Patrice Allard*
Les investissements directs à l’étranger (IDE) occupent une place centrale dans les politiques (libérales) proposées aux pays des Périphéries. Il est ainsi légitime de porter l’analyse sur les différentes questions que pose aujourd’hui leur emploi.
Que faut-il entendre par IDE ?
Ils peuvent prendre quatre formes :
– un transfert de fonds vers un pays d’accueil, dans le but de créer une nouvelle entreprise, avec ou sans la participation d’un capital local ;
– un même transfert dans le but de l’absorption (ou d’une fusion) d’une entreprise déjà existante ;
– le réinvestissement à l’étranger des profits d’une entreprise issue elle-même d’un IDE ;
– les autres transferts en capital affectant une entreprise issue d’un IDE, par exemple des prêts accordés par la société-mère étrangère ou des cessions d’actifs.
L’analyse n’est pas simple puisque deux logiques se croisent. Une création d’entreprise peut correspondre à un investissement net créateur de capacités nouvelles de production ou à une délocalisation, simple déplacement d’une capacité d’un pays à l’autre. Une opération de fusion ou d’absorption s’apparente, elle, à un mouvement de concentration du capital.
La mesure de ces IDE est souvent peu satisfaisante. D’une part, les IDE peuvent être saisis à partir des flux financiers retracés en balance des paiements ou par les déclarations ou les réponses à des enquêtes effectuées par les sociétés pratiquant ces investissements. Dans les deux cas, l’évaluation n’est pas simple et la mise en rapport des deux sources impossible. Ensuite la nature de la saisie effectuée peut n’avoir guère de sens. Les flux d’IDE peuvent ne pas s’arrêter à leur destination première ; les stocks d’IDE détenus peuvent n’avoir aucun sens eu égard à la question de la nationalité du capital. Enfin se pose la question de la valeur prise en compte à leur enregistrement, valeur comptable, valeur de marché. Dans les pays d’accueil, l’établissement d’un organisme public chargé de l’administration de ces investissements (par exemple l’Agence Nationale de Développement des Investissements, — ANDI — en Algérie) peut apporter plus de clarté. Cela suppose pourtant que soient résolues les questions de datation (à quelle date est saisie l’opération, celle de la décision, du transfert ou de la mise en oeuvre effective ?) et d’un contrôle efficace assurant la transparence la plus complète.
La question des IDE se pose aujourd’hui en Afrique de manière spécifique
Depuis l’année 2000, les IDE reçus par le continent africain ont atteint des niveaux plus élevés (18,1 milliards de dollars en 2004 et 36 milliards en 2006) qu’ils ne l’étaient au cours des années 1990 (6,2 milliards en moyenne)[1]. Ce même mouvement est également observé en Afrique du Nord où le montant des IDE entrants passe d’une moyenne de 1,8 milliard de dollars au cours de la décennie 1990 à 4,4 en 2003 et 23 en 2006. Toutefois, dans l’ensemble mondial, ces flux ne représentent qu’une fraction négligeable (en 2003, 0,8 % du total des IDE entrants pour l’Afrique du Nord et 2,7 % pour l’ensemble de l’Afrique[2]). De ces chiffres, ce sont les progrès enregistrés qui sont surtout retenus. Ainsi, en Algérie, suivant l’ANDI, les flux d’IDE entrants sont passés de 1,2 milliard de dollars en 2003, à 1,5 en 2004 et 1,9 en 2005[3]. Une vision optimiste tend donc à s’installer.
L’optimisme, né de ce nouveau climat, n’exclut pas l’ambiguïté
En Algérie, cet optimisme s’exprime dans des prévisions heureuses. Au cours des cinq prochaines années, le pays pourrait recevoir 8 milliards de dollars d’IDE dans ses activités pétrolières et 6 à 7 milliards dans l’industrie où ils pourraient créer 190 000 emplois[4]. Toutefois cet optimisme s’oppose aussi aux regrets maintes fois répétés par les responsables algériens concernant la faiblesse de ces IDE, et notamment ceux venus de France, en dépit des efforts faits pour rendre le pays « attractif ». L’ambiguïté de ces deux discours surprend. Ne trouve-t-elle pas sa source dans une confiance excessive placée dans les IDE ? Ceux-ci sont-ils effectivement capables d’être à la fois source d’une croissance économique rapide et créatrice d’emploi ? Une telle croyance n’est-elle pas exagérée ? Nous envisageons donc ici de revisiter cette question à la lumière de ses développements récents.
Il s’agira d’abord d’évoquer ce qu’il faut bien appeler une période de folie des investissements directs, période au cours de laquelle ils apparurent comme une panacée, et qui fit oublier une question pourtant essentielle : à quoi peuvent donc servir les IDE dans un pays en développement ? Les justifications des avantages apportés par les IDE suffisent-ils pour justifier le fait que de trop nombreux pays en développement ont privilégié, dans leurs politiques de développement, la politique d’attraction des investisseurs étrangers ? Que dire alors des désillusions qui suivirent et dont la CNUCED[5] dresse un bilan dont nous reprendrons ici les principaux éléments.
Ne serait-il pas le temps de revenir au bon sens ? Tel sera l’objet d’une seconde partie au sein de laquelle nous souhaitons reposer la question de la convergence des intérêts de la grande firme internationale avec ceux de la « jeune nation » en développement, avant que d’essayer de dégager des leçons de quelques expériences qui nous paraissent significatives.
