Note sur l’Accord de Copenhague

Paul Sindic, juriste

 

149Il s’agit ici de faire “à chaud” quelques premiers commentaires sur, d’une part, le texte même de l’Accord qui a conclu la Conférence de Copenhague organisée par les Nations Unies (7 – 18 décembre 2009), et, d’autre part, sur le déroulement de la Conférence, sur les affrontements géo-politiques auxquels elle a donné lieu, donnant partiellement à voir la concrétisation de nouveaux rapports de force internationaux.

1 – En préambule, un bref rappel historique

La Conférence de Copenhague est destinée en principe à donner une suite au Protocole de Kyoto, signé en 1997, qui expirera en 2012. Ce dernier faisait obligation aux pays dits « industrialisés », listés à l’Annexe I du Protocole (pays de l’OCDE, pays dits « en transition » de l’Est européen, Russie et Ukraine) de réduire collectivement leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) de 5,2 % par rapport à leur niveau de 1990, de manière différenciée selon les pays. Les États-Unis, à l’époque, n’avaient accepté qu’une réduction de 7 % alors même qu’ils émettent deux fois plus de GES par tête d’habitant que la moyenne des pays européens et le Congrès US a ensuite refusé de ratifier. L’UE à 15 avait accepté collectivement – 8 %, répartis de manière différenciée entre ses membres (Ex. France (stabilité), Allemagne, Danemark : – 21 %, etc.). Par ailleurs, Kyoto ne comportait en fait qu’une seule sanction : le report des engagements non remplis en sus de ceux de la période suivante.

En 2007, le Groupe International des Experts sur le Climat (GIEC) a formulé ses recommandations : pour maintenir l’augmentation de la température planétaire en dessous de 2° C, limite du “gérable” : nécessité de diviser par deux les émissions planétaires de GES d’ici 2050, par cinq celles des pays « industrialisés » qui ont alors reconnu (États-Unis inclus) la validité de principe de ces objectifs. Mais au printemps 2009, l’aggravation de certains processus liés au réchauffement a conduit le GIEC à réclamer un plafonnement des émissions planétaires dès 2015 et des réductions drastiques dès 2020 pour les pays industrialisés. Par ailleurs, il a confirmé la gravité des conséquences potentielles du réchauffement, notamment pour les pays en développement (PED) : des centaines de millions de réfugiés climatiques prévisibles soit du fait de la montée des océans, soit du fait de la désertification, notamment en Afrique.

À ce jour, Kyoto n’est pas respecté. En dehors de l’UE, outre les États-Unis (+ 14 %), aucun pays de l’OCDE n’a rempli, et de fort loin, ses engagements. Au sein de l’UE à 15 (qui n’en est globalement qu’à – 4% au lieu de – 8 %), seuls six pays peuvent les remplir : la France, la Suède, la Grande-Bretagne, l’Allemagne (grâce surtout au bonus de – 13 % apporté dès 1992 par la liquidation de l’industrie de la RDA), la Belgique et la Grèce. Les contre-performances de certains pays sont spectaculaires : Espagne (+ 50 %), Portugal (+ 40 %), Danemark (+ 4 % au lieu de – 21 %), etc. Les pays de l’Est européen, la Russie et l’Ukraine ont rempli, à leur corps défendant, leurs obligations du fait de l’effondrement de leurs économies et se situent en moyenne dans une fourchette de – 20 à – 30 % par rapport au niveau de leurs émissions en 1990.

2 – Le texte final dit « Accord de Copenhague »

