La puissance française dans son labyrinthe

Patrice Jorland[1]

169Dominique de Villepin publie dans Le Monde diplomatique de décembre 2014 un long article intitulé « La France gesticule… mais ne dit rien »  et surtitré « Impasse militariste et morali-satrice », cependant que  la revue Recherches internationales et la Fondation Gabriel Péri ont organisé, les 28 et 29 novembre, un colloque en forme d’interrogation « Diplomatie française : où est la boussole ? ». À quoi vient s’ajouter la question du dossier paru dans le dernier numéro  (décembre) d’Alternatives internationales, « La France pèse-t-elle encore ? ». Cette coïncidence est d’autant plus notable que les analyses d’ensemble de la politique extérieure française se font plutôt rares, alors qu’abondent les analyses sectorielles ou géographiques de son exercice et qu’à suivre un quotidien du soir, un assez large accord régnerait à son propos, les actuels ministres des affaires étrangères et de la défense échappant par exemple au discrédit dont le gouvernement fait l’objet.

On admettra d’emblée que la France est une puissance, dont elle détient les attributs classiques, démographie somme toute dynamique, deuxième espace maritime, deuxième réseau diplomatique et cinquième économie de la planète, membre permanent du Conseil de sécurité, langue internationale que sous-tendent les réseaux des Alliances, Instituts et lycées français, première destination touristique mondiale qu’expliquent la diversité de ses paysages, son patrimoine architectural et sa renommée gastronomique. En bref, le hard power de son instrument militaire associé au soft power d’une culture dense et d’un passé à divers titres prestigieux.  On partira cependant d’une incidente par laquelle Eric Hobsbawm rappelait, dans sa remarquable synthèse consacrée au « court vingtième siècle », que Mohammad Ahmad ibn Abd Allah dit le Mahdi (1844-1885) avait causé bien des problèmes à l’empire britannique, en créant un État indépendant au Soudan, puis en s’emparant de Khartoum le 26 janvier 1885, au terme d’un siège au cours duquel devait périr Charles Gordon, l’officier le plus prestigieux de sa Gracieuse Majesté (guerre de Crimée, seconde guerre de l’opium, répression de la rébellion Taiping). Le mouvement que « le Guide » avait fait naître sera néanmoins écrasé le 2 septembre 1898, à la bataille d’Omdurman, par les troupes de Lord Kitchener, qui connaîtra une carrière plus brillante encore que son prédécesseur (Fachoda, seconde guerre des Boers et ses camps de concentration, ministre de la guerre en 1914). De fait, les résistants ne purent faire face à la première mitrailleuse autoalimentée, la Maxim, qui venait d’être mise au point. Les armements dont les puissances disposent aujourd’hui sont incomparablement plus meurtriers et pourtant les opérations extérieures (OPEX) se répètent ou perdurent, dont l’issue se révèle souvent indécise. En témoigne la carrière du général d’armée Benoît Puga, chef d’état-major particulier de Nicolas Sarkozy maintenu à ses fonctions par François Hollande. « Il est de ceux qui sautent sur Kolwezi en 1978. Il intervient au Gabon en 1979, à Djibouti en 1980 et 1981, au Liban en 1982, en République centrafricaine, déjà, en 1983. En 1983-1984, il est de l’opération Manta qui barre la route à une offensive libyenne au Tchad. Il commande les troupes d’élite du 2ème REP (régiment étranger de parachutistes) entre 1996 et 1998 et dirige à ce titre l’opération Almandin à Bangui en 1996-1997… En 1997, le général Puga participe à la direction de l’opération Pélican pour sauver 6.000 étrangers, dont un quart de Français en difficulté, dans Brazzaville en proie à la guerre civile. Il est au Tchad en 2008 pour sécuriser l’aéroport de N’Djamena et aider le régime d’Idriss Déby, proche de la déroute, à repousser les rebelles venus du Soudan[2] ». En tant que chef d’état-major particulier de Nicolas Sarkozy, il « suit de près les opérations françaises en Libye et en Côte d’Ivoire en 2011. » Il fera de même pour les opérations au Mali et en République centrafricaine, auprès de François Hollande.

Le pré-carré

Des différences existent dans la conduite des récentes opérations. « Serval » participait  de la guerre de course dans le vaste espace sahélien et, pour cette raison au moins, eut peu d’effets collatéraux sur les civils, tandis que « Sangaris » relevait du rétablissement de la paix au sein d’une population en proie à de violents affrontements internes. Alors que la première suivait un plan stratégique déjà établi, la seconde fut largement improvisée en dépit de sa complexité politique. Si l’ONU vint légitimer l’opération au Mali, c’est sur son mandat que les troupes françaises intervinrent en Centre Afrique. Les similitudes l’emportent néanmoins. D’une part, les deux pays concernés avaient vu se dissoudre leurs autorités civiles et se décomposer leurs forces armées, si bien que la sécurité ne pouvait être rétablie qu’avec un appui extérieur ; d’autre part, et bien que le gouvernement nouvellement installé ait hésité à suivre l’exemple de ses prédécesseurs, l’option militaire fut privilégiée parce que les diplomates regardaient ailleurs, du côté de la Syrie notamment, et que la dégradation de la situation avait été sous-estimée. Enfin, rien n’est définitivement réglé : l’opération « Serval », lancée en janvier 2013, a mué en opération « Barkhane »  le 1er août de l’année suivante, pour couvrir toute la région du Sahel (Mauritanie, Niger, Mali, Burkina Faso, Tchad), tandis que le risque d’éclatement de la République centrafricaine ne peut être exclu. Le fait que l’engagement direct des forces françaises a été, dans un cas comme dans l’autre, officiellement redéfini comme appui à des forces africaines  et qu’il a été timidement épaulé par divers États européens ne modifie rien quant au fond. La France est directement impliquée, pour une durée indéterminée. Aussi deux questions se posent-elles, de façon indissociable, la première étant de comprendre la récurrence de ces opérations extérieures.

