Un autre cinquantième anniversaire

 

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« Le groupe des 77 célèbre son cinquantième anniversaire ». Sous ce titre, le Centre Sud a publié le 16 juin 2014 le texte ci-dessous de son Directeur exécutif, Martin Khor[1]

La nuit du 15 juin 2014 a mis fin à deux jours de discours ardents et de débats sur les réussites passées et les difficultés présentes des pays en développement entre dirigeants du Sud qui étaient réunis à l’occasion du Sommet extraordinaire du Groupe des 77 et de la Chine organisé pour célébrer le 50ème anniversaire du Groupe.

Dans son son discours d’ouverture, le président bolivien, Evo Morales Ayma a expliqué le thème du Sommet « Vers un nouvel ordre mondial pour bien vivre » ; puis, tout au long du sommet, plusieurs dirigeants sont revenus sur l’expression « bien vivre ».

Le président Morales a impressionné les participants non seulement par l’éloquence et le calme de ses déclarations et par sa réactivité aux allocutions de nombreux dirigeants, mais aussi par le fait qu’il a personnellement présidé la majeure partie de la séance plénière du deuxième jour qui a duré pas moins de 13 heures sans interruption.

L’Argentine, Cuba, le Bangladesh, El Salvador, l’Équateur, les Fidji, le Gabon, la Guinée équatoriale, la Namibie, le Pérou, Sainte-Lucie, le Sri Lanka, le Swaziland, l’Uruguay, le Venezuela et le Zimbabwe étaient représentés par leur chef d’État ou de gouvernement, tandis que l’Algérie, le Costa Rica, l’Iran (représentant également le Mouvement des pays non alignés), la République-Unie de Tanzanie et la Zambie étaient représentés par leur vice-président, et la Chine par le vice-président du Parti du congrès national.

Étaient également présents les ministres des affaires étrangères ou d’autres portefeuilles de pays comme l’Arabie saoudite, le Brésil, le Botswana, le Chili, la Dominique, les Émirats arabes unis, le Kenya, le Laos, la Malaisie, le Maroc, le Mozambique, le Népal, le Nicaragua, l’Ouganda, le Paraguay, les Philippines, le Qatar, la République dominicaine, le Soudan, le Timor-Leste, Trinité-et-Tobago et la Tunisie, ainsi que les ministres délégués et ambassadeurs d’autres pays.

Parmi les participants, il y avait aussi le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, qui a pris la parole pendant la cérémonie d’ouverture et qui, le lendemain, a assisté à la séance plénière presque toute la journée. Le président de la soixante-huitième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, John Ashe, a lui aussi fait une déclaration pour l’ouverture de la conférence et était présent lors de la plénière.

Le Sommet a adopté une déclaration de 39 pages, contenant 242 paragraphes, classés en cinq grandes sections :   contexte général ; dévelop-pement national ; coopération Sud-Sud ; défis mondiaux ; et besoins propres aux pays en développement en situation particulière.

La cérémonie d’ouverture qui a eu lieu le 14 juin a été marquée par la déclaration parfaitement structurée et passionnante du président Evo Morales qui a retracé l’histoire politique du Groupe des 77 et de la Chine et des pays en développement, décrit les crises que traversent à l’heure actuelle le monde et les pays en développement et partagé le bilan positif du développement bolivien de ces dernières années.

Il a ensuite énuméré plusieurs « tâches » qu’il faut mener à bien pour « construire un nouveau monde et bâtir la société du bien vivre » :

atteindre le bien vivre en cherchant à vivre en harmonie avec la Terre nourricière ;

affirmer la souveraineté des États sur leurs ressources naturelles et sur d’autres domaines stratégiques ;

convertir le bien être pour tous et la satisfaction des besoins primaires en un droit humain ;

libérer les États du système financier international existant et concevoir une nouvelle structure financière ;

former une alliance économique, scientifique, technologique et culturelle majeure entre les membres du Groupe des 77 et de la Chine ;

éradiquer la faim dans le monde ;

consolider la souveraineté des États face à l’intrusion, l’intervention et l’espionnage étrangers ;

rénover la démocratie dans les pays en développement ;

et faire émerger des pays du Sud un nouveau monde propice à l’humanité tout entière.