1 – La “folie” des investissements directs à l’étranger
Jusqu’à des dates récentes, les IDE pouvaient apparaître dans les pays des Sud comme le remède miracle, la solution permettant de renouer avec une croissance forte, étape initiale ouvrant la voie au développement. L’extension au niveau mondial de ces flux d’IDE paraissait le confirmer.
Flux d’IDE entrant (en milliards de $ courants)
Moyenne 1970-79 | Moyenne 1980-89 | Moyenne 1990-99 | Moyenne 2000-03 | Moyenne 2003-05 | |
Montant | 24,1 | 93,9 | 401,0 | 861,0 | 750,8 |
Part des PVD en % | 25,3 | 22,7 | 30,4 | 24,8 | 27,8 |
Source : CNUCED
Certes la répartition de ces flux entre le Nord et le Sud restait inégalitaire et ne reflétait nullement des situations d’abondance ou de rareté des capitaux. Il semblait possible de corriger cette situation en rendant attractifs aux investisseurs les pays des Suds. Les autorités politiques de ces pays furent donc invitées à mettre en oeuvre des politiques allant dans ce sens, avec plus ou moins de bonheur.
Cette réorientation complète de l’action des pouvoirs publics en matière de développement avait également le mérite d’être parfaitement compatible avec le cadre libéral imposé par les institutions financières internationales et les pays des Centres.
Comment peut s’expliquer un ralliement aussi massif des pays des Suds à cette conception ?
1.1 – Des justifications
a – Pour certains pays, on ne peut pas parler de choix, mais de nécessité.
C’est le cas pour un certain nombre de Pays les Moins Avancés (PMA). Pour ces pays, la convergence d’un endettement tel qu’il n’existe plus de possibilité d’emprunt sur les marchés internationaux et d’une réduction lente mais continue des flux d’aide fait que les IDE apparaissent comme la seule voie d’accès à des financements en devises.
C’est aussi un cas fréquent pour les pays à revenu intermédiaire, spécialement en Amérique latine. Pour ces pays, la convergence de l’obligation de faire face à un service de la dette conséquent et d’assumer les conditions exigées par les institutions financières internationales pour restructurer la dette, ainsi que de la nécessité d’assurer les importations requises pour maintenir une croissance acceptable, est à l’origine d’une alternative simple, posée par la nécessité d’équilibrer la balance extérieure (s’endetter davantage ou recevoir des capitaux).
Les IDE sont donc, là, une nécessité pour l’équilibre extérieur.
b – Les IDE ne manquent pas d’arguments pour justifier leurs avantages
Sur le plan de l’économie des firmes, l’entreprise transnationale supporte un coût supplémentaire : le coût de sa transnationalisation ; sa rentabilité égale ou supérieure à la moyenne s’explique par les avantages techniques, commerciaux ou autres dont elle dispose. Elle est donc en position supérieure par rapport aux entreprises locales. Elle constitue, pour le pays d’accueil, le moyen le plus rapide et le moins coûteux d’accéder “aux normes de l’entreprise optimale”.
Quelles sont ces “normes d’entreprise optimale” ? : l’efficience technique, des compétences en matière de gestion et commercialisation, l’efficacité du capital productif.
Le pays d’accueil peut alors espérer le transfert de ces normes par diffusion au sein du tissu économique local. Sous l’aiguillon de la concurrence, cette diffusion serait spontanée.
Il en résulterait un mécanisme de progrès automatique pour le pays d’accueil. Par suite, sa politique économique peut donc se limiter à l’attraction des IDE.
Pour l’ensemble de l’économie du pays d’accueil, les IDE et la création d’entreprises “aux normes optimales” peuvent, à court terme engendrer des exportations supplémentaires correspondant à des entrées de devises et créer des emplois.
Sur la moyenne période, la diffusion “des normes optimales” pourrait :
– assurer la mise en place de processus dynamiques de croissance, de type : gain de productivité ––> hausse des rémunérations ––> essor de la demande intérieure et de la production ; ou bien du type : accroissement des exportations ––> hausse des profits ––> hausse de l’investissement ;
– permettre, par les relations établies entre filiales étrangères et firmes locales, une diversification des activités et des exportations ;
– permettre des transferts de technologie au profit des mêmes firmes locales.
Ces arguments en faveur des avantages des IDE semblent pertinents. Ils ont toutefois la faiblesse de ne tenir aucun compte des spécificités qui séparent le pays de départ, en général un pays des Centres, et le pays d’accueil, ici un pays des Périphéries. Ainsi sont ignorées les inégalités de dimension et de pouvoir des économies et de leurs agents, de niveau d’intégration des activités économiques, d’efficacité de leurs institutions.
Il n’est donc pas surprenant qu’une certaine désillusion s’inscrive au bilan d’une période de « folie des IDE ».
1.2 – Les désillusions
Ce sont les Organisations internationales qui, peu à peu, en sont venues à un désenchantement tant les promesses ne concordaient pas toujours et partout avec les résultats observés. Ce désenchantement s’est traduit d’abord par une attention renouvelée “aux marges de manœuvre” laissées aux politiques nationales[6]. Cette position contrastait fort avec le dogme de l’unique politique d’attraction des IDE. Ce désenchantement conduit peu à peu à un changement plus radical. Le rapport de la CNUCED sur le développement en Afrique porte un regard plus critique sur les avantages et inconvénients des IDE : si ces avantages existent, ces investissements peuvent aussi comporter des inconvénients dont l’ampleur peut dépasser les avantages retirés. Différents constats issus de l’observation de telles balances avantages / inconvénients ont été faits. Ils sont résumés ci-après.
a – Deux remarques préliminaires
Deux types d’IDE méritent d’être distingués : les investissements créateurs de nouvelles capacités de production et les fusions – acquisitions portant sur des entreprises locales déjà existantes. Les effets bénéfiques attendus des seconds seront, bien entendu, moindres. Si l’opération s’intègre dans une logique purement financière ou de réduction de la concurrence, ils seront inexistants.
