes sociaux à la topologie du social », L’Année de la régulation, vol. 3, Paris 1999.

Théret B., « La dollarisation : polysémie et enflure d’une notion », in : Marques-Pereira J., 2004.

Teunissen J. J. et Akkerman A., (sous la dir. de), The Crisis that was not Prevented, Lessons for Argentina, the IMF and globalisation, FONDAD (Forum On Debt And Development), La Hague, 2003.

Zuazúa N. G., « La evolucion del empleo en el corto plazo. ¿Recuperacion o nuevo patron de crecimiento? » Analisis de Coyuntura, Centro Interdisciplinario para el Estudio de Politicas Publicas, juin 2004.

 

Notes:

* et ** CEPSE – Centre d’études de la pensée et des systèmes économiques, Université Pierre Mendès France, Grenoble 2.

[1] Rappelons aussi que le FMI était initialement sceptique quant à la réussite de ce plan, si l’on en croit l’un des membres de son Bureau exécutif. Mais celui-ci l’adopta et, ce faisant, contribua à son maintien (de Beaufort Wijnholds, 2003, p. 109).

[2] Ponsot distingue quatre types de dollarisation :

– de facto, officieuse avec une gestion passive ; le processus relève du choix des agents privés ; elle est partielle ;

– de jure, officielle avec une gestion active ; l’unité de compte nationale est maintenue ; elle est partielle ;

– intégrale avec perte de souveraineté non assumée ;

– intégrale avec perte de souveraineté assumée.

[3] La dépréciation du dollar et l’ancrage du real brésilien accroissent de deux tiers la compétitivité-prix des exportations.

[4] Telle fut l’option du gouvernement De La Rua qui succéda à Menem en promettant la sauvegarde de la convertibilité. Dans l’impossibilité politique d’atteindre les objectifs budgétaires négociés avec le FMI par la coupe des dépenses, D. Cavallo — rappelé à la rescousse — est nommé ministre des finances. Il parvient à convaincre les marchés de reporter à 2005 douze milliards d’intérêts dont le règlement à partir de 2005 se montera à soixante-six milliards de dollars. La déflation qui prévaut alors implique la baisse des salaires nominaux que sanctionnent les accords professionnels (voir Salama, 2003).

[5] La violence politique de l’époque de la dictature en Argentine et l’ampleur de la remise en cause des droits sociaux par le plan de convertibilité ont balayé l’Etat-providence qui s’était consolidé, comme dans d’autres pays d’Amérique latine, sous l’égide de régimes dits populistes qui prévalent des années 40 aux années 60. Le général Peron qui en fut le promoteur en Argentine laissa un héritage politique qui marque encore l’actualité argentine, à la différence de Getulio Vargas au Brésil.  Menem a transformé le parti péroniste en porte-drapeau du libéralisme, consolidant ainsi le retour à une société fondée sur la rente agricole d’exportation de ce qui était devenu, avec la politique économique et sociale de Peron, la seule société salariale d’Amérique latine comparable à celle de pays plus développés.

[6] On peut consulter à ce propos Della Paolera et Taylor, 2003.

[7] Voir pour plus de détails Marques-Pereira, 2004.

[8] Voir sur l’histoire comparée de leur influence au Brésil et en Argentine, F. Nellburg, 2004.

[9] Le crédit à la consommation n’est pas pour autant sans importance. Il favorise la reprise des biens durables et de la demande induite de biens d’équipement alors que les biens-salaires demeurent liés au niveau de ce dernier.

[10] Cette thèse s’appuie tant sur l’analyse des sociétés primitives ou de l’Antiquité que sur celle de l’émergence et de développement de la société capitaliste (sous la dir. de Aglietta et Orléan, 1998)

[11] C’est là le thème d’une recherche en cours (ACI Terrains, techniques, théories) – « Du symbolisme de la monnaie. L’effondrement de la convertibilité de la monnaie argentine, une analyse comparative avec le Brésil. », CEPSE-UPMF / CREDAL-CNRS.