Les mouvements sociaux dans le gouvernement d’Evo Morales

Fernando Mayorga*

 

 

147Le rôle primordial des mouvements sociaux qui associent leurs revendications catégorielles à des projets de transformation politique est caractéristi­que de la politique bolivienne. Au début des années 2000, une succession de manifestations contre le néo-libéralisme et les partis traditionnels a commencé. Elles ont provoqué la démission de deux présidents et des élections générales antici­pées. Ce processus a eu un dénouement particulier avec la victoire électorale du Mouvement vers le socialisme (MAS : Movimiento Al Socialismo) et l’arrivée d’Evo Morales à la présidence de la République en décembre 2005. Avant cet événe­ment, les relations entre les mouvements sociaux et les institutions politiques se caractérisaient par des affrontements avec l’État. Avec Evo Morales à la présidence, ces relations ont acquis un caractère inédit du fait de la proximité du gouvernement, du MAS et des différentes organisations populaires, au point que la gestion gouvernementale se définit elle-même comme un processus intimement lié aux mouvements sociaux. Les rôles parallèles d’Evo Morales, comme dirigeant des syndicats de paysans cocaleros[1], de chef du parti du gouvernement et de président de la République sont les symboles de cette imbrication.

Dans cet article, nous évaluerons la relation établie entre l’action collective, la politique et l’État, en partant d’une description des caractéris­tiques des mouvements sociaux, de leur incidence sur les changements politiques qui se sont produits ces dernières années et sur les modalités de leurs relations avec le processus politique conduit par le MAS, en portant notre attention sur certains acteurs sociaux liés ou proches du parti au pouvoir.

Définitions et caractéristiques

Il existe différentes définitions des mouvements sociaux pour rendre compte d’un phénomène socio-politique qui est caractérisé par sa diversité et sa complexité. Certains courants théoriques les abordent de manière descriptive et tentent d’en faire la taxonomie à partir de leurs structures de mobilisation, du répertoire de leurs formes d’action et de leurs types d’organisation, ou bien à partir des cadres d’interprétation qui donnent du sens et orientent l’action collective. Ils les exami­nent également à partir des opportunités politiques de changement qui apparaissent dans le cours de l’action institutionnelle de l’État, en raison d’une situation de crise ou de l’ouverture du système politique produite par une réforme en cours de développement[2]. À partir d’une autre perspective, on peut mentionner l’influence du contexte socio-politique et des rapports de forces dans une conjoncture déterminée, ou bien des méthodes de lutte et de la capacité d’organisation des mouve­ments sociaux, de leurs idéologies et de leurs modèles de culture politique.

Lorsque la force de la description laisse la place à un regard d’ordre téléologique, les mouvements sociaux sont considérés comme “l’avant-garde” du processus historique qui incarne les vertus démo­cratiques de la société civile s’opposant aux tendances autoritaires du pouvoir d’État. C’est un regard essentialiste que nous ne partageons pas parce qu’il présuppose que l’action collective a un but préalablement assigné par un déterminisme fixé d’avance (la révolution, le progrès, la démocratie) qui ne tient pas compte de la dynamique des interactions socio-politiques dont le déroulement ne peut être prédéterminé.

Notre réflexion adopte une lecture descriptive et analytique qui cherche à éviter ce regard téléo­logique qui, entre autres choses, se passe d’attitude critique en ce qui concerne, par exemple, la présence ou l’absence de codes démocratiques dans le fonctionnement interne et l’action des mouvements sociaux. Ainsi, la notion de mouve­ment social renvoie-t-elle à une forme d’action collective qui envisage des degrés d’organisation et des éléments de solidarité au sein du groupe qui incluent des traits identitaires ; l’action collective s’articule autour de revendications qui provoquent une relation conflictuelle avec l’État et, dans cette mesure, dépassent les modèles institutionnels établis pour traiter les revendications en contestant le système en vigueur[3]. Une action collective peut acquérir différents degrés d’organisation, stables ou occasionnels, en fonction de sa capacité de mobilisation et du caractère des revendications qu’elle porte, comme également du degré d’autonomie par rapport à l’État et de la capacité des institutions politiques à canaliser ces revendications.

Dans le cas bolivien, la notion de mouvements sociaux s’est transformée depuis la fin des années 90 en un terme largement utilisé dans la presse et a été adoptée par différents acteurs sociaux pour s’identifier en tant qu’agents de la protestation sociale et en tant que porteurs de propositions de changement. Depuis la victoire d’Evo Morales, le discours gouvernemental utilise ce terme pour se référer à une sorte de sujet de la “révolution démo­cratique et culturelle” que défend le MAS, ou bien, comme la base sociale qui soutient des initiatives officielles. Cette dénomination généralisée s’est traduite en un usage élastique du concept avec peu de rigueur conceptuelle. De la sorte, les organisa­tions syndicales, les actions de protestation et les mobilisations de secteurs organisés à diverses fins sont décrites comme des mouvements sociaux. Dans certains cas, l’élément qui définit son carac­tère est un trait identitaire, par exemple le type d’action qu’il met en œuvre ou les objectifs de sa mobilisation. Il existe certaines tentatives et analyses qui, par exemple, évaluent son impact global sur la démocratie à partir du point de vue que les mouvements sociaux « ont transformé différents aspects du champ de la politique, modifiant l’espace légitime où se fait la politique, remodelant la condition socio-économique et ethnique des acteurs politiques, inventant de nouvelles techniques sociales pour faire de la politique, en plus de changer les fins et le sens de la politique »[4]. Bien que péchant par excès, cette évaluation met en évidence le lien direct qui s’établit entre l’action collective et la politique, comme un trait de la démocratie bolivienne.

Il n’est pas intéressant de discuter des aspects méthodologiques de ce thème si ce n’est pour préciser les critères retenus pour étudier les mouvements sociaux. L’un de ces critères a quel­que chose à voir avec la capacité d’organisation de certains mouvements qui s’appuie sur une longue tradition syndicale. C’est le cas du mouvement paysan organisé à un niveau national dans la Confederacion Sindical Unica de Trabajadores Campesinos de Bolivia [Confédération Syndicale Unique des Travailleurs Agricoles de Bolivie] (CSUTCB), fondée en 1979, et qui, depuis le début des années 90 a promu la formation d’un “instru­ment politique”. Tout de suite après se situe l’émergence du mouvement indigène qui est issu d’un débat à propos de la légitimité du syndicat paysan comme forme d’organisation et la récupé­ration des formes traditionnelles d’organisation dans l’Altiplano et les vallées qui furent à l’origine de nouvelles organisations comme le Consejo Nacional de Ayllus y Markas de Qollasuyu [Conseil National des Ayllus et des Markas du Qollasuyo] (CONAMAQ). En parallèle, se produi­sit l’émergence d’organisations portant des marques identitaires propres et ayant des modalités d’action spécifiques — “centrale”, “assemblée“, “coordination” — qui représentent plus de 30 peu­ples indigènes des plaines et de l’Amazonie, parmi lesquelles se distinguent la Confederacion de Pueblos Indigenas de Bolivia [Confédération des Peuples Indigènes de Bolivie] (CIDOB) et la Asamblea del Pueblo Guarani [Assemblée du Peuple Guarani] (APG). Si l’appellation de peuples indigènes renvoie aux groupes ethniques des basses terres, la notion de nations autochtones est employée par les Quechuas et les Aymaras des hautes terres. De là vient la compréhension du mouvement paysan et indigène comme un conglomérat “de nations et de peuples autochtones et de paysans” tel que l’a défini l’orientation de la réforme de l’État approuvée par l’Assemblée Constituante (2006-2007) : un modèle « d’État plurinational et communautaire ». Bien évidem­ment, un des secteurs fondamentaux est le mou­vement des paysans et planteurs producteurs de feuilles de coca— le mouvement cocalero conduit par Evo Morales — parce qu’il a joué un rôle cen­tral dans la formation du MAS est qu’il est la base sociale la plus solide de soutien au gouvernement.

Pour ébaucher un tableau complet de l’irruption politique des mouvements sociaux, il est néces­saire de prendre en compte son rapprochement avec les campagnes et les réseaux à caractère transnational apparus sous l’influence — ou contre — du processus de mondialisation. Si les revendications de droits collectifs par les peuples indigènes sont devenus le centre du débat sur la démocratie et le développement dans les organisa­tions internationales (Banque mondiale, ONU et Banque interaméricaine de développement), elles ont aussi été portées par le mouvement anti-mon­dialisation ou altermondialiste, un mouvement qui regroupe des syndicats, des organisations non gouvernementales, des fondations, des réseaux militants et diverses organisations sociales et politiques du Nord et du Sud réunis sur des posi­tions anti néo-libérales, écologistes et indigénistes qui défendent la démocratie directe et l’autogestion sous le slogan « Un autre monde est possible ». De la sorte, tout comme la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail sur « Les droits des peuples indigènes et des tribus dans les pays indépendants » a fait partie du catalogue des actions des mouvements sociaux locaux, de même, la connexion avec les réseaux et les campagnes de la société civile globale — tels le Jubilée 2000 et le Forum Social Mondial — comme espaces favora­bles pour mettre en évidence les actions de protes­tation et les revendications des mouvements sociaux dans le cadre national, a été importante.

La participation des mouvements sociaux boli­viens aux réseaux mondiaux est allée en augmen­tant depuis la fin des années 90, au rythme des campagnes internationales pour l’annulation de la dette extérieure, contre les traités de libre-échange et pour un commerce équitable. Cette participation alimente son discours contestataire et fournit éga­lement des avis pour formuler des alternatives aux politiques gouvernementales. Un exemple clair de cette influence est la transformation de la “lutte” contre les traités de libre-échange, promus par les États-Unis en promotion d’une nouvelle politique de relations internationales sur le modèle d’un juste commerce qui se présente comme le Traité de Commerce des Peuples. C’est un exemple de la transition « de la protestation à la proposition », slogan brandi par le MAS au cours de la campagne électorale de 2005 et qui est également un slogan présent dans les discours du Forum Social mon­dial, espace informel dans lequel Evo Morales, en tant que dirigeant du mouvement paysan cocalero était une figure importante, avant l’impact média­tique mondial de sa présence en tant que « premier président indigène de Bolivie ». La transformation de l’image de Evo Morales, présent dans deux mondes : le monde de la politique institutionnelle et celui d’un « autre monde est possible », repré­sente également, symboliquement, la mutation de quelques mouvements sociaux en base d’appui électorale et politique d’un parti de gouvernement.

Le passage d’une relation conflictuelle à une logique de coopération avec l’État et la transfor­mation de l’autonomie contestataire en une imbri­cation avec le gouvernement ayant des aspects de cooptation se sont produits dans le contexte d’une crise de l’État. Ce processus explique l’émergence et le rôle de premier plan des mouvements sociaux avant leur incursion dans les sphères du pouvoir.

Crise de l’État et mouvements sociaux

L’action de mouvements sociaux s’est modifiée de manière substantielle à la fin des années 90 avec l’émergence de nouvelles revendications sociales. La remise en question du modèle écono­mique néo-libéral qui, depuis 1985, avait privilégié l’investissement étranger et la réduction du rôle de l’État, de même que le rejet d’un modèle de gouvernance basé sur des coalitions de gouvernement composées de partis traditionnels se sont également manifestés.

Un aspect de la crise de l’État a été la faiblesse de la politique institutionnelle, c’est-à-dire la faible représentativité et l’inefficacité des partis politi­ques et du Parlement. Depuis le début de l’actuelle décennie, les revendications sociales se sont exprimées par une action directe et au moyen d’actions extra-parlementaires comme des grèves, des marches, des blocages de routes, des occupa­tions de terres, des paralysies de régions, etc. Ces actions exprimaient une modalité de participation appelée “la politique dans la rue”[5], en opposition à la politique qui s’élabore dans les instances insti­tutionnelles. Un style d’action collective qui a une longue histoire dans le pays. Cette façon d’influer sur la politique a pris une force particulière depuis l’année 2000. Elle a été pratiquée par de nouveaux mouvements sociaux qui ont mis en avant des revendications auxquelles se sont ralliées diffé­rentes organisations de la société civile, surtout des fondations et des organisations non gouvernemen­tales. Ces revendications portaient sur les ressour­ces naturelles, l’eau, la terre, le territoire, les droits des peuples indigènes et les droits des femmes. Dans la majorité des cas, elles présentaient un fort contenu de revendications ethnico-culturelles et de démocratie participative.

L’appel à la démocratie participative s’est traduit, en 2004, par la reconnaissance du référen­dum, de l’Assemblée Constituante et de l’initiative citoyenne législative dans la Constitution, comme formes nouvelles de participation politique. L’ouverture du système de représentation politique à de nouveaux acteurs, groupements de citoyens et peuples indigènes, a été également approuvée pour le débat électoral, éliminant le monopole des partis dans la politique. Ces réformes institutionnelles ont provoqué des changements dans le fonction­nement de la démocratie. Elles ont affecté les choix de politique publique et les décisions prises sur des questions cruciales comme les hydrocarbu­res ou la décentralisation politique. Parallèlement, des organisations politiques qui représentaient le mouvement paysan et indigène et qui était organisé sur la base de réseaux syndicaux et de communautés paysannes et indigènes sont appa­rues. Le MAS et le Mouvement Indigène Pacha­kuti (MIP) ont participé aux élections générales de 2002 et ont remporté des sièges parlementaires. Le MAS eut le plus de succès, puisqu’il a obtenu la seconde place et est devenu la principale force d’opposition. À partir de ce rôle d’opposition, il s’est transformé en une alternative de pouvoir et, aux élections de 2005, il a obtenu la première place avec une majorité absolue de voix jamais vue. De cette façon, Evo Morales est devenu « le premier président indigène » avec l’appui de mouvements sociaux de diverses natures.

Les mouvements sociaux et le gouvernement du MAS

Les mouvements sociaux qui ont acquis un poids politique au cours de ces dernières années sont ceux qui posent des revendications ethnico-culturelles, comme le mouvement indigène Aymara et les peuples indigènes des plaines et de l’Amazonie. En termes organisationnels, ils se présentent, dans le premier cas, comme la récupé­ration des formes traditionnelles d’organisation existant dans l’Altiplano et les vallées andines et la création du Consejo Nacional de Ayllus y Markas del Qollasuyu (CONAMAQ). Dans le second cas, ils se présentent comme de nouvelles organisations semblables aux premières, comme la Central de Pueblos Indigenas del Beni (CPIB), la Coordina­dora de Pueblos Etnicos de Santa Cruz (CPESC), la Asamblea del Pueblo Guaraní (APG) et, parti­culièrement, la Confederacion de Pueblos Indige­nas de Bolivia (CIDOB). Le fonctionnement de ces mouvements repose sur une logique de prise de décision « de la base vers le sommet », c’est-à-dire qu’ils ont un fonctionnement délibératif. Leurs objectifs de lutte sont définis à partir de leur iden­tité ethno-culturelle et de leur territoire. L’émergence et le rôle politique du mouvement indigène a reçu une impulsion supplémentaire à l’occasion du débat international sur les droits collectifs des peuples indigènes. Ce débat a pris une importance croissante dans les différents forums des Nations Unies. À partir de 1992 — commémoration du 500ème anniversaire du début de la conquête espagnole — il est devenu le sym­bole des luttes et des revendications ethno-culturelles d’un mouvement qui a pris une dimension continentale.

Un autre acteur social d’origine syndicale qui s’est introduit dans le champ politique est le mou­vement cocalero, constitué par les paysans producteurs de feuilles de coca. Cette force syndi­cale a acquis, depuis la fin des années 80, un rôle politique particulier et a impulsé la création de « l’instrument politique » du mouvement paysan au sein de la CSUTCB, qui est allé jusqu’à la création du MAS. Son action fut décisive dans les conflits sociaux et politiques des dernières années en mettant en avant un discours qui combine des éléments ethno-culturels — comme la défense des cultures autochtones et de la feuille de coca — des propositions nationalistes concernant les ressour­ces naturelles et des positions anti-nord-américai­nes par son opposition à la politique anti-drogue des États-Unis. Il s’agit d’une organisation qui a des caractéristiques du syndicalisme paysan tradi­tionnel mais qui en a acquis de nouvelles au mo­ment où les droits collectifs des peuples indigènes prirent de l’importance au plan international.

 L’apparition et le renforcement de ces acteurs sociaux (auxquels s’ajoutent le Movimiento Sin Tierra [Mouvement des Sans Terre], la Federación Departamental de Regantes de Cochabamba [Fédé­ration Départementale de l’Irrigation de Cocha­bamba], la Coordinadora de Defensa del Agua y la Vida [Coordination de Défense de l’Eau et de la Vie], la Federacion de Juntas Vecinales de El Alto [Fédération des Comités de Quartier d’El Alto]) ont modifié le cadre politique électoral, le proces­sus de prise de décision et l’orientation des politi­ques publiques. Les demandes formulées par ces mouvements, à partir d’une critique du néo-libéra­lisme et d’une réhabilitation du nationalisme éco­nomique, ajoutées à la critique des partis politiques et à la revendication d’une inclusion dans la vie politique des secteurs paysans et indigènes ont modifié le discours politique. Un effet de cette influence a été la recomposition du système des partis à l’occasion des élections de 2002, dont les résultats ont entraîné la présence de dirigeants de ces mouvements sociaux au Parlement, au titre de représentants du MAS ou du MIP. Plus tard, avec la victoire d’Evo Morales en décembre 2005, leur entrée dans les responsabilités gouvernementales est une expression de l’imbrication sui generis entre les mouvements sociaux et le parti de gouvernement.

Depuis la prise de fonctions d’Evo Morales comme président de la République, les relations entre les mouvements sociaux et l’État, teintées d’inimitié dans le passé, se sont modifiées. Ce changement se manifeste non seulement par les caractéristiques du discours gouvernemental, mais aussi par la présence organique de dirigeants de différentes organisations au sein du pouvoir exécutif, ainsi que par les tentatives d’établir des mécanismes formels de coordination entre le gouvernement et les mouvements sociaux.

Les discours d’Evo Morales ont interpellé les mouvements sociaux comme s’ils faisaient partie du gouvernement et comme des références pour la gestion gouvernementale sur de nombreux sujets.

J’en suis convaincu : si ce nouveau Parlement, qui est le produit des luttes sociales, répond aux attentes du peuple bolivien, ce Parlement deviendra l’armée de la libération nationale, ce Parlement sera l’armée de la lutte pour une seconde indépendance… et s’ils n’y parviennent pas ici, les mouvements sociaux, surtout indigènes, continueront à se battre pour cette seconde indépendance de notre pays.

Discours d’investiture à la Présidence, La Paz, 22 janvier 2006.

Ici, nous avons des représentants des mouvements sociaux, des chefs d’entreprise, des régions et des secteurs. Il est vrai, je tiens à le dire aux mouvements sociaux, que quinze ministères ne seront pas suffisants pour tous, mais ce seront quinze ou seize ministres qui exprimeront le sentiment, la pensée et la souffrance du peuple bolivien.

Nominations au Conseil des Ministres, La Paz, 23 janvier 2006.

Qu’il serait bon de voir réunis à l’occasion des fêtes patriotiques les forces armées et les mouvements sociaux, célébrant ensemble les anniversaires de la création des départements aussi bien que de la nation !

Nominations au Haut Commandement Militaire et de la Police, La Paz, 24 janvier 2006.

[…] les mouvements sociaux, oui ! Oh oui, il faut qu’ils soient présents dans l’Assemblée Constituante… Il faut qu’il y ait la plus grande participation possible des mouvements sociaux, du peuple bolivien, des territoires, il faut qu’il y ait la légitimité accompagnée de la légalité […]. Avec les mouvements sociaux, nous allons accomplir notre mission.

Évaluation du premier mois de gouvernement, La Paz, 22 février 2006.

Je suis certain que vous, comme des frères, comme des compagnons venus des mouvements sociaux de tous les secteurs, alors vous aurez comme objectif ce changement… Nous devons tous regarder dans la même direction, nous unir, nous qui venons fondamentalement des mouvements sociaux indigènes, autochtones et paysans, je ne parle pas seulement du MAS, du parti.

Installation de l’Assemblée Constituante, Sucre, 6 août 2006.

Nous arrivons au gouvernement avec une proposition […] de gouvernement discutée, débattue particulièrement avec les mouvements sociaux […].

Nous pouvons tous avoir le droit de vivre mieux ; mais, lorsque nous pensons à vivre mieux, nous sommes toujours influencés par certains intérêts, et, en retenant les propositions des mouvements sociaux, vivre bien prend une signification profonde, culturelle, philosophique, sociale.

Rapport sur la première année de gestion, La Paz, 22 janvier 2007.

En même temps que les mouvements sociaux sont présents dans les discours présidentiels, il y a la participation directe de dirigeants au Conseil des Ministres, comme expression de l’imbrication entre le gouvernement et les organisations sociales. Il y a divers exemples de cette relation, comme la nomi­nation au poste de ministre d’une dirigeante du syndicat des employées de maison, d’un représentant des coopératives minières, du princi­pal dirigeant des comités de quartiers de la ville d’El Alto, d’une responsable des fédérations de femmes paysannes et d’un représentant du corps des instituteurs. Ceci en marge de la présence de plusieurs dirigeants au Parlement et sur les bancs du MAS à l’Assemblée Constituante.

À la participation directe au pouvoir exécutif, s’ajoute l’évaluation de la politique gouvernemen­tale par les assemblées syndicales. De même, la formation d’une instance organique chargée d’articuler les relations entre le gouvernement et les mouvements sociaux accompagnant la création d’un vice-ministère chargé de la coordination avec les mouvements sociaux agit plutôt comme un bureau gouvernemental de résolution des conflits.

La première évaluation de la gestion gouverne­mentale — présentée par la presse comme une sorte « d’examen devant les mouvements sociaux » — s’est tenue au bout de six mois de gestion gouvernementale, avec la participation de dirigeants qui ont dénoncé les manquements aux promesses du gouvernement. À la fin de la première année de gouvernement, un événement public a été organisé pour présenter un “rapport parallèle” au rapport qu’Evo Morales présenté devant le Congrès national. Ce rapport parallèle a été « communiqué aux mouvements sociaux qui avaient été convoqués… sur la Place des Héros, dans une ambiance de fête »[6].

À cette occasion, l’idée de créer une instance de coordination comprenant le pouvoir exécutif, les élus du MAS au Parlement, les dirigeants des mouvements sociaux proches du gouvernement et les représentants du MAS à l’Assemblée Consti­tuante a été proposée. Suivant les propos d’Evo Morales : « ce sera comme un état-major du peuple où seront coordonnés les actions et les projets »[7]. Cette instance a été appelée “Coordinadora Nacio­nal por el Cambio” [Coordination nationale pour le changement] (CONALCAM) et était composée à son début de treize organisations sociales proches du MAS, comme les Confédérations de paysans et de colons (CIDOB, CONAMAQ et le Mouvement des Sans Terre), la Fédération des employées de maison, la Confédération des retraités et une organisation de chômeurs[8]. Plus tard, surtout en 2008, cette instance a réuni de multiples organisa­tions sociales et a pris une énorme importance dans les mobilisations en faveur de l’approbation du projet officiel de Nouvelle Constitution Politique de l’État.

D’un autre point de vue, les réunions d’évaluation peuvent se comprendre comme des réunions syndicales élargies qui se substituent aux congrès des partis et leur réalisation est une autre modalité de liaison qui permet au gouvernement de contenir les critiques adressées à son action et/ou de recevoir des revendications de manière contrôlée.

Ce type de lien entre le parti de gouvernement et ses alliés sociaux rend possible une réflexion sur les caractéristiques du MAS en tant que mouve­ment politique. Une facette de ce type de lien est la formation d’une « coalition instable » autour du MAS parce qu’elle permet d’évaluer les diverses relations entre le parti de gouvernement et les mouvements sociaux comme les cocaleros, les indigènes et les coopérateurs des mines.

Le mouvement cocalero possède une base syndicale dans les Fédérations de Paysans du Tropique du Département de Cochabamba. Il est à l’origine du MAS en tant « qu’instrument politi­que » du mouvement paysan. La réélection d’Evo Morales comme dirigeant principal des fédérations syndicales de cocaleros, bien qu’il assume égale­ment la présidence de la République, est une preuve de la symbiose entre le parti, le gouverne­ment et le mouvement social. De ce fait, le premier cercle de cette « coalition instable » est constitué par un lien entre le parti et des organisations syndi­cales qui partagent la même base sociale et les mêmes dirigeants. La présence de dirigeants cocaleros dans des charges municipales ou parle­mentaires a commencé en 1997, puis s’est accrue dans les années suivantes pour se déplacer ensuite au niveau du gouvernement central.

Un autre acteur important est le mouvement des coopératives minières regroupées dans une fédéra­tion nationale (FENCOMIN) qui a joué un rôle décisif dans la mobilisation électorale en faveur du MAS. La relation entre le gouvernement et ce secteur montre une certaine complexité, car FENCOMIN fut un allié inébranlable jusqu’en octobre 2006, lorsque se sont produits des affron­tements tragiques entre des coopérateurs et des travailleurs salariés de l’entreprise minière publi­que en raison d’un conflit portant sur l’exploitation d’un gisement d’étain. Deux organisations proches du parti du gouvernement ont désamorcé un conflit qui fut jugé par Evo Morales comme faisant partie d’une « conspiration interne et extérieure, menée par des secteurs conservateurs, qui s’opposent au processus de changement » et à propos des groupes sociaux en conflit, il indiqua qu’ils étaient « un instrument pour éviter de changer le modèle néo-libéral »[9]. De cette façon, en laissant de côté les particularités du conflit, le discours gouvernemen­tal évaluait la manière d’agir des mouvements sociaux à partir de leur articulation — ou de leur éloignement — au projet politique du MAS. La destitution d’un dirigeant du mouvement coopéra­tif, qui exerçait la charge de ministre des mines et de la métallurgie, et son remplacement par un représentant des travailleurs salariés a marqué pendant deux ans la mise à l’écart de la FENCOMIN. En outre, les coopérateurs rejetèrent une politique gouvernementale qui visait à appli­quer une augmentation d’impôts et à réactiver l’entreprise publique dans le secteur minier. Depuis, les relations entre ce secteur et le gouver­nement ont évolué entre négociations et revendica­tions et se sont apaisées par le retrait des coopéra­tives minières du champ d’application de l’augmentation de l’impôt et par la reconnaissance de leurs droits par la nouvelle Constitution.

Le mouvement paysan et indigène, en marge de ses liens avec le MAS, a agi de manière coordon­née au sein de l’Assemblée Constituante, sous la dénomination de Pacte d’unité. Cette instance a réuni la Confederacion Syndical Unica de Trabajadores Campesinos de Bolivie (CSUTCB), le Consejo Nacional de Ayllus y Markas del Qullasuyu (CONAMAQ), la Confederacion de Pueblos Indigenas de Bolivia (CIDOB), la Confederacion Sindical de Colonizadores de Bolivia (CSCB), la Federacion Nacional de Mujeres Campesinas de Bolivia – “Bartolina Sisa” (FMCB-BS), la Confederacion de Pueblos Etnicos de Santa Cruz (CPESC), la Confederacion de Pueblos Moxeños del Beni (CPEMB), le Movimiento Sin Tierra (MST) et l’Asamblea del Pueblo Guarani (APG). Paradoxalement, les orga­nisations syndicales du mouvement cocalero ne se sont pas ajoutées à cette liste. Le Pacte d’unité a présenté un projet de nouveau texte constitutionnel sous le titre de : « Pour un État plurinational et pour l’autodétermination des peuples et nations indigènes, autochtones et paysannes » qui fut repris par le MAS au titre de proposition officielle[10]. Au cours des travaux de l’Assemblée Constituante, certaines organisations membres du Pacte ont contesté les négociations entre le MAS et l’opposition. Elles ont rejeté l’inscription d’amendements au projet de Constitution, mais elles finirent par s’aligner sur les décisions du gouvernement. De la sorte, les relations entre les mouvements sociaux et le MAS ne peuvent pas être analysées selon l’antinomie conventionnelle : autonomie ou cooptation. Cependant, comme nous le verrons, au cours de l’année 2008, ces relations ont été notablement modifiées parce que la Coor­dination Nationale pour le Changement (CONALCAM) s’est transformée en une instance organisée qui a permis au MAS de contrôler les modalités d’action des organisations populaires, surtout dans les zones rurales.

Une “coalition instable” de mouvements sociaux ?

Le discours d’Evo Morales interpelle les mouvements sociaux pour qu’ils soient agents du « processus de changement » et références du travail gouvernemental. De cette manière, le MAS, ne représente pas seulement les mouvements sociaux, mais fait aussi partie d’une coalition d’acteurs politiques et sociaux qui se regroupent sous le leadership d’Evo Morales, devenu un facteur d’unification symbolique et un maître d’œuvre. Mais il s’agit d’une « coalition instable » parce que plusieurs mouvements sociaux forment la base d’appui organique permanente du MAS, comme les paysans cocaleros et les colons, alors que d’autres organisations ont été circonstanciellement alliées au parti du gouvernement, parmi lesquelles on remarque les coopératives minières et certains syndicats ouvriers. Dans certains cas, les organisations se sont inscrites dans la ligne officielle, mais sans entrer dans le cercle des alliés, ni faire partie de la base sociale soutenant le gouvernement, comme cela a été le cas de la Centrale Ouvrière Bolivienne et des secteurs de l’enseignement, qui ont avancé le principe de l’indépendance syndicale face au gouvernement en exercice ou bien certaines organisations indigènes — CONAMAQ et CIDOB — qui ont agi alternativement comme alliés ou comme groupes de pression, particulièrement dans l’Assemblée Constituante. C’est-à-dire que, dans la mesure où les demandes d’un mouvement social sont canalisées par le MAS, un lien fort et une participation stable à la coalition officielle s’établissent. Dans la mesure où il se produit une disjonction entre la demande sociale et la politique gouvernementale, le lien du mouvement social avec le MAS s’affaiblit ou est rompu momentanément. C’est pourquoi cette coalition présente des caractères d’instabilité : le type de relation entre le mouvement social et le parti de gouvernement change et cette relation dépend de la correspondance entre la demande sociale et les décisions gouvernementales. Ces caractéristiques ont été prédominantes jusqu’à la fin de travaux de l’Assemblée Constituante et ont acquis de nouvelles nuances lorsque l’opposition a déployé une série d’actions destinées à empêcher l’approbation de la nouvelle Constitution.

L’institutionnalisation des relations entre le gouvernement et les mouvements sociaux

Après l’approbation du projet de nouvelle Constitution par l’Assemblée Constituante, en décembre 2007, par un vote en faveur du pouvoir et le refus de l’opposition, la crise politique s’est intensifiée. La polarisation idéologique et les conflits sociaux ont divisé le pays entre régions soutenant le MAS — les départements des hautes terres — et des régions opposées à Evo Morales — les départements des terres basses — qui ont réclamé des autonomies départementales pour contrer la victoire du MAS à l’Assemblée Constituante. Pour empêcher l’approbation de la nouvelle Constitution, l’opposition parlementaire a fait traîner l’approbation de l’organisation d’un référendum constitutionnel. De son côté, l’opposition régionale — constituée par les autorités départementales et les mouvements civiques à caractère urbain a organisé des manifestations violentes. Face à cette situation, le MAS a renforcé la CONALCAM et l’a transformée en une organisation qui englobe l’ensemble des mouvements sociaux, sous la conduite du parti de gouvernement, plus précisément sous le leadership d’Evo Morales.

Comme nous l’avons vu, la CONALCAM est apparue à l’occasion de la fin de la première année de gestion gouvernementale, dans un événement organisé afin d’offrir aux mouvements sociaux le moyen de présenter un « rapport parallèle » au rapport présidentiel, présenté, lui, au Congrès national. Même si certaines sphères gouvernementales ont mentionné que la CONALCAM serait « au-dessus du Conseil des Ministres et même au-dessus des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire » et aurait « un niveau élevé de décision en matière politique, économique et sociale, dans le cadre du processus de changement »[11], son activité est restée intermittente et son rôle quasi-inexistant jusqu’à ce que le MAS décide d’achever le processus constituant par l’approbation de la nouvelle Constitution par voie référendaire. Au cours de l’année 2008, le caractère de la CONALCAM a changé puisqu’elle s’est étendue aux organisations qui faisaient partie du Pacte d’Unité et a élargi son mandat à toutes les organisations syndicales ou d’autres secteurs (cocaleros, universitaires, comités de quartier, corporations, retraités, étudiants, coopérateurs), y compris la centrale ouvrière bolivienne qui s’est associée à différentes actions entreprises avec l’accord tacite du gouvernement.

C’est en septembre et octobre 2008 que la CONALCAM a répondu aux manifestations de l’opposition par des mobilisations sociales — surtout de paysans et d’indigènes — et de marches massives de paysans, d’indigènes et de mineurs. Une marche s’est dirigée vers Santa Cruz, le siège de l’opposition régionale, prenant le risque d’affrontements fratricides. Ensuite, une autre mobilisation a avancé vers La Paz, siège du gouvernement, pour faire pression en vue d’obtenir l’organisation du référendum constitutionnel, en encerclant le Parlement. Ces deux actions furent contenues par le gouvernement grâce à l’intervention directe du président de la République.

La complexité de l’exercice du leadership d’Evo Morales a alors été mise en évidence parce que, dans ses rôles de président de la République et de chef du MAS, il s’est chargé de diriger deux réunions cruciales de la CONALCAM pour prendre des décisions. Dans ces assemblées syndicales, plusieurs positions ont été débattues en présence d’Evo Morales. Celui-ci a agi comme un modérateur dans les étapes décisives de l’un de ces débats qui dura environ vingt heures et qui a été retransmis en direct par une radio publique. En marge de ce que la ligne gouvernementale de négociation avec l’opposition imposait — en sens contraire des propositions de différents mouvements sociaux — il faut mettre en évidence que la décision présidentielle s’est nourrie de la logique des assemblées syndicales, que le débat a été diffusé au public et que, évidemment, les mesures ont été respectées par toutes les organisations syndicales participantes. C’est dire que le leadership d’Evo Morales s’est imposé non seulement par sa mise à disposition des ressources du pouvoir gouvernemental (sa condition de président de la République) et du pouvoir des organisations (sa condition de chef du MAS avec une capacité de contrôle de plusieurs fédérations syndicales), mais aussi parce qu’il a établi une interaction directe avec les organisations sociales qui n’étaient pas soumises au contrôle du parti ou du gouvernement. C’est-à-dire que la CONALCAM n’était pas un simple bras syndical du MAS, bien qu’elle ait agi comme un soutien politique du gouvernement, grâce à la présence du président de la République, qui a agi selon les codes du syndicalisme.

En somme, le leadership d’Evo Morales ne repose pas seulement sur la capacité de mobilisation de son organisation de parti, ni dans la disponibilité de ses bases électorales. La relation de son gouvernement avec les mouvements sociaux implique un échange permanent qui peu à peu, a revêtu diverses formes d’organisation. Celles-ci se sont adaptées aux exigences de la conjoncture politique et aux nécessités de la lutte  contre l’opposition parlementaire et régionale. Cela s’est produit ainsi entre 2006 et 2007 avec le Pacte d’Unité dans l’Assemblée Constituante et, depuis 2008, avec la CONALCAM. Dans le premier cas, avec un plus haut degré d’indépendance vis-à-vis de l’avis du gouvernement et une moindre capacité de mobilisation ; dans le second cas avec moins d’autonomie vis-à-vis du MAS et une plus grande force de mobilisation. Dans ces deux circonstances, le leadership d’Evo Morales repose de manière décisive sur les décisions finales d’un gouvernement qui se nourrit de l’apport des mouvements sociaux, mais ne se soumet pas à eux.

 

 

Notes:

* Sociologue, docteur en Sciences politiques, directeur du centre d’Études universitaires supérieures de l’Université Mayor de San Simon. Cochabamba, mai 2009.

Auteur de : El discurso del nacionalismo revolucionario (1985), Max Fernandez : la politica del silencio (1991), discurso y politica en Bolivia (1994), ¿ Ejemonias ? Democracia representativa y liderazgos locales (1997), Neopopulismo y democracia. Compadres y parinos en la politica boliviana (2002), Avatares. Ensayos sobre politica y sociedad (2003), Encrucijadas. Ensayos sobre democracia y reforma estatal en Bolivia (2007) et El movimiento antiglobalizacion en Bolivia (2008).

Texte aimablement traduit avec l’aide du Collectif de soutien à l’ALBA de Grenoble et de Véronique Morice.

[1] Cultivateurs de feuille de coca.

[2] Doug McAdam, John D. McCarthy et Mayer N. Zald, Movimientos sociales, perspectivas comparadas, ISTMO, Madrid et Mexico, 1999.

[3] Alberto Melucci, Accion colectiva, vida cotidiana y democracia, El Colegio de Mexico, Mexico, 1999.

[4] Alvaro García Linera, Marxa Chavez Leon et Patricia Costas Monje, Sociología de los movimientos sociales en Bolivia. Estructuras de movilizacion, repertorios culturales y accion politica, Oxfam-Diakonia, La Paz, 2004.

[5] Fernando Calderon et Alicia Szmukler, La política en las calles, Plural/CERES, La Paz, 2000.

[6] La Razon, 22 janvier 2007.

[7] El Deber, 22 janvier 2007.

[8] La Razon, 24 janvier 2007.

[9] Los tiempos, 7 octobre 2006.

[10] Asamblea Nacional de Organizaciones Indígenas, Originarias, Campesinas y de Colonizadores de Bolivia, « Por un Estado plurinacional y la autodeterminación de los pueblos y naciones indígenas, originarias y campesinas », La Paz, 2006, tiré à part.

[11] La Razon, 24 janvier 2007.