Amérique du Sud : Années 1998-2013. Le virage à gauche : une décennie gagnée

Charles Lancha[1]

 165Au cours des quinze dernières années, tous les pays de l’Amérique du Sud – à l’exception de la Colombie et du Pérou – se sont dotés démo-cratiquement, par les urnes, de gouvernements de gauche. Ce virage à gauche a débuté en 1998 par l’élection d’Hugo Chavez au suffrage universel à la présidence de la république du Venezuela. Un raz de marée politique aussi impressionnant conduit à s’interroger sur ses causes mais aussi sur la distinction que l’on opère habituellement entre les deux gauches : l’une qualifiée de modérée – Brésil, Argentine, Uruguay, Chili – et l’autre considérée comme révolutionnaire – le Venezuela de Hugo Chavez, la Bolivie d’Evo Morales et  l’Équateur de Rafael Correa. S’il importe d’appréhender la genèse du tournant à gauche, il importe davantage d’établir le bilan de la gauche à l’issue de quinze ans d’exercice du pouvoir, de définir ses acquis politiques, économiques et sociaux. Notre conclusion portera sur les perspectives d’avenir de la gauche sud-américaine.

Pour dégager les causes de la montée en puissance irrésistible des forces de progrès au cours de la dernière période, il faut se remémorer ce que furent les deux dernières décennies en Amérique latine. Après les trente glorieuses, années 1940-1970, l’Amérique latine a connu deux décennies désastreuses, économiquement et socialement, placées sous le signe de la dette et du consensus de Washington hyper-libéral. Au cours de ces deux décennies, sous le talon de fer des États-Unis et des institutions financières internationales – Fonds monétaire international (FMI), Banque mondiale (BM) et Banque interaméricaine de développement (BID) – pratiquement tous les pays latino-américains ont pour objectif prioritaire le paiement de dettes énormes qu’ils ont contractées ou plutôt que, dans nombre de cas, les régimes militaires ont contractées qui les saigne à blanc et engendre un appauvrissement généralisé des masses populaires du continent.

L’impopularité croissante des politiques néolibérales génère dans un grand nombre de pays de larges mouvements sociaux dont la traduction politique ne tardera pas à se concrétiser.

Ces mouvements populaires sont très diversifiés : en Argentine ils mobilisent les piqueteros, les sans-emplois, les femmes, les mal logés. Deux types de mouvements revêtent une importance exceptionnelle : les mouvements de contestation indiens en Bolivie, Équateur, Pérou, au Chili, en Argentine et le mouvement des sans-terre brésiliens.

Ce qui frappe les analystes c’est ce que l’on appelle «  le réveil indien ». L’épopée du sous-commandant Marcos au Chiapas mexicain à partir de 1994 est dans toutes les mémoires. La mobilisation des masses indiennes en Bolivie est beaucoup plus significative : elle a porté au pouvoir en décembre 2005 leur leader charismatique, Evo Morales, un indien aymara, premier président aborigène de la République bolivienne depuis l’indépendance du pays en 1825. Cette victoire politique historique est le couronnement de luttes opiniâtres des paysans indiens sous la conduite de syndicats de cocaleros – planteurs de coca – avec à leur tête Evo Morales.

Les deux épisodes les plus mémorables de ce combat sont connus sous le nom de « la guerre de l’eau » et « la guerre du gaz  et des hydrocarbures » en 2002, 2003 et 2005. Au terme d’un long affrontement avec tous les pouvoirs en place, le gouvernement bolivien, les multinationales, les États-Unis, le mouvement populaire impose toutes ses revendications, affirme par-là même son opposition irréductible au néolibéralisme et s’assure par les urnes le contrôle de l’État avec l’accession d’Evo Morales à la magistrature suprême.

Cette révolution indienne et démocratique, anti-libérale, anti-impérialiste, a été portée par une vaste mobilisation des paysans aymaras et quechuas. Une victoire très mal perçue par Washington. Andrés Oppenheimer écrit à ce propos : « Le pire cauchemar des États-Unis en Amérique latine  pourrait bientôt devenir réalité : l’arrivée au pouvoir en Bolivie d’un régime de gauche, appuyé par Cuba et le Venezuela, qui plaide pour la nationalisation des entreprises pétrolières et la légalisation de la coca »[2] .

Effectivement, Evo Morales ne fait pas mystère de se solidariser avec «  le combat anti-néolibéral et anti-impérialiste de Fidel Castro et Hugo Chavez ».

Un autre mouvement social paradigmatique qui mérite d’être cité est celui des sans-terre brésiliens. Au Brésil, le problème de la terre se pose en termes cruciaux pour quatre millions de familles paysannes sans-terre et pour 23 millions d’ouvriers agricoles ou de petits agriculteurs qui vivent en dessous du seuil de pauvreté[3]. Le 1 % de grands propriétaires accapare 41,5 % du sol et se refuse à toute redistribution.