Depuis les indépendances de 1960, la puissance française n’a cessé d’intervenir en Afrique subsaharienne, les états de service du général Benoît Puga étant à cet égard exemplaires et la République centrafricaine détenant un record en la matière, puisque l’opération « Sangaris » est la septième qu’ait connue ce pays. Il s’agissait à l’origine de s’assurer le contrôle des ressources naturelles si abondantes de ce continent, afin de garantir autant que possible l’indépendance énergétique de la métropole que la perte des hydrocarbures algériens paraissait devoir remettre en cause, ainsi que des débouchés captifs pour les excédents agricoles et les produits manufacturés de ce qui, de facto, devait rester la métropole. Dans le cadre de la guerre froide, il importait dans le même temps de contrôler l’évolution politique des nouveaux États – rendre coûteuses les options  socialisantes qu’explorèrent un temps la Guinée et le Mali, entraver les tendances panafricanistes et neutralistes, arrimer les régimes africains au camp occidental –, sans être trop regardant ni sur les méthodes ni sur les effets, ce qui, dans la corrélation internationale des forces, donnait également à la France un surcroît d’influence dans les arènes internationale – le « bloc africain » à l’ONU – et européenne, ainsi qu’une marge d’autonomie vis-à-vis de l’allié américain[3]. Les instruments étaient financiers, commerciaux, culturels, politiques et affairistes – les « réseaux Foccart » – policiers et militaires : accords de défense, bases, formation des armées et officiers, fournitures d’armes, etc.  Cette politique s’est déployée au-delà du pré-carré, soutien à la rébellion du Biafra, intérêt marqué pour le Zaïre, le Rwanda et le Burundi, avec l’ambition de damer le pion à la Shell dans le premier exemple et de substituer l’influence française à celle de l’ancien colonisateur belge dans le second groupe de pays. Alors que la classe politique ne cesse de déplorer aujourd’hui la disparition de Nelson Mandela, on rappellera que les autorités françaises ont aussi entretenu des relations étroites avec le régime de l’apartheid, en dépit des résolutions de l’ONU, et qu’il faudra attendre novembre 1977 pour que cessent officiellement les livraisons d’armements.  Aucune inflexion réelle  ne sera donnée par la suite à la politique africaine de la France, quand bien même l’argument de la guerre froide ne pourra plus être évoqué dès le début de la décennie 1990. Certes, le président Mitterrand et son ministre des Relations extérieures, Claude Cheysson,  apporte-ront un soutien diplomatique et politique au combat contre l’apartheid, mais les velléités de changement exprimées par le ministre de la coopération Jean-Pierre Cot furent éphémères, le continent continua à être suivi depuis les coulisses, les réseaux se perpétuèrent, la seule différence étant que ce ne furent plus exactement les mêmes qu’auparavant, et les interventions militaires se répétèrent. Certes également, la France jouera un rôle actif dans la conclusion de la convention de Lomé du 28 février 1975 signée entre la CEE et 46 États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP),  alors que s’exerçait une forte poussée en faveur d’un nouvel ordre économique international. Cet accord sera renouvelé en 1979 avec 57 ACP, puis en 1983 avec 66 ACP et enfin en 1990 avec 70 ACP, avec pour objectifs de faciliter les exportations des partenaires en développement et de stabiliser leurs recettes grâce aux dispositifs Stabex et Sysmin.  La crise induite par les incitations à l’endettement, les plans d’ajustement structurel, les règles établies par l’OMC conduiront à réduire la coopération à la lutte contre la pauvreté, les rapports à ceux du libre-échange, les relations à la libéralisation des flux de capitaux, orientations entérinées par l’accord de Cotonou du 23 juin 2000.

