Payer pour s’instruire ou comment la Banque mondiale et le FMI influencent l’éducation dans le Tiers-Monde

Un dossier de Nancy Alexander, Globalisation Challenge Initiative*

 

118Introduction

 Les années 80 sont parfois qualifiées de décennie perdue pour le développement. Les taux de scolarisation ont chuté. L’avancée remarquable vers la généralisation de l’enseignement primaire qui s’était opérée pendant vingt ans, de 1960 à 1980, a été stoppée voir inversée dans beaucoup de pays.

En 1990, la conférence de Jomtien (Thaïlande), Education pour tous, avait lancé un appel urgent aux gouvernements, aux donateurs, aux financiers pour qu’ils se mobilisent contre le déclin de l’éducation de base.

En juin 1996, à Amman (Jordanie) la conférence pour le suivi de la Conférence de Jomtien a pu constater une augmentation sensible du nombre d’enfants scolarisés (+ 50 millions), mais insuffisante pour faire face à l’accroissement du nombre d’enfants en âge d’aller à l’école. Dans certaines régions — Asie du Sud, Afrique sub-saharienne — les progrès constatés ont été très insuffisants. La scolarisation des filles n’a pas avancé de manière significative (de 45,4 % en 1990, elle est passée à 45,8 % en 1995). Les différences de taux d’alphabétisation des adultes selon le sexe se sont en fait accrues, pendant la même période.

Au Forum Mondial de l’Education qui s’est tenu à Dakar en 2000, la communauté internationale a promis de lancer une « Initiative globale » pour mobiliser les ressources nécessaires pour soutenir les pays dans leurs efforts en faveur de l’éducation mais, jusqu’ici, rien n’a été fait dans ce sens.

On ne doit pas oublier qu’au cours de ces vingt dernières années, l’intervention des institutions financières internationales en faveur du Tiers-Monde a été orientée par la préoccupation de l’ajustement de ces économies que l’endettement et la conjoncture mondiale ont plongées dans la dépression. Le rôle de la Banque mondiale dans le secteur de l’éducation a largement dérivé de son rôle dans les réformes économiques générales imposées à ces pays par le Fonds Monétaire International. Participant à la définition et la mise en place des programmes d’ajustement structurel (PAS), la Banque mondiale a élaboré, pour la réforme des systèmes éducatifs, des recettes qui se situent dans le droit-fil du Consensus de Washington. Il n’est pas surprenant que la Banque mondiale ait récemment lancé une opération Stratégie pour le Développement du secteur Privé (SDP) qui vise à accroître la fourniture de services d’enseignement par les firmes privées et les organisations non gouvernementales.

I – L’intervention de la Banque mondiale dans le secteur éducatif

 La Banque Mondiale fournit une part significative de l’assistance que les pays en développement reçoivent pour le soutien et le développement de leurs systèmes d’éducation mais c’est surtout à travers sa participation aux programmes d’ajustement qu’elle exerce une influence décisive.

1 – La Banque et l’assistance internationale en matière d’éducation

 On peut juger de l’influence d’un donateur ou d’un créancier en analysant le volume de l’assistance qu’il fournit, le type d’assistance, ses objectifs et ses résultats. Trop souvent, on se contente de mesurer le volume des ressources apportées considérant à tort que ce volume est un indicateur de l’efficacité de cette assistance, voire croyant que l’augmentation de ce volume est une bonne chose alors que l’histoire montre que l’aide a parfois été utilisée pour démanteler les systèmes éducatifs.

 Le volume des ressources fournies par la Banque mondiale

L’assistance internationale reçue sous forme de dons par le secteur éducatif a diminué au cours de la dernière décennie1. En 1994-95, les gouvernements donateurs ont fourni moins d’aide à l’éducation (à la fois en termes absolus et en part de l’aide totale) qu’ils ne le faisaient en 89-90 avant la Conférence de Jomtien. Les prêts de la Banque mondiale se sont accrus significativement depuis cette Conférence. Ils ont globalement doublé entre la période 86-90 et la période 91-98. Les prêts à l’enseignement primaire se sont accrus de 360 %.

