La question de la réforme des Nations Unies

Robert Charvin*

 

141En 1936, sort, aux éditions Flammarion, un ouvrage de V. Margueritte intitulé « Avortement de la SDN. 1920-1936 ». Les parties qui le composent ont des titres significatifs : « Une grande espérance », « La faillite du désarme-ment », « Le droit et ses accommodements ». L’auteur, dans sa conclusion, appelle à la mise hors la loi effective de la guerre et des expéditions coloniales (p. 294) ainsi qu’à la mise en œuvre de sanctions économiques et financières « contre toute agression ».

Pour V. Margueritte, la SDN est « une grande expérience ratée ». En 2008, 63 ans après sa fondation, l’ONU, qui avait la prétention de tirer les leçons de la SDN, semble vouée à un échec semblable. Les États-Unis font le procès systématique des Nations Unies et plus généralement dénoncent « l’inefficacité du multilatéralisme ». Les cinq puissances membres permanents du Conseil de Sécurité, représentatifs des grands équilibres tels qu’ils étaient en 1945, ont la maîtrise des seules décisions directement opérationnelles, tout en menant le plus souvent des politiques unilatérales, dès lors que leur « zone d’intérêt vital » est concernée[1] et que l’ONU n’est pas instrumentalisable[2]. En un demi-siècle, elles ont été incapables de résoudre le conflit israélo-palestinien !

Ce dénigrement à l’encontre de l’ONU n’est donc pas justifié : les responsables principaux de l’inefficacité relative[3] des Nations Unies dans les domaines relevant de leur compétence (maintien de la paix et de la sécurité internationale, développement économique, protection des droits de l’homme) sont avant tout les grandes puissances, en premier lieu les États-Unis.

Les illustrations de ce rôle nocif des États-Unis sont nombreuses : jamais l’ONU n’a pu mettre en place le comité d’état-major et la véritable armée internationale prévus à l’article 43 de la Charte, susceptible de concurrencer la force armée nord-américaine ; jamais l’ONU n’a pu bénéficier d’un budget à la hauteur de ses responsabilités (celui-ci est inférieur à celui de la ville de New York) et les retards de paiement des États-Unis (près de 2 milliards de dollars) sont un moyen de pression constant sur les institutions onusiennes[4] ; la seconde guerre d’Irak, aboutissant à la destruction de l’économie et à l’occupation du pays, s’est faite en dehors de tout mandat de l’ONU, et malgré l’opposition de 11 des 15 membres du Conseil de Sécurité.

Il est néanmoins communément admis que l’ONU doit être réformée. Tous les États, en particulier les États du Sud, ne cessent de réclamer des modifications profondes dans les structures et le fonctionnement de l’ONU.

En 2000, par exemple, un groupe de travail a remis au Secrétaire Général un rapport reconnaissant les échecs du passé, concernant particulièrement les opérations de maintien de la paix. Le discours est unanime et la démocratisation est à l’ordre du jour. L’avenir de l’ONU semble engagé. Toutefois, le contexte international et les rapports de forces ne prédisposent pas à une authentique démocratisation de l’Organisation.

1 – Les « mondialisateurs » et l’ONU

« Le problème de la réforme de l’ONU est un faux problème »[5]. Cette sentence est sans doute excessive : elle est toutefois proche de la réalité. L’ONU est essentiellement le reflet des relations internationales qui n’ont pas permis de constituer une « communauté », en dépit de la formule communément employée[6].

Il est difficile de concevoir une organisation mondiale dissociée de l’état du monde tel qu’il est[7]. À l’oligarchie mondiale de fait correspond une ONU dont les institutions expriment l’inégalité régnant entre les États (avec la capacité de l’organe restreint, le Conseil de Sécurité de prendre seul des décisions, ce que n’a pas l’Assemblée Générale, unique instance véritablement représentative de l’ensemble des États).

La planète est aujourd’hui placée sous une triple hégémonie, en recomposition permanente : celle des États-Unis, celle des pays riches sur les pays pauvres, celle des grandes firmes transnationales en interconnexion permanente avec les grandes puissances[8].

Ces « mondialisateurs » qui accélèrent aujourd’hui un processus de mondialisation pluriséculaire ont pour logique de ne pas permettre aux « mondialisés » (les États faibles et pauvres et les peuples) de perturber le marché mondial en voie d’intégration.