Or, la part de marché de la France au sud du Sahara a décliné de 10,1 % à 4,7 % entre 2000 et 2011, même si la valeur des exportations françaises y doublait au cours de cette période  qui a vu de très nombreux pays intensifier leurs liens avec l’Afrique, comme l’Inde ou les États-Unis, Israël ou l’Iran, apparaître de nouveaux acteurs, tels le Brésil, les pays du Golfe, la Turquie, la Malaisie, cependant que l’Afrique du Nord est devenue un partenaire important de l’Afrique subsaharienne et surtout que la part de marché de la Chine est passée de moins de 2 % en 1990 à plus de 16 % en 2011. En d’autres termes, les positions du capital français se sont affaiblies en termes relatifs, bien que le stock d’investissements directs français en Afrique subsaharienne ait été multiplié par 4, passant de 6,47 milliards d’euros en 2006 à 23, 4 milliards en 2011, que des grandes firmes préservent leurs intérêts, Total, Areva, Alstom, Sanofi, Orange, Eiffage, Bouygues, Bolloré ou la Compagnie maritime d’affrètement-Compagnie générale maritime (CMA-CGM). Certains ont cependant voulu voir un symbole dans la vente, en 2012 et par le groupe Pinault, de la vénérable CFAO, ou Compagnie française d’Afrique occidentale, à la société de commerce Toyota Tsûshô, membre du keiretsu Toyota[4].

Un monde complexe

La convergence planétaire que d’aucuns ont annoncée, alors que la guerre froide venait de prendre fin et  que la mondialisation entrait dans une nouvelle phase, ne s’est pas produite, si bien que la fin de l’histoire se fait attendre.  Francis Fukuyama avait certes explicité son propos en précisant que des soubresauts pourraient toujours survenir dans des pays exotiques comme le Burkina Faso, nommément cité, mais que leur portée serait nulle. Pourtant, la France est intervenue politiquement pour endiguer le mouvement qui devait contraindre Blaise Compaoré à abandonner le pouvoir. Ses intérêts économiques directs n’étaient pas menacés, mais le « beau Blaise » était un acteur important de la Françafrique, qui avait su exploiter la position géopolitique de son pays et se rendre indispensable. Pour comprendre son exfiltration, il nous faut donc revenir à l’incidente d’Eric Hobsbawm, en évitant cependant d’établir une filiation entre le Mahdi et le djihadisme, qui serait inexacte.  Les puissances établies ne parviennent plus à contrôler – il faudrait même écrire comprendre – des zones entières de la planète et à y réduire des courants qu’elles y avaient précédemment encouragés, cofinancés et armés, sans en anticiper tous les avatars ni en circonscrire les métastases. En réaction, et à l’initiative des États-Unis, elles se sont engagées dans une « longue guerre contre le terrorisme » aussi pauvrement définie que médiocrement conduite.

Ce n’est pourtant là qu’une des incertitudes du temps présent ou, plus exactement, il ne faut y voir qu’une facette, préoccupante à maints égards mais indûment placée au-devant de la scène, d’un phénomène essentiel, à savoir la multiplication des acteurs, les évolutions contradictoires de la corrélation des forces et la complexification des relations internationales qui en découle. L’existence  de « nouveaux émergents » vient immédiatement à l’esprit, que l’on ne saurait cependant réduire à la croissance que ceux-ci ont pu connaître au cours de la décennie écoulée et au rôle qu’ils jouent désormais dans les relations économiques internationales. Le plus novateur est moins l’apparition d’un nouveau modèle, chacun des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) suivant le sien, que la concertation, voire la coordination, qui s’est établie entre eux afin de corriger les faits établis, de retoucher, modifier, remodeler les instruments, critères et objectifs des instances par lesquelles les relations inter-nationales sont censées être régulées, sur le plan économique en particulier, mais pas uniquement. Autrement dit, ce n’est pas un autre monde qu’ils se proposent de construire, mais une nouvelle organisation du monde qu’ils entendent faire surgir. Cela pose problème aux puissances établies, et d’abord à la première d’entre elles, les États-Unis, qui présente cette exception historique de prétendre exercer son imperium, ce qui se traduit en anglais par leadership, sur la planète entière. Exemple entre tant d’autres de cette arrogance satisfaite,  le CNAS ou Center for a New American Security, think tank étroitement associé à l’administration Obama, vient de publier un rapport sur les régions arctiques, ce qui peut se comprendre puisque l’Alaska en fait partie et que le réchauffement climatique modifie les paramètres  de cette vaste zone. Ce qui l’est moins, c’est le titre et ce qu’il révèle de la vision américaine, alors que les États-Unis ne sont même pas partie de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dans le cadre de laquelle les acteurs concernés doivent impérativement s’inscrire[5].

Les BRICS ne sont pas seuls, d’autres États ont construit au cours des deux dernières décennies des associations régionales susceptibles de leur assurer une plus grande autonomie collective et d’accroître leur poids relatif dans les rapports internationaux. Bien que les différences soient grandes entre l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA) et le Marché commun du Sud (Mercosur) d’une part, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) regroupant les dix pays de l’ « angle de l’Asie », d’autre part, ou encore l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui associe la Chine et la Russie à quatre des cinq États de l’Asie centrale et qui compte l’Inde, le Pakistan, l’Afghanistan, l’Iran et la Mongolie comme observateurs, les préoccupations sont similaires. Dans le passé déjà les pays du Sud avaient constitué des associations, organisations et mouvements à certains égards plus ambitieux, Mouvement des non-alignés et Conférence tricontinentale de solidarité avec les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine en particulier, mais la tendance actuelle pose également problème, auquel les gardiennes de l’ordre répondent en cherchant à former leurs  zones de libre-échange (Partenariat transpacifique par exemple), à exploiter d’éventuelles différends territoriaux et à aviver les rivalités possibles (entre l’Inde et la Chine notamment), les  initiatives hétérodoxes étant systématiquement décrites comme mal intentionnées ou vouées d’office à l’échec, voire intrinsèquement perverses lorsqu’ elles sont prises par la Russie.

