Patrice Jorland*
Peu de temps avant que Barack Hussein Obama ne le reconduise dans ses fonctions, Robert Gates accorda une interview à l’hebdomadaire Newsweek, qui débutait par la phrase suivante : « Je pense que le monde d’aujourd’hui est aussi complexe et, objectivement, plus dangereux qu’à aucun moment depuis que je suis entré à la CIA, il y a de cela 42 ans ». Le 22ème Secrétaire américain à la Défense devait préciser plus loin sa pensée : « La raison pour laquelle j’ai dit que le monde actuel est plus dangereux … est que les conséquences d‘un conflit, ou une attaque, seraient aujourd’hui loin d’être aussi cataclysmiques que si cela s’était produit avec l’Union soviétique, mais les risques d’un tel événement sont bien plus grands ».
Il est tentant d’ironiser sur l’honnêteté intellectuelle d’un analyste qui s’était fait une spécialité d’exagérer la puissance de l’URSS et donc du danger qu’elle représentait, d’un responsable qui avait proposé de bombarder le Nicaragua sandiniste et fut mêlé à l’Irangate, en même temps qu’il organisait le djihad antisoviétique en Afghanistan. Mais les choses étant devenues ce qu’elles sont, Robert Gates est considéré comme un « pragmatique » chargé de recoller les morceaux du Pentagone et, les médias étant ce qu’ils sont, sa vision de la situation internationale semble largement partagée, bien au-delà des États-Unis.
Parallaxe, amnésie et héritages
On ne peut cependant chercher à comprendre le monde présent sans revenir sur la situation désormais disparue et à laquelle pourtant on ne cesse de se reporter. Un système international existait, qui se définissait de façon inédite par la bipolarité, à savoir l’affrontement de deux superpuissances placées à la tête de deux blocs politiques, militaires, économiques et idéologiques. La dissymétrie était forte entre la puissance maritime, les États-Unis, qui était parvenue à tisser un réseau mondial d’alliances et de pactes régionaux lui permettant de disposer de bases, de points d’appui ou de relais sur tous les continents et, ainsi, de déployer ses flottes et ses capacités aéronavales de manière à encercler l’adversaire continental, l’Union soviétique, dont la puissance tenait à la continuité territoriale de son bloc, aux capacités de ses forces terrestres et à sa position de pivot de la masse eurasiatique. L’histoire de la guerre froide est celle de cet encerclement.
Si le système a perduré, c’est aussi parce que d’autres tendances et d’autres processus étaient en cours, que le concept de guerre froide dissimule : aspirations politiques et sociales dans les pays développés et volonté émancipatrice des peuples colonisés qui s’étaient exprimées pendant et au lendemain du deuxième conflit mondial, principes et procédures des Nations Unies, sans omettre, plus classiquement, les intérêts nationaux. À cet égard, la « doctrine Jdanov » était, dans son analyse de la situation internationale, sensiblement moins manichéenne que la « doctrine Truman ». Cette complexité du monde a tout à la fois nourri, freiné et rendu plus incertaine la guerre froide. Par ailleurs, la puissance continentale a consenti un gigantesque effort afin d’atteindre la parité nucléaire avec la puissance maritime, mais à partir d’une base économique, scientifique et technique nettement inférieure, ce qui a contribué en définitive à son épuisement.
L’effet égalisateur de la dissymétrie géo-politique, conforté par la parité nucléaire, a en quelque sorte gelé le rapport des forces sur le front principal — « paix impossible, guerre improba-ble », selon l’expression de Raymond Aron —, mais la parallaxe occidentale tend à effacer les guerres régulières et irrégulières qui ont également marqué cette époque. Certaines ont été parties prenantes de la guerre froide (Corée, Indochine), d’autres lui ont été articulées (Asie du sud) ou ont été affectées (guerre d’Algérie), voire déformées (Moyen-Orient), par elle. Ces conflits ont été souvent meurtriers (trois millions de morts au Vietnam, sans parler des effets durables des armes chimiques, un million lors de la guerre entre l’Irak et l’Iran), et tous les États de l’Asie des moussons, comme du Moyen-Orient, ont été ainsi plus ou moins directement concernés. Affirmer que l’ordre international de la guerre froide était stable est une contre-vérité qui, de toute évidence, permet d’entretenir la peur du temps présent et de justifier des politiques de puissance.