Si nous suivons cette distinction, le Maghreb offre une situation contrastée.
Part des investissements de type fusions / acquisitions dans le total des IDE en %
Moyenne annuelle
1995-99 |
2002 | 2003 | Ensemble 1995-2003 | |
Algérie | 2,7 | 0,0 | 0,5 | 3,5 |
Maroc | 20,5 | 9,7 | 71,2 | 48,1 |
Tunisie | 22,4 | 24,0 | 0,0 | 21,6 |
Source : CNUCED
La possible instabilité (ou “volatilité” selon la CNUCED) doit aussi être signalée. À priori, cette instabilité est un risque d’autant plus important que l’activité est peu capitalistique et que l’investisseur a accès aux techniques nouvelles de la globalisation financière qui accélère la mobilité des actifs financiers.
Au Mexique, cette question a été soulevée par les activités maquiladoras qui, après avoir connu un essor remarqué (création de plus de 3 millions d’emplois), ont vu, dans la période de basse conjoncture de la fin des années 90, se perdre près de 700 000 emplois.
La question se pose principalement au Maghreb du fait des IDE correspondant à des délocalisations d’activités basées précédemment en Europe. Il semble permis de craindre une plus grande instabilité de ce type de délocalisation pour trois raisons. Pour les filiales constituées à partir du déplacement d’activité initialement situées à l’étranger, les sociétés-mères ont déjà fait la preuve de la capacité de mobilité de leurs actifs. Liées pour leurs débouchés au marché européen, elles en subissent les aléas et retransmettent la conjoncture (une partie des pertes d’emploi des maquiladoras s’explique par la basse conjoncture du marché américain). Elles sont soumises au risque de voir apparaître ailleurs d’autres opportunités plus avantageuses (par exemple, l’effet de “l’invasion” des textiles chinois en Europe sur les activités textiles en Tunisie), un tel risque peut être amplifié par la modification de la réglementation commerciale internationale (par exemple le “désarmement” de l’accord multifibre).
Qu’en est-il de l’accueil au Maghreb d’IDE correspondant à de telles délocalisations ? Par l’observation des déclarations d’investissement saisies par le réseau des agences de promotion des investissements euro-méditérranéens[7], sur la période allant du 1er janvier 2003 au début du mois d’avril 2006, il est possible d’enregistrer les résultats porté dans le tableau ci-dessous.
IDE et délocalisations
Nombre total d’observations |
Nombre d’IDE de création |
Part de la délocalisation dans les IDE de création | |
Algérie |
157 | 48 | 0 |
Maroc | 237 | 104 | 24,0 |
Tunisie | 111 | 66 | 22,7 |
Il convient de signaler que la mesure est grossière et, par suite, à considérer avec prudence : ne sont retenus que les IDE de création enregistrés comme tels et les IDE de délocalisation avoués. Nous pouvons simplement retenir que les IDE de délocalisation pourraient représentaient de l’ordre de 20 à 25 % des IDE de création reçus au Maroc ou en Tunisie.
Ces remarques préliminaires établies, il nous faut maintenant dégager quelques résultats de l’observation des effets de l’IDE en Afrique.
b – IDE et création d’emplois
Est-il juste d’affirmer que les IDE créent des emplois ? À priori oui, les seules réserves ne pouvant venir que des activités fortement capitalistiques (par exemple dans les activités extractives), par nature peu créatrices d’emploi. Pourtant, dans le cas de l’Afrique, différentes études[8] (reprises par la CNUCED) débouchent sur des constats différents que nous pouvons résumer.
Dans les pays à faible revenu, les IDE n’ont eu aucun effet sur l’emploi, pas plus que les salaires distribués par les filiales issues de ces IDE, que l’on pouvait penser être plus élevés que les salaires moyens nationaux, n’ont empêché la pauvreté de s’étendre. Dans les pays à revenu intermédiaire, les IDE « ont eu un effet positif moins fort que les investissements nationaux d’un montant comparable »[9].
Il est enfin possible d’ajouter que lorsque les IDE prennent la forme de fusion-acquisition d’entreprises locales, ils ont tendance à être destructeurs d’emplois plutôt que créateurs[10].
c – IDE et amélioration des balances extérieures
Si les IDE sont source de nouvelles exportations, ils induisent également des importations additionnelles. La balance entre les deux effets est, bien entendu, variable suivant la nature de l’activité concernée et ne pourrait donc être analysée que cas par cas. Tout au plus, doit-on ajouter que plus cette activité n’ajoute qu’une faible valeur ajoutée dans la production, plus l’écart entre ces deux effets est restreint.
Cependant, les effets des IDE ne se limitent pas qu’aux mouvements de marchandises, il faut également tenir compte des rapatriements de bénéfices[11].