Viennent s’ajouter, à un autre niveau, des puissances régionales sur lesquelles il faut bien continuer de compter, quand bien même leurs actions sortent parfois des limites assignées. Le Pakistan et la Turquie seraient ici exemplaires, mais nous n’évoquerons que cette dernière. Idéalement placée à la charnière de l’Europe, de l’Asie et du quasi continent soviétique, à ce titre membre éminent de l’OTAN dont son armée est aujourd’hui la deuxième par les effectifs, pièce essentielle du dispositif périphérique d’Israël, aux côtés de l’Éthiopie du Négus et de l’Iran du shah, elle constituait un pivot  déterminant du camp occidental, raison pour laquelle elle fut conviée à faire acte de candidature à la CEE, puis à l’UE. Le séisme provoqué par l’éclatement de l’Union soviétique et les bouleversements dans les Balkans, mais également la révolution iranienne et l’effacement diplomatique de l’Égypte, tout comme la montée en gamme de son économie et, depuis le début du millénaire, une forme de stabilisation politique sous l’emprise de l’AKP,  qui se réclame officiellement de l’islamisme politique, lui permirent d’esquisser, sous le mot d’ordre « zéro ennemi », une politique extérieure de concertation avec tous ses voisins, Syrie et Iran compris, et de défense de la cause palestinienne, ce qui correspondait à une recherche d’autonomie, souvent opportuniste et verbeuse il est vrai. Ces faiblesses ont joué à la suite de l’éphémère « printemps arabe », qui put donner l’impression qu’une opportunité historique s’offrait à l’échelle régionale, alors que tout se compliquait davantage et que des contradictions structurelles perduraient, tant à propos des relations avec certains voisins, Arménie, Grèce et Chypre notamment, que concernant la définition même de la nation, question de l’alévisme et, surdéterminante, la question kurde. De là, un autoritarisme accru à l’intérieur et, à l’extérieur, l’instrumentalisation de la crise syrienne, les complaisances délétères à l’égard du djihadisme ou l’aventurisme en Libye. Tout en poursuivant leur agenda dans le monde musulman, les autorités turques maintiennent toutefois leur coopération énergétique avec la Russie, en dépit des sanctions occidentales, et poursuivent leur dialogue avec l’Organisation de coopération de Shanghai.

Il est vrai qu’il n’y a là rien de radicalement nouveau, puisque la diplomatie a été inventée pour traiter la complexité des affaires internationales, mais il n’en demeure pas moins que les républiques bananières, les États vassaux et les lieutenants fidèles (Royaume-Uni, Australie) se font rares. Nous ne sommes plus  à l’époque où un réseau de pactes politico-militaires ceinturait la planète, Traité interaméricain d’assistance mutuelle ou Pacte de Rio, OTAN, Pacte de Bagdad ou CENTO, OTASE, ANZUS, et il faut y voir l’une des raisons pour lesquelles l’OTAN, seul organisme dont la consistance politique et militaire soit aujourd’hui  réelle, a été préservée, élargie et redéfinie, avec la prétention d’en faire un gendarme international. Un autre phénomène vient s’ajouter, qui affecte les relations déjà anciennes entre les puissances établies et certains de leurs affiliés. On l’illustrera à l’aide du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCG), qui regroupe les six pétromonarchies de la région, Arabie séoudite, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis, Qatar et sultanat d’Oman. Constitué en 1981 sur l’insistance américaine, selon le principe : protection militaire contre hydrocarbures et suivisme diplomatique, afin d’assurer la stabilité politique et militaire d’une zone littéralement cruciale, cette instance ne remet pas en cause le rapport avec l’Occident. Considérable client de ses marchands d’armes, il a offert son espace à ses bases et à ses flottes,  permettant ainsi que se développent les deux guerres contre l’Irak et l’intervention de l’OTAN en Afghanistan, sans  exiger quelque réciproque que ce fût à propos de la question palestinienne. Il y a donc peu de choses à lui reprocher, le respect des droits de l’homme, la cause des femmes ou la surexploitation des travailleurs immigrés étant des sujets délégués aux organisations non gouvernementales. Toutefois, les ressources financières de ce Conseil, les investissements à l’étranger de ses membres et les débouchés qu’offrent ses projets pharaoniques en ont fait un partenaire économique de première importance, davantage d’ailleurs pour certains pays européens que pour les États-Unis dont la dépendance énergétique vis-à-vis du Moyen-Orient s’est sensiblement réduite et dont l’intérêt pour le football reste circonstanciel. Ces données et la géopolitique régionale poussent à ce que ces pétromonarchies soient prises en compte par les puissances établies et les autorisent à influer sur les décisions de ces dernières, notamment à propos de l’Iran et plus récemment de la Syrie. Ce n’est pas là chose radicalement nouvelle, puisque le shah était devenu une personne éminemment respectable durant la décennie 1970, à la suite du premier choc pétrolier, mais le phénomène se prolonge et s’est amplifié, au point que l’on peut se demander parfois qui est l’obligé dans cette relation.  Un développement serait par ailleurs nécessaire afin d’analyser la manière dont Israël préempte la  grande stratégie des États-Unis dans cette région du monde.