Contre ce système agraire se dresse le Mouvement des sans-terre (MST) qui s’est créé au retour de la démocratie au Brésil, en 1984, et qui ne se borne pas à revendiquer une réforme agraire. L’organisation mobilise les paysans et, à leur tête, occupe de vastes domaines en déshérence. Le leader du MST est João Pedro Stédile, un économiste, soutenu par la commission pastorale de la terre, émanation de la Théologie de la Libération. En dépit d’une violente répression de la part des latifundistes, le MST poursuit son action. Chaque année, il occupe entre cent à deux cents fazendas improductives et installe plusieurs dizaines de milliers de familles sur les terres récupérées[4]. Face à l’agriculture capitaliste agro-exportatrice des fazendeiros, le MST promeut une agriculture alternative où priment les cultures vivrières et les coopératives, une agriculture qui, aujourd’hui, a fait ses preuves. Par son action de masse, le MST est devenu la principale référence sociale du continent.

En bonne logique, le MST a soutenu la candidature de Lula à la présidence de la république en 2002. Son appui a beaucoup joué dans l’élection du leader du Parti des Travailleurs.

En dehors des protestations sociales, deux insurrections populaires ont grandement pesé sur l’accession au pouvoir de nouveaux gouvernements. Le premier soulèvement de grande ampleur est intervenu au Venezuela où il est devenu célèbre sous le nom de Caracazo, la révolte de Caracas, qui se produit le 27 février 1989 au lendemain de l’annonce d’un plan d’ajustement structurel et d’augmentations exorbitantes du prix des transports publics. Devant l’extension des débordements populaires, le président Carlos Andrés Pérez n’hésite pas à faire intervenir l’armée. La répression fait mille morts. Alors jeune militaire, le lieutenant-colonel Hugo Chavez est indigné par ce massacre. En 1992, il se soulève contre le pouvoir en place. Il échoue mais, quelques années plus tard, en 1998, il est élu démocratiquement et une nouvelle ère s’ouvre alors au Venezuela. Le pays compte alors 50 % de pauvres. Toute la politique de Chavez va viser à répondre aux attentes de cette immense majorité jusqu’alors ignorée par les élites.

D’autres insurrections populaires pourraient être citées qui ont également influé sur le cours des événements :

– en Équateur, en janvier 2000, après la décision de dollariser l’économie, une rébellion des paysans indigènes chasse du pouvoir le président Jamil Mahuad ;

– au Pérou, en novembre 2000, le président Alberto Fujimori est renversé par une insurrection populaire et cherche refuge au Japon.

Un des soulèvements qui ne saurait être passé sous silence intervient en Argentine. Le 19 décembre 2001, à la suite de la décision du ministre hyper-libéral, Domingo Cavallo, d’instaurer le corralito ou blocage des avoirs des épargnants, une foule innombrable envahit les rues de Buenos Aires et en particulier la Place de Mai pour exiger l’annulation de cette mesure confiscatoire. Les manifestants sont réprimés dans le sang et on compte des dizaines de morts. Le président de la république, Fernando de la Rua, assiégé dans son palais, la Maison Rose, s’enfuit en hélicoptère et démissionne.

Dans les jours qui suivent, l’Argentine connaît un véritable chaos. Le premier président nommé par le législatif, Adolfo Rodriguez Saa, prend une mesure historique : alors que les caisses de l’État sont vides, il proclame que l’Argentine est en défaut et cesse de payer les intérêts de la dette. Un défi inouï est ainsi lancé au monde tout puissant de la finance internationale.

En 2003, le péroniste Nestor Kirchner est élu à la tête de l’État, affronte sans merci le FMI et parvient à imposer une restructuration de la dette argentine avec une décote de 75 %.

Ces quelques exemples, qu’il s’agisse de la Bolivie, du Brésil ou de l’Argentine, illustrent la symbiose entre les mouvements sociaux et l’émergence de gouvernements de gauche.

À l’issue de ces préliminaires, nous allons aborder les gouvernements de gauche dits modérés puis les gouvernements classés comme révolutionnaires.

Compte tenu de l’importance exceptionnelle du Brésil en Amérique latine, c’est au gouvernement de Lula que nous allons nous attacher en priorité.

Lula remporte les élections présidentielles brésiliennes le 27 octobre 2002 avec plus de 63 % des voix. Au cours de la campagne électorale, il n’avait pas fait mystère sur le caractère social-démocrate de son programme aussi bien du point de vue économique que social. Au plan économique, il s’était engagé à payer rigoureusement les intérêts de la dette et à appliquer une politique orthodoxe, respectueuse des équilibres macroéconomiques. Il s’agissait pour lui de se concilier le monde de la finance qui, à deux reprises, l’avait empêché d’être élu. Au plan social, il avait promis de répondre aux espoirs des Brésiliens les plus pauvres, ceux qui connaissaient la faim, aux attentes des 51 millions de ses compatriotes sous le joug de la pauvreté ou de l’extrême pauvreté. Au cours de ses deux mandats : 2002-2006 puis 2006-2010, on peut estimer que Lula a en partie respecté ses engagements.

Économiquement, il est de fait qu’il s’est plié religieusement aux consignes du FMI, qu’il s’agisse du paiement de la dette, de l’excédent budgétaire ou de la constitution d’importantes réserves monétaires.

Socialement, Lula a impulsé un plan contre la faim intitulé Faim Zéro qui a atteint son objectif : faire reculer sensiblement la faim et la pauvreté au Brésil[5].