Cumul des flux d’IDE et rapatriements de bénéfices 1995-2003 (millions de dollars et %)
Algérie | Égypte | Maroc | Tunisie | |
Apport total d’IDE | 4 871 | 6 895 | 9 626 | 4 387 |
Total bénéfices rapatriés | 1 895 | 866 | 2 449 | 3 516 |
Rapport bénéfices / IDE (en %) | 38,9 | 12,6 | 25,4 | 80,1 |
Source : CNUCED
Comme le montre le tableau ci-dessus, les résultats obtenus au Maghreb sont très contrastés, le cas de l’Égypte s’opposant largement à celui de la Tunisie. Pourtant ces rapatriements sont loin d’être négligeables et le risque, sur une période plus longue, de voir le montant des bénéfices rapatriés être supérieur à celui des IDE entrants ne peut être écarté. Sur la période 1995-2003, en chiffres cumulés, c’est le cas en Afrique du Botswana, du Congo, du Gabon, de la Guinée, du Mali, du Nigeria et du Swaziland.
Pour ces raisons, il est permis de douter de l’automaticité des effets rééquilibrants des IDE dans les pays d’accueil.
d – IDE et transferts de technologie ou de savoir-faire
La diffusion des “normes de l’entreprise optimale” est attendue des effets d’imitation liés à la concurrence qui peuvent concerner les firmes locales, de la rotation de la main d’œuvre d’une filiale étrangère à une entreprise locale et de l’établissement de liens verticaux entre la filiale et des fournisseurs ou clients locaux.
Ce mécanisme heureux suppose que les entreprises locales ne soient pas handicapées par la politique de la filiale étrangère réduisant au maximum ses échanges avec les entreprises locales (cas des enclaves), par leur taille ou des défaillances du marché et qu’elles aient accès à des outils de production adaptés.
À partir de différents travaux[12], la CNUCED juge sévèrement les effets possibles de ces transferts : « L’accent démesuré mis sur les gains d’efficacité conduit, généralement, pour de multiples raisons, à surestimer l’ampleur des retombées positives de l’IDE et à en sous-estimer les coûts possibles… globalement, et compte tenu des différentes méthodes employées, les données sur les effets positifs de l’IDE sont mitigées, mais cela n’est guère manifeste dans les pays à faible revenus ».
Les transferts de technologie constituent un cas particulier. Leur existence suppose que soient réunies dans le pays d’accueil les conditions qui permettent l’absorption des technologies nouvelles. Un effet positif réclame que soient réunies, au préalable, ces conditions, ou bien il ne se produira pas. Elle suppose aussi l’acceptation, par la société étrangère de cette diffusion.
Si les discours sont souvent favorables à de tels transferts, le non-dit de ces discours existe. La crainte de voir ces transferts déboucher sur la venue de nouveaux compétiteurs reste présente. On peut noter, ici, les mesures particulières, prises en Chine, par les investisseurs occidentaux pour limiter au maximum les fuites technologiques. Ces investisseurs disposent par ailleurs de moyens pour préserver leurs avancées technologiques. Par exemple, dans le cas de productions essaimées sur plusieurs pays, la fourniture aux filiales étrangères de demi-produits de haute technologie limite de beaucoup les compétences requises pour assurer les tâches de ces filiales et restreint les transferts.
Cela ne veut pas dire que les transferts ne soient pas possibles, des exemples existent. Le plus connu est, sans doute, celui de ST Micro-electronics qui a confié à sa filiale marocaine la tâche de participer à l’élaboration de certains de ses produits, preuve que les transferts ont été opérés et de solides compétences acquises[13].
Toutefois, il convient de souligner l’aspect marginal de ces exemples : certes les FTN entreprennent aussi de délocaliser certaines activités de recherche-développement, mais cela ne concerne effectivement que fort peu de pays des Suds, Chine, Inde, Singapour, Brésil.
e – IDE et effets d’entraînement
Ils sont à la base des dynamiques vertueuses évoquées précédemment. Nous pouvons rappeler que des effets d’entraînement ne sont possibles qu’aux conditions de :
L’acceptation par la filiale étrangère de nouer des relations d’échange avec des partenaires locaux, ce qui dépend des attentes de celle-ci en matière d’essor du marché national ;
De partenaires locaux en situation de répondre aux besoins de cette filiale, ce qui implique localement des chefs d’entreprise faisant le pari de la durabilité de ces relations et prêts à investir en conséquence (ce qui implique un risque que seule l’action de l’État permettrait de réduire).
Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, les IDE n’auront pas d’effets de ce type. Cette situation est fréquente dans le cas de l’implantation de sociétés minières en Afrique subsaharienne. On parle alors d’économie « d’enclave ». La mise en place de nombreuses zones franches dans les pays en développement conduit à des interrogations du même genre : une zone franche entretient-elle automatiquement des relations dynamiques avec son environnement ?
Enfin, l’existence de tels effets d’entraînement, s’ils assurent des dynamiques de croissance, n’ont pas forcément la capacité de déboucher sur une diversification des activités. Il y a donc là encore un champ d’action ouvert pour une politique économique menée par le pays d’accueil.
Cette longue liste, du reste inachevée, des inconvénients qui peuvent résulter des IDE et compromettre les avantages que peut espérer obtenir le pays d’accueil, souligne l’urgence de sortir de la logique du progrès automatique. Il convient ici d’en revenir au bon sens.