L’ONU, où prévaut le principe 1 État = 1 voix (à la différence des institutions économiques et financières), ne peut donc qu’être en marge, en dépit du discours officiel plus ou moins « respectueux » dont elle bénéficie. La place que lui offrent les grands médias occidentaux est révélatrice : elle est le plus souvent dérisoire (l’opinion ne sait rien des études réalisées par l’institution ni des résolutions adoptées), sauf s’il s’agit des décisions du Conseil de Sécurité favorables aux grandes puissances.

Par ailleurs, la Charte des Nations Unies est le noyau central du droit international, fondé sur le principe de « l’égale souveraineté des États ». Or, la mondialisation libérale a un besoin vital de contourner ce principe offrant aux États le droit de décider des modalités de leur intégration dans le flux des échanges économiques et même de s’y refuser, ce qui est considéré par l’Occident, depuis le XIXème siècle, comme une « atteinte à la liberté du commerce »[9].

Le droit international « politique » tend dans la pratique internationale à se muer en « soft law », susceptible de toutes les interprétations : l’État français, par exemple, a largement contribué à vider de son contenu le principe expressément posé dans la Charte de la « non-ingérence » au profit de son contraire !

À l’inverse, le droit international économique, élaboré par les opérateurs économiques privés eux-mêmes (via la Chambre internationale de Commerce, la pratique coutumière des affaires, les Codes de bonne conduite, etc.), par l’OMC, le FMI, la Banque mondiale, avec l’assistance des grandes puissances industrielles et commerciales, évolue, à partir de la traditionnelle « lex mercatoria », très souple, vers une « hard law » contraignante et effectivement sanctionnée (par les arbitrages, l’Organe de Règlement des Différends de l’OMC, les contre-mesures[10]).

L’ONU ne peut donc rencontrer que les pires difficultés pour « embrayer sur le réel » et faire respecter la Charte. Institution pauvre et faible, mise en cause par les États-Unis, ayant perdu son crédit dans le monde sous-développé, elle s’efforce avec son modeste appareil administratif, avant tout de survivre.

Toute réforme profonde apparaît, dans les rapports de forces actuels, comme irréaliste. Certains considèrent même que toute modification de la Charte pourrait ébranler l’institution et en accélérer, sinon la faillite, de moins sa dégradation. L’ONU, dont il faut avoir conscience qu’elle est une institution exceptionnelle dans l’histoire de l’humanité, permettant aux plus petits États de bénéficier d’une tribune à l’égal des Puissances, peut difficilement être autre que ce qu’elle est, aussi longtemps que des événements capitaux bouleversant les relations internationales ne se produisent pas.

L’élévation de la Chine, de l’Inde et du Brésil au rang de grandes puissances décisives, en lieu et place des États-Unis, peut constituer ce bouleversement opérationnel, sauf si ces États ne font que modifier les déséquilibres actuels à leur seul profit.

En tout état de cause, l’heure n’est qu’aux « réformettes », certainement pas aux réformes permettant aux Nations Unies de participer à une nouvelle forme de gouvernance mondiale[11].

2 – Le temps des « réformettes »

Le temps est celui du droit international dans le coma et de la paralysie des institutions internationales qui ne sont pas au seul service des intérêts dominants le marché mondial.

Il y a quasi-systématiquement remise en cause des normes fondamentales de la légalité internationale[12] : l’agression contre l’Irak n’en est que l’illustration la plus spectaculaire. L’occupation elle-même par l’armée américaine qui se poursuit, au mépris des règles du droit humanitaire le plus basique, avec la participation et le consentement de facto de nombreux États, institutions internationales et ONG est le signe d’une dégradation telle du droit international que celui-ci tend à devenir un « droit de manuels universitaires » plus qu’un mode de régulation effectif des relations internationales[13].

La Charte des Nations Unies, quel que soit le constat (quasi unanime) de ses insuffisances ne peut donc faire l’objet que d’aménagements très partiels qui eux-mêmes ne s’imposent pas d’évidence pour tous les États membres (toute révision exigeant une majorité des 2/3 — articles 108 et 109-2 — y compris les membres permanents du Conseil de Sécurité).

Un thème — très à la mode — est celui de l’amélioration de la gouvernance. L’idéologie dominante, préfabriquée aux États-Unis[14], stimule la croyance en une plus grande « efficacité » de l’ONU par l’amélioration de la formation des fonctionnaires de l’Organisation, la réorganisation du Secrétariat, le recours à des services privés pour certaines fonctions, etc. À l’analyse politique est ainsi substituée une critique des méthodes de gestion qui n’engage à rien[15].