Des quelque 15 milliards de dollars prêtés par la Banque Mondiale sur la période 91-98, les deux tiers étaient prêtés au taux d’intérêt du marché. Le tiers restant était destiné aux pays pauvres, principalement africains, qui empruntent auprès de l’Association Internationale de Dévelop-pement. Entre le milieu des années quatre-vingts et le milieu des années quatre-vingt-dix, deux régions voyaient leur part de cette assistance s’accroître (l’Asie du sud et l’Amérique latine et Caraïbes), alors que cette part déclinait  dans quatre autres régions (Afrique sub-saharienne, Moyen-Orient et Afrique du Nord, Asie de l’est et Pacifique, Asie centrale).

Le volume de l’assistance fournie par la Banque mondiale sous-estime toutefois l’influence de cette institution dans la mesure où une partie importante des ressources fournies par l’assistance bilatérale aident en général à financer des projets ou des politiques de la Banque. L’assistance de la Banque (et en fait toutes les ressources externes) représente une faible proportion (entre 0,5 et 1 %) de la dépense globale pour l’éducation. Cependant, ici ou là, elle est significative en termes de ressources comme en termes d’influence. Par exemple dans les années quatre-vingts, les ressources fournies par la Banque mondiale constituaient 16 % des ressources dont disposaient les gouvernements africains pour l’éducation.

Il faut souligner que depuis le milieu des années quatre-vingts, 70 à 75 % de l’assistance fournie sont concentrés sur la coopération technique or on sait que la plus grande partie des ressources pour cette coopération est dépensée dans les pays donateurs pour des activités comme la formation.

[1] En règle générale, l’assistance sous forme de dons est le fait de gouvernements (assistance bilatérale) et des agences des Nations Unies tandis que la Banque mondiale et le FMI fournissent des prêts ou des crédits. Toutefois à travers sa filiale, l’Assistance Internationale de Développement, la Banque mondiale est en mesure de proposer des prêts concessionnels c’est à dire à des conditions de remboursement qui les rapprochent de dons. Récemment, sous la pression des Etats-Unis qui souhaitent la privatisation de l’éducation, la Banque mondiale a accru ses prêts concessionnels de manière à diminuer les coûts de l’enseignement à la population pauvre.

Ressources externes pour l’éducation en 1995

(en millions de dollars)

Assistance bilatérale 4 450
Total des ressources multilatérales 2 717
dont Banque mondiale (2 057)
Programmes des Nations Unies  278
dont UNESCO (100)
Total 7 445
Part de la Banque mondiale 28 %

Source : 1998 UNESCO, World Education Report, p. 112.

La gestion de l’assistance internationale

Bien que les Nations Unies aient mis en place depuis longtemps une institution chargée des questions de l’éducation — L’UNESCO —, la Banque mondiale a mis en place tout le dispositif nécessaire pour orienter les actions et projets qu’elle finance dans ce domaine. De la conception des programmes à leur évaluation en passant par la formation, la recherche, l’information l’institution a investi tous les niveaux où s’effectuent les choix d’une réforme des systèmes d’éducation. Le personnel de la Banque qui travaille dans le secteur de l’éducation comprend environ 240 personnes (dont 20 % seulement ont un diplôme dans ce domaine). Il se répartit entre le Réseau du Développement Humain chargé de fournir des avis et des services aux bureaux de la Banque situés dans les pays ou à ses bureaux régionaux, le système de gestion des connaissances en éducation qui fournit aux clients, aux partenaires et aux autres divisions de la Banque l’information la plus récente sur les différents aspects des questions éducatives, le département de recherche et celui d’évaluation. Concernant la formation des personnels sur la gestion des systèmes éducatifs et leur réforme, la Banque mondiale s’appuie sur son Institut du Développement Economique (IDE), crée dans les années 90 et financé par des fondations privées, des gouvernements, des organisations multilatérales de développement. Le programme de cet institut pour la réforme de l’éducation doit permettre de « construire un consensus et des capacités pour réformer l’éducation dans les pays en développement en se concertant sur trois secteurs : le financement de l’éducation, l’amélioration de la gouvernance et l’efficacité des enseignants et de l’école ». L’IDE a aussi un programme pour l’éducation à distance et les nouvelles technologies pour l’éducation, la santé et la population.

2 – Les P.A.S et l’éducation

 La Banque mondiale a commencé à intervenir dans le secteur éducatif en 1962. A ce moment-là et jusqu’à la fin des années 70 son but était d’aider à la construction et l’équipement de l’enseignement technique et professionnel et du secondaire pour répondre aux besoins de main d’œuvre.