2 – Le retour au bon sens
La décision d’investir de l’entreprise étrangère s’inscrit dans une stratégie spécifique dans laquelle l’investisseur se propose de défendre ses intérêts sur un horizon de temps plus ou moins long. En théorie, les perspectives du pays d’accueil se dessinent sur un autre horizon de temps et convergent vers un but principal, le développement.
Les intérêts de l’un et de l’autre peuvent être vus de manière convergente : le succès de l’investisseur profite au pays d’accueil. Pourtant cette convergence n’a rien d’automatique. Les intérêts des deux parties peuvent diverger ou même s’opposer. Examiner la compatibilité des stratégies d’entreprises étrangères et du développement du pays d’accueil reste ainsi une question essentielle sur laquelle nous souhaitons revenir tout d’abord.
2.1 – Quelle compatibilité entre les intérêts de la firme étrangère et ceux du pays d’accueil ?
Du fait de leur origine, les stratégies des firmes étrangères sont nécessairement influencées par des contraintes ou évolutions structurelles propres aux pays des Centres qui affectent leurs perspectives à long terme. Nous nous proposons de les évoquer à titre de préliminaire.
a – Préliminaire
* La concentration
Nous connaissons aujourd’hui, dans un contexte de circulation toujours plus libre des marchandises et de mobilité accrue des capitaux, un mouvement de concentration des entreprises devenu plus intense. Cela se traduit par l’accroissement du nombre des firmes transnationales (FTN), dont l’illustration la plus directe est l’apparition de FTN issues des Périphéries[14],
le renforcement des dimensions des plus puissantes dont la production ou le chiffre d’affaires peut constituer un multiple du produit intérieur d’un pays en développement.
Ceci concerne les pays du sud recevant des IDE par le fait que les asymétries entre l’investisseur et le pays se trouvent renforcées[15]. L’incertitude supportée par le pays d’accueil s’en trouve également accrue : l’identité de la société-mère d’une filiale est connue aujourd’hui mais qu’en sera-t-il demain ? De même la stratégie de l’investisseur, connue aujourd’hui, sera-t-elle conservée demain, si la concentration élargit l’espace sur lequel elle se construit ?
** La financiarisation (le “short termisme”)
La pression des marchés financiers sur les firmes au Nord cache mal le pouvoir pris par les actionnaires à travers le rendement attendu/exigé par les détenteurs de titres financiers. Cette pression débouche sur un cycle infernal :
lorsque l’entreprise atteint ses objectifs ou les dépasse, alors la valeur de ses titres s’accroît. Par conséquent, pour atteindre le même rendement de son titre elle doit augmenter la valeur absolue de ses dividendes.
Ceci conduit à deux conséquences ayant des effets sur les pays d’accueil des filiales à l’étranger de ces firmes :
– l’exigence de rendement économique élevé pesant sur les filiales, accompagné par la tendance à privilégier le rapatriement des bénéfices,
– l’importance prise par le court terme dans les anticipations des entrepreneurs peut avoir pour conséquence la priorité accordée au rendement financier (donc aux bénéfices rapatriés) plutôt qu’à l’investissement de ces bénéfices. (La réponse aux attentes immédiates du marché financier est déterminante — faute de quoi l’entreprise est exclue de ce marché. Les variables de court terme l’emportent alors sur les perspectives de moyen terme, dont les investissements).
*** La question des hydrocarbures
Nous connaissons bien les aspects géopolitiques de la question. Ils traduisent une inquiétude sur le long terme qui peut être résumée en deux propositions. D’abord, au rythme actuel de consommation, un décrochement entre les capacités de production et les besoins énergétiques mondiaux est inéluctable (peak oil). Ensuite, les délais nécessaires à la possible mise au point de nouvelles énergies seront sans doute longs.
Il en résulte une abondance d’IDE liés à l’exploration ou à l’exploitation de ressources pétrolières ou gazières en Afrique. La conséquence possible de cet afflux peut être l’enfermement des pays d’accueil dans une position caractéristique de pays exportateur de pétrole au sein de la division internationale du travail.
En reprenant les déclarations d’investissement saisies par le réseau ANIMA sur la période du 1er janvier 2003 à avril 2006, les projets pétroliers ou gaziers — exploration ou exploitation — concernent :
Pays | Projets hydrocarbures | Total des projets |
Algérie | 21 | 157 |
Maroc | 11 | 237 |
Tunisie | 15 | 111 |
Ces préliminaires signalés, il convient d’examiner les compatibilités entre les stratégies des investisseurs étrangers et les objectifs de développement du pays d’accueil. Les stratégies des firmes mériteraient une étude cas par cas, aussi est-ce à partir d’une réduction rudimentaire que nous évoquerons deux types de stratégie des firmes.
b – Les stratégies des firmes d’activité primaire
* Le but premier de la firme est ici d’avoir accès à la ressource et d’en assurer l’exploitation à un coût acceptable et à un rythme satisfaisant la demande. À priori les intérêts des deux parties s’accordent pourvu que le volume de la production assure à l’un un profit élevé et, à l’autre, un maximum de recettes d’exportation et de rentrées fiscales (qui sont pour le pays d’accueil les avantages principaux attendus). Cela n’exclut pas le risque d’une opposition d’intérêt au sujet du niveau des prélèvements fiscaux.qui devrait être un moyen de financement du développement. En est-il bien ainsi ?