On verra dans ces diverses tendances, et dans l’échec patent des opérations lancées au Moyen-Orient, certaines des raisons pour lesquelles l’administration Obama fait preuve de prudence, voire de procrastination, au grand dam des néoconservateurs de tous les pays et des autorités françaises, plus promptes qu’elle à vouloir dégainer. Avant que d’analyser ce point important, quelques rappels à propos de l’Afrique sub-saharienne paraissent nécessaires. Si des « géants » économiques sont apparus, au nombre de deux seulement, l’Afrique du sud et le Nigéria, si quelques pays ont connu une nette croissance au cours de la dernière décennie, il serait excessif de parler d’un envol du continent. Même si des évolutions sociales se produisent, la balkanisation politique perdure : l’Union africaine ne parvient pas à autonomiser le continent,  les associations régionales manquent d’épaisseur et celles établies dans l’ancien pré-carré, à savoir l’Union éco-nomique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), restent sous influence. En ancrant le franc CFA à l’euro selon un taux de change fixe, ces dernières entravent les États membres, favorisent les fuites de capitaux, avantagent indûment les entreprises et le Trésor français, sans contribuer à la constitution d’un marché commun régional, qui est pourtant l’un des objectifs officiels. Elles viennent par ailleurs concurrencer la CEDEAO ou Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, que l’Union africaine a mandatée pour mener cet ensemble, dont le Nigéria et le Ghana sont membres, jusqu’à l’adoption d’un tarif extérieur commun, étape nécessaire vers la constitution d’une communauté économique[6]. Or, comme le souligne le rapport Védrine-Zinsou, d’autres puissances, la Chine, l’Inde et le Japon en premier lieu, ont structuré leurs relations économiques et financières avec l’ensemble du continent en organisant des forums réguliers qui permettent aux gouvernements africains de diversifier leurs relations et, si l’on peut ainsi s’exprimer, de faire jouer la concurrence. En réaction, mais également parce qu’elle n’a pas su renouveler ses rapports et que ceux-ci restent surdéterminés par les préoccupations sécuritaires, la France tend à se rapprocher des États-Unis et par exemple de l’Africom, leur  commandement unifié pour le continent, dans le Sahel et le golfe de Guinée, ainsi que dans la corne de l’Afrique, à partir des bases de Djibouti. Plusieurs opérations extérieures – Libye, Mali – n’auraient pu être menées sans les moyens du Pentagone. Il semble enfin que ces différents facteurs aient fait évoluer la Françafrique, définie comme un ensemble de services rendus et de liens occultes entre la France et les États de son pré-carré – ou du moins plusieurs d’entre eux, le Mali par exemple n’y participant pas –, au sens où les dirigeants africains disposant de rentes de situation (ressources naturelles, capacités militaires, avantage géopolitique) parviendraient à « marabouter » leurs homologues français[7]. Aussi ne faut-il pas s’attendre à ce que les « biens mal acquis » soient restitués et que soient suivies d’effets  les leçons de démocratie dont Paris n’est pas avare. Bien des critiques peuvent être adressées à Idriss Déby Itno – répression de l’opposition, enlèvements, assassinats –, et François Hollande lui battait froid à ses débuts pour ces raisons, mais il est devenu, grâce à la position géographique de son pays et à son armée, plutôt vaillante, un acteur indispensable de toute stratégie sécuritaire de la France et de l’OTAN dans le Sahel. On lui reconnaîtra aussi d’avoir fait preuve de clairvoyance en recommandant à ces dernières de ne pas se lancer dans l’aventure libyenne et, faute d’avoir été entendu, de les prier aujourd’hui de bien vouloir en assumer  les catastrophiques conséquences.