« L’heure de gloire des nations du Sud est arrivée » a-t-il conclu.  « Jadis, nous avons été colonisés et asservis.  […] À présent, chaque pas de plus vers notre libération est un pas de plus vers la décadence et le démantèlement des grands empires.  Cela étant, notre libération ne doit pas se réduire à l’émancipation des peuples du Sud, mais doit être l’émancipation de l’humanité tout entière ».

« Nous sommes les seuls à pouvoir sauver la source de toutes les formes de vie et de société : la Terre nourricière, qui est de nos jours en danger […]Bâtir un autre monde n’est pas seulement possible mais indispensable.  Bâtir un autre monde est indispensable, sans quoi plus aucun monde ne sera possible. »

« Cet autre monde, fondé sur l’égalité, la complémentarité et la cohabitation organique avec la Terre nourricière ne peut venir que des milliers de langues, des milliers de couleurs et des milliers de cultures fraternelles des peuples du Sud ».

Evo Morales a également proposé de créer un institut de la décolonisation et de la coopération Sud-Sud qui aurait « pour mission d’apporter une aide technique aux pays du Sud pour renforcer la mise en œuvre des propositions faites par le Groupe des 77 et de la Chine ».

Il aurait aussi pour fonction de fournir une aide technique et une aide au renforcement des capacités institutionnelles en faveur du développement et de l’autodétermination, afin de mener à bien des recherches. Il a suggéré que l’institut soit basé en Bolivie.

Dans l’allocution qu’il a donnée à l’occasion de la cérémonie d’ouverture, Ban Ki Moon a dit que le Groupe des 77 et de la Chine avait permis au Sud de parler d’une seule voix dans le monde et a ajouté que le Groupe joue un rôle très important au sein des Nations Unies.  Il a dit au président Morales qu’il partageait sa vision du « bien vivre », car le développement fondé sur le « bien vivre » implique que l’humanité vive en harmonie avec la nature et que les peuples vivent en harmonie les uns avec les autres.

Le secrétaire général des Nations Unies a rappelé que la réalisation des objectifs de développement durable doit se faire à l’aide d’un partenariat mondial pour le développement et que le Groupe des 77 doit jouer un rôle primordial pour assurer l’efficacité de ce partenariat.  Selon lui, le Groupe devrait continuer d’œuvrer en faveur d’un régime commercial plus juste et du transfert de technologie, entre autres.  Il a ajouté que le Groupe des 77 et de la Chine a un grand rôle à jouer au sein des Nations Unies dans la conception d’un programme de développement pour l’après 2015.

John Ashe, président de la soixante-huitième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, a expliqué sa vision du rôle du Groupe des 77 et de la Chine, qu’il a présidé il y a quelques années de cela, a souligné son importance au sein des Nations Unies, et lui a souhaité tout le succès qu’il mérite dans les années à venir.

Pendant la séance plénière du 15 juin, le président Morales a animé une table ronde entre chefs d’État et de gouvernement qui s’est transformée en un échange interactif de points de vue, dans lequel il a été question de la formation et de la consolidation du Groupe, des difficultés que rencontrent actuellement les pays en déve-loppement dans leur lutte pour le développement, des crises qu’ils traversent dans le contexte de turbulences économiques mondiales et de la nécessité d’élaborer de meilleures stratégies et d’améliorer la mise en œuvre des actions collectives du Groupe.

L’un des principaux thèmes débattus, qu’Evo Morales a été le premier à aborder, était la nécessité que les pays en développement reprennent le contrôle de leurs ressources minérales et naturelles, et qu’ils utilisent les revenus en découlant dans des programmes socio-économiques nationaux.

Il a cité l’exemple de la Bolivie qui a nationalisé son gaz naturel et ses hydrocarbures, ce qui a permis d’accroître les revenus de l’État, qui ont servi au progrès social.

Un des chefs d’État a répondu que l’exemple bolivien était très convaincant et qu’il étudierait la possibilité d’appliquer une politique similaire dans son pays dès son retour.

Lors de la cérémonie d’ouverture et du dîner présidentiel, les participants ont également pu assister à plusieurs démonstrations de danses et musiques traditionnelles données par de célèbres chanteurs et groupes musicaux boliviens.

Après presque cent allocutions et l’adoption d’une Déclaration, la séance plénière et le Sommet se sont clos le 15 juin à 22 heures.

 

Note:

[1] South News, n°54,  <http://fr.southcentre.int&gt;