Les recettes fiscales sont généralement constituées d’une redevance frappant la production et l’impôt sur les bénéfices. D’une part, lorsque la production porte sur un produit dont les prix sont volatils, l’impôt sur les sociétés peut engendrer des recettes décevantes, du fait des pratiques de report des pertes. En période de faibles prix, la firme d’activités primaires subit des pertes d’exercice et le pays ne bénéficie d’aucune rentrée fiscale. En période de prix augmentant le report des pertes diminue les rentrées fiscales que le pays est en droit d’attendre ; il sert les intérêts de la firme en écrêtant les mouvements de prix. D’autre part, les politiques d’attraction des investisseurs et des incitations fiscales qui les accompagnent ou les complètent peuvent conduire à une course au moins disant fiscal.
L’exemple du Ghana est, ici, particulièrement significatif. Dans le souci de stimuler la production des six sociétés minières exploitant des gisements aurifères, le pays a conduit une politique d’incitation fiscale. La production n’a pas varié, les recettes des exploitants passant d’une moyenne annuelle de 890 millions de dollars sur la période 1997-2002 à 893,6 millions en 2003. Les recettes fiscales sont, elles, passées de 86,9 millions de dollars à 46,7.
Dans le cas où la firme exploite un gisement, l’horizon de temps d’exploitation du gisement doit être mis en rapport avec l’horizon de temps du développement (à l’épuisement du gisement, la ressource fiscale disparaît). La compagnie étrangère dispose, à la fois, de l’information relative au rythme de sa production et de celle évaluant le stock en terre. Ne soyons pas étonnés si le pays d’accueil rencontre, là, une certaine opacité. Si on ajoute à cela l’effet bien connu des fluctuations de cours des produits primaires, nous conviendrons que la tâche du pays d’accueil n’est pas simple.
** Lorsque la stratégie de la firme d’activité primaire s’inscrit dans une chaîne de valeur ajoutée allant du produit brut au demi-produit ou au produit fini, ce qui est fréquent pour les produits agricoles tropicaux, d’autres difficultés apparaissent. La stratégie souvent mise en œuvre par les FTN consiste à occuper le plus largement possible les maillons de cette chaîne, d’un achat à l’agriculteur à la livraison au transformateur final. Cette stratégie s’oppose bien évidemment aux politiques de valorisation que mènent certains pays en développement.
*** Il convient, enfin, de ne pas oublier les risques d’opposition résultant du comportement rentier de la firme qui se manifeste par la préférence du profit immédiat pour la firme, au détriment de l’investissement. Ce sujet est bien connu.
c – Les stratégies des firmes industrielles Deux aspects de ces stratégies sont, ici, à examiner.
La stratégie de segmentation de la production (et, aujourd’hui, des activités connexes de service qui l’accompagne) permet à la firme par la délocalisation de certains de ces segments de profiter ainsi d’une division internationale du travail interne à la firme.
La stratégie fréquente dans les activités de haute technologie de concurrence par l’innovation qui conduit la firme à rechercher à protéger tout particulièrement 1/ ses avancées et son savoir-faire, 2/ sa capacité à innover.
Dans ces deux cas la question de la convergence des intérêts de la firme et ceux du pays d’accueil se pose.
Dans le premier, le souci d’intégration de la filiale locale dans le tissu industriel du pays s’oppose à l’exigence d’intégration de cette filiale dans le réseau de la société-mère ; de ce fait, les oppositions entre intégration interne et intégration externe retrouvent tout leur sens.
Dans le second cas, les barrières à la transmission de technologie, au savoir-faire, qui constituent pour l’entreprise étrangère des barrières à l’entrée à l’égard de ses concurrents, s’opposent aux transferts de technologie attendus de ces IDE par le pays d’accueil.
À ces objections, la réponse habituelle est la diffusion. Nous avons eu l’occasion de l’évoquer plus haut (1.2).
Il convient, cependant, de relever que, dans le cadre des activités proprement industrielles, les intérêts de la firme étrangère et ceux du pays d’accueil peuvent également diverger du fait des effets induits — pervers — exercés par la présence de la (ou des) filiale étrangère sur le tissu industriel local.
Il s’agit, ici, des effets d’éviction exercés par la filiale étrangère. Cette éviction peut passer par la concurrence pour les entreprises locales ayant la même activité. Elle peut concerner toutes les entreprises lorsqu’elle s’opère par la compétition pour l’accès aux facteurs de production. Elle porte alors sur la main d’œuvre qualifiée du fait du caractère attractif des emplois proposés par la filiale. Elle porte également sur l’accès au crédit bancaire. La filiale, par la garantie offerte par sa société-mère, peut devenir client préférentiel au détriment des entreprises locales. Ce risque est encore aggravé lorsque le tissu bancaire local comprend lui-même des filiales bancaires étrangères.
Dans chacun de ces cas, la compatibilité des intérêts ne peut dépendre que de l’action des autorités du pays d’accueil.
d – Les risques d’une « course à l’abîme »
Lorsque la politique des autorités rentre dans la logique de l’attraction à tout prix des IDE, les risques de surenchère d’un pays à l’autre se présentent. La CNUCED dénonce cet engrenage en parlant de « course à l’abîme ».
D’une part, il s’agit d’une course aux allègements fiscaux, mais aussi aux incitations sous forme d’aménagement d’infrastructures ou autres[16]. Dans de telles conditions, les retombées immédiates sont faibles, et les coûts supportés peuvent être lourds, au point que le recours à l’IDE peut être la plus coûteuse des solutions.