1980 a été une année charnière. A partir de cette date, les opérations financées par la Banque dans le secteur de l’éducation ont le plus souvent été entreprises dans le cadre de programmes d’ajustement structurel. Les conditions attachées aux prêts pour l’ajustement exigent que les gouvernements prennent des mesures pour équilibrer leur budget, stabiliser l’économie et stimuler la croissance. Les PAS cherchent à atteindre ces objectifs en restreignant la demande intérieure et en développant la production pour l’exportation. Les mesures classiques d’un programme d’ajustement structurel sont : la réduction et la décentralisation de l’action de l’Etat, la dévaluation de la monnaie, la libération des importations, la stimulation des exportations, la réforme du système fiscal et juridique ainsi que la révision du droit du travail.

En général, les PAS n’ont pas amélioré les performances de l’économie et, alors que de 1960 à 1980 les taux de scolarisation dans le primaire et le secondaire s’étaient améliorés dans presque tous les pays, ils ont commencé à diminuer vers 1980 et leur dégradation s’est poursuivie tout au long de la décennie.

La réduction des dépenses pour l’éducation

Les PAS essaient de supprimer le déficit du budget de l’Etat et modifient aussi la structure des dépenses publiques. Dès lors que le budget de l’éducation peut représenter entre 10 et 40 % des dépenses du secteur public, il est évident que les PAS l’influencent dans sa taille et dans sa structure. Il est possible que, dans certains cas, la réallocation des dépenses publiques ait joué en faveur de la scolarisation — cas du Bangladesh ou du Pakistan — mais, généralement, les conditions imposées par les PAS n’ont pas joué en faveur des dépenses pour l’éducation dans plus de 10 % des cas. Par ailleurs, compte tenu de la part incompressible des salaires dans les budgets de l’éducation, le reste des dépenses a été particulièrement vulnérable aux restrictions.

Fernando Reimers, de l’Institut International du Développement de Harvard a montré que dans les années 80, la part des dépenses d’éducation dans le PIB a diminué de manière beaucoup plus importante dans les pays sous PAS que dans les autres[1]. Dans l’Afrique sub-saharienne, cette part a diminué dans 67 % des pays qui appliquaient un PAS, et seulement dans 14 % de ceux qui n’en appliquaient pas. Il a aussi constaté que la part des dépenses d’éducation dans le budget de l’Etat avait décliné dans 44 % des pays sous PAS contre 22 % des autres, que la dépense par élève avait diminué dans 81 % des pays sous PAS, seulement 67 % des autres.

Les effets de la diminution des revenus et de l’augmentation des inégalités

Les revenus de certains groupes peuvent s’accroître avec les PAS comme pour les exportateurs, par exemple, mais de nombreux facteurs jouent à la baisse des salaires : le contexte concurrentiel pèse sur le niveau des salaires ; le pouvoir de négociation des syndicats diminue ; les économies budgétaires sont répercutées sur les fonctionnaires ; les subventions aux produits de base sont supprimées ; la privatisation des services en accroît les prix. La diminution du revenu réel des enseignants les pousse à réclamer des augmentations de salaire, diminue leur motivation ou leur engagement (absentéisme, deuxième emploi) ou les amène à quitter la profession.

Les diminutions de revenus des ménages les amènent à réduire leurs dépenses, par exemple en retirant un ou plusieurs enfants de l’école, ou à chercher à accroître leurs moyens, par exemple en mettant les enfants au travail.

Dans une autre série d’études sur l’impact des PAS[2], Frances Stewart a pu conclure que les effets négatifs de ces programmes sur l’éducation concernaient le plus souvent l’accès à l’éducation et la réussite des études.

Nombre de défenseurs de l’éducation ont salué en 1999 le lancement de la Stratégie de réduction de la pauvreté parce que cette nouvelle initiative de la Banque mondiale et du FMI devait garantir la participation des populations et de leurs gouvernements à la définition des plans nationaux de lutte contre la pauvreté — les Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP). Mais cette initiative n’a pas réellement changé les choses. C’est la raison pour laquelle des associations soutiennent aujourd’hui la campagne mondiale pour l’éducation qui demande à la Banque mondiale de travailler avec les gouvernements pour que tous les CSLP incluent des stratégies qui garantissent la réalisation de l’objectif « Education pour tous » et qui rendent gratuite l’éducation de base d’ici trois ans.

II – les « recettes » de la Banque mondiale pour réformer l’éducation

Comme on l’a déjà indiqué, depuis 1980, c’est principalement à travers ses prêts pour l’ajustement que la Banque mondiale intervient dans le secteur éducatif des pays en développement. Cela explique déjà l’orientation générale des politiques qu’elle préconise dans ce secteur. Si ces politiques se construisent autour de quelques mesures simples voire simplistes. Il faut chercher la raison de cette standardisation primaire dans le manque de qualification en sciences de l’éducation du personnel de la Banque.

1 – L’orientation générale

 C’est une philosophie libérale et dominée par la logique économique qui inspire les réformes exigées ou recommandées par la Banque mondiale dans le secteur de l’éducation. La règle du retour à l’équilibre budgétaire, inscrite dans les PAS, impose à la fois de faire des économies dans les dépenses d’éducation et de donner plus de place au secteur privé dans la fourniture des services d’éducation. Comme le notait le BIT dans un rapport de 1996 sur l’impact de l’ajustement structurel sur l’emploi et la formation des enseignants : « plus que tout autre aspect des programmes d’ajustement structurel, la question du salaire des enseignements démontre la tendance croissante des politiques nationales de développement à soumettre l’éducation à la même logique marchande de la réduction des coûts qui est appliquée à tout le système de production : si des personnes qualifiées sont prêtes à enseigner pour un salaire inférieur au salaire normal, pourquoi ne pas les embaucher ». Et l’UNESCO déclare que la même logique s’applique souvent à la question de la taille des classes : la recherche de l’efficacité économique peut conduire à diminuer le ratio professeur / élève sur le modèle du directeur d’usine qui cherche à accroître la production en diminuant les coûts.

Cette orientation ressort bien dans les deux paquets de mesures qui sont typiques des projets financés par la Banque mondiale :

Paquet n°1 : accroître les coûts privés de l’enseignement supérieur ; réduire le financement public de l’enseignement professionnel ; financer des prêts aux étudiants qui ont un faible revenu et transférer les ressources publiques de l’enseignement supérieur vers l’éducation de base.

 Paquet n°2 : décentraliser la gestion au niveau de l’école, offrir aux familles la possibilité de choisir leur école, impliquer le secteur privé dans le financement et dans l’enseignement, accroître la taille des classes, stimuler l’effort des enseignants, contrôler cet effort ainsi que les résultats des élèves.

2 – Les quatre règles

 les prescriptions essentielles de la Banque mondiale se ramènent à : privatiser, recouvrer les coûts, décentraliser et transférer les ressources de l’enseignement supérieur à l’éducation de base.

Privatiser

On entend généralement par privatisation le transfert de la propriété des écoles publiques au secteur privé ou à des organismes non gouvernementaux. Ici, le terme de privatisation recouvre tous les aspects de l’éducation dans lesquels le secteur privé ou non-gouvernemental intervient. La privatisation peut faire passer du public au privé non seulement la propriété des installations et des actifs mais aussi le financement, la gestion et la fourniture des services éducatifs.

La Banque mondiale et ses filiales soutiennent les opérations de collaboration entre secteur public et secteur privé qui peuvent prendre trois formes :

– des écoles privées subventionnées par l’argent public ;

– des écoles publiques gérées par le secteur privé ;

– la liberté de choisir son école qui passe souvent par l’attribution de bons d’études (vouchers) que les parents utiliseront pour payer l’école où ils enverront leur enfants.

La privatisation progresse dans l’éducation à travers les nouvelles formes de concession du service public. De manière croissante, les gouvernements choisissent de céder la fourniture des services d’enseignement à des opérateurs privés ou des associations à but non lucratif qui ne seront payés qu’une fois le service fait (c’est-à-dire après que les élèves aient été évalués par des tests standard).

 Ainsi au Chili par exemple le gouvernement a commencé en 1980 à inciter le secteur privé à entrer en compétition avec le secteur public en délivrant des bons d’étude valables dans les deux secteurs. Le pourcentage des enfants scolarisés dans le secteur privé subventionné a doublé et il atteint aujourd’hui le tiers des effectifs (33 %).

Recouvrer les coûts

Parallèlement à l’objectif de réduction des coûts, la Banque mondiale met en avant celui de récupération des coûts. Pour l’essentiel il s’agit pour l’Etat de se faire rembourser tout ou partie des dépenses engagées pour assurer le fonctionnement du système d’éducation. Le principal moyen pour y parvenir est de mettre à contribution ceux pour qui ces dépenses sont engagées : les élèves et étudiants ou leurs familles.