Il se caractérise par sa minceur, trois pages de texte proprement dit. Les deux premières pages de considérants font partiellement écho à la base scientifique des recommandations du GIEC (nécessité de procéder à des réductions importantes des émissions, de maintenir l’augmentation moyenne de la température planétaire en dessous de 2° C). Par contre, dans le texte lui-même, il n’y a qu’une vague référence aux demandes du groupe des pays insulaires de la maintenir au-dessous de 1,5° C, (« à considérer en 2015 » ?), ce qui a motivé leur rejet de l’Accord. De surcroît, le texte de l’Accord ne mentionne plus des points qui étaient pourtant déjà considérés comme acquis, à savoir l’engagement de diviser par deux les émissions planétaires d’ici 2050. Il y a eu, semble-t-il, opposition de la Chine, qui ne voulait pas être tenue par une contrainte globale la concernant aussi. Aucune référence non plus à des objectifs intermédiaires pour 2020, pourtant déjà annoncés par nombre de pays industrialisés. Ceux-ci devraient faire l’objet de déclarations unilatérales d’ici le 31 janvier 2010 par les pays dits de l’Annexe I du Protocole de Kyoto (pays « industrialisés »). Idem pour les pays hors Annexe I, (notamment Chine, Inde, Brésil, etc.) qui feraient aussi des déclarations unilatérales d’engagement de “modération” (“mitigations”) de leurs émissions d’ici le 31 janvier 2010.

Les seuls engagements que l’on peut qualifier de semi-concrets (car aucune indication n’est donnée sur la manière dont ils seront effectivement financés) sont ceux d’une aide apportée par les pays « industrialisés » aux PED avec comme finalités : l’aide à l’adaptation au changement climatique pour les pays les plus vulnérables (pas très rassurant pour eux), l’aide à la reforestation, l’aide à la réduction des émissions des systèmes énergétiques. Ces aides sont chiffrées de la manière suivante : 30 milliards de dollars US pour la période 2010-2012, soit 10 milliards par an. À partir de 2020, ces aides passeraient à 100 milliards par an. Pour ce dernier chiffre, il y a manifestement un côté « demain on rase gratis » (aucune durée d’engagement annoncée), mais de surcroît on ne sait pas si ce chiffre inclut ou non les aides versées par ailleurs (le fameux 0,7 % du PIB, non respecté d’ailleurs en général). Par ailleurs pourraient y être inclus des investissements capitalistes rentables, ainsi que probablement le financement privé d’opérations de reforestation ouvrant droit pour les firmes des pays industrialisés à l’acquisition de permis d’émission. Par ailleurs, même à 100 milliards de dollars par an, on est très en dessous du niveau d’aide publique internationale nécessaire pour doter les PED de véritables systèmes énergétiques les plus décarbonés possibles, partie intégrante de véritables plans de développement d’économies diversifiées (agriculture, industrie, services) avec tous les investissements d’infrastructures nécessaires (éducation, santé, transports publics, eau potable, assainissement, etc.), ce que certains PED ont déjà fait remarquer. Par ailleurs, l’Accord ne contient aucune indication sur la suite à donner et sur les différents rendez-vous qui étaient déjà prévus (Allemagne en juin, Mexico à la fin de l’année), bien que certaines déclarations officielles laissent entendre qu’ils sont maintenus.

3 – L’élaboration de l’Accord

Il n’est pas inintéressant de noter la manière dont cet Accord final a été élaboré après le rejet d’un Accord plus détaillé qui a circulé à moment donné (publié par le New York Times) et qui contenait les engagements chiffrés des pays industrialisés et des grands pays émergents. Il doit beaucoup manifestement à la volonté d’Obama qui voulait à tout prix rentrer avec un texte, même sans grand contenu, à Washington. Il a donc été écrit dans la nuit du vendredi 18 décembre par un groupe de 5 pays (États-Unis, Brésil, Inde, Chine et Afrique du Sud) et présenté ensuite à un groupe de 28 pays (G 20 élargi) représentant en fait les principaux émetteurs de GES de la planète qui l’ont à leur tour adopté. Son statut juridique est incertain. La Convention-cadre des Nations Unies pour le changement climatique, organisatrice de « Copenhague », l’a « noté », ce qui signifie qu’il est ouvert à l’approbation ou au rejet des autres participants. Il a été explicitement rejeté par quelques pays (Bolivie, Équateur, Cuba, Arabie Saoudite, Soudan) pour des motivations variées. On ne sait pas quelle sera la position finale de l’Alliance insulaire (petites îles menacées de disparition par la montée des eaux dès l’accroissement à 2° C), très critique et qui se considère comme sacrifiée. Il semble par ailleurs que, malgré leur insatisfaction globale, la majorité des PED l’approuvent de guerre lasse, notamment à cause des perspectives d’aide qu’il contient.

4 – L’attitude des différents pays

Avant d’en venir à l’attitude de chaque pays ou groupe de pays, il faut noter le climat tout à fait inhabituel, peu conforme aux usages diplomatiques, d’agressivité des comportements, voire des discours, qui a régné dans la Conférence. Exemples : intrusion, semble-t-il, rapportée de diverses sources, d’Obama dans une réunion des Chefs d’État où il n’était pas invité, attitude désinvolte pour le moins de Wen Jiabao, se faisant représenter à plusieurs reprises à des réunions de chefs d’État où il était invité, discours extrêmement agressif du Soudan, représentant du Groupe des 77 (actuellement 135 pays) accusant les pays industrialisés de génocide et d’holocauste pour leur attitude à l’égard de l’Afrique.

Les États-Unis

La position d’Obama a été critiquée par la plupart des autres pays : PED, grands pays émergents et à mots couverts par l’UE. Elle n’est pas défendable. Par le biais d’une référence à 2005 au lieu de 1990, son engagement de réduction des émissions annoncé avant Copenhague se situe à un niveau inférieur, – 4 %, à celui que les États-Unis auraient dû assumer au titre de Kyoto (signé, mais non ratifié par eux), – 7 %, lui-même scandaleusement faible, alors même qu’en 1990, comme maintenant, le niveau d’émission de GES par tête d’habitant des États-Unis est le double de la moyenne européenne. Notons au passage que le Canada et l’Australie se sont alignés sur les États-Unis avec des engagements en trompe l’œil n’aboutissant à aucune réduction réelle par rapport à ce qu’étaient leurs engagements au titre de Kyoto. La seule justification, implicite, d’Obama est que le congrès des États-Unis n’accepterait pas un engagement supérieur. On retrouve donc son attitude habituelle de recherche d’un compromis bi-partisan. Mais là, il commet une erreur politique majeure. En effet, d’une part, si le Congrès était amené à se prononcer dans les prochains mois sur cette position, il est à peu près sûr qu’il la rejettera purement et simplement (influence des lobbies pétroliers, charbonniers, des industries traditionnelles déjà en difficulté, sur nombre d’élus démocrates, les républicains la rejetant en bloc). Par ailleurs, l’attitude de la Chine (voir ci-dessous) leur fournirait un prétexte de rejet supplémentaire, si nécessaire. B. Obama s’est donc mis dans une impasse politique (condamnation extérieure très large, échec en interne). Cette impasse va peser très lourdement sur l’avenir de la lutte planétaire contre le réchauffement climatique.

La Chine

Celle-ci a déployé, tant vis-à-vis des PED que de l’opinion publique mondiale, une straté­gie plus élaborée que celle des États-Unis pour minimiser ses engagements de modération des émissions de GES. Elle a joué sur plusieurs tableaux. Elle a cultivé son image historique de “grand frère” des PED, tout en défendant l’idée qu’elle est elle-même un PED. Elle a mis également l’accent sur la dette historique des pays développés occidentaux, responsables prin­cipaux de l’accumulation de GES dans l’atmosphère. Elle a également défendu la conti­nuité du protocole de Kyoto, ayant pour elle le mérite essentiel de la ranger dans la catégorie des pays hors Annexe I qui n’avaient donc pas d’obligations contraignantes de réduction de leurs émissions à respecter. Mais comme elle est devenue le principal pollueur de la planète, ayant devancé désormais les États-Unis, avec un taux de progression de ses émissions considéra­ble (triplement depuis 1990), elle était en fait tenue politiquement de faire au minimum des propositions de réduction de la progression de ses émissions. C’est ce qu’elle a fait avec une proposition de diminution de 45 % de son intensité carbone, c’est-à-dire de la quantité de carbone émise par unité de PIB produite. Mais ceci n’implique pas une réduction réelle de ses émissions. Il s’agit simplement d’une réduction du taux de croissance annuel de ses émis­sions, qui demeurera a priori de l’ordre de 3 à 4 %, impliquant un doublement de celles-ci en 20 ans, ce qui n’est pas acceptable dans le cadre d’un effort planétaire conséquent pour les réduire. En fait, tout se passe comme s’il y avait deux Chines. Si le taux moyen d’émission chinois par tête d’habitant est de l’ordre de la moitié du taux européen moyen, il est composé d’un taux d’émission par habitant des Zones développées (Beijing et Côte Est) qui se situe probablement entre la moyenne des zones européennes et celui des États-Unis. Par contre, le taux d’émission des zones rurales est faible. Il n’y a donc pas de raison que les zones développées chinoises ne fassent pas un effort de réduction du même ordre que celui des pays industrialisés, tandis que les zones rurales devraient pouvoir augmenter leurs émissions dans le cadre d’un développement énergétique le plus décarboné possible. Le tout devrait aboutir à un plafonnement des émissions chinoises dans un délai et pour un niveau à déterminer. Par ailleurs, les dirigeants chinois refusent toute idée d’obligation contraignante d’origine internationale (engagements unilatéraux de leur part), comme l’idée d’une procédure internationale de vérification de leurs engagements. D’où une assez vive irritation tant de l’UE que des États-Unis à leur égard. Le pacte de non-agression initial avec les États-Unis (pas de commentaires de l’un sur les prises de position de l’autre), en vigueur après la visite d’Obama à Beijing, n’a pas résisté aux tensions de Copenhague et aux enjeux vis-à-vis de l’opinion publique mondiale. Si la Chine persiste dans son attitude — il y a toutes les raisons de penser qu’elle va le faire comme les États-Unis le font — sans qu’on puisse lui dicter sa conduite de l’extérieur, elle peut s’attendre dans la durée à des mesures de rétorsion (taxes à l’importation spécifiques dont le projet a déjà été avancé au cours des dernières années tant par les États-Unis que par l’UE). En fait, la Chine continue à privilégier sa stratégie de devenir dans les meilleurs délais la première puissance mondiale et refuse que des considéra­tions environnementales entravent cette stratégie (maintien d’un taux de croissance supérieur à 10 %). Le maintien délibéré des deux Chines, avec de très fortes inégalités (qui ont triplé depuis 1984) fait partie de cette stratégie (mini­misation du coût de reproduction de la force de travail garantissant une forte compétitivité à l’exportation et des capacités d’accumulation financière considérables).

L’Inde s’est alignée sur la Chine, avec un engagement de réduction de l’intensité de carbone de même type, mais à un niveau inférieur (25 %).

Le Brésil joue une partition originale, elle aussi en bonne partie en trompe l’œil. Il a annoncé effectivement des engagements de réduction assez élevés, de l’ordre de 36 % d’ici 2020, mais ce sont des engagements BAU, c’est-à-dire “business as usual”, donc par rapport à ce que serait l’évolution du niveau des émissions si des mesures de réductions n’étaient pas prises. Ce qui peut in fine, réduire considérablement le montant des réductions réelles. Par ailleurs, il fera rentrer la reforestation dans ce bilan, refo­restation pour laquelle il s’attend à recevoir des capitaux extérieurs (point probablement évoqué dans les discussions Lula – Sarkozy). L’Indonésie est sur une position similaire.

L’UE joue toujours le bon élève de la classe, comme le Japon. (20 à 30 % de réduction de ses émissions d’ici 2020, 25 % pour le Japon). Mais quand on y regarde de plus près, il faut nuancer. 30 %, c’était en cas d’Accord. S’il n’y a pas d’Accord, ce sera en principe 20 %. Par ailleurs, il s’agit maintenant de l’UE à 27 (et non plus à 15), qui contient donc un certain nombre d’ex- pays de l’Est, dont le niveau d’émission est tou­jours nettement inférieur à celui de 1990, ce qui va minimiser l’effort global à réaliser. L’UE va apparemment, comme pour Kyoto, répartir l’effort entre ses membres. La France qui en est toujours à un niveau d’émission de l’ordre de 60 % de la moyenne européenne, devrait être avantagée.

La combinaison de l’impact des ex-pays de l’Est et de sa moyenne plus basse devrait l’amener à un niveau de réduction de l’ordre de 10 %, à sa portée, vu son électricité décarbonée. Cela risque d’être beaucoup moins évident pour nombre d’autres pays européens, vu leurs contre-performances spectaculaires dans le cadre de Kyoto.

Par ailleurs, l’agitation française (multiples voyages de N. Sarkozy et J.L. Borloo) préalable à Copenhague ne paraît pas avoir eu beaucoup de résultats concrets. Les solennels avertissements de N. Sarkozy au cours de la Conférence sur la gravité de la situation n’ont apparemment pas ému grand monde et la France, comme l’UE, n’a pas été rédactrice du projet d’Accord final (voir plus haut) qu’elle a simplement approuvé. Nous reviendrons, in fine, sur la critique “sarkozyenne” portée après la clôture sur les mécanismes onusiens.

La Russie a annoncé un engagement de réduction apparemment du même ordre que l’UE et le Japon d’ici 2020 (– 25%), mais c’est un engagement en trompe l’œil, car vu l’effondrement de son économie au début de la décennie 90, elle en est toujours à – 35 % par rapport au niveau de ses émissions de 1990.

Les PED, représentés par le Groupe des 77, avaient désigné le représentant soudanais comme leur porte-parole. C’est donc une parole agressive qui s’est exprimée envers les pays développés accusés de préparer un holocauste ou un génocide. Elle a provoqué une vive irritation européenne et américaine. Mais plus globalement, les PED ont manifesté une prise de conscience collective forte du fait qu’ils allaient être les principales victimes de processus dans lesquels la responsabilité des pays développés est écrasante, avec une déstructuration possible d’États déjà en grande difficulté, voire la disparition de certains d’entre eux. C’est manifestement un pas de plus dans la montée d’une colère envers les pays capitalistes développés. On peut d’ailleurs penser que le chiffre relativement élevé (par rapport à ce qui leur est proposé habituellement) de 100 milliards de dollars par an avancé pour l’aide aux PED à partir de 2020 est lié à une prise de conscience occidentale de l’ampleur de cette colère.

5 – Pour terminer, évoquons, sommairement, trois problèmes

Crédibilité des engagements et de leur financement

Étant donné déjà les fortes carences dans l’exécution des engagements de Kyoto, la crédibilité d’engagements unilatéraux, pour l’instant non contraignants, reste faible, en particulier pour les pays émergents type Chine, qui se place hors de tout mécanisme international de contrôle. Le fait qu’elle n’ait pas tenu ses propres engagements antérieurs de diminution de son intensité carbone d’ici 2010 est plutôt inquiétant à cet égard. Par ailleurs, aucune information n’est donnée sur des sources de financement qui devraient être très importantes et prélevées essentiellement sur l’accumulation financière privée, ce qu’aucun État développé n’est apparemment prêt à faire, sans compter leurs énormes déficits budgétaires et endettements. Rappelons que le financement du “développement humain durable” des pays du Sud et d’une lutte contre le réchauffement conséquente représente au bas mot plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars.

Les limites de la démocratie du lobbying

Qu’il s’agisse de B. Obama aux prises avec un Congrès largement aux mains de différents groupes de pression qui “tiennent” littéralement nombre d’élus, ou de ce qui s’est passé avant Copenhague dans notre pays avec des concertations avec les groupes de pression que représentent les ONG (Grenelle de l’environ-nement) ou à Copenhague, littéralement assiégée par une multitude de groupes de pression, mais qui n’ont eu aucune prise sur le succès ou l’échec de la Conférence, la preuve est faite que rien ne peut remplacer un véritable débat citoyen, dans le cadre d’une démocratie participative sollicitant l’avis de tous. Les ONG environnementales devraient en tirer des leçons.

L’attaque contre les organisations onusiennes

N.. Sarkozy s’est distingué en attaquant in fine les mécanismes onusiens de la Convention-cadre pour le changement climatique où chaque pays compte pour un. Son attaque reflète en fait une attitude générale des classes dirigeantes capitalistes qui ne supportent plus les processus démocratiques respectant l’avis de chaque peuple et qui veulent décider entre elles (G 8, G 20) etc., les peuples, aussi bien des pays développés que des PED, n’ayant plus ensuite qu’à obéir. Il convient donc de défendre énergiquement les mécanismes onusiens, qui peuvent certainement être améliorés, mais qui restent irremplaçables, certainement pas remplaçables en tout cas par des G 8 ou G 20.

Conclusion

Il y a deux leçons essentielles à tirer, selon nous, de cet échec relatif.

La première, c’est que, sans sanctions réellement contraignantes, de nombreux États ne respectent pas, en fait, leurs engagements internationaux. Sans sanctions effectives, la crédibilité des nouveaux engagements qu’annoncent pays développés et grands pays émergents restera faible.

La deuxième est que les mécanismes néolibéraux de marchés internationaux de permis d’émission ont confirmé leur inefficacité et les risques de dérives (effondrement du prix de la tonne de CO2, spéculations) qu’ils comportaient. Leur reconduction est donc inquiétante.

Par ailleurs, Copenhague se déroule dans un contexte de crise économique mondiale (chômage, énormes dettes publiques dans nombre de pays), d’une misère de masse touchant près de la moitié de la population planétaire, avec ses corollaires inacceptables (malnutrition, maladies diverses non soignées aboutissant à une dizaine de millions de morts annuels au bas mot). Mettre fin à ce scandale est un impératif aussi urgent que celui de la lutte contre le réchauffement. Ces deux défis exigeront pour être relevés des investissements colossaux, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars, pour une bonne part non rentables, au sens capitaliste du terme, et devant relever de financements publics, nationaux et internationaux. Sur un autre plan, une certaine multipolarité s’est confirmée, avec ses chefs de file : États-Unis, UE pour les pays industrialisés, Chine pour les grands pays émergents, même si chaque pays se positionne aussi selon ses propres intérêts. Les PED, pourtant les plus concernés, ne sont pas véritablement acteurs, se contentant de réagir aux propositions les concernant, qui visent à les annexer au camp de tel ou tel leader. Les deux principaux pollueurs, les États-Unis et la Chine, biaisent par tous les moyens pour minimiser leurs engagements. Obama n’a pris, pour 2020, qu’un engagement inférieur à ce que les États-Unis auraient dû faire au titre de Kyoto et il reste douteux que le Congrès entérine ses positions. La Chine, qui est devenue le principal émetteur de GES, a triplé ses émissions depuis 1990. Elle refuse toute idée d’un plafonnement de celles-ci et n’évoque qu’une réduction de 45 % de l’intensité carbone par unité produite, simple diminution du taux de croissance de ses émissions. Même cette promesse est peu crédible, car elle n’a pas tenu ses propres engagements en la matière (– 20 % d’ici 2010, – 5% réalisé). En fait, elle continue à donner la priorité absolue à sa course pour devenir la première puissance économique mondiale. Sa position n’est pas défendable, pas plus que celle des États-Unis, pas plus que l’accord de fait Chine – États-Unis où chacun se garde de mettre en cause les positions de l’autre (esquisse du G 2 ?). Les autres grands pays émergents ont plus ou moins suivi la ligne chinoise. La Russie bluffe, s’engageant, comme l’UE, à – 20 % d’ici 2020, mais oubliant de rappeler qu’elle est déjà à – 35 % par rapport à 1990. L’UE se présente comme le bon élève, obéissant au GIEC, mais sa crédibilité pour réaliser – 30 % d’ici 2020 est faible. Sa proposition pour aider les PED n’est qu’un mini-accès à l’énergie, interdisant tout développement réel. En réalité, les classes dirigeantes refusent que l’accumulation financière soit mobilisée en priorité et confirment que répondre réellement aux divers impératifs du “développement humain durable” exige un “dépassement” du capitalisme, si l’on veut éviter que l’humanité ne sombre dans la barbarie et les guerres. Le temps nous presse.