D’autre part, les assouplissements de la réglementation et autres concessions accordées sont aussi des pertes de “marges de manœuvre” en matière de politique économique pour le pays d’accueil. En ce cas, la capacité-même du pays d’accueil à promouvoir des actions en faveur du développement est en cause.
Ces derniers éléments renforcent notre conclusion : la convergence des intérêts des deux parties n’est en rien acquise, à priori. Il revient donc aux pouvoirs publics du pays d’accueil de décider, au coup par coup, si un investissement peut lui être avantageux et d’agir pour défendre ses intérêts propres.
2.2 – Les leçons de quelques expériences
Par quels moyens, visant quels objectifs, ces actions des pouvoirs publics des pays d’accueil peuvent-elles conduire à une utilisation efficace des IDE ? Les trois exemples suivants permettent de dégager quelques enseignements.
a – Le développement d’une filière pêche au Chili
Une filière pêche présente deux caractéristiques spécifiques : il s’agit d’une activité qui exige le concours de nombreux métiers différents (armement maritime, réparation navale, conserverie) et un capital important. Le Chili est parvenu à développer cette filière comme en témoigne l’essor récent de ses exportations de poisson. Le rôle du capital étranger a été ici négligeable ; ce sont les entrepreneurs locaux et les politiques nationales mises en oeuvre par les pouvoirs publics qui ont été les acteurs de ce succès[17].
Cet exemple nous apporte deux enseignements :
– il n’est pas prouvé que la solution par les IDE soit la seule existante. Des solutions nationales sont possibles ;
– il n’est en rien certain que le recours aux IDE soit la solution la moins coûteuse. Dans le cas de la filière pêche au Chili, la solution nationale permet de contrôler plus efficacement le prélèvement sur la ressource et de diminuer les risques de “pillage” (contrairement à ce qui s’est passé au Maroc en 2002).
b – L’expérience d’industrialisation de l’Île Maurice
Le développement d’une activité textile dans l’Île Maurice est intéressant pour ses succès comme pour ses échecs. Le but était de diversifier les activités et les exportations d’un territoire jusque-là voué à la monoculture sucrière. Les moyens de la politique ont consisté à développer une zone franche industrielle accessible à tous les entrepreneurs, mauriciens comme étrangers (donc des mesures d’attraction des investissements consistant en faibles droits de douane pour les matières premières et les biens d’équipement ainsi qu’une faible fiscalité et des conditions particulières d’exonération). La zone franche est accompagnée d’aides à la commercialisation et d’accès au crédit à des conditions privilégiées.
Le succès de l’opération est imputable, pour partie, à un contexte favorable. En effet, les exportations sucrières ont bénéficié des accords de Lomé qui donnaient un accès privilégié aux marchés européens. Elles ont pu dégager un surplus important qui a pu être mobilisé et transformé en investissement au profit des entrepreneurs mauriciens. De même, les productions textiles mauriciennes ont pu également bénéficier de conditions privilégiées d’accès aux marchés du Nord, en dépit des accords multifibres.
La dynamique qui s’est mise en place : exporta-tions ––> profit ––> investissement créateur d’em-ploi apparaît comme avoir eu lieu dans une situation de maintien d’une protection tarifaire importante au départ, à l’exception de la zone franche. L’ouverture internationale de l’Île Maurice est postérieure. Elle s’est opérée à partir d’investisseurs nationaux à ses débuts. Les IDE ne sont arrivés qu’après.
Les limites sont toutefois apparues. La zone franche est menacée de déclin en raison de la venue de compétiteurs étrangers. Sa part dans le PIB est de moins en moins importante, et, qui plus est, l’Île Maurice pour réduire les coûts salariaux et maintenir l’activité en est venue à faire venir de la main d’œuvre bon marché. Le commerce d’exportation est resté peu diversifié, reposant sur trois piliers : sucre, textiles, tourisme. Le premier succès en matière industrielle ne s’est pas poursuivi, notamment par une diversification vers des activités de plus fort contenu technologique. Le développement du tourisme qui a fait suite à l’essor des textiles n’a été qu’un pis-aller.
Quels enseignements tirer de cette expérience ?
Les IDE exploitent les opportunités existantes (créées, ici, par une politique industrielle dont les premiers succès reposent sur les entreprises locales), mais ils ne sont pas à l’origine de la création de ces opportunités. Dit en d’autres termes, les IDE suivent, accompagnent, voire perturbent le développement, mais ne le déclenchent pas.
La politique nationale industrielle doit nécessairement être évolutive afin d’éviter les blocages du processus d’industrialisation.
c – L’expérience d’un pays “nouvellement” industrialisé : la Corée du Sud
L’expérience coréenne est l’exemple type de l’intégration des IDE dans une politique industrielle nationale.
D’une part des mesures d’attraction des IDE ont été prises : octroi de garantie sur le respect de la propriété et contre le risque d’expropriation ; ensemble de zones franches ; avantages fiscaux.
Mais, de plus, la décision d’accueillir chacun des investisseurs s’est accompagnée d’études portant sur les effets des importations additionnelles résultant de la venue de l’investisseur et sur les choix technologiques accompagnant le projet.
Ces études ont joué le rôle central dans la décision de recevoir ou de refuser l’IDE.