La réformette permet parfois d’écarter une proposition de réforme d’importance. Ce fut le cas dès 1960, lorsqu’un groupe d’experts créé par le Secrétaire Général Dag Hammarskjöld a permis de rejeter la proposition soviétique d’une « troïka » visant à éviter que le Secrétariat soit exclusivement occidental.

Il peut s’agir aussi de satisfaire à bon compte des revendications des États du Sud. Par exemple, en 1975, un groupe de 25 experts sur la restructuration des secteurs économique et social proposait, notamment, la création d’un Directeur Général du développement… dont la suppression sera décidée en 1993 !

L’objectif est aussi, comme pour toute structure, de rechercher une plus grande rationalité, une meilleure coordination entre les services…. ou de réaliser des économies financières (ce fut le cas des mesures prises concernant le Secrétariat en 1986, en 1991-92). Depuis 1997, les Secrétaires Généraux successifs se proposent à nouveau d’introduire diverses réformes : Kofi Annan, par exemple, les 6-7 septembre 2000, devant l’Assemblée Générale a pu déclarer : « Le monde a changé : l’ONU doit changer avec lui ». La formule est significative, car il semble s’agir d’un simple accompagnement : autrement dit, l’ONU doit s’ouvrir à la « société civile » (dont le concept est imprécis) et aux groupes privés et financiers. L’objectif n’est évidemment pas de prendre pour référence la structure de l’OIT, l’une des plus anciennes Organisations internationales, mais aussi l’une des plus originales, puisqu’aux délégations étatiques s’ajoutent avec voix égale les délégations patronales et les délégations syndicales. La prétendue « société civile » y a été institutionnalisée depuis 1919 sans pour autant susciter d’intérêt particulier[16] ! La place très modeste que les États[17] réservent à l’OIT et à son travail social conduit à penser que ce qui est recherché c’est l’aménagement d’une place pour les intérêts privés au sein de l’appareil de l’ONU, comme la Commission européenne a pu intégrer dans son propre fonctionnement les lobbies des grands intérêts privés européens.

Ces réformettes sont très loin de prendre en compte les questions fondamentales qui se posent à la société internationale et qui relèvent de la compétence de l’ONU : le respect du principe (toujours en vigueur dans la Charte) de l’égale souveraineté des États, l’interdiction du recours à la force armée par les États dont on oublie qu’ils ont accepté en 1945 de perdre leur compétence de guerre, la lutte contre les inégalités, la pauvreté, le chômage et pour le développement social[18] (et non la seule « croissance »), la limitation des conflits internes, etc.

Elles n’ont pour objet réel, pour les grandes puissances, que de limiter les conséquences jugées négatives d’un multilatéralisme encore trop souvent « perturbateur » de « l’ordre néolibéral mondialisé ».

3 – L’ajournement sine die d’une transfor-mation démocratique

L’« ordre » international est oligarchique. Toute contestation des Empires qui contrôlent les relations internationales et pratiquent l’ingérence par de multiples voies est assimilée à un désordre illégitime. Il peut sembler paradoxal que les Puissances qui s’autoproclament démocratiques soient les premières à manifester leur vive hostilité à une démocratisation de la société internationale. Il est non moins contradictoire que les États les plus autoritaires dans l’ordre interne manifestent leur volonté démocratique dans l’ordre international.

En réalité, seuls les peuples dans l’ordre international et les individus qui y sont en exil auraient intérêt à cette démocratisation.

Or la voix des gouvernés est à peine perceptible, les gouvernants s’efforçant de conserver les relations internationales dans leur « domaine réservé ». Les ONG, elles-mêmes, dont certaines travaillent effectivement à favoriser une certaine transparence de ces relations internationales et à peser sur elles, sont nombreuses à n’être que l’instrument camouflé des diplomaties étatiques (plus de 50% de leurs ressources proviennent des États et la plupart d’entre elles sont d’origine occidentale)[19].

La présence des ONG « à statut consultatif » au sein des Nations Unies, notamment à la Commission des Droits de l’Homme, transformée en 2006 en un Conseil des Droits de l’Homme, plus restreint, sans être négligeable, est d’une efficacité limitée dans le domaine de la protection des droits civils et politiques et quasiment nulle dans celui des droits économiques et sociaux. En les supposant toutes de bonne foi (ce qui n’est pas le cas) dans leur volonté de combattre partout les violations des droits de l’homme (et non pas seulement dans certains cas conformément à certaines volontés étatiques), elles ne peuvent rivaliser avec les États dont les moyens d’action et de médiatisation sont sans commune mesure[20].