L’instrument principal de cette politique sociale a été l’allocation d’une Bourse Famille aux familles les plus déshéritées. Cette allocation est modeste, environ 40 euros par mois, augmentée en fonction du nombre d’enfants, mais elle a bénéficié à 12,4 millions de foyers, soit plus de 40 millions de personnes. Elle a été très bien ressentie par ces populations déshéritées. Pour la première fois dans l’histoire du Brésil, leurs besoins étaient pris en compte. C’est ainsi que Lula est devenu le président le plus populaire que le Brésil ait jamais connu. Il importe de retenir que cette politique sociale a été poursuivie par la présidente Dilma Rousseff qui a succédé à Lula en 2010[6].

Ces deux orientations principales de la politique de Lula résumées sommairement appellent deux remarques.

– Au sujet de l’économie, il serait faux de qualifier cette politique de purement libérale. Le président brésilien s’est écarté du libéralisme par le rôle majeur dévolu à l’État. Un exemple significatif en témoigne. À l’inverse des politiques d’austérité pratiquées par les libéraux ou les socio-libéraux, il a promu en 2007 « un Plan d’Accélération de la Croissance Economique » (PACE) assorti d’un financement de 230 milliards de dollars. En 2009, pour surmonter la crise, il donne un coup de fouet au PACE en investissant 60 milliards d’euros dans un programme de grands chantiers.

Dans le droit fil de Lula, sa successeur, Dilma Rousseff, a lancé un gigantesque plan de modernisation des infrastructures terrestres de 50 milliards d’euros.

– En ce qui a trait à la politique sociale, il serait excessif de l’idéaliser. Aussi positive soit-elle, d’énormes zones d’ombre subsistent, de gigantesques défis dans les domaines de la pauvreté, de la santé, de l’éducation, de la réforme agraire, des transports, de la violence. À titre d’exemples, rappelons que le Brésil compte mille favelas ou bidonvilles où vivent 1,5 million de personnes. Dans quelles conditions ? L’Humanité  du 29 septembre 2010, après avoir souligné les effets  bénéfiques de la Bourse Famille, les évoque en ces termes : « Un mieux-être s’est installé, même si la réalité des habitants paraît immuable, avec leurs logements précaires, insalubres, l’eau des égouts s’écoulant à ciel ouvert, l’absence d’écoles et de centres sociaux, la violence des gangs qui s’entretuent sur un marché de la drogue parasitant l’économie locale ».

Rappelons aussi, autre exemple, que la Cour Suprême du Brésil a qualifié la situation des prisons de « crime d’État contre le peuple » et de « honte pour le pays ». Observons que 90 % des détenus sont des noirs ou des mulâtres, jeunes pour la plupart.

Dans un tel contexte, ce n’est pas un hasard si, sous la présidence actuelle de Dilma Rousseff, des manifestations de plusieurs centaines de milliers de personnes se sont produites spontanément pour protester contre une hausse des transports publics, à Sao Paulo d’abord et dans tout le pays ensuite. Rappelons que, sous les deux présidences, les inégalités n’ont pratiquement pas diminué alors que le Brésil est un des pays les plus inégalitaires de la planète.

Il a été signalé antérieurement que Lula a bénéficié d’une popularité sans égale dans son pays.  Il convient d’ajouter qu’il en est allé de même en Amérique latine et au plan international. Dans le cône sud, il a noué une solide alliance avec Nestor Kirchner afin de donner un nouvel élan au Mercosur – une union douanière née en 1991 entre le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay – aussi bien sur le plan commercial qu’institutionnel dans un esprit d’intégration régionale. Le Mercosur est le troisième plus grand bloc commercial du monde, derrière l’Union européenne.

À l’initiative de Lula et de Kirchner, il s’est élargi en 2006 au Venezuela. De façon significative, il a fallu attendre décembre 2009 pour que le sénat brésilien approuve le protocole d’adhésion du Venezuela au Mercosur et juillet 2012 pour l’adhésion définitive après la marginalisation du parlement paraguayen qui s’y opposait. Ces retards témoignent des résistances que Lula a dû surmonter pour resserrer les liens avec la République bolivarienne.

Il en est allé de même avec la Bolivie d’Evo Morales. Lorsque ce dernier a nationalisé les compagnies pétrolières et donc Petrobras, les médias brésiliens se sont déchaînés contre lui. Lula, en revanche, a déclaré qu’il s’agissait d’une décision « souveraine » de la Bolivie et s’est refusé à toute protestation.

On peut affirmer que Lula a toujours adopté une attitude solidaire aussi bien d’Hugo Chavez que d’Evo Morales. Cette solidarité, il l’a exprimée en toute netteté dans les grands forums latino-américains ou à l’ONU et elle n’a pas été que verbale : lors du lock-out patronal vénézuélien qui paralyse l’industrie pétrolière, il livre de grandes quantités d’or noir au Venezuela, à la demande de Chavez.