Le fil perdu

 Fille de Minos et de Pasiphaé, la princesse Ariane « aux belles boucles » donna à Thésée, son séducteur, le fil qui lui permit de tuer le Minotaure et de s’échapper du labyrinthe. Ce n’est pas parce qu’il est complexe que le monde actuel est un dédale, mais force est de constater qu’en perdant son fil directeur, qui lui permettait justement d’être une puissance,  la France s’est enfermée de son propre chef et ne joue pas le rôle international qui pourrait être le sien. On rappellera donc que, dès qu’un terme fut mis à ses guerres coloniales, la France conduisit une politique extérieure qu’au risque d’être schématique on résumera par deux termes, indépendance de la pensée et autonomie de l’action, sans lesquels il ne peut y avoir de grande stratégie : préservation de l’alliance politique avec les États-Unis, mais retrait du commandement intégré de l’OTAN et volonté de dépasser le cadre figé de la guerre froide en établissant avec l’Union soviétique, divers pays d’Europe orientale et la Chine un dialogue diplomatique et une coopération économique et culturelle ; construction européenne, conçue comme une communauté économique et non comme une simple zone de libre-échange, raison pour laquelle l’adhésion du Royaume-Uni fut refusée ; reconnaissance des aspirations politiques de ce qui était alors appelé Tiers-Monde, dont le voyage du général de Gaulle en Amérique latine du 21 septembre au 16 octobre 1964, le discours qu’il prononça à Phnom-Penh le 1er septembre 1964 et le renouveau de la politique arabe de la France furent les  manifestations principales ; constitution d’une force de frappe nucléaire, amorcée sous la IVème République, mais pensée comme instrument de dissuasion tous azimuts. Réaliste, cette politique ne s’encombrait pas toujours de principes, si ce n’est celui de l’intérêt du pays, tel qu’il était défini d’en haut ; si elle était sensible au sentiment national des différents peuples de la planète et n’hésitait pas à jouer sur lui, les préoccupations économiques et sociales de ces derniers étaient beaucoup moins comprises ; certaines prises de position restèrent au niveau du langage et n’eurent qu’un impact limité ; de fortes contradictions la traversaient, par exemple entre ces mêmes prises de position et la réalité de la politique africaine. Aujourd’hui, la France a réintégré le commandement intégré de l’OTAN, la CEE s’est transformée en une Union européenne où doit prévaloir la concurrence libre et non faussée et au sein de laquelle le poids spécifique de la France s’est affaibli au profit de l’Allemagne, cependant que sa politique russe est déléguée à un quarteron de pays d’Europe orientale et que l’on peine à trouver ce qui reste de sa politique arabe. Ne subsisteraient que la force de frappe nucléaire, un secteur de l’armement dont le solde est structurellement positif et un dispositif militaire démesuré[8]. Le « Livre blanc de la défense » que François Hollande a tenu à réécrire, en lieu et place de celui adopté par Nicolas Sarkozy, définit les zones où la France « pourrait être amenée à devoir prendre l’initiative d’opérations… quand les intérêts américains sont moins mis en cause », à savoir le Sahel, de la Mauritanie à Djibouti, le Golfe persique où elle est liée par des accords de défense avec trois pétromonarchies et où elle a établi une base interarmées à Abu Dhabi, l’océan Indien, « voie d’accès maritime vers l’Asie ».  Bien que la présence américaine dans le Pacifique  doive être renforcée dans le cadre du « pivotement » asiatique – faire passer de 50 à 60 % du total les moyens militaires des États-Unis vers cette région du monde – la France y est une « puissance souveraine et acteur de sécurité ». À quoi s’ajoute son immense domaine maritime qu’il convient de sécuriser sur trois océans, du fait des départements, régions et collectivités d’outre-mer[9]. Le coût des opérations extérieures a dépassé en 2014 le milliard d’euros, soit 605 millions de plus que ce que le budget initial avait prévu, ce qui permet aux forces armées de résister aux restrictions budgétaires qui affectent néanmoins ses investissements en équipements.

L’évolution de la politique extérieure française n’a pas été linéaire. Si ses forces armées participent aux bombardements contre la Serbie entre mars et juin 1999, son gouvernement s’oppose par exemple à l’invasion de l’Irak quatre ans plus tard et après que Nicolas Sarkozy eut porté à 3 000 les militaires français combattant en Afghanistan, François Hollande tient sa promesse électorale en en organisant le retrait. Il y eut évolution plutôt que ruptures. Ainsi,  dès 1972, Georges Pompidou fait accepter par référendum l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE et, à partir du milieu de la décennie 1980, l’Union européenne devient comme le saint Graal, au motif qu’elle démultiplierait les moyens du pays et qu’elle serait en mesure de développer une politique extérieure et de défense commune, autonome de la grande stratégie des États-Unis, alors que les différents traités européens ont réitéré l’allégeance à l’OTAN et que la réalité de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), anciennement Politique étrangère et de défense commune (PESC), confirme l’assertion du général de Gaulle selon laquelle on ne fait pas une omelette avec des œufs durs. En 1995, Jacques Chirac entend réintégrer le commandement intégré de l’OTAN, mais y renonce parce que, selon l’explication officielle, il n’a pas obtenu une prise en compte suffisante de la PESC ni le commandement régional qu’il avait demandé pour la France. Cette réintégration est annoncée par Nicolas Sarkozy à la tribune  du Congrès des Etats-Unis, le 7 novembre 2007. Critiquée par les dirigeants socialistes, elle est entérinée dès après l’élection de François Hollande, qui fait justifier cette décision par un rapport demandé à Hubert Védrine[10]. On ne saurait imputer ces renoncements aux seules personnalités qui les ont acceptés, quand bien même la manière dont l’affaire libyenne a été décidée et conduite sous la présidence Sarkozy fut affligeante. De fait, les capacités de la France ne pouvaient permettre d’influer en profondeur sur certains évènements et phénomènes qui se sont produits depuis les années 1980, qu’il s’agisse de l’épuisement du nationalisme arabe, tel qu’il s’était incarné à une époque dans la personne de Nasser, et du rôle croissant des pétromonarchies du Golfe, de l’implosion du camp socialiste et de l’Union soviétique ou des formes prises par la mondialisation, encore que des tentatives aient eu lieu, lors de l’unification de l’Allemagne, ce qui ne fut le cas ni des modalités du passage au capitalisme des pays d’Europe orientale ni des crises financières des années quatre-vingt-dix[11].

Relater ne peut suffire, il importe de comprendre, ce qui est le sens de la deuxième question. Trois facteurs de nature différente nous paraissent avoir joué. Le premier concerne le système productif français dont la déstructuration peut être approchée à l’aide de quelques chiffres : déficit extérieur (65 milliards d’euros en 2013) et taux de dépendance extérieure de 21 %, part des non-résidents dans la capitalisation boursière du CAC 40 (46,7 % en 2013, contre 41,9 % fin 2011), hors Arcelor Mittal, Airbus, Gemalto et Solvay au « statut international »,  stock des avoirs français à l’étranger (541 milliards d’euros fin 2011),  ou encore recul de 36 % de l’emploi industriel entre 1980-2002, lequel passe de 24 % à 13 % de l’emploi total, tendance confirmée entre 2008 et 2011 (perte de 100 000 emplois industriels), alors que les 34 000 filiales à l’étranger de firmes françaises emploient 5 millions de personnes dont 2,1 millions dans l’industrie avec, rappelons-le, un pourcentage de 15 % seulement chez les « grands émergents ». Le recul de l’industrie, qui ne s’explique que partiellement par les exter-nalisations vers les services, le creusement du déficit extérieur, le maintien d’un taux de chômage élevé, la paupérisation de pans entiers de la société et le creusement des inégalités sont liés, même si l’on ne peut parler d’une relation complète de cause à effet. Les mesures de traitement social et de préservation des équilibres régionaux, qui sont prises aux différents échelons, pèsent sur les finances de l’État et des collectivités territoriales. La financiarisation des groupes et l’extraversion bancaire accroissent la dépendance du pays et le rôle de maître des horloges a été abandonné par les pouvoirs publics au profit d’incitations fiscales, de dégrèvements des charges sociales et de déréglementation du marché du travail. L’avantage de l’Allemagne, si souvent donnée en exemple, est d’avoir préservé une cohérence plus forte de son système productif, grâce notamment à la part qu’y tient le secteur des biens de production et d’équipement, dont la demande internationale reste grande, et certaines des procédures associant les banques aux entreprises industrielles. En conséquence, ce qui tend à prévaloir ce sont les avis des agences de notation et le spread entre les taux auxquels les entreprises françaises peuvent emprunter et ceux des firmes allemandes[12]. Il est difficile dans ces conditions de tenter de tenir tête à la contrainte extérieure et on n’a pas oublié que la politique extérieure gaullienne  s’est déployée à une époque où des futurologues américains du Hudson Institute annonçaient l’envol de la France, où le Président de la République évoquait l’ « ardente obligation » du plan et assurait que la politique du pays « ne se décidait pas à la corbeille[13] ».

Les deux autres facteurs, l’un d’ordre géo-politique et l’autre de nature idéologique, se renforcent mutuellement et ont joué d’autant plus vivement que le socle systémique s’effritait. La thèse néoconservatrice selon laquelle la planète était entrée dans un « ordre unipolaire » a été intégrée par Paris depuis les années 1990,  la stratégie française consistant désormais à préserver son rang aux côtés de l’hyper-puissance, grâce notamment à sa politique européenne, à son pré-carré africain et à son potentiel militaire, redéfini dans la perspective des opérations extérieures. Certes, la position adoptée en 2003 à propos de l’Irak vient en contradiction, mais on rappellera que, peu de temps après, le Liban servit de terrain à une réconciliation transatlantique, cependant que le soutien français à la cause palestinienne s’est sensiblement atténué ce dernier lustre. D’origine française, puisqu’il remonte à la guerre du Biafra, le kouchnérisme transcendantal est une idéologie, en ce sens qu’il instrumentalise la question des droits de l’Homme de manière à la réduire à des considérations humanitaires pouvant légitimer, au nom d’un prétendu devoir international d’ingérence, des interventions politiques et militaires à l’étranger, sans se soucier outre mesure de leur concordance avec la Charte de l’ONU ni des conséquences à plus long terme pour les pays et les populations, au risque de se retrouver de surcroît en étrange compagnie. Pour ces raisons, son terrain d’exercice ne peut être qu’à géométrie variable et délimité par les maîtres du discours, à savoir l’Occident démocratique : la Libye et la Syrie, non pas le Bahreïn ou la Palestine, et l’on ne s’attardera pas sur la question de la torture.  Il s’est élargi ces récentes années, par exemple à  la Russie et à l’Iran, d’une manière qui interdit toute diplomatie et partant toute compréhension du monde. C’est là le sens du surtitre de  l’article précité de Dominique de Villepin.