Enfin, des contraintes de résultats et des limites d’action ont été imposées aux investisseurs étrangers dans un cadre défini par la politique industrielle nationale : incorporation d’intrants produits localement, respect d’objectifs fixés à l’avance en matière de paiements extérieurs, engagement de l’investisseur dans la poursuite du développement des technologies, respect strict de règles concernant le maintien d’un certain degré de concurrence, interdiction de s’implanter dans des secteurs nationaux d’activités naissantes.
Le succès obtenu par la Corée permet de dégager quelques enseignements. Les IDE sont plutôt à considérer comme un appoint que comme le rouage essentiel de l’industrialisation ; la décision de recevoir ou non un IDE doit être étudiée au coup par coup afin d’en évaluer les impacts ; la politique industrielle nationale doit être considérée comme le guide permettant des mesurer les avantages et inconvénients des IDE et de fixer les objectifs. À ce titre elle doit précéder et non suivre les IDE.
Conclusion : sur quoi débouchons-nous ?
Nous pouvons l’exprimer simplement.
Le plus urgent, pour le pays d’accueil, est de construire un schéma de politique industrielle national, en impliquant tous les acteurs économiques nationaux.
Cela peut passer par la restauration de “marges de manœuvre”, là où l’application des politiques imposées par la contrainte internationale (firmes transnationales, pays des Centres ou institutions financières internationales) a réduit de manière excessive l’autonomie des pouvoirs de décision politique.
Le recours aux investissements directs à l’étranger reste second. Ils doivent rester un appoint dont le contrôle est indispensable.
Notes:
* GRREC (Groupe de Recherche sur la Régulation de l’Économie Capitaliste) Grenoble, rédacteur en chef de la revue Informations et Commentaires, le développement en questions.
Ce texte est l’intervention au colloque international « Le développement industriel des pays méditerranéens du Sud », qui s’est déroulé à Alger les 2 et 3 mai 2006, organisé conjointement par l’AADRESS (Association Algérienne pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociales, Alger) et le GRREC (Groupe de Recherche sur la Régulation de l’Économie Capitaliste, Grenoble) avec la participation du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), du Forum des entrepreneurs (Alger) et du CREAD (Centre de Recherches en Économie Appliquée pour le Développement, Alger).
Les actes de ce colloque sont en cours de publication par l’AADRESS à Alger.
[1] Chiffres tirés de : CNUCED, Rapport sur l’investissement dans le monde, Nations Unies, 2005 et 2007.
[2] Respectivement 1,7 % et 2,7 % pour l’année 2006.
[3] N. Benouaret, « Investissements étrangers hors hydrocarbures : près de deux milliards annoncés en 2005 » El Watan, 29 mars 2005, site : algérie-dz.com
[4] Chakib Khelil (ministre de l’énergie), entretien publié par El Moujahid, 1er janvier 2006 et déclaration de El-Hachemi Djaâboub (ministre de l’industrie), reprise par Nordine Grim, « Investissement étranger en Algérie », El Watan, 28 novembre 2005.
[5] Conférence des Nations Unies sur le Commerce Et le Développement (CNUCED), Rapport sur le développement en Afrique, repenser le rôle de l’investissement étranger direct, Nations Unies, 2005.
[6] Cf. « Entretien avec Carlos Fortin », Informations et Commentaires, n° 131, avril – juin 2005.
[7] Réseau ANIMA, site : <http://www.animaweb.com>.
[8] Il est possible de citer l’étude économétrique conduite sur 41 pays au cours de la période allant du milieu des années 1980 à la fin des années 1990. V. Spezia, « Trade, Foreign Direct Investment and employment », in E. Lee et M. Vivarelli, Understanding Globalization, Employment and Poverty Reduction, Mc Millan, Londres, 2004.
[9] CNUCED, Rapport sur le développement en Afrique, Nations Unies, 2005.
[10] CNUCED, Rapport sur les investissements dans le monde, Nations Unies, 1999.
[11] En 2006, si les flux d’IDE entrants en Afrique ont atteint 36 milliards de dollars, les rapatriements de bénéfices s’élèvent à 32 milliards de dollars. Source : CNUCED, Rapport sur les investissements dans le monde, Nations Unies, 2007.
[12] M. Blomström, A. Kooko, Human capital and inward FDI, CERP, Working paper, Londres, 2003 ; Glass et alii, Linkage, Multinationals and Industrial Development, Ohio State University, Department of Economics, Colombus, 1999.
[13] En reprenant les déclarations d’investissement saisies par le réseau ANIMA, sur la période 2003 – avril 2006, certains projets portent sur l’installation d’activités de recherche-développement vers le Maghreb, on en relève ainsi 2 (sur 157 observations) en Algérie, 5 (sur 237) au Maroc et aucune pour la Tunisie.
[14] En 2003, parmi les 100 plus grandes FTN figuraient quatre firmes originaires du Sud. Dans le cas du continent africain, cette situation nouvelle se manifeste par le rythme important des flux d’IDE venus d’Afrique du Sud et dirigés vers les autres pays de l’Afrique australe.
[15] Lorsque General Motors délocalise une partie de ses activités de recherche-développement (R-D) vers le Brésil, il convient de noter que les dépenses annuelles de R-D de la firme sont comparables aux dépenses publiques de R-D du Brésil lui-même.
[16] Que dire d’un État indien qui, dans la privatisation de son réseau électrique, est allé jusqu’à garantir à son investisseur, un volume d’affaires minimal ? En dessous de ce niveau, une subvention est automatiquement accordée.
[17] M. Agosin, Export Performance in Chile : Lesson for Africa, Helleiner, 2002.