Si l’ONU et la plupart des Institutions spécialisées avaient quelque « utilité » du point de vue des grandes puissances, à l’époque de la Guerre froide, elles ne sont plus considérées aujourd’hui comme pouvant jouer un rôle stratégique en leur faveur. C’est ainsi, par exemple, que lorsque l’UNESCO fait adopter une Convention internationale consacrant la diversité culturelle, elle perturbe les intérêts des grandes firmes préoccupées de standardiser les valeurs et les goûts et d’uniformiser le marché.

La démocratisation effective de l’ONU ne pourrait, de même, que limiter les capacités d’action des grandes puissances au profit de la masse des petits et moyens États le plus souvent sous-développés, dont les intérêts sont en contradiction avec ceux des pays les plus développés.

On peut s’interroger, à ce propos, sur la réelle volonté des États du Sud (le plus souvent très peu représentatifs de leur peuple) de favoriser cette démocratisation. En effet, les gouvernants du Sud sont dans les faits plus politiquement responsables devant les grandes puissances que devant leurs propres citoyens : ils peuvent contraindre leur peuple mais ils sont susceptibles d’être éliminés par l’ingérence des grandes puissances !

Il semble donc qu’aussi longtemps que la grande majorité des États est ce qu’elle est, aucune réforme démocratique d’envergure n’est envisageable pour l’ONU et les Institutions spécialisées.

La seule grande réforme d’importance à l’ordre du jour est celle de l’élargissement du Conseil de Sécurité, soutenue par les États-Unis[21].

Deux États notamment on fait acte de candidature : le Japon (2ème contributeur au budget des Nations Unies) et l’Allemagne, c’est-à-dire les États vaincus de la Seconde Guerre mondiale et écartés en 1945.

Des États du Sud ont manifesté leur volonté d’intégrer le Conseil de Sécurité[22].

Les oppositions étant multiples, il a été envisagé des sièges permanents par rotation, ce qui créerait cependant deux catégories de membres permanents. Par contre, aucune révision n’est envisagée pour le droit de veto qu’entendent conserver les cinq membres permanents. Cet élargissement reste donc pour l’heure improbable.

En tout état de cause, l’élargissement de l’oligarchie des puissances ne saurait être un facteur d’authentique démocratisation d’une société comprenant 192 États, exclusivement dotés pour la plupart d’entre eux d’une voix de nature consultative au sein de l’Assemblée Générale.

Le transfert du pouvoir de décision à l’Assemblée qui seul permettrait la naissance d’une communauté internationale où « l’égale souveraineté des États » – qui est de principe – pourrait devenir effective aux Nations Unies est hors de portée.

Dans le domaine économique, les États du Sud durant les années soixante-dix (décennie constituant une parenthèse dans les relations internationales) avaient réussi à créer des organes subsidiaires comme la CNUCED ou l’ONUDI (devenue ensuite agence spécialisée), dont la structure et les finalités étaient axées sur le développement. La Charte des droits et devoirs économiques des États, la proclamation de la souveraineté permanente sur les richesses naturelles, etc. étaient les prémisses d’un nouvel ordre international économique, imposé par les Nations Unies. Il demeure de cette orientation le souhait (timide) de créer un « Conseil de Sécurité économique ». Les autres institutions économiques des années soixante-dix se sont fortement affaiblies et les Nations Unies n’ont aucun pouvoir sur la vie économique internationale. Les votes répétés de résolutions en faveur du développement restent sans portée. La croissance des pays « émergents » ne doit pratiquement rien aux Nations Unies. La régulation – très partielle – des échanges est assurée par le FMI, la Banque mondiale et surtout par l’OMC dont les liens avec l’ONU sont inexistants[23].

Le mouvement altermondialiste a proposé[24], avec esprit de radicalité, la fusion des institutions économiques et sociales et des Nations Unies, à l’image d’un vaste Parlement mondial. Il est fondé de considérer, en effet, qu’il est pathologique de dissocier le social, porté par l’OIT, le politique, incarné par l’ONU et l’économique et le financier (FMI, Banque mondiale, OMC). L’ensemble pourrait se fondre dans le Conseil Économique et Social de l’ONU, sous tutelle de l’Assemblée Générale.