Or, le problème est justement que la corrélation des forces se modifie et que le monde se révèle bien plus complexe qu’il y a vingt ans. La puissance américaine conserve suffisamment de ressources pour tenter de contrer ou d’infléchir ces phénomènes, voire de les exploiter à son avantage. En persistant sur la voie actuelle, la France ne peut être que la mouche du coche, alors qu’il lui faudrait prendre à bras le corps ces évolutions et ressaisir ainsi son autonomie. La tâche est considérable. On peut s’en effrayer et préférer se bercer d’anciennes mélodies. Belle-fille et belle-sœur d’un empereur, mère d’un autre, la reine Hortense de Beauharnais, qui avait quelques talents, composa un air sur des paroles d’Alexandre, marquis de Laborde, avec un nouveau titre, « Partant pour la Syrie ». Il devait devenir l’hymne officiel du Second Empire. On sait comment cela s’est terminé.

Notes:

[1] Historien-géographe

[2] Gregor Mathias : « Les guerres africaines de François Hollande », Éditions de l’aube, 2014. L’homme et le militaire ne sont pas en cause. Ce qui fait question, ce sont les raisons et c’est la répétition de ces opérations.

[3] Louis de Guiringaud, alors ministre des Affaires étrangères de Valéry Giscard d’Estaing, a pu déclarer en 1979 : «  L’Afrique est le seul continent qui soit encore à la mesure de la France, à la mesure de ses moyens. Le seul où elle peut, encore, avec ses hommes, changer le cours de l’histoire ».

[4] Ces données sont reprises d’« Un partenariat stratégique pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France », rapport remis au ministre de l’Économie et des Finances en novembre 2013 par une équipe animée par l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine et le banquier franco-béninois Lionel Zinsou. L’objectif est de « remobiliser la France aux côtés d’une Afrique subsaharienne en marche », comme l’indiqueraient une croissance annuelle de 5 % en moyenne, la multiplication par neuf de la capitalisation boursière, une hausse des entrées d’IDE en 2011 et 2012, le doublement prévisible de la population d’ici 2050 et, comme il se doit, l’émergence de « couches moyennes » solvables.

[5] Elizabeth Rosenberg, Dr. David Titley et Alexander Wiker : « Arctic 2015 and Beyond, A Strategy for U.S. Leadership in the High North » (CNAS, décembre 2014).

[6] Sanou Mbaye : « La zone franc à la traîne, L’Afrique francophone piégée par sa monnaie unique », Le Monde diplomatique, novembre 2014.

[7] Antoine Glaser, Africafrance, Quand les dirigeants africains deviennent les maîtres du jeu, Fayard, Paris, 2014.

[8] En 2012, la  France a consacré 2,7 milliards d’euros aux investissements de la dissuasion, soit 21 %  de l’ensemble des dépenses d’équipement du ministère de la défense. Le taux de couverture de l’industrie des armements, soit le ratio exportations/importations, a été en moyenne de 268 % au cours de la période  1990-2011. Cf. Renaud Bellais, Martial Foucault, Jean-Michel Oudot, Économie de la défense, collection « Repères », La Découverte, Paris, 2014. Grâce notamment aux pays du Golfe, les exportations françaises d’armements ont progressé de 30 % en 2013, avec 6 ,3 milliards d’euros de prises de commandes, retrouvant ainsi le niveau de 2011.

[9] Nils Andersson : « La politique militaire de la France entre défense et interventionnisme », Recherches inter-nationales, n° 100, juillet-septembre 2014.

[10] Hubert Védrine : « Rapport pour le Président de la République française sur les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, sur l’avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l’Europe de la défense » (14 novembre 2012,). Fait étrange, une justification est trouvée dans le fait que le nouveau commandement allié chargé de la transformation est confié à un officier supérieur français, les généraux Stéphane Abrial, puis Jean-Paul Paloméros, tous deux de l’armée de l’air, alors que ce commandement a pour raison d’être le formatage des armées de l’alliance sur un modèle essentiellement inspiré des États-Unis.

[11] Rappelons que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) fut créée sur proposition de François Mitterrand et que son président fondateur fut Jacques Attali. Son mandat se limitait « aux pays qui s’engagent à respecter et mettent en pratique les principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de l’économie de marché, de favoriser la transition de leurs économies vers des économies de marché, et d’y promouvoir l’initiative privée et l’esprit d’entreprise ». Durant les années 1990, le très pieux Michel Camdessus fut l’indestructible directeur général du FMI,  auquel on doit la dévaluation du franc CFA de 1994, les plans d’ajustement  imposés à l’Amérique latine et le traitement de la crise asiatique de 1997-1998. Les dirigeants français de l’époque, quelles qu’eussent été leurs affiliations politiques, ne tarissaient pas d’éloges à son endroit.

[12] Denis Durand, « La “diplomatie financière” de François Hollande : une capitulation mûrement pesée ? », Recherches internationales, n°100, juillet-septembre 2014.

[13] Edmund Stillman, L’envol de la France dans les années 80, préface d’Herman Kahn, Hachette Littérature, Paris, 1973.