Leader latino-américain, Lula a aussi une stature d’homme d’État mondial.  Nul n’ignore le rôle dynamique joué par la diplomatie de Brasilia au sein du groupe le plus important des pays émergents, le BRICS[7]. Itimaraty n’a pas craint d’adopter des positions opposées à celles des États-Unis dans des dossiers de première importance. Comme la majorité des pays latino-américains, le Brésil a condamné la guerre en Irak en 2003. Plus récemment, au sujet de l’Iran, il a prôné la voie de la négociation à propos de la question ultrasensible du nucléaire iranien s’attirant une volée de bois vert de la secrétaire d’État étasunienne Hillary Clinton : « Nous avons dit au président Lula et au chancelier Celso Amorim que contribuer à ce que l’Iran gagne du temps rend le monde plus dangereux ». Des propos inamicaux qui n’ont pas empêché Lula de se rendre à Téhéran aux côtés du président turc afin de favoriser une issue négociée à la crise[8].

L’autre pays communément rangé dans le groupe de la gauche modérée est l’Argentine des Kirchner – Nestor Kirchner puis Cristina Fernandez de Kirchner –. Nestor Kirchner a présidé l’Argentine de 2003 à 2007, au lendemain du désastre historique infligé au pays par l’hyper-libéralisme qui s’était traduit par la paupérisation de la majeure partie de la population. Il est considéré comme l’artisan majeur du redressement économique de l’Argentine, en quelques années.

Nestor Kirchner est décédé brutalement le 27 octobre 2010 sous la présidence de sa femme, Cristina Fernandez. Il a accompli une œuvre titanesque en rupture avec la période au libéralisme débridé de Carlos Menem. Une œuvre définie par un changement de cap et par un courage politique à toute épreuve. Courage face aux militaires responsables des années de plomb de la dictature. En dépit de sa détermination initiale, le président Alfonsin avait fini par plier devant eux. Menem s’était totalement soumis à leurs diktats. Kirchner est le premier président qui impose sans conteste la suprématie du pouvoir civil en décapitant la hiérarchie militaire dès son investiture. Courage aussi face à la finance internationale qui avait mis l’Argentine en coupe réglée. Sans craindre de s’opposer de manière frontale au FMI, il a imposé la meilleure solution possible au problème fondamental de la dette. Courage également d’impulser des orientations antilibérales, sous l’autorité de l’État, à l’origine du spectaculaire redressement économique du pays[9]. Courage de revendiquer la mémoire aux côtés des Mères et Grand-mères de la Place de Mai, des 30 000 disparus, des droits de l’Homme et d’en finir avec l’impunité. Courage enfin d’admettre la légitimité  des droits des travailleurs et de leurs revendications. Il est significatif qu’il se soit enorgueilli d’avoir créé cinq millions d’emplois.

À tous ces fronts sur lesquels Nestor Kirchner s’est dépensé sans compter,  il convient d’ajouter son engagement latino-américaniste. Le leader argentin a toujours fait preuve, tout comme son homologue brésilien, d’une solidarité totale à l’égard d’Hugo Chavez, d’Evo Morales et de Rafael Correa. Tous ont milité, unis, pour la cause de l’intégration sud-américaine, en opposition aux visées hégémoniques des États-Unis.

L’exemple le plus éclatant de cette résistance unie c’est le rejet de la ZLEA – Zone de Libre Échange des Amériques – (en espagnol l’ALCA), en 2005 à Mar del Plata, au Sommet des Amériques. Un cinglant camouflet infligé à George Bush.

D’autres exemples illustrent l’unionisme des grands leaders de la gauche. Citons la création de la Communauté sud-américaine des Nations le 8 décembre 2004 qui, le 22 avril 2007, change de nom et devient l’UNASUR – Union des Nations sud-américaines – qui rassemble 12 nations. Kirchner est élu président de l’UNASUR. Citons aussi la constitution, en 2010, d’une autre communauté plus large, la CELAC – Communauté d’États Latino-américains et de la Caraïbe – qui inclut cette fois-ci le Mexique et Cuba. Les États-Unis et – le Canada sont exclus de ces deux organismes. Une prise de distance manifeste à l’égard de l’OEA – l’Organisation des États américains –, c’est-à-dire de Washington.

Cristina Fernandez, élue à la tête de l’Argentine en 2007 puis réélue en 2011, s’inscrit dans le droit fil de la politique conduite par Nestor Kirchner.

Comme lui, elle se prononce pour la mise en œuvre d’un modèle national-populaire inspiré du péronisme mais d’un péronisme de gauche. Le péronisme, on s’en souvient, aspire à un modèle de société qui vise à concilier les intérêts du capital et du travail. La révolution n’entre pas dans ses vues. Le péronisme a toujours été un mouvement pendulaire au gré de la prédominance des tendances de droite ou de gauche. De 1989 à 1999, le justicialiste Carlos Menem impose une orientation hyper-libérale, réactionnaire, dévasta-trice pour les masses populaires. À l’inverse, les Kirchner, péronistes de gauche, se montrent fidèles au fondateur Juan Péron qui avait fait de la CGT la colonne vertébrale du mouvement et s’était acquis le soutien inconditionnel des déshérités, les descamisados. Dans son sillage, ils affichent le souci de répondre aux revendications des travailleurs. Moins par les hausses de salaires, restés bas en général, que par la création d’emplois. L’insuffisance des salaires, surtout pour les 36 % de travailleurs au noir, gravement discriminés en matière de droits sociaux, explique l’extension de la pauvreté. Au Brésil, de même, on compte 40 % de travailleurs dans le secteur informel.