Le Conseil Économique et Social, qui comprend 54 États membres élus par l’Assemblée Générale pour 3 ans, prend ses décisions aussi bien dans le domaine social qu’économique à la majorité simple. C’est l’un des « organes principaux » de l’ONU, selon la Charte[25], bien qu’il ne le soit pas dans les faits.

Une réforme de fond pourrait lui donner une nature universelle, ouverte à tous les États membres et lui permettre de jouer effectivement son rôle de coordinateur des Institutions Spécialisées en leur adressant des recommandations impératives (ce qui n’est pas le cas actuellement), en attendant l’éventuelle fusion proposée par une fraction de la société civile internationale.

Dans l’attente de nouveaux rapports de forces, les idées de réforme démocratique sont celles de quelques universitaires ou de quelques hommes politiques, d’anciens fonctionnaires du secrétariat de l’ONU et de certaines ONG[26], qui ont surtout le mérite de faire travailler l’imaginaire politique et juridique. Ont ainsi été proposés une Commission, de type de celle de l’Union européenne, des agences régionales de développement, un système de représentation de type régional à l’encontre du principe un État – une voix, la pondération des votes des États, etc.

Dans le domaine du contrôle de la légalité des décisions du Conseil de Sécurité, dont certaines résolutions sont éloignées des dispositions de la Charte, a pu aussi être proposée une procédure de contrôle de « constitutionnalité » renforçant la protection de la légalité internationale.

De nombreux rapports, à l’initiative du Secrétariat Général, sont présentés à l’Assemblée Générale (par exemple, en 2005, le Rapport Sachs « Investir pour le développement ») ou le Rapport du Secrétaire Général lui-même « Dans une liberté plus grande, développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous ».

Une seule réalisation semble théoriquement apporter un plus démocratique à l’ONU : le « Fonds des Nations Unies pour la démocratie » qui a commencé à fonctionner en 2006 et dont les États-Unis ont été les champions. Ce Fonds doit offrir des financements à des ONG, à des États et à des Organisations internationales travaillant à des « projets de démocratisation », au « dévelop-pement de la société civile » et des « institutions démocratiques ». On peut s’interroger toutefois sur les critères qui seront pris en compte par les gestionnaires de ce Fonds, sachant quels sont ceux retenus par les États lorsqu’ils subventionnent certaines ONG au détriment d’autres organisations. Pour l’heure, les ressources financières du Fonds étant limitées à la somme de 43 millions de dollars, son rôle est réduit. Il n’est cependant pas certain que cet organisme de « tutelle » sur les actions « démocratiques », soutenu et alimenté par les États-Unis, soit un facteur de renforcement du pluralisme démocratique devant régner dans l’action des Nations Unies.

4 – Les risques de réformes liquidatrices

Les États-Unis, particulièrement hostiles à l’ONU et tenants de l’unilatéralisme, sont partisans de diverses réformes visant à « ajuster » l’organisation aux « besoins du troisième millénaire ».

L’Union européenne, pour sa part, ne parvient pas à parler d’une seule voix dans le cadre des Nations Unies et son rôle est second, malgré sa puissance économique. Il paraît évident que les réformes que peut soutenir cette force « euraméricaine » ne peuvent avoir pour objectif de restreindre sa politique étrangère. Elles ne peuvent que tendre à assouplir les principes onusiens dans le domaine du maintien de la paix, à rendre conforme la nouvelle légalité onusienne à l’ingérence et à vider de tout contenu précis le principe de l’égale souveraineté des États, à promouvoir les droits de l’homme civils et politiques en reléguant au second plan les droits économiques, sociaux et culturels. En bref, il s’agit pour les États occidentaux « d’humaniser »[27], si possible, la mondialisation néolibérale tout en facilitant la tâche des « mondialisateurs ». Il s’agit en fait de rendre formellement « juste » ce qui est fondamentalement « injuste » en s’efforçant de « civiliser » le néolibéralisme[28].

Au lieu d’interdire aux États le recours à la force armée, il faut se satisfaire d’un  encadrement de ce recours à la force et fixer des critères à la « guerre juste », sous le contrôle du Conseil de Sécurité.

Il convient aussi de parvenir à une nouvelle entente entre riches et pauvres : la mission de l’ONU s’élargit jusqu’à favoriser « une gouvernance de la Terre », associant non pas seulement les États mais « les mouvements privés de toutes catégories ». La société civile englobe l’ensemble des firmes et opérateurs financiers nécessaires à l’édification des grands équilibres économiques, sociaux et écologiques.

Comme l’encourage déjà le PNUD, il s’agit de stimuler les États à développer des partenariats public-privé dans les secteurs, y compris dans celui relevant des missions de service public comme la santé et l’éducation.

Il s’agit aussi de consacrer le principe du « devoir d’ingérence de la communauté internationale »[29] en cas de génocide, de nettoyage ethnique, de crimes de guerre ou contre l’humanité, lorsque le pays concerné est dans « l’incapacité de protéger sa population » ! Le principe fondamental de la Charte sur l’égale souveraineté des États  tend ainsi à être balayé.

Plus concrètement, le Département d’État réclame l’adoption d’une Convention générale sur le terrorisme international à laquelle tous les États membres doivent adhérer. L’ONU doit légitimer les opérations initiées par les États-Unis, dont la finalité ne « peut » être que le maintien de la paix et le développement. Les États-Unis ont ainsi fait voter 3 résolutions légitimant leur présence en Irak, le 22 mai 2003 sur les modalités d’association de l’ONU à l’administration de l’Irak (résolution 1483), le 14 août 2003, approuvant la mise en place d’un gouvernement intérimaire (résolution 1500) et le 8 juin 2004 (résolution 1546) sur le processus de rétablissement de la souveraineté irakienne.

Les objectifs des États-Unis apparaissent aussi avec la création du Conseil des Droits de l’Homme, qui remplace la Commission des droits de l’homme (résolution du 28 juin 2006), très critiquée pour la place qu’elle accordait à certains États du Sud, adversaires de l’Occident et aux ONG critiquant sa politique.

Certes, certains aménagements du fonctionnement de ce Conseil sont positifs. Des sessions plus longues et mieux réparties dans l’année permettent un meilleur suivi de la situation des droits de l’homme dans le monde ; des procédures plus souples de convocation des sessions d’urgence créent des possibilités d’une réactivité supérieure ; le Conseil peut adopter des recommandations et les transmettre aux autres organes des Nations Unies ; enfin, le rattachement du Conseil à l’Assemblée Générale (et non au Conseil de Sécurité) tend à rehausser son statut institutionnel.

Néanmoins, les objectifs poursuivis par cette réforme sont très étroitement politiques : seuls peuvent être élus au Conseil, les États reconnus comme étant de « bonne qualité démocratique ». Autrement dit, les États les plus influents peuvent légitimer leur rejet d’autres États au nom d’arguments « humanistes » dont on sait qu’ils sont à géométrie variable. Quant au rôle des ONG, traditionnellement important à la Commission, il est loin d’être majoré.

En réalité, le processus libéral de mondialisation n’a pas un besoin fondamental de l’ONU ; les grandes firmes ne trouvent d’utilité qu’à une certaine régulation des échanges économiques afin d’éviter le surcoût d’une concurrence trop sauvage, bien que le multilatéralisme très relatif de l’OMC se voit lui-même de plus en plus remplacé — à l’initiative des États-Unis en particulier — par un bilatéralisme renouvelé. Elles souhaitent néanmoins avec les grandes puissances qui les soutiennent un climat politique le plus « apaisé » possible, excluant tout comportement souverainiste.

Les réformes doivent donc avant tout vider de son contenu les dispositions de la Charte concernant la souveraineté et l’indépendance des États, la mondialisation étant d’une nature qualitativement différente du multilatéralisme étatique préservant les souverainetés nationales. Elles doivent aussi, dans le mesure du possible, réduire l’ONU à une sorte de « super puissance humanitaire »[30]. C’est à ce titre qu’a été créée la « Commission de consolidation de la paix », organe collectif, chargée d’aider les pays sortant d’un conflit armé (résolution 1645 du 20.12.2005).

Un pouvoir privé transnational [31] (malgré le caractère pluriel du capitalisme) s’organise au niveau de la planète, et comme dans l’ordre interne, les pouvoirs publics tendent à être relégués aux fonctions résiduelles de pourvoyeur de sécurité et de subventions directes ou indirectes au secteur privé.

Non seulement les réformes nécessaires des Nations Unies semblent donc devoir être renvoyées sine die, mais l’existence même des Nations Unies, à défaut de leur ajustement aux besoins du néolibