L’enseignement supérieur français saisi par la mondialisation

Alda Delforno*

 

118L’accélération des mouvements internatio­naux de capitaux, de marchandises et d’hommes est souvent désignée du terme de mondialisation. Mais les forces à l’œuvre qui engagent ces mouvements ou les autorisent demandent à être examinées. Ainsi, Martin Carnoy prend-il acte du phénomène, pour en étudier les effets sur le système d’enseignement. Et son constat est celui d’un changement profond du rôle de l’Etat plutôt qu’une disparition du pouvoir de l’Etat[1]. C’est un constat de cette nature que l’on peut faire en observant les transformations récentes du système d’enseignement supérieur en France.

Le thème du déploiement de l’enseignement supérieur français hors des frontières nationales n’est pas neuf. Toutefois, depuis les années quatre-vingt-dix, et plus particulièrement depuis 1998, il prend des dimensions nouvelles. Dans ce mouvement, on voit l’Etat changer de rôle et d’objectifs : de l’organisateur tout puissant d’un service public tourné vers l’éducation et la formation des jeunes adultes, il est en passe de devenir le courtier des formations sur un marché qu’il contribue à installer.

I – L’Etat et la formation

1 – La place traditionnelle de l’enseignement supérieur

Il n’est pas question de refaire ici l’analyse exhaustive du système d’enseignement supérieur français ; mais il est indispensable d’en dresser les grands traits, pour montrer que la conception des politiques de ce service public a intégré les exigences d’une insertion dans l’espace économique international.

L’Etat se présentait traditionnellement, comme le grand responsable de l’organisation et des réalisations du système d’enseignement supérieur. Sa position a longtemps consisté à prendre en compte deux objectifs :

       – assurer une formation professionnalisante en relation avec le développement des sciences et des techniques, débouchant sur des statuts de cadres supérieurs. Ceci était et est obtenu par les formations délivrées par les écoles d’ingénieurs, les écoles de commerce et de gestion ou les facultés et écoles de médecine. Pour les niveaux hiérarchiques inférieurs, la formation était et est assurée par les Instituts universitaires de technologie ou les classes de baccalauréat technique puis professionnel. Il est à noter que ces formations professionnalisantes dans l’enseignement supérieur sont accessibles sur concours ou sur sélection (numerus clausus à l’entrée). Ce rationnement des places permet alors d’ajuster le nombre de diplômés aux demandes qui proviennent soit des futurs employeurs, soit des institutions professionnelles elles-mêmes quand elles gèrent la profession (statut de profession libérale, comme c’est le cas pour les médecins).

       – assurer une formation dans de grands domaines disciplinaires, tels les mathématiques, la philosophie, les sciences de la matière, de la vie et de la terre, les sciences sociales, les langues et la littérature. La formation repose sur la maîtrise de bases théoriques disciplinaires et pour une part, souvent en fin de cursus, d’apprentissages professionnalisants. Le débouché de ce type d’études n’était et n’est toujours pas prédéterminé par le contenu des programmes ; à l’issue des études, la professionnalisation passe par la réussite à des concours (métiers de la fonction publique), ou bien par la recherche d’emploi dont le résultat est toujours fonction de l’état du marché du travail[2]. L’absence de professionnalisation précise n’est pas un handicap : le rôle du cadre est justement de pouvoir affronter, voire de provoquer, des situations nouvelles : une formation généraliste dans des domaines scientifiques précis l’arme pour cela, même si elle n’y prépare pas de façon détaillée.

Toutefois la différenciation culture générale (dans un domaine précis) et formation professionnalisante n’est pas si radicale : les programmes des écoles d’ingénieurs comportent des matières non étroitement liées aux connaissances sectorielles et les programmes des diplômes universitaires classiques intègrent aussi le souci des futurs débouchés[3].

L’Etat garde la responsabilité de ces formations, soit en assurant directement la responsabilité des institutions de formation qu’il finance, soit en accordant son label aux diplômes obtenus dans des institutions privées. Ainsi, directement ou indirectement, il reste maître des programmes. Toutefois, la démocratisation de l’enseignement supérieur a pris le caractère d’enseignement de masse. Cette transformation quantitative s’est accompagnée d’un relatif désengagement de l’administration centrale de ses responsabilités : à partir de la loi Faure de 1970, les Universités deviennent autonomes ce qui les met en compétition pour les diplômes à délivrer, avec pour juge, le Ministère de l’éducation nationale ; en même temps l’Etat se désengage d’une partie de leur financement en les encourageant à trouver ailleurs des financements[4].

2 – Place de l’espace international dans le panorama de l’Etat organisateur

L’ouverture internationale – qui nous intéresse ici – se présentait, jusqu’à une date récente, comme un objectif accessoire. L’intention première et explicite de cette ouverture était l’influence française à l’étranger. Cet objectif était réalisé par l’octroi de bourses du gouvernement français à des étudiants étrangers pour qu’ils viennent faire tout ou partie de leurs études supérieures en France. Le plus souvent ce système relevait de la coopération inter-étatique et, pour nombre de pays (les anciennes colonies françaises essentiellement), était conçu comme faisant partie de l’aide au développement. Par ailleurs, certains gouvernements accordaient des bourses à leurs étudiants pour venir suivre des cursus en France.

Le système d’enseignement s’inscrivait aussi dans une politique d’ouverture sur l’espace international par l’intermédiaire de l’Agence de Coopération culturelle et Technique de la Francophonie. Cette agence, officiellement instituée en 1970, se constitue par étapes successives, à partir de 1960, d’abord par création de la conférence des ministres de l’éducation nationale, puis par celle de l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française en 1961 et par la création de l’Université Senghor d’Alexandrie (1989, voir encart)[5].Le fondement (ou le prétexte) en termes de maintien des liens culturels et linguistiques était souvent invoqué par cette organisation de la francophonie pour justifier l’ouverture à l’international. On peut penser que l’idée n’était pas dépourvue d’arrières pensées visant à maintenir des liens de dépendance ou au moins de liaisons privilégiées. Mais, au moins, la Charte de la francophonie énonce de tout autres intentions : « La Francophonie, consciente des liens que créée entre ses membres le partage de la langue française et souhaitant les utiliser au service de la paix, de la coopération et du développement, a pour objectifs d’aider : à l’instauration et au développement de la démocratie, à la prévention des conflits et au soutien de l’Etat de droit et aux droits de l’homme ; à l’intensification du dialogue des cultures et des civilisations ; au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle au renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l’essor de leurs économies. »

D’autres interventions plus strictement organisées ont progressivement été mises en place par l’Union Européenne, impliquant le monde universitaire français : les programmes Erasmus (volet universitaire du programme Socrates) et Leonardo qui « visent à améliorer la qualité de l’éducation et à promouvoir sa dimension européenne en encourageant la coopération entre les pays participants ». Ces actions incitent à une mobilité des étudiants, et des enseignants[6]. On peut toutefois noter qu’elles s’inscrivent dans les systèmes institutionnels de chacun des pays, sans en modifier ni les objectifs, ni les contenus. Par ailleurs le gouvernement français accorde des bourses de mobilité aux étudiants français, hors programme européen.

Ces divers programmes rencontrent la faveur des étudiants et de leurs familles. En effet, les études, les stages à l’étranger, sont perçus comme des occasions de mieux maîtriser les langues étrangères, de se familiariser avec des structures autres, bref d’acquérir des signes de distinction enrichissant le curriculum vitæ : autant d’opportunités supplémentaires de se trouver en bonne position sur le tant redouté marché du travail.

II – L’espace international déjà investi par d’autres acteurs

1 –  La place encore dominante des institutions à caractère public

De longue date, des institutions d’enseignement à distance sont présentes dans l’espace international. Ces institutions sont presque toujours originaires de pays anglo-saxons et elles enseignent en anglais. La structure de l’enseignement supérieur au Royaume-Uni et aux Etats-Unis facilite leur extension hors des frontières de la zone d’origine : les universités sont généralement d’initiative privée, souvent à sélection et donc ne sont pas astreintes à recruter leurs étudiants sur une zone précise. Toutefois ces universités n’ont pas le comportement de firmes privées à la recherche de profit. Ainsi l’Open University britannique est-elle l’une des premières universités à distance (200 000 étudiants dans le monde, en 2002) ; autorisée par une Charte Royale en 1969, elle s’adresse au départ à des salariés ou à des étudiants empêchés, avec des préoccupations de promotion sociale ; elle a des centres correspondants dans les pays d’Europe, et une filiale aux Etats-Unis. Cette université s’est rapidement tournée vers l’utilisation des moyens informatiques et de l’internet, en adaptant ses modalités pédagogiques aux nouveaux moyens de communication, et offre nombre de formations en ligne. Elle est financée en partie par des crédits publics et pratique des prix discriminants en faveur des étudiants résidents au Royaume-Uni, ces derniers étant subventionnés par les autorités[7]. Enfin, se préoccupant de délivrer des titres socialement reconnus, elle a obtenu la reconnaissance de ses formations par le système public d’enseignement (accréditation par les commissions publiques ad-hoc et obtentions d’équivalence avec les autres universités) et par diverses associations scientifiques de recherche ou par des associations professionnelles.

Le secteur de l’enseignement supérieur en ligne connaît aux Etats-Unis une grande expansion[8]. Les universités américaines occupent une place prépondérante dans les formations à distance et l’e-learning (80 % des offres en ligne)[9]. Pour certaines, la qualité de l’offre d’enseignement à distance est garantie par leur insertion dans un réseau, l’entrée de le réseau étant contrôlée par les pairs : le réseau regroupe aussi bien des universités d’Etat, des universités créées par des fondations ad-hoc que des instituts de formation d’entreprise. Le réseau regroupe les offres et instaure des droits d’inscription à tarif réduit quand une autre inscription a déjà été payée à un autre membre. Le réseau peut aussi s’étendre à des institutions non américaines : ainsi des instituts britanniques et l’Université des langues et de la culture de Pékin adhèrent-ils au World Wide Learn. D’autres centres universitaires ont une réputation mondiale suffisante pour pouvoir offrir directement leurs formations en ligne : C’est le cas du Massachusetts Institute of Technology, département de l’université de Boston, ou de l’université de Wharton, ou encore des groupes ou des filiales de grande universités américaines et britanniques tels “l’Alliance des quatre grands” (Standford, Princeton, Yale et Oxford) ou encore le groupe formé par Columbia, la London School of Economics et UNext.com, société de commerce en ligne.

Ce sont surtout des capitaux privés présents dans l’infrastructure technologique qui se proposent comme partenaires des universités en ligne : ils conçoivent les plate-formes en ligne et offrent  les outils, laissant le contenu des cours et la relation pédagogique à la charge des universités. Dans la forme la plus aboutie de leur emprise sur les universités, ils opèrent en découpant les différentes étapes en segments relevant d’opérateurs différents : conception, exposé de la formation, suivi des étudiants et évaluation des connaissances peuvent relever d’intervenants divers. Mais ils rencontrent alors l’hostilité des universitaires dont ils ont pourtant besoin. Rares sont les firmes qui ont créé des universités virtuelles à objectif purement lucratif ; il en existe toutefois de très grandes telle Phoenix University, aux Etats-Unis qui s’adresse à 12 200 clients.

Les sociétés recherchant, au premier titre, le profit sont surtout présentes dans les domaines du management et des technologies de l’information. Il est toutefois important de noter que les universités américaines sont privées et à sélection, mais la finalité de leur fonctionnement initial n’est pas uniquement le profit (l’université est financée par l’intermédiaire de fondations d’entreprises, donc par une forme de mécénat). Elles assurent ainsi un service public organisé collectivement, même si c’est à travers d’autres structures que ce que l’on connaît en France et avec un rationnement à l’entrée opéré en partie par des critères de revenus.

On peut penser que si ces universités rentraient dans des logiques pures de profit, elles retrouveraient les mêmes erreurs que les universités de Columbia ou de Chicago, à la fin des années vingt, qui se déconsidérèrent en vendant des formations à distance dépourvues de qualité et qui, du même coup, perdirent toute crédibilité[10].

2 – Le rôle encore peu décisif, pour la France, des groupes privés de l’édition scolaire et universitaire

On invoque souvent la pénétration des entreprises spécialisées dans l’édition scientifique et l’e-learning pour analyser les transformations de l’enseignement supérieur dans la perspective internationale.

On ne peut pas accepter l’idée que l’enseignement supérieur se mondialise en passant d’abord par une privatisation qui abandonnerait le terrain aux grands groupes qui sont déjà actifs au niveau mondial dans les secteurs de la culture et des loisirs. Certes, la présence des forces privées sert de justificatif aux modifications puisque, une fois de plus, elles sont réputées plus efficaces que les services publics. Mais plusieurs arguments interviennent pour qu’on n’en fasse pas l’acteur principal ou le fer de lance de la privatisation et de la mondialisation de l’enseignement supérieur. Certains auteurs, comme Gérard de Sélys et Nico Hirtt,[11] l’affirment pourtant, en faisant du « désengagement de l’Etat des services publics », et des pressions de l’European Round Table — un des lobbies patronaux présents à Bruxelles — les grands responsables d’une privatisation qui rendrait de facto l’enseignement supérieur marchand. Cependant, on ne peut pas accepter, sans réexamen, l’argumentation qui consiste à rapprocher les intentions et les recommandations exprimées par les institutions européennes et les lobbies qui les assiègent, de la structure monopoliste et internationalisée des grands groupes susceptibles de s’ouvrir de nouvelles opportunités de profit, en oubliant deux questions liées : celle de la spécificité de la relation pédagogique qui ne peut pas être assimilée à un spectacle indéfiniment reproductible une fois qu’il est organisé et celle de la difficulté de faire du profit et d’obtenir des augmentations de productivité dans ce type de service. Ainsi, on sait que de longue date, l’édition scolaire est entre les mains de groupes puissants, Vivendi-Universal et Lagardère, via leurs marques d’éditions scolaires et universitaires telles que Armand Colin, Bordas, Dalloz, Dunod, La Découverte , Larousse, Nathan pour le premier et Calmann-Lévy, Didier, Fayard, Foucher, Hachette, Hatier pour le second. Mais Janine et Greg Brémond[12] montrent, presque sans le vouloir, que la concentration de ces capitaux dans l’édition scolaire et universitaire ne conduit pas aux effets attendus. Il n’y a pas d’uniformisation des contenus et des pratiques de l’enseignement : ces deux groupes, quoique internationalisés, se contentent, pour le moment, de contrôler des maisons d’édition dans le monde entier. Les exemples que donnent les deux auteurs « des effets pervers de la logique marchande » ne concernent que la mise sur le marché des ouvrages et pas du tout le contenu de l’enseignement ou celui des programmes ; et ce n’est que dans les cas de l’édition de romans, de livres politiques ou d’essais que les stratégies de marketing constituent des filtres à idées[13].

La recherche de profit par la mise en place de l’e-learning est aussi une des modalités d’introduction de capitaux privés dans des segments de l’enseignement supérieur. Mais, là aussi, les niches sont articulées à l’existence d’un service public situé en amont. C’est ce qui ressort de l’observation des diverses offres d’enseignement faites par les entreprises privées et c’est bien aussi ce que constate Stéphane Mandard dans son enquête sur les nouvelles technologies et l’école[14] : Vivendi Universal Publishing, filiale de Vivendi, présente dans le secteur du spectacle, de l’industrie cinématographique, la production de disques, CD, etc. d’éducation, offre, en ligne, des cours de soutien, des tests, des CD d’apprentissage avec abonnement à des “classes en ligne” ou à des forums, en insistant sur ses liens avec les divers systèmes d’éducation nationale. Elle se limite pour le moment au primaire et au collège. La référence aux programmes ministériels et à la qualité des enseignants (laissant entendre qu’ils ont ou ont eu des liens avec le service public d’enseignement) est constante. Tous ces arguments fonctionnent comme autant de publicités pour le sérieux de l’entreprise. Mais, somme toute, les nouveaux média (l’utilisation d’ordinateurs et l’accès par internet) ne changent rien à une démarche très ancienne : nombreuses sont les entreprises privées qui font, de longue date, des offres de répétiteurs et de soutien aux élèves ; dans ce cas précis, les nouveaux média sont seulement le moyen d’élargir ce marché.

Les menaces de privatisation existent pourtant, mais elles passent par des détours bien plus considérables. La marchandisation, porteuse de transformation des programmes et d’uniformisation des cursus, se profile, œuvre des entreprises américaines ; toutefois, il leur est indispensable de faire définir, au préalable, des normes ISO de certification des compétences, pour ensuite, faire des offres de formation adéquates, permettant des profits, ce qui n’est pas si aisé à mettre en œuvre[15].

C’est, en fait, au niveau du segment de la distribution que l’on voit des grandes entreprises trouver des occasions de profit dans l’enseignement supérieur. De grands groupes, tel Elsevier, par exemple, commencent à s’introduire dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche en proposant les services de mise en ligne, et de vente à la consultation des articles publiés par les revues à caractère scientifique. Pour les petits éditeurs de revues scientifiques, les conditions sont léonines : Il ne leur sera rétrocédé que 10 % du prix facturé à l’acquéreur, ce qui risque de conduire, à terme, à la disparition de ce type d’édition et de jouer comme un filtre sur la diversité de la pensée.

Mais les opérations privées, qui essayent de se substituer complètement au service public, ne réussissent pas forcément dans leurs objectifs de faire du profit. Ainsi, même pour des formations très courtes, internes aux entreprises, le coût de production des supports reste encore prohibitif, (sans compter les difficultés matérielles de la mise en œuvre) : « …l’offre de formation est encore très réduite. Comme les investissements portent sur plusieurs millions d’euros, peu d’entreprises s’engagent et n’incitent pas les attentistes à s’y mettre… »[16].

Les occasions de profit ne sont pas systématiquement présentes, les augmentations de productivité dans la relation pédagogique trop incertaines et les formations supérieures continuent à être prises en charge par la collectivité. Par conséquent, ces capitaux de l’édition ne sont pas à l’initiative de la privatisation-mondialisation : ils se contentent, pour le moment, comme ils le faisaient dans l’édition scolaire de manuels et de documents-papier, de conquérir les niches profitables que l’organisation publique leur concède.

III – Le tournant des années 90

De l’Etat organisateur, on en est venu à l’Etat commis voyageur, introduisant la référence à des calculs marchands dans le système. Et cette orientation n’a cessé de se développer utilisant pour ce faire le détour par l’ouverture à l’international.

1 – Les inspirateurs de la politique

L’idéologie libérale, portée par les institutions internationales tels la Banque mondiale, le FMI, l’OMC ou l’OCDE avance l’idée que l’anonymat du marché résout mieux les problèmes que les Etats. Cette position rencontre parfois les aspirations des ressortissants des pays sous-développés, désireux de s’expatrier : l’enseignement supérieur privé délivre des diplômes parfois mieux reconnus que les diplômes nationaux[17].

Chez ces institutions internationales, la position à l’égard des problèmes de l’enseignement supérieur reste le plus souvent au niveau du non-dit : il semble naturellement admis que la fonction de l’enseignement consiste à fournir, dans le délai le plus bref, la main d’œuvre adéquate aux entreprises[18]. Et les entreprises privées seraient immédiatement les mieux à-même d’organiser ce service. L’OCDE, la Banque mondiale et le FMI sont sur cette ligne : l’enseignement supérieur ne doit pas faire partie des services publics, seule l’école obligatoire peut relever de la compétence de l’Etat. L’OMC, pour sa part, inclut l’enseignement supérieur dans les services dont le commerce doit donner lieu à négociation et dénonce les barrières potentielles à la libéralisation du commerce de ces services, parmi lesquelles “les exigences nationales”[19]. La Commission européenne s’inscrit dans la même perspective : elle s’inquiète de savoir « comment chacun peut-il acquérir une aptitude à l’emploi ? »[20]. Flexibilité et employabilité sont les objectifs que toutes ces institutions fixent à l’enseignement supérieur.

2 – La politique européenne

Quelles que soient les positions libérales de la Commission européenne, elle ne peut les imposer aux Etats : il n’y a pas de subsidiarité pour l’éducation ; toutefois, « la Communauté contribue au développement d’une éducation de qualité en encourageant la coopération entre Etats membres » (art. 126). A ce titre, des programmes en direction de l’extérieur de l’Europe ont été mis en place à partir de ce que la Commission européenne désigne comme “la chute du rideau de fer”[21], Ainsi, le programme Tempus, lancé en 1990, a pour dessein avoué de lier entre eux  les pays des Centres et les pays de l’ancien bloc socialiste[22] ainsi que d’impliquer leurs systèmes d’enseignement supérieur respectifs dans les mêmes objectifs. Mais des pays des Centres non membres de l’Union européenne peuvent s’associer, à condition de financer leur participation (Australie, Canada, Etats-Unis, Japon, Liechtenstein, Norvège, Nouvelle-Zélande, Suisse), tout comme des pays de moindre développement qui recherchent, eux aussi, des opportunités extérieures (Chypre, Malte et la Turquie).

Bien que s’adressant rigoureusement à des institutions universitaires publiques ou sous tutelle publique, ces programmes engagent les systèmes universitaires dans des actions conjointes (au moins deux pays européens par opération) en dehors de leurs frontières d’origine. Ainsi, le programme Tempus, implique-t-il la zone : « de Saint-Petersbourg à Vladivostok et de Yerevan à Tachkent, couvrant une zone qui s’étend des rives de la Baltique aux profondeurs de la Sibérie » (sic)[23].

III – La volonté du gouvernement français d’inscrire l’enseignement supérieur dans la compétition internationale

Bien que le “marché” mondial de l’enseignement supérieur soit déjà très investi par les institutions anglo-saxonnes, et bien qu’il participât aux opérations européennes en dehors des frontières de l’Europe, le gouvernement français s’est employé, à partir de 1998, à se tailler une place, s’engageant pour ce faire dans un processus autonome de marchandisation.

1 – Le gouvernement français à l’initiative en Europe

Normalement, les initiatives en matière d’extension du champ géographique de l’enseignement supérieur des pays européens ne peuvent donc procéder que de décisions inter-gouvernementales. Le gouvernement français a été à l’initiative de cette démarche, d’abord en invitant l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni, le 25 mai 1998 à la Sorbonne ; la déclaration du même nom insiste sur la nécessité de créer l’espace européen d’enseignement supérieur « comme moyen privilégié pour encourager la mobilité des citoyens, favoriser leur intégration sur le marché du travail européen et promouvoir le développement global du continent ». Ces objectifs, sont ensuite repris par la réunion des ministres européens de l’éducation à Bologne, le 19 juin 1999. Cette fois, parmi les 29 signataires figurent, outre les pays de l’Europe des quinze, les “pays de l’Est”, l’Islande, Malte et la Suisse. L’élargissement est donc essentiellement tourné vers des zones en cours de restructuration capitaliste ; les objectifs s’affirment aussi plus libéraux : référence au niveau de la licence « correspondant à la qualification appropriée pour l’insertion sur le marché du travail européen », et la recherche d’une « meilleure compétitivité du système européen d’enseignement supérieur ». L’homogénéisation des structures est aussi indispensable pour rendre plus facile la mobilité et des parcours à la carte : les cursus sont décomposés en ECTS (European Crédit Transfert System) conservés à vie et capitalisables. A la suite de cette Déclaration, en mars 2001, un organisme est créé : l’Association européenne de l’université, qui « place les débats dans la perspective de la Déclaration de Bologne » et qui inscrit les universités dans une perspective résolument marchande (« s’interroger sur les moyens … pour être compétitives, maintenir un haut niveau de qualité et s’assurer d’une réelle autonomie ») ; l’espace visé dépasse le seul espace européen : 620 membres de 45 pays, encourageant les partenariats et la recherche en Europe et entre l’Europe et le reste du monde. Et enfin, les 18 et 19 mai 2001, ce programme est entériné à la conférence de Prague.

L’ensemble de cette politique est sous-tendue par l’intention explicite de s’étendre à des zones de moindre développement. On peut néanmoins remarquer que le gouvernement français a cherché des alliés de même niveau de développement pour promouvoir sa politique expansionniste d’un enseignement supérieur à la recherche d’inscriptions d’étudiants.

2 – Les technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement (TICE), prétexte à la mondialisation marchande

Les nouvelles technologies d’enseignement à distance, de formation à distance, voire de formation ouverte à distance sont l’occasion, pour le ministère, d’inciter les universités à étendre le champ de leur emprise au-delà des frontières, en rendant marchants les services ainsi rendus. Nombre d’Universités ont pour tradition de mettre en œuvre des régimes spécifiques d’enseignement pour les étudiants qui ne peuvent ni assister aux cours, ni être présents aux séances de contrôle continu obligatoire. Or l’organisation de ce cursus spécifique ne distingue pas les étudiants français des étudiants étrangers : ces derniers sont traités comme les étudiants français salariés ou empêchés. L’expansion de l’informatique a servi de prétexte à une nouvelle extension de ces cursus : la communication par internet permettrait aux étudiants d’avoir une relation interactive avec les enseignants et serait le garant de l’efficacité de cette forme d’enseignement[24]. Les universités y sont incitées d’abord en se voyant accorder des moyens spécifiques pour développer ce type de programmes ; ensuite, d’autres programmes ad hoc, initiés par le ministère convergeront pour inscrire les cursus en ligne, les découpant en autant de formations marchandes, dont les revenus viendront équilibrer des budgets universitaires toujours à la recherche de recettes.

Ainsi le ministère promeut-il des opérations d’enseignement à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication appliquées à l’enseignement (TICE) (soixante-six projets retenus). L’“offre française d’e-formation” est réorganisée par les ministères de l’éducation nationale et de la recherche, impliquant la Conférence des présidents d’université, la Conférence des directeurs d’IUFM, la Conférence des directeurs d’écoles et de formation d’ingénieurs et le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Mais déjà, à partir de 1998, les universités sont invitées à participer à des opérations pilotées par le CNED. Dix-sept opérations ont ainsi été lancées dans diverses disciplines. Ces opérations dénommées “campus numérique” ou “campus virtuel” s’adressent à des étudiants disposant de moyens pécuniaires importants : le CNED informe qu’il faut disposer d’un ordinateur PC (pentium I au minimum) ou Mac, d’une carte son et de hauts parleurs, d’une carte de communication (modem), de logiciels récents, d’une imprimante, d’un lecteur de CD-ROM, d’un navigateur et d’un branchement internet.

On peut rapprocher ces exigences de l’équipement informatique d’un des pays les moins avancés, le Mali, où la population ne dispose que de 1,2 ordinateur pour mille habitants.

Le DEUG du programme CANEGE (campus numérique d’économie et gestion), organisé sous la responsabilité du CNED offre un exemple des exigences introduites par ce type d’enseignement à distance : les étudiants sont, pour leur part, sélectionnés par l’importance des droits d’inscription demandés (ex. pour l’année 2001, : 20 000 FF pour un DEUG (2 inscriptions) ou bien 2 500 FF par module, soit un coût de 75 000 FF pour les 30 modules exigés pour le DEUG). Ressortissants aisés des pays des Périphéries, ils peuvent ainsi s’inscrire dans des formations d’un pays des Centres, sans avoir à s’y déplacer et en participant à des formations spécifiquement construites dans une relation étudiant-enseignant qui relève du tutorat. D’autres, salariés en France, acceptent des frais importants pour accroître le nombre de leurs diplômes, ou bénéficient d’inscriptions payées par leur entreprise.

Mais il y a d’autres effets plus pernicieux de cette marchandisation initiée par le Ministère et rencontrant parfois l’empressement des Universités : le nivellement des contenus sur le plus petit commun dénominateur. N’est vendable que ce qui est identifiable. Dans le cadre des programmes TICE, Le Ministère demande que plusieurs Universités s’associent. Cette procédure est légitime, y compris du point de vue pédagogique : la qualité des cours est assurée grâce à la validation réciproque des contenus par les différents enseignants. Toutefois, l’idée de la marchandisation vient pervertir le dispositif : toujours dans le DEUG CANEGE, on voit apparaître des définitions de cahiers des charges élaborés par plusieurs Universités qui demandent l’élaboration de cours “neutres-standard” qui devront “pouvoir se référer à un ou plusieurs livres déjà existants dans le domaine”. C’est là instaurer en système la négation même de l’enseignement supérieur, dont la nature est d’être articulé à la recherche.

Le découpage de la formation en unités de valeur acquises à vie et capitalisables facilite aussi la marchandisation des formations : c’est ce qui est fait, sous prétexte de construction du système européen d’éducation, par la mise en place des “crédits” ECTS (European Crédit Transfert System).

Au-delà de la recherche de ressources pour les universités, l’objectif porte sur la place de la formation par rapport au système d’emploi : Le thème du colloque européen (EADTU-Paris Millenium Conference) sur l’enseignement à distance, du 28 au 30 septembre 2000, portait sur « Flexibilité et mobilité : comment les technologies de l’information et de la communication répondent-elles à ce double défi ? (…) Autrement dit, faut-il câbler la tour d’ivoire ? ».

Dès lors, le mode de mise en œuvre des TICE converge avec des transformations dans l’organisation et les contenus de l’enseignement allant dans le sens de la mondialisation, en passant par la marchandisation.

3 – Les ministères, devenus marchands interna-tionaux : l’agence EduFrance, instrument de la mondialisation

Malgré ses transformations récentes, la Francophonie ne constitue pas un instrument suffisant pour la mondialisation marchande. En 1998, la transformation de l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française en Agence universitaire de la francophonie ne supprime pas complètement le caractère d’institution paternaliste d’aide au développement, et surtout s’adresse à des zones qui n’ont pas le plus fort potentiel de croissance comme l’Asie et l’Amérique du Sud, selon les termes mêmes des représentants du gouvernement. François Blamont, directeur général d’EduFrance explique : « Les grandes zones géographiques qui nous intéressent particulièrement sont l’Europe occidentale, centrale et orientale, l’Asie du sud et du sud-est ainsi que le Japon, une large part de l’Amérique latine, c’est-à-dire le Mexique, le Chili et les pays du Mercosur (…), et enfin l’Afrique du Sud et d’autres pays d’Afrique, en particulier ceux qui ont des côtes méditerranéennes »[25].

Le gouvernement français prend alors l’initiative de promouvoir des interventions autonomes de son propre système d’enseignement supérieur dans l’espace international : l’Agence EduFrance voit le jour en 1998.

Les objectifs de la politique de cette agence sont apparemment contradictoires. Elle fait à l’étranger la publicité des universités françaises, pour inciter les étudiants étrangers à faire leurs études en France en situation présentielle, et, en même temps, elle contribue à la mise en place d’institutions d’enseignement en français à l’étranger et à la promotion de l’enseignement à distance français.

Les étapes de cette double politique procèdent par la marchandisation des différents cursus, modifiant, sur initiative du gouvernement, la structure des enseignements.

Le départ est donné, en novembre 1998, par la conférence de presse tenue par Claude Allègre, ministre de l’Education Nationale, de la recherche et de la technologie et Hubert Védrine, ministre des Affaires Etrangères, qui, d’emblée, précisent le postulat de leur décision : être présents sur le “marché de la formation supérieure à l’heure de la mondialisation”. Sur ce “marché”, les Etats-Unis et le Royaume-Uni devancent la France, imposant la culture anglo-saxonne, mais surtout, exportant des formations qui rapportent des devises (7 milliards de dollars pour les Etats-Unis, selon les ministres)[26].

L’Agence EduFrance doit donner les mêmes avantages à la France.

a – La structure et mode de fonctionnement

Cette agence est créée sous la forme juridique d’un Groupement d’intérêt public ayant « une logique d’entreprise », et dont « la démarche sera celle d’un opérateur commercial et d’un prestataire de services ». Ses cibles marchandes sont les étudiants étrangers et les organisations internationales, bailleurs de fonds des programmes d’aide au développement (Banque mondiale, Banque africaine de développement, Union européenne…). Elle compte, en 2002, 174 membres, universités, écoles d’ingénieurs, écoles supérieures de commerce  dépendant des chambres de commerce), institutions privées d’enseignement. L’Agence fédère aussi, en les proposant à l’international, les services du Centre national d’enseignement à distance (CNED), de la Fédération inter-universitaire de l’enseignement à distance (FIED), du Centre national de documentation pédagogique (CNED).

b – Activités

Son activité consiste à promouvoir l’offre française de formation à l’étranger, à coordonner et stimuler la réponse française aux appels d’offre internationaux (ingénierie de formation), à fournir une prestation globale d’accueil pour les étudiants étrangers. Pour ce faire, les conseillers culturels des ambassades et consulats seront mobilisés, et les profils de poste de ces représentants de la France à l’étranger seront définis en rapport avec leurs fonctions de promoteurs de l’offre de formation.

* La promotion : l’Agence organise des forums de présentation, parfois à l’occasion des visites officielles du chef de l’Etat français à l’étranger ; et elle se félicite de leur succès : à Mexico, en Inde (Delhi, Bangalore et Numbai), où 8 000 visiteurs se sont présentés, au Venezuela , au Brésil (salon itinérant de l’étudiant à Porto Alegre, São Paulo, Recife, Salvador, Rio, Belo Horizonte, Curitiba), au Colorado (Denver), en Egypte, en Chine, en Russie (Moscou avec 8 000 visiteurs à deux reprises, et Nijni-Novgorod), à Hong Kong, aux Philippines, en Israël, au Paraguay, en Bolivie, en Equateur, au Chili, en Grèce, en Corée, en Thaïlande. l’Agence est aussi présente dans les foires ou les salons internationaux de l’éducation tels le World Education Market (Vancouver en 2000 et 2001, Lisbonne en 2002) ou le NAFSA (qui est un salon de l’étudiant de l’Association des formateurs internationaux) des Etats-Unis à Philadelphie puis à San Antonio…

* L’ingéniérie éducative : cet objectif a aussi été tenu. L’objectif est ici d’intervenir en installant dans d’autres pays des formations pilotées par le ministère français. EduFrance a été à l’origine de l’Université française du Caire (voir encadré), elle a créé un institut de formation aux métiers de la plasturgie, en liaison avec les industriels français du secteur installés au Mexique et le pôle d’Oyonnax ; elle a procédé à une étude “d’optimisation” des sites universitaires décentralisés en Côte d’Ivoire. L’Agence a aussi organisé une série de conférences pour la Banque mondiale sur l’utilisation des TIC dans l’enseignement supérieur, à l’intention du Cameroun, du Bénin, du Togo, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Enfin, l’Agence répond aux appels d’offre de la Commission européenne  en matière de mise en ligne des formations.

* Le “recrutement” (sic) des étudiants étrangers : la logique avancée est celle de la balance des biens et services, mais elle n’est pas exempte d’autres intentions : une présence en France familiarise avec le système technique, économique, politique et social français : des retombées à long terme sont attendues. Ainsi Guy Ourisson, président de l’Académie des Sciences, remarque-t-il : « L’accueil de chercheurs étrangers, préparant un doctorat ou venus en France pour un séjour post-doctoral, est un des meilleurs investissements que puisse consentir un pays pour assurer à long terme son rayonnement… et son développement économique »[27]. Christian Bulliez, directeur général adjoint de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris emploie un style encore plus direct : « La (seconde) démarche consiste, pour certains pays à “importer”, pour les former, des étudiants étrangers. Ce faisant, ils développent une approche visant à faire de ceux-ci, surtout s’ils sont bien choisis, les “ambassadeurs” à venir de leur langue, de leur culture et de leurs savoirs »[28].

Pour attirer et accueillir les étudiants étrangers en France, l’Agence les informe, les accueille, leur délivre une carte-pass leur procurant divers avantages et a obtenu des autorités une simplification des procédures d’obtention du visa étudiant. Dans sa sollicitude, l’Agence va même jusqu’à informer les étudiants des possibilités de travail à temps partiel ou intérimaire que leur statut autorise (y compris les adresses des directions départementales pour le travail l’emploi et la formation professionnelle).

Attirer les étudiants étrangers a aussi conduit les établissements de formation supérieure à faire des offres adéquates. Ainsi, des formations spécifiques ont-elles été mises en place ; et pour faire venir les étudiants des zones “émergentes” anglophones, des enseignements entièrement ou partiellement en langue anglaise sont-ils proposés : pour 2001-02, dans le catalogue de propositions d’EduFrance, figurent 23 diplômes (hors diplômes de langues étrangères) dont la formation a lieu entièrement en anglais, (dont 14 en gestion-commerce-management) et 54 partiellement en anglais. Des catalogues sont même construits à destination des étudiants de zones identifiées : ex. le catalogue pour étudiants chinois, qui comporte bon nombre de formations dans les sciences de la vie et de la matière, toutes sanctionnées par des diplômes nationaux français, mais, pour certaines, partiellement enseignées en anglais.

Conclusion

Les transformations de l’enseignement supérieur dans les pays des Centres s’inscrivent dans les exigences nouvelles en matière de formation de la main d’œuvre, amenées par la mondialisation. Dans les pays des Périphéries qui les reçoivent, les délocalisations sont encore plus fructueuses sous deux conditions : disposer d’un personnel en mesure d’utiliser des techniques utilisées dans l’entreprise-mère et apte à communiquer dans la langue qu’utilise au quotidien la hiérarchie de celle-ci. Dans les pays des Centres, ces mêmes compétences sont aussi précieuses pour transformer le rayonnement culturel du pays en moyen de promotion commerciale de ses produits (l’enseignement précède la marchandise…).

Il en va ainsi de la France. L’insertion de l’enseignement supérieur français dans un espace international revêt des aspects apparemment contradictoires : à la fois vente de services d’enseignement à l’extérieur, venue d’étudiants étrangers et installation de formations à l’étranger. Les politiques semblent se contredire mutuellement. Deux explications peuvent toutefois réconcilier leurs logiques.

L’une analyse ces mouvements de l’enseignement supérieur comme pourvoyeur de main d’œuvre au profit du capital qui s’internationalise : création de centres professionnalisants pour les capitaux d’origine française s’installant à l’étranger ou bien, formation, en France, d’une main d’œuvre qui, demain, accompagnera voire précédera ce capital.

L’autre explication renvoie à l’idée d’un renoncement prémédité devant la mondialisation : dans un monde de concurrence à l’échelle planétaire, le système d’enseignement supérieur français se précipite pour prendre les formes déjà dominantes. Les moyens de cette nouvelle donne ne résident pas dans la privatisation dans le sens de l’ouverture d’un nouvel espace aux capitaux privés, mais dans la transformation des universités en système soumis aux logiques du privé.

Dans ces opérations, l’enseignement supérieur français précède le capital à l’étranger, ou bien, l’accompagne. Dans tous les cas, il le sert.

 


Les résultats actuels d’EduFrance

Si l’on juge les résultats d’EduFrance à l’aune des résultats acquis en termes de nombre d’étudiants ou en termes monétaires, on est loin du succès attendu.

L’objectif de l’agence EduFrance, en 1998, était d’atteindre 8 000 étudiants étrangers en 2002. L’année n’est certes pas achevée, mais l’objectif semble plus que difficile à atteindre : le bilan de 2001 annonce 1 086 inscrits (et 359 en 2000). Le site internet de l’Agence EduFrance était plus optimiste, en décembre 2000, que le bilan officiel : il comptabilisait 1 500 étudiants accueillis soit directement par EduFrance (400), soit par son intermédiaire. Manifestement, les facilités réelles offertes à l’entrée et l’arrivée en France incitent les étudiants étrangers à s’adresser à l’Agence, alors même qu’ils avaient de toutes façons décidé de venir en France.

Les résultats financiers ne semblent guère plus brillants : l’agence pouvait engager 150 millions de francs en 4 ans, dont 100 millions financés par le Budget de l’Etat et le reste par les partenaires (dont un grand nombre sont les Universités françaises) ; la cotisation annuelle de chaque partenaire a été fixée à 10 000 FF  (1524,49 €). La dotation 2001 a été accrue de 1,6 million de FF. Les rentrées en devises ont été évaluées — de façon optimiste — à 50 millions de FF par l’Agence, pour l’année 2000, représentant les droits d’inscription dans le système d’enseignement supérieur en France, l’adhésion des étudiants à EduFrance (60 FF la carte en 2001) et les dépenses de ces étudiants étrangers. (Cf. XXIe siècle – Le magazine du ministère de l’Eduction nationale, de la Recherche et de la technologie, n° 4 1999 et Bilan 2001 du PPM fiche n° 16 EduFrance).  Le budget de l’année 2002 est de 2,74 millions d’euros.

Les universités adhérentes ne sont pas non plus enthousiastes : certaines d’entre elles n’ont pas ré-adhéré au GIP et la Conférence des présidents d’université a demandé un débat sur les missions d’EduFrance, (Cf. « Le bilan contesté d’EduFrance, censée attirer les étudiants étrangers », Nathalie Guibert, Le Monde, 16 février 2002, ou encore « EduFrance sur la sellette »,, La lettre de l’Etudiant, 18 février 2002).



L’Université Senghor d’Alexandrie

L’Université Senghor d’Alexandrie (qui n’a pas de lien officiel avec l’Université française d’Egypte, cf. ci-dessous), a été créée, en 1989, par l’Agence de coopération culturelle et technique de la francophonie, (devenue depuis Agence Intergouvernementale de la Francophonie).

Elle est l’un des quatre opérateurs directs de l’actuelle Organisation Internationale de la Francophonie.

Elle est financée par les fonds de son organisation de tutelle : l’Organisation Internationale de la Francophonie, elle-même gestionnaire des contributions des Etats adhérents au Fonds multilatéral unique.

Son objectif est de « former des cadres et des formateurs de haut niveau et orienter leurs aptitudes vers l’action et l’exercice des responsabilités dans certains domaines prioritaires pour le développement ». Ses domaines d’intervention se limitent à l’administration, la gestion de l’environnement, la nutrition-santé et la gestion du patrimoine culturel ; elle n’organise que des enseignements de niveau 3° cycle. Elle est donc directement orientée vers des préoccupations de développement, qui, d’ailleurs ne concernent pas que le cas égyptien : elle prend en compte l’ensemble des problèmes des pays francophones d’Afrique. Elle se préoccupe aussi de promouvoir la diffusion et la maîtrise de la langue française.

Elle organise des conférences dans ses domaines de compétence et édite des ouvrages ou des CD scientifiques.

Renseignements tirés du site :  http://www.francophonie.org



L’université française d’Egypte

L’Université Française d’Egypte (qui n’a pas de lien officiel avec l’Université Senghor d’Alexandrie, cf. ci-dessus) est une réalisation promue et inscrite dans les opérations d’EduFrance. Cette université présente toutes les caractéristiques des orientations du gouvernement français en matière de mondialisation et de marchandisation de son enseignement supérieur.

1 – Un transplant de luxe, vitrine d’un enseignement à visée mondialisée

Prévue pour être installée à l’est du Caire, créée par une décision de mars 1999, cette université s’adresse à des étudiants francophones, avec des programmes étroitement liés aux universités françaises partenaires.

Elle doit attirer jusqu’à 3 500 étudiants, chiffre à atteindre en quatre années de fonctionnement. La première rentrée universitaire était prévue pour septembre 2001.

Deux cent cinquante enseignants français (soit 1 enseignant pour 14 étudiants) viendront y enseigner, au moins au début, formant à la fois les étudiants et leurs collègues égyptiens.

Un bâtiment neuf, équipé du matériel approprié, de 42 000 m2 est en voie de construction, soit 12 m2 par étudiant, pour un coût prévu de 21,65 millions d’euros (142 millions de francs).

les matières enseignées correspondent à l’insertion directe dans les structures de la production telles qu’elles se présentent au niveau international : formation de cadres locaux pour les secteurs de production considérés comme les plus “porteurs” et qui sont aussi ceux dans lesquels les capitaux français se sont le plus exportés (formation d’ingénieurs en électronique, informatique, télécommunications, productique, génie civil, agro-industrie, troisièmes cycles de médecine et pharmacie) ; ou encore secteurs d’accompagnement de la mondialisation des capitaux : langues vivantes et interprétariat ainsi que troisièmes cycles de sciences économiques, juridiques et de gestion, et enfin, concession aux réalités locales (et encore faudrait-il en évaluer la pertinence en matière de développement), des formations en architecture, urbanisme, restauration, design et esthétique industrielle et formation aux professions du tourisme.

Les formations peuvent — sous certaines conditions — donner lieu à co-diplomation : le diplôme est à la fois égyptien et celui de l’Université française partenaire.

2 – Des justifications ambiguës

Au titre des raisons de la mise en œuvre d’un tel projet, on trouve des justifications historiques : la continuité de la présence française, la place prépondérante de la langue française, en Egypte, en tant que première langue étrangère comme langue des affaires économiques et juridiques et des transactions commerciales, jusqu’au début des années 70. Après cette date, l’anglais, véhiculé par la présence américaine, l’emporte ; d’où on en vient à la nécessité de redonner au français sa première place. Une autre raison, pratique et convergente avec la francophonie, consiste à offrir aux 3 000 élèves qui sortent annuellement des écoles françaises (total des élèves scolarisés en français : 40 000) une poursuite de scolarité.

Intervient ensuite une raison de nature plus politique, directement invoquée : contrebalancer, par la présence française, l’influence des pays anglo-saxons qui s’exerce via l’anglais.

Avec cette dernière raison, la francophonie devient l’excuse de la politique étrangère d’exportation de l’ingénierie de formation.

3 – Une mise en œuvre révélatrice des intentions

– L’université est privée, sous tutelle du ministère de l’Enseignement Supérieur en Egypte, de droit égyptien, c’est-à-dire sans but lucratif (les éventuels dividendes seront utilisés pour une future expansion ou pour financer des bourses sur critères sociaux) ; la réalisation de la première phase pourra faire appel aux crédits bancaires, à hauteur de 50 % ;

– elle est assistée par des “partenaires pédagogiques français” qui transmettent les programmes et envoient les professeurs ;

– mais, surtout, son statut fait une large place au “Groupement de Fondateurs” qui réunit les fondateurs et les apporteurs de financement. Cet organisme a une part entière dans le fonctionnement de l’Université, à côté du Conseil de Surveillance, de la Présidence et du Conseil. Ce “Groupement” est constitué des “investisseurs”, à savoir : hommes d’affaires français ou égyptiens du secteur privé, représentants des clubs d’affaires égyptiens, associations de parents d’élèves, associations franco-culturelles, entreprises et banques françaises travaillant en Egypte, représentants des organismes internationaux qui auront fait d’éventuelles donations, et une association, en France, des Amis de l’Université Française.

Parmi les premiers financeurs (“grands donateurs et actionnaires”), on trouve effectivement des hommes d’affaires égyptiens et des capitaux arabes : Arab Contractors, au côté de capitaux français : Société générale, Alcatel, ou d’institutions alliées : Rotary francophone de Guézirah.

L’association des Amis de l’Université Française, quant à elle, a pour premiers adhérents des personnalités du monde de l’enseignement, des arts et de la culture, des diplomates des deux pays, des députés, mais aussi le Président du Conseil de surveillance de Suez Lyonnaise des Eaux, le Président Directeur Général d’Alcatel, le conseiller du groupe Schneider en Egypte et elle est présidée par Didier Pineau–Valencienne, ancien PDG de Schneider, et président (jusqu’en décembre 2001) de l’Association française des entreprises privées.

Ainsi, un des organes du pilotage de l’Université Française est-il étroitement articulé aux firmes françaises les plus transnationalisées.

Renseignements tirés du site : http://www.universite-fe.edu.eg


Notes:

* GRREC, Université de Grenoble.

[1] Martin Carnoy, Mondialisation et réforme de l’éducation : ce que les planificateurs doivent savoir, Institut International de Planification de l’Education,  UNESCO, 1999 ; voir en particulier pp.19 à 25.

[2] Ce qui permet à certains, par un raccourci pour le moins saisissant, de rendre le système éducatif responsable du chômage des diplômés…

[3] Le Livre blanc sur l’éducation et la formation, Enseigner et apprendre, Vers la société cognitive, ne dit pas autre chose dans son constat des finalités de la formation. Cf. p. 9 : « …permettre d’accéder à la culture générale et, ensuite, développer son aptitude à l’emploi et à l’activité », Union Européenne, 1995.

[4] La pratique la plus facile a consisté à demander des droits d’inscription spécifique aux étudiants ; de fait cela revient à pratiquer des droits d’inscription majorés par rapport au chiffre fixé par le Ministère et à moduler ces droits selon les diplômes. Mais il y a bien d’autres modalités : subventions des régions, des municipalités, des entreprises et collecte de la taxe d’apprentissage, par ex.

[5] L’Agence (devenue depuis Organisation internationale de la francophonie) est une organisation intergouvernementale qui regroupe les Etats ou les gouvernements locaux des pays francophones. On y retrouve les Etats ou gouvernements développés francophones : Canada-Québec, Canada-Nouveau-Brunswick, Communauté française de Belgique, France, Luxembourg, Monaco, Suisse, au côté des Etats d’une bonne partie des anciennes colonies ou protectorats belges ou français (mais pas l’Algérie), qui ont été ensuite rejoints par quelques Etats des anciennes colonies portugaises d’Afrique, ainsi que par des Etats où l’emploi du français reste quand même très limité : Albanie, Macédoine, Moldavie, Roumanie ; d’autre pays tout aussi peu francophones sont observateurs : Lituanie, Pologne, République Tchèque, Slovénie. Aux réunions concernant l’éducation, se sont ajoutées des instances réunissant des parlementaires (1967), les ministres de la jeunesse et des sports (1969), des maires (1979) ainsi que la chaîne de télévision TV5 (1984).

[6] Ces bourses concernent, pour le programme 2000-06, l’Europe des quinze plus la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, Chypre, Malte et la Turquie, et enfin les pays de l’est associés : Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie.

[7] Les droits d’inscription pour les unités de valeur sont variables selon la région du monde. Par ordre croissant de surcoût on trouve l’Irlande (de 0 à 60 %), l’Europe (de 50 à 85 % et les autres régions du monde (de 50 à 113 %).

[8] Voir  Robin Mason « Les universités happées par la Net économie » in « Education : un marché de 2 000 milliards de dollars », dossier coordonné par Cynthia Guttman, Courrier de l’UNESCO, novembre 2000.

[9]Cf. Stéphane Mandard, « Internationalisation et américanisation au programme », Le Monde Interactif, 26 septembre 2001.

[10] Cf. David F. Noble, « Retour sur une débâcle à l’américaine. Le lourd passé de l’enseignement à distance », Le Monde Diplomatique, avril 2000.

[11] Gérard de Sélys et Nico Hirtt, Tableau noir. Résister à la privatisation de l’enseignement, éd. EPO, Bruxelles, 1998. Dans son dernier ouvrage : L’école prostituée. L’offensive des entreprises sur l’enseignement, éd. Labor, Espace des libertés, Bruxelles, 2001, Nico Hirtt examine, certes, les modifications induites par les stratégies inspirées de l’idéologie libérales en termes de programmes et de structures ; mais il continue à n’y voir que les stratégies des entreprises pour s’ouvrir de nouveaux marchés.

[12] Voir Janine et Greg Brémond, L’édition sous influence, Liris, Paris, 2002.

[13] « Les enseignants qui ne sont pas satisfaits des manuels se rallieront généralement quand même à un manuel pour ne pas laisser leurs élèves sans outil de travail. Nombre d’entre eux n’utiliseront que très peu, ou pas du tout, ce manuel dans leur pratique de classe, et beaucoup d’élèves n’utiliseront jamais leur manuel. Mais cela importe peu aux majors car les parents d’élèves ou l’Etat, auront quand même payé ces livres. », op. cit., p. 72.

[14] Stéphane Mandard, « Internet va-t-il démanteler l’école ? » et « Le nouvel eldorado de la Netéconomie », Le Monde Interactif, 26 septembre 2001. Selon cet auteur, la menace d’uniformisation des programmes vient plutôt des établissements d’enseignement supérieur britanniques et américains, premiers à être présents sur le web.

[15] Stéphane Mandard, « Internationalisation et américanisation au programme », ibid.

[16] Cf : « L’e-learning ne tient pas ses promesses », Valérie Collet, Le Figaro Entreprises, 18 mars 2002. Dans le même article, on peut lire l’évaluation faite par la firme Kodak du coût des outils d’auto-formation (formation en ligne et utilisation de CD-ROM) : 100 heures de travail pour 1 heure de cours, et un coût de 45 000 euros l’heure de cours.

[17] Cf. « Afrique du Sud : la course aux diplômes exportables », Karen Macgregor, in Education : un marché de 2 000 milliards de dollars, Courrier de l’UNESCO, op. cit.

[18] Ricardo Petrella signale le phénomène d’abandon des contrats à long terme comme à l’origine de la compétition entre les salariés qui doivent — individuellement — trouver et assurer la formation la plus performante sur le marché du travail, s’imprégnant alors “d’une culture de guerre” et tombant ainsi dans l’un des cinq pièges dont est victime l’éducation. Cf. L’istruzione, vittima di cinque trappole, ATTAC, 2000.

 <http://www.attac.org/fra/list/doc/petrellait.htm&gt;.

[19] Daniel Monteux analyse précisément les textes de l’OMC et les positions de la Banque mondiale, du FMI, de l’OCDE et de la Commission européenne, dans L’éducation en péril de marchandisation , Contribution présentée devant le Conseil Scientifique d’ATTAC, ATTAC, 17 octobre 2000, <http://www.attac.org/fra/list/doc/monteux.htm&gt;.

[20] Livre blanc sur l’éducation et la formation, Enseigner et apprendre, Vers la société cognitive, op. cit., p. 17.

[21] Commission européenne, What is TEMPUS ?, <http://europa.eu.int/comm/education/tempus/.html&gt;.

[22] Le programme s’adresse d’abord à la Russie, l’Ukraine, la Belarus, s’étend ensuite aux pays d’Asie Centrale et à la Mongolie, puis aux Etats nés de l’éclatement de la République fédérale de Yougoslavie.

[23] Selon la formule de présentation de Tempus sur le site internet <http://europa.eu.int/comm/education/tempus/intro.html&gt;

[24] A l’usage, la facilité de communication fonctionne comme un leurre : elle fait concevoir l’enseignant comme un précepteur toujours disponible  elle fait croire à un dialogue qui serait permanent parce qu’il est réputé toujours possible, mais qui a rarement lieu ; elle laisse imaginer que toutes les sources bibliographiques seront accessibles par internet (voire que les sujets à traiter sont déjà rédigés et la recherche sur internet s’apparente alors à la chasse au trésor) ; elle prive l’étudiant de la référence au niveau général du groupe de ses condisciples ; elle freine l’interactivité horizontale ; enfin elle prive l’étudiant de toutes les informations involontairement délivrées qui passent dans le face-à-face.

Devant l’ensemble de ces difficultés, les responsables des campus numériques commencent à proposer des regroupements présentiels, allant jusqu’à deux fois par mois pour certains. Cf. « Les campus numériques en mal de professionnalisation », Emmanuelle Dhelens, La lettre de l’étudiant, 15 avril 2002.

[25] « EduFrance exporte le savoir-faire éducatif français », XXI° siècle – Le magazine du ministère de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, n° 4, 1999.

[26] Conférence de presses de Claude Allègre et Hubert Védrine, 6 novembre 1998, que l’on peut trouver sur le site :

<http://www.education.gouv.fr/discours1998/edufranb.htm&gt;

[27] Cité in XXI° siècle – Le magazine du  ministère de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, dans un dossier intitulé « Des échanges pour être plus compétitifs », n° 7, 2000.

[28]  Ibid.