Les vainqueurs écrivent traditionnellement leur histoire, en même temps que celle des vaincus. Dans la mesure où les événements ne sont point si anciens, on reste pourtant frappé par l’amnésie sélective qui entoure des pans entiers de la guerre froide. Pour ne prendre qu’un aspect, la bipolarité induisait nécessairement de fortes pressions sur les membres de chacun des deux blocs antagoniques. Or, la vulgate veut que l’unité du camp oriental ait été forcée : interventions armées en Hongrie ou en Tchécoslovaquie, accomplies pour maintenir la continuité territoriale du bloc continental, amputée cependant par la rupture sino-soviétique. Cela est vrai, mais la « doctrine de la souveraineté limitée » n’a pas été inventée par Léonid Brejnev, puisqu’elle était déjà et fut largement pratiquée — du Guatemala à l’Iran, de l’Indonésie au Chili —, dans des espaces ainsi contraints de rester affiliés ou de s’affilier à l’Occident. Les gouvernements renversés n’envisageaient pourtant pas de changer de camp, ils étaient à la recherche d’une autonomie nationale ou, plus modestement encore, engagés dans des réformes intérieures. Si elle est sélective, cette amnésie n’est pas toujours partagée et les peuples concernés ont conservé le plus souvent la mémoire de ces événements. Cela veut dire que, de l’Iran à l’Amérique latine, les vainqueurs d’hier se retrouvent tôt ou tard face à un passé qui est également le leur et qui se révèle désormais à nu.
La pente naturelle, lorsqu’une période se clôt, est de croire que tout recommence en quelque sorte à neuf. C’est ignorer l’histoire : le passé n’est pas nécessairement passé, qui a labouré le réel. Lorsque la « troisième vague révolutionnaire » du XXème siècle, celle des années 1968-1975 qui, dans un certain sens, brisait l’encerclement de la puissance continentale par la puissance maritime — crise économique, révoltes dans les pays développés, échecs américains en Indochine, libération des colonies portugaises, exigence d’un nouvel ordre économique international — celle-ci a répondu par la relance de la guerre froide, en particulier sous la forme de guerres par procuration dites de « faible intensité », en Afghanistan, en Indochine, dans la Corne de l’Afrique, en Afrique subsaharienne et en Amérique latine. Certaines de ces campagnes ont fait retour, à la manière d’un boomerang, sous l’espèce notamment du djihadisme transfrontalier, Oussama Ben Laden étant bien l’enfant adultérin de Robert Gates. Mais cela peut remonter plus loin dans le temps. Les manuels d’histoire des lycéens français soulignent par exemple que la « décolonisation » britannique fut moins dramatique que celles des empires français, néerlandais ou portugais. Il est exact que les guerres de libération furent plus circonscrites, qui tournèrent à l’avantage politique et militaire de la métropole (Kenya, Malaisie). Outre le fait que les héritages de ces deux conflits restent compliqués, on oublie souvent que le divide ut imperes, la stratégie du diviser pour mieux régner dans laquelle les agents de Sa Gracieuse Majesté étaient passés maîtres, continue à peser lourd du fait des « partitions » de l’Irlande, de la Palestine mandataire, de l’empire des Indes et de Chypre.
Qu’est-ce qui a changé ?
La disparition du bloc continental en 1989 et l’explosion de l’URSS deux ans plus tard ont mis fin à la structure bipolaire et à l’affrontement « élargi » qui définissaient les relations internationales. La première conséquence a été la réduction territoriale, politique, et économique de l’autre super-puissance dont les positions perdues ont été immédiatement occupées par le camp victorieux. Si on donne au terme le sens de séisme, il n’est pas excessif de dire, avec Vladimir Poutine, que ce fut là « la plus grande catastrophe géopolitique » du siècle écoulé. Ses effets ne se firent pas uniquement sentir dans l’espace du vaincu, mais sur l’ensemble de la planète, du fait même du rôle joué par l’URSS. Pour ne prendre qu’un exemple, rarement évoqué, la disparition de cette dernière a contraint l’Inde à repenser sa grande stratégie, ce qui l’a conduit notamment à franchir le seuil nucléaire, entraînant du même coup le Pakistan dans cette voie. Comme la guerre froide opposait deux systèmes à vocation universelle, sa fin signifiait aussi l’extension horizontale de la sphère capitaliste (à l’espace nouvellement dégagé et aux pays auxquels le « socialisme réellement existant » offrait une marge d’autonomie) et, si l’on peut dire, verticale (aucun modèle alternatif pouvant servir de frein régulateur). Avec le nouvel essor des différents modes de transport, avec ce que l’on regroupe sous le sigle NTIC et avec la libéralisation des flux de marchandises, de capitaux et de personnes, c’est le quatrième pilier de la mondialisation. Dans toute sa diversité, le monde est désormais un, ce qui doit lui permettre de se réconcilier avec lui-même ; il s’aplanit, ce qui égalise les chances de chacun et de tous ; il n’est plus déchiré par les antagonismes du « court XXème siècle », ce qui doit conduire l’espèce humaine à réduire ses dépenses militaires, à s’atteler aux problèmes globaux de la pauvreté, de la santé, de la connaissance et de l’environnement.
Sans rejeter a priori cette vision d’une « mondialisation heureuse » que la fin de la guerre froide avait en fait entretenue, quatre autres données auraient dû retenir l’attention. Primo, l’ordre bipolaire avait tracé ce que Robert Gates appelle des « lignes rouges » que les deux super-puissances, d’un accord le plus souvent tacite, ne franchissaient pas. Privé de son rival, le vainqueur allait-il maintenir ces limites à son action ? Secundo, la guerre froide entre les deux blocs ayant été une « guerre simulée » conduite de façon ininterrompue par les états-majors, les industries de l’armement, les agences de renseignement et les officines de propagande, la césure entre temps de paix et temps de guerre s’était effacée, si bien, par exemple, que la guerre n’était plus déclarée lorsqu’elle devenait chaude dans telle ou telle partie du globe. Privé de son rival, le vainqueur allait-il revenir aux principes westphaliens reformulés par la Charte de l’ONU ? Or, tertio, la bipolarisation « avait bridé les appétits tout en fermant les espaces. Les flux sont redevenus libres, mais cette liberté, sans contrôle, a tôt fait de comporter de nouveaux dangers »[1]. Privé de son rival, que ferait le vainqueur pour réguler les flux ? Enfin, durant la phase de relance de la guerre froide, les États-Unis avaient entrepris une « révolution dans les affaires militaires » qui s’est poursuivie après la disparition de l’URSS et qui leur permet de prétendre remporter n’importe quel conflit conventionnel avec quelque puissance ou groupe de puissances que ce soit[2]. Privé de son rival, quel usage le vainqueur ferait-il de sa suprématie militaire ?
Il aurait également fallu réfléchir sur la nature des conflits armés, c’est-à-dire leurs mobiles, leurs espaces, leurs moyens et leurs acteurs. Cela aurait conduit à noter que les mobiles économiques n’avaient pas disparu du simple fait de la victoire du bloc occidental : les ressources restent plus que jamais des enjeux cruciaux, alors que la population s’accroît, que la pression sur le foncier et sur les disponibilités en eau augmente, que certaines ressources non renouvelables s’épuisent, que le mode de consommation américain est présenté comme l’idéal à atteindre. Bien au contraire, la réduction de l’URSS et le pillage de la Russie durant la décennie 1990 ont élargi et aiguisé les rivalités. Assurer que la chute du « socialisme réellement existant » marquait la fin des idéologies était inexact, ou pour le moins prématuré : le néo-libéralisme, les idéologies religieuses, les chauvinismes ne se sont pas dissous, cependant que les raisons objectives pouvant pousser à une transformation sociale n’ont pas disparu avec le « soviétisme »[3]. Si la sur-puissance militaire garantit aux États-Unis une forme d’immunité, elle incite les adversaires potentiels à recourir à d’autres formes d’affrontement, armées (conflits asymétriques, guerres irrégulières, « terrorisme ») ou non armées (attaques cybernétiques ou campagnes de déstabilisation médiatique, par exemple). Pour une série de raisons qu’il serait trop long de développer ici, les États ne sont plus les seuls protagonistes. Des acteurs sub-étatiques agissent à des échelles locales, nationales, régionales, voire transnationales ou internationales (milices, armées privées, groupements politico-religieux, organisations mafieuses, réseaux de trafiquants, etc.). Enfin, les espaces où se concentrait l’antagonisme ou qui étaient recouverts par celui-ci, ou encore ceux dont les tensions internes étaient vives, existent toujours : Asie du nord-est, Asie du sud et ses marges, Moyen-Orient, Corne de l’Afrique, région des Grands lacs africains, Amérique centrale. Le « rideau de fer » a certes disparu, mais le Caucase et l’Asie centrale ont été intégrés au « nouvel arc de crise » ou aux « nouveaux Balkans » dont parle Zbigniew Brzezinski[4].
Est-ce l’aube du XXIème siècle?
La rapidité extrême avec laquelle la guerre froide a pris fin a surpris la quasi totalité des analystes qui, ne pouvant dégager les lignes de force des relations internationales, se sont contentés de parler d’ « ère post-guerre froide », sans véritablement chercher à éclairer les articulations avec la « mondialisation » que l’on célébrait, à la même époque, avec un enthousiasme de plus en plus débridé.
Une donnée paraissait indiscutable, les États-Unis étaient désormais la puissance « hors de pair » ou encore « l’hyper puissance ». Trois options s’offraient à eux : la paix par l’empire, la paix par l’équilibre des puissances, la paix par la communauté internationale. Celle-ci, et de façon moins nette et plus limitée dans son extension, la deuxième option impliquaient la recherche concertée et tenace de solutions aux problèmes des zones de fracture, le refus d’imposer à la Russie une « paix carthaginoise », l’acceptation d’organisations régionales autonomes, la refonte des organisations internationales pour tenir compte des puissances émergentes, la promotion de l’ONU et de son système comme cadre d’élaboration du droit international, de solution aux problèmes régionaux et de réponse aux questions « globales » dont l’urgence devait être reconnue. En définitive, c’est la première qui a été retenue, les événements du 11 septembre constituant non point une discontinuité mais « l’occasion », selon le mot de Condoleezza Rice, d’amplifier et de systématiser des tendances fortes de l’administration Clinton. En bref, c’est au remodelage par la force du « nouvel arc de crise » que se consacrerait l’hyper-puissance, appliquant ici des décisions prises unilatéralement et agissant avec la collaboration d’alliés « volontaires ». Le bilan est désastreux : fiasco irakien, bourbier afghan, échecs au Liban, tensions avec l’Iran, incertitudes pakistanaises, anarchie somalienne, calvaire des Palestiniens. C’est à cela que la nouvelle administration américaine devra faire face, dans une conjoncture régionale particulièrement délicate s’agissant du Proche-Orient : fin du mandat de Mahmoud Abbas, élections en Israël, au Liban et en Iran, référendum en Irak sur l’accord de sécurité avec les États-Unis, successions prochaines en Égypte et en Arabie Séoudite. La précipitation serait dangereuse, mais l’inaction mortelle. Les résolutions de l’ONU sont connues, il convient de les appliquer, sans tabou ni censure. Les États-Unis ont la capacité de continuer à tout bloquer, mais ne peuvent rien résoudre seuls. L’approche doit être internationale, avec les États de la région, Syrie et Iran compris, avec les acteurs en présence, Hamas et Hezbollah compris, avec l’Union européenne, mais également avec les États membres et associés de l’Organisation du groupe de Shanghai.
Derrière ces problèmes brûlants se pose la question de l’instrument militaire, des alliances et dispositifs militaires, de la relance de la course aux armements, des armes de destruction massive. Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis ont poursuivi leur « révolution dans les affaires militaires », donné à l’OTAN de nouvelles responsabilités et de nouveaux horizons, élargi leur réseau de bases en direction des frontières russes, du Caucase et du Moyen-Orient, reconstitué la flotte du « commandement sud » (Amérique latine), créé le « commandement nord » (Amérique du nord) et « l’Africom » (Afrique), vidé le Traité de non-prolifération de son contenu en considérant que le problème ne résidait pas dans l’arme atomique mais dans la nature des États dotés ou susceptibles de l’être (accord nucléaire avec l’Inde en déni du TNP), cependant que des voix crient au retour de la guerre froide avec la Russie et que d’autres appellent à la constitution d’une « ligue des démocraties », incluant notamment le Japon, l’Inde et l’Australie, pour contrer l’émergence de la Chine.
Une troisième orientation est passée inaperçue, sans doute parce qu’elle est également le fait de certains des États membres de l’Union européenne. Comme indiqué plus haut, la césure entre temps de paix et temps de guerre a été effacée durant la guerre froide. Aujourd’hui, c’est celle existant entre aide au développement et interventions armées qui s’estompe, la meilleure preuve étant apportée par l’élargissement des responsabilités du « commandement sud » qui englobent désormais l’aide humanitaire et le développement. Plus nettement encore, l’Africom se définit comme un commandement inter-agences associant le Pentagone au département d’État et à l’USAID, l’Agence américaine pour le développement international, avec élargissement aux alliés « volontaires » de l’OTAN. Sous l’administration Bush, le déséquilibre a été creusé entre les moyens et les ressources accordés au bras militaire et ceux dévolus au bras civil. « Le nombre des juristes du département de la Défense dépasse celui de tout le corps diplomatique, il y a plus de musiciens dans les orchestres militaires que de diplomates américains et le budget 2008 du département de la Défense est plus de 24 fois supérieur aux budgets combinés du Département d’État et de l’USAID (750 milliards de dollars contre 31 milliards)[5]. Qui plus est, la « diplomatie transformationnelle », que Condoleezza Rice a promue depuis qu’elle est Secrétaire d’État, revient à créer un « corps expéditionnaire diplomatique » capable de travailler à la « construction des États » (State building) après ou concomitamment à des interventions militaires. Il va de soi que cette orientation associe les ONG et les sociétés privées de sécurité. Elle participe d’un discours sur la difficulté à sortir de sa situation le dernier milliard d’être humains encore plongé dans la misère, sans occupation du terrain et refonte politique[6].
Cela, alors que l’économie américaine et, de façon de plus en plus évidente, l’ensemble des économies développées sont emportées par la crise. Les risques sont indéniables, d’extension à l’ensemble des pays, de paupérisation massive, de distorsions sociales et territoriales accrues, d’affrontements, de modifications brutales des rapports de force internationaux. Toutefois, par sa nature systémique qui appelle à l’arrêt de la fuite en avant néo-libérale, et parce qu’elle est couplée à l’échec manifeste de l’expansion impériale des États-Unis, cette crise laisse entrevoir la possibilité d’un changement de cap. Le XXIème siècle pointe, qui ne peut être le retour aux politiques de rapports de force et d’alliances hostiles du XIXème. Loin d’être plate, la planète retrouve tout son relief, parce que le marché ne peut se substituer aux États et que les indépendances sont indispensables pour les autonomies productives et nécessaires aux interdépendances, parce que le monde n’est plus dominé par un quarteron de puissances occidentales et qu’il existe un ensemble de principes, d’institutions, de forces politiques et sociales en mesure de constituer une véritable communauté des nations. Il est vrai que les lueurs à l’horizon peuvent être celles de l’aube ou celles du crépuscule.
Notes:
* Historien – géographe.
[1] François Géré : « La nouvelle géopolitique, guerres et paix aujourd’hui », Larousse, 2005, p. 105.
[2] Il ne faut pas confondre la « défense anti-missiles », qui est un système non encore garanti devant assurer la suprématie nucléaire, et la « RMA » qui porte sur la guerre conventionnelle, en même temps que sur de nouvelles formes de combat (robotique, combattant bionique, etc.)
[3] On a eu tendance à croire que l’Europe était immunisée contre le chauvinisme, lequel sévirait sous ses formes ethniques, communautaires ou tribales dans le Tiers-monde. Les faits infirment cette assertion.
[4] À vrai dire, l’expression de « nouvel arc de crise » est également de Zbigniew Brzezinski qui l’utilisa à l’époque où il était le conseiller pour la sécurité nationale de Jimmy Carter, et en référence à l’« arc de crise » tracé par Dean Acheson, lequel englobait l’Asie orientale.
[5] J. Anthony Holmes : « Where Are the Civilians ? », Foreign Affairs, janvier – février 2009, pp. 148-160. Le chiffre du budget du Pentagone s’entend ici hors guerres d’Irak et d’Afghanistan.
[6] Paul Collier : « The Bottom Billion : Why the Poorest Countries Are Failing and What Can Be Done About it », OUP, 2008 et la critique de William Easterly : « Foreign Aid Goes Military ! », New York Review of Books, 4-17 décembre 2008, pp. 51-54.