On imagine facilement les effets négatifs de cette prescription de récupération des coûts sur la scolarisation des enfants des familles pauvres. Oxfam international a montré par de nombreux exemples pris en Tanzanie, Zambie et Ghana que l’institution de droits d’inscription à l’école revenait à prélever un impôt sur le développement humain[3]. Du reste, les Etats-Unis eux-mêmes se sont élevés contre cette politique de la Banque mondiale et ont voté une loi qui exige que leurs représentants dans les institutions financières internationales s’opposent à toute opération de crédit qui entraînerait la mise en place d’un « paiement par l’usager » pour l’éducation primaire ou les soins de santé de base. La Banque a accepté de renoncer à préconiser l’institution de droits d’inscription pour le primaire, mais il est évident qu’elle admet que les gouvernements continueront à imposer ces droits et elle s’est seulement préoccupée de trouver des dispositifs qui évitent que cette politique affecte les pauvres.

 Décentraliser

La responsabilité du système éducatif et la gestion de ses activités doivent être données à  des échelons intermédiaires d’administration comme les régions ou les municipalités.

La décentralisation est une autre manière de réduire le champ d’intervention de l’Etat. Elle est censée apporter efficacité, flexibilité et responsabilité dans le fonctionnement du système éducatif.

Transférer les ressources de l’enseignement secondaire et supérieur vers l’éducation de base

La Banque mondiale veut donner la priorité à l’enseignement primaire dans l’affectation des ressources budgétaires pour l’éducation. Elle le justifie par ses calculs du taux de rendement social de l’éducation qui montrent que les bénéfices que la société retire de l’enseignement sont élevés au départ, c’est-à-dire dans le primaire, puis déclinent ensuite. Comme elle l’a indiqué en 1980 dans son rapport sur le développement dans le monde, l’éducation de base accroît le potentiel humain et la cohésion sociale en même temps qu’elle améliore la santé, réduit la fécondité et accroît la capacité à générer des revenus.

Certes, dans les pays en développement 71 % des enfants en âge d’aller à l’école ont droit à 22 % des dépenses publiques d’éducation alors que les 6 % qui vont à l’université en utilisent 39 %. Et le coût de l’éducation de base est faible relativement à celui des autres degrés de l’enseignement ; en Tanzanie par exemple le coût d’un étudiant à l’université est égal à celui de 238 élèves du primaire. Mais l’insistance de la Banque mondiale à vouloir transférer les ressources de l’enseignement supérieur vers l’éducation de base est critiquée même en son sein. Certains avancent l’idée que les ressources supplémentaires qu’il faut attribuer à l’enseignement primaire pourraient être prélevées sur d’autres secteurs comme la défense par exemple plutôt que de risquer une désorganisation critique de l’enseignement secondaire et supérieur. D’autres font valoir que si effectivement l’enseignement supérieur est coûteux et peu efficace, c’est un argument qui plaide pour la réforme et non pas une raison pour le négliger.

Et ce n’est pas fini. La Banque mondiale vient d’annoncer un nouveau plan pour assurer à tous les enfants du monde une éducation primaire d’ici 2015. Dix pays prioritaires vont être rapidement sélectionnés, et la Banque s’appuiera sur cees exemples pour définir les meilleurs moyens de scolariser les 125 millions d’enfants qui ne le sont toujours pas dans les pays les moins avancés. Un appel aux pays riches a été lancé pour le financement du projet (entre 2,5 et 5 milliards de dollars supplémentaires par an. (IFI… et maintenant, n° 32, mai 2002).

Notes:

* Nancy Alexander est directeur de l’Initiative Contestation de la mondialisation, une organisation américaine de la mouvance anti-mondialisation. Elle a rédigé en 1998, pour Oxfam Amérique, un rapport sur le rôle de la Banque mondiale et du FMI dans le secteur de l’éducation. C’est avec son accord que nous avons utilisé ici la version actualisée de ce travail dont on peut consulter le texte intégral sur le site de G. C. I.

(http://www.challengeglobalisation.org).

[1] F. Reimers « Education and Structural Adjustement in Latin America and Sub-Saharian Africa », International journal of Educationnal Development, vol 14, n°2, 1994.

[2] F. Stewart, Adjustment and Poverty, Routledge, Paris 1995.

[3] OXFAM INTERNATIONAL, Education Charges : A Tax on Human Development, 12  novembre 2001.