Selon la CEPAL – Commission économique pour l’Amérique latine –, organisme des Nations Unies, le taux de la pauvreté serait en Argentine de 11,3 % et aurait enregistré une chute de 34,1 % depuis 2001, au summum de la crise. En Amérique latine, l’Uruguay, avec une performance de 10,7 % est le seul pays à devancer l’Argentine.

Parallèlement à une baisse de la pauvreté, on observe un certain recul des inégalités au cours des années K (années Kirchner). L’évolution du coefficient de Gini en rend compte. À partir de 2003, cet indice tend à se rapprocher de 0,375 enregistrant une baisse de 14 %[10]. Ceci en raison de la hausse des salaires, aussi insuffisante soit-elle, et de l’amélioration de la protection sociale, confirmée par l’Organisation internationale du travail (OIT). Nestor Kirchner n’avait pas hésité à affirmer : « Les travailleurs argentins, dans leur grande majorité, ont contribué au renforcement et au soutien du gouvernement de Cristina ». On peut ajouter que ce sont eux qui ont assuré sa réélection en 2011. De la même façon que ce sont les pauvres du Nord-Est qui ont permis la réélection de Lula en 2006.

Si l’on établit un parallèle entre les Kirchner et Lula, on constate que leurs politiques participent d’un même réformisme de gauche opposé au néolibéralisme. Ce réformisme bien décidé à mettre un terme à « la décennie perdue » des années 1980 a été très mal perçu par les bourgeoisies brésiliennes et argentines. Lula et les Kirchner ont dû affronter une opposition souvent hystérique des élites et en particulier du pouvoir médiatique acharnés à les déstabiliser.

Nous en venons à l’examen de la gauche sud-américaine marquée beaucoup plus à gauche et en premier lieu à l’expérience historique d’Hugo Chavez.  Pendant 14 ans, ce dernier a été président de la République vénézuélienne, investi démocratiquement dans les urnes. À 9 reprises, il a affronté le suffrage universel et, une seule fois, a été désavoué et de très peu. À cette exception près, chaque fois il a été reconduit dans ses fonctions à une large majorité au terme de consultations électorales placées sous la surveillance d’observateurs internationaux. Le verdict des urnes était indiscutable. En dépit de ce constat, les médias occidentaux, à commencer par les médias français, l’ont toujours présenté comme un dictateur, au mépris de toute vérité. Jack Lang a eu beau protester contre la diabolisation dont le leader bolivarien était l’objet, ce fut peine perdue. Peine perdue car, ayant épousé la cause du peuple, Hugo Chavez s’en est pris aux intérêts exorbitants des multinationales des pays occidentaux – des États-Unis en premier lieu et de l’Espagne – dans son pays et dans toute l’Amérique latine et s’est ainsi attiré une haine insurmontable de leur part.

De condition modeste, c’est dès sa jeunesse qu’il s’est solidarisé avec les plus déshérités de la population et a dédié sa vie à lutter contre les injustices sociales. Dès sa jeunesse aussi, il voue un véritable culte à Simon Bolivar, le héros de l’indépendance hispano-américaine. Comme Bolivar, l’émancipation des peuples sud-américains comme leur intégration seront au cœur de son projet politique tout comme l’anti-impérialisme. Il est symbolique qu’il ait placé son action sous l’invocation de Bolivar.

Quels sont les aspects majeurs du projet politique  d’Hugo Chavez ?

Chavez s’est heurté au Venezuela à des problèmes sociaux comparables à ceux du Brésil : une société profondément inégalitaire où 50 % de la population vit dans la pauvreté et où 800 000 familles sont vouées à l’indigence. Chavez a posé comme diagnostic que cet état de fait résultait de la convergence de trois facteurs : la concentration des richesses et la disparité des revenus, le néolibéralisme et l’impérialisme américain au service des multinationales.

La première remarque qui s’impose c’est que le leader bolivarien a mis ses actes en correspondance avec ses promesses électorales. En 1998, lors de la première élection présidentielle, il avait annoncé la refonte des institutions s’il était élu. Devenu président, il tient parole. En 1999, on assiste à l’élection d’une constituante et à l’approbation d’une nouvelle Constitution. En 2000, il est réélu président de la république.

Il tient parole aussi en promulguant, en 2001, 49 décrets-lois parmi lesquels une réforme agraire, la loi de la pêche, la loi sur les hydrocarbures, réformes qui provoquent l’hostilité de la bourgeoisie.

Une hostilité qui ne tarde pas à se manifester violemment par une grève nationale le 10 décembre 2001,  par un coup d’État larvé le 11 avril 2002 et par un lock-out patronal de 66 jours durant l’hiver 2002-2003. Autant d’échecs pour la bourgeoisie. Le gouvernement bolivarien prend alors le contrôle de l’entreprise pétrolière nationale, la PDVSA.

Ayant ainsi recouvré la rente pétrolière, première source de revenus du pays, Hugo Chavez est ainsi en mesure de mettre en œuvre un plan social extrêmement ambitieux, les misiones, c’est-à-dire des programmes sociaux diversifiés aux résultats impressionnants. L’éditorial du Monde du 7 mars 2013 en dresse le bilan suivant : « En une grosse décennie, la réduction de la pauvreté – la grande ambition du chavisme – aura été spectaculaire : selon les chiffres de l’ONU, la moitié de la population vénézuélienne vivait dans le plus grand dénuement à la fin du XXème siècle ; aujourd’hui l’on ne compte plus que 25 % de pauvres dans ce pays qui est devenu, martelait sans cesse Hugo Chavez, le moins inégalitaire d’Amérique latine ». 43 % du budget étaient affectés à la lutte contre la pauvreté, un chiffre qui à lui seul symbolise le caractère prioritaire assigné à cet objectif.

Les principales réalisations concernent l’école, l’éducation, la santé, le logement, l’emploi, l’alimentation. Dans le cadre de l’école, 3 750 écoles bolivariennes ont été ouvertes où plus d’un million d’enfants pauvres reçoivent gratuitement, outre l’éducation, deux repas et deux goûters chaque jour, en plus des uniformes, des manuels et des cahiers. Un autre programme Barrios adentro, au cœur des quartiers, grâce à un accord avec le gouvernement de La Havane, a permis d’installer 20 000 médecins cubains dans les quartiers populaires qui dispensent des soins gratuits. Quelques 1 500 médecins vénézuéliens se sont intégrés à la mission. Par ailleurs, le nombre des professeurs a été multiplié par 5 sous la présidence d’Hugo Chavez. Les prix des produits de première nécessité ont été totalement encadrés. Le secteur public a offert massivement des emplois et la mission « Logement » a développé la construction de logements, 200 000 en 2011.

Toutes ces initiatives s’inscrivent dans la lutte contre la pauvreté, problème fondamental au Venezuela. Ont-elles porté leurs fruits ? La pauvreté a-t-elle reculé ? Comme on pouvait s’y attendre, compte tenu de l’entreprise de dénigrement systématique des médias occidentaux à l’égard du régime bolivarien, la grande presse n’a eu de cesse de prétendre qu’Hugo Chavez avait échoué et que la pauvreté s’était aggravée. Évidemment, le gouvernement vénézuélien prétend le contraire. Pour trancher, il y a lieu de se référer à une source objective qui fait autorité, en l’occurrence la CEPAL – Commission écono-mique pour l’Amérique latine – organisme relevant de l’ONU.

Selon la CEPAL, « le taux de pauvreté au Venezuela a sensiblement baissé de 2002 à 2006 : il est passé de 48,6 % de la population à 30,20 %, soit une diminution de 18,4 %. Même chose pour l’indigence  qui a chuté de 22,2 % à 9,9 %, soit une différence de 12,3 %. En 2006, 8,3 % de Vénézuéliens disposaient d’un revenu inférieur à un dollar et 27,6 % d’un revenu inférieur à deux dollars »[11]. La CEPAL  donnait ainsi son aval aux chiffres proposés peu auparavant par Chavez. L’évolution de l’Indice de développement humain élaboré chaque année par l’ONU pour les différents pays du monde corrobore les progrès enregistrés par le Venezuela[12].

Hostile au modèle néolibéral, générateur de misère à ses yeux, le président bolivarien s’est prononcé pour le socialisme, un socialisme qui, dans son esprit, restait à inventer : « Je suis convaincu que le chemin à suivre c’est celui du socialisme, non n’importe quel socialisme ; c’est un défi, nous sommes obligés d’inventer le socialisme ». Même si, à Mar del Plata en Argentine, devant 40 000 personnes, il avait condamné le capitalisme, il apparaît que Chavez n’excluait nullement l’entreprise privée mais favorisait la formation d’entreprises mixtes associant l’État et des coopératives de travailleurs.

Très attentif à la politique intérieure, Hugo Chavez s’est tout autant attaché à la politique extérieure. Il a contribué avec passion à l’intégration des pays sud-américains. Il a pris une part majeure à la création de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples d’Amérique), de l’UNASUR, de la CELAC, de la Banque du Sud. Il s’est dressé inlassablement contre l’impérialisme.

Le bilan des 14 années de chavisme apparaît considérable à n’en pas douter. Le talon d’Achille de ce bilan est sans doute la politique économique qui n’est pas parvenue à diminuer la part prépondérante de l’industrie pétrolière. Observons toutefois que la croissance, fondée sur les cours élevés du pétrole, une dépense publique élevée, des chantiers ambitieux, en particulier dans le logement social, s’est chiffrée à 5,5 % en 2012, l’une des plus fortes d’Amérique latine.  Autre problème grave non résolu : la violence. Selon l’Observatoire vénézuélien de la violence, 21 692 homicides ont été commis dans le pays en 2012. Ce n’est pas un hasard si le successeur de Chavez, Nicolas Maduro a affirmé sa volonté de lutter contre l’insécurité galopante.

Les résultats des élections présidentielles du 14 avril 2013 qui ont suivi la disparition du leader bolivarien – le 5 mars 2013 – appellent quelques observations. Le 7 octobre 2012, briguant un troisième mandat Hugo Chavez l’avait emporté avec 55,14 % des voix et plus de 10 points d’avance sur son adversaire de droite, Henrique Capriles. Entre les deux scrutins, le chavisme a perdu 685 794 suffrages[13], l’opposition en a gagné 679 099. Maduro l’a emporté avec 50,75 % des voix face à Capriles, 48,98 %, qui a refusé le verdict des urnes. Ce score particulièrement serré a inspiré le commentaire suivant à Maurice Lemoine : « Même plus étroite que prévue, une victoire n’est pas une défaite. Elle conforte même le caractère démocratique de la révolution bolivarienne en démontrant, s’il en était besoin, que sa permanence au pouvoir ne résulte pas d’une ‘succession dynastique’ mais bel et bien du choix des électeurs, en acceptant tous les aléas d’une consultation ».

Avant de conclure, quelques considérations, cela va de soi, sur la révolution bolivienne incarnée par l’indien Aymara, Evo Morales. L’origine ethnique d’Evo Morales illustre à elle seule le caractère révolutionnaire de son élection à la présidence de la république le 18 décembre 2005, par 53 % des voix. En effet, comme nous l’avons observé déjà, c’est la première fois que la Bolivie a porté à sa tête un président indien. C’est une victoire démocratique proprement historique puisque la population bolivienne est majoritairement indienne, à 62 %.

Comment cette victoire a t-elle été rendue possible ? On peut affirmer qu’elle est l’aboutissement d’une lutte de classes à caractère ethnique qui s’est exprimée depuis les années 1985 en réaction aux conséquences sociales calamiteuses des politiques néolibérales imposées au peuple bolivien par des gouvernements inféodés à Washington et au FMI.

Une lutte de classes à caractère ethnique car ce sont les paysans indiens qui se sont dressés contre l’ordre néolibéral et qui ont fini par l’emporter. Deux épisodes de ces combats sont bien connus sous le nom de « guerre de l’eau »  (2000 et 2005) et « guerre du gaz » (2005)[14]. Au terme de mobilisations mémorables contre des multi-nationales étatsuniennes et françaises, les révoltés obtiennent gain de cause et chassent les multinationales.

Une autre mobilisation des masses indiennes met au premier plan les planteurs de coca dans le Chapare, au sud-est de La Paz. Sous prétexte de lutte contre le trafic de drogue, les Américains, avec l’aval du gouvernement bolivien, entreprennent à grande échelle une campagne d’éradication de la coca qui ruine les petits producteurs. Ils s’attirent la haine des masses paysannes et c’est dans ce contexte que naît l’anti-impérialisme d’Evo Morales. Ce dernier, lui-même issu de la petite paysannerie, se porte à la tête du mouvement de résistance et acquiert en peu d’années une stature nationale au sein du syndicalisme paysan. Parallèlement au combat syndical, Evo Morales contribue à la création d’un parti politique, le MAS – Mouvement vers le Socialisme – conçu comme un « Instrument politique pour la souveraineté des peuples » du syndicat paysan.

En quelques années, le MAS s’impose dans l’échiquier politique. Sa montée en puissance se concrétise le 18 décembre 2005 avec l’élection de son leader Evo Morales à la magistrature suprême.

La tâche qui attend alors le nouveau président est immense aussi bien sur le plan institutionnel qu’économique et social.

Sur le plan institutionnel, il s’agit de refonder la nation, de la décoloniser. Ce sera l’objet de la nouvelle Constitution adoptée en 2007 et qui fait de la Bolivie un État pluriethnique, plurinational, un État aux pouvoirs renforcés à l’opposé du modèle néolibéral.

Sur le plan économique et social, le nouveau gouvernement impose très vite une réforme agraire, la nationalisation sans expropriation des ressources naturelles, c’est-à-dire le gaz et le pétrole, l’alphabétisation avec le concours de Cuba, la lutte contre la pauvreté par une augmentation du salaire minimum de 13 %, la distribution de bons scolaires aux foyers déshérités.

Au plan international, Evo Morales noue une alliance étroite avec la république bolivarienne du Venezuela et avec Cuba, par son adhésion à l’ALBA.

Toutes ces avancées ont été obtenues de haute lutte. Les trois premières années du mandat initial d’Evo Morales ont donné lieu à une résistance acharnée de l’oligarchie, une résistance permanente qui, en 2008, a failli renverser le nouveau régime[15]. Evo Morales a dû alors son salut avant tout au soutien unanime de ses alliés de l’UNASUR et même d’Uribe qui, réunis à Santiago du Chili, ont condamné solennellement les menées factieuses des oligarques boliviens.

La popularité d’Evo Morales lui a permis d’être réélu à la présidence de la république le 6 décembre 2009 avec plus de 64 % des suffrages. À cette consultation, le MAS a obtenu la majorité absolue dans les deux chambres.

Quelles conclusions tirer de cette longue réflexion ? Les années 1980 ont été considérées par les observateurs comme une décennie perdue pour l’Amérique latine par suite des ravages provoqués par la dette. En opposition, Cristina Kirchner a estimé, à juste titre, les années 2000 en Argentine comme une décennie gagnée. Ce jugement pourrait être élargi à la plupart des pays de la région. De réels progrès ont été effectivement enregistrés. Le problème de la dette a été réglé à l’avantage de certains pays comme l’Argentine ou l’Équateur. La croissance est revenue dans tout le sous-continent. À l’opposé de l’Union européenne qui peine à surmonter la récession, l’Amérique latine et la Caraïbe connaîtront une croissance de 3,5 % en 2013. La pauvreté a reflué très largement même si elle est loin d’être éliminée. Selon la Banque mondiale, 73 millions de personnes ont cessé d’être pauvres lors des dix dernières années. Le chômage a également diminué. Les classes moyennes se sont accrues[16]. Le modèle néolibéral à l’origine des maux de l’Amérique du Sud au cours de la période antérieure a été battu en brèche[17].

Pour autant, rien n’est joué définitivement. Les gouvernements de gauche, modérés ou révolutionnaires, ont à apporter des solutions urgentes à des problèmes ardus. Les plus graves ont été ici mentionnés. Par ailleurs, à l’exception de l’Équateur, dans la plupart des autres pays, la droite conserve une puissance redoutable. Pendant des années, en Argentine ou au Venezuela, elle était d’autant plus faible qu’elle était désunie. Aujourd’hui, elle a resserré les rangs et compte même sur le concours d’une partie de l’extrême gauche, en Argentine et au Brésil[18]. Pour garder le pouvoir, la gauche devra démontrer sa capacité à mobiliser les forces populaires et donc satisfaire leurs légitimes revendications, à l’exemple de Rafael Correa réélu avec éclat le 17 février 2013 avec plus de 56 % des voix, ce qui exigera la mise en chantier de réformes structurelles majeures : l’élargissement des nationalisations, la mise au pas du pouvoir financier et des multinationales, une réforme fiscale progressive de grande ampleur, une redistribution des richesses ambitieuse, la réforme agraire, la participation active de la majorité du peuple à la conduite des affaires publiques. En somme une véritable révolution sociale et citoyenne.

Notes:

[1] Professeur émérite, Université Stendhal de Grenoble.

[2] La Nacion, 6-12-2005.

[3] Bartolomé Bennassar et Richard Marin, Histoire du Brésil 1500-2000. Paris, Fayard.

[4] Ibid.

[5] Sur la mise en place extrêmement laborieuse de ce plan et sur le caractère controversé de ses effets, cf. communication de  Charles Lancha, « Des démocraties en trompe l’œil ? Inégalités sociales et consolidations démocratiques en Amérique latine », ILCEA 13/2010, http/ :ILCEA.revues.org/index901.html, p.10-11.

[6] C’est ce que confirme Página 12 du 31 octobre 2013 : « Selon des données officielles du gouvernement brésilien, l’aide financière d’au moins 35 dollars par mois accordée par le Trésor Public bénéficie actuellement à 13,8 millions de familles – environ 50 millions de personnes, un quart de la population totale du pays – ce qui a permis que 36 millions de personnes cessent de vivre dans l’extrême pauvreté ». Pour un coût minime : 0,5% du PIB.

[7] Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.

[8] El Pais, 29-5-2010.

[9] Il s’agit d’antilibéralisme et non d’anticapitalisme. José Natanson précise à juste titre : « Le gouvernement n’a jamais franchi les limites économiques du capitalisme ni les limites institutionnelles de la démocratie. Kirchner fut un réformiste ».

[10] Chiffres donnés par la CEPAL pour l’année 2012.

[11] CEPAL, Panorama social de América latina, 2007.

[12]<http ://www.ine.gob.ve/ideh/tablaevolucion.htm ; < http ://venciclopedia.com/index.php?title=indice_de_desarrollo_humano_(IDH).

[13] Centre Tricontinenetal (CETRI), 18 avril 2013.

[14] Cf. Charles Lancha, « Les Indiens des Andes contre les multinationales » in Informations et commentaires. Le développement en questions, n°132-133, juillet-septembre et octobre –décembre 2005.

[15] Cf. Charles Lancha, « La Bolivie d’Evo Morales 2005-2008 ».in Informations et commentaires. Le développement en questions, n°145, octobre-décembre 2008, p.24-36. Hervé Do Alto a souligné à juste titre l’acuité des antagonismes de classes en Bolivie : « C’est pourtant bien en Bolivie que la polarisation entre classes sociales, traversée par des antagonismes ethniques et régionaux, est la plus aiguë en Amérique latine ». Le volcan latino-américain, sous la direction  de Franck Gaudichaud, Les Éditions Textuel, Paris, 2008.

[16] D’après un récent rapport de la Banque mondiale, les classes moyennes ont connu un essor de 50 % au cours des dix dernières années.

http://www.bancomundial.org/es/news/2012//11/13

[17] C’est ce que souligne Emir Sader : « Nul ne peut nier que ces pays ont beaucoup changé et qu’ils ont changé positivement avec leurs nouveaux gouvernements. De même, nul ne peut nier que ces gouvernements défendent des thèses opposées frontalement aux programmes néolibéraux tout comme aux thèses défendues par le gouvernement des États-Unis, par le FMI et par la Banque mondiale. Ils défendent le caractère central des politiques sociales – ce qui est plus que justifié dans notre continent, le plus inégalitaire du monde- et non celui  des ajustements fiscaux. Ils défendent la priorité des projets d’intégration régionale et non celle des traités de Libre Commerce avec les États-Unis. Ils défendent un État qui intervient activement au plan économique et social et non un État minimal pas plus que le centralisme du marché ». Cf. « Ser de izquierda en la era neoliberal », Página 12, 4-11-2013.

[18] Cf. l’article du sociologue Emir Sader, « Todos contra Dilma », Página 12, 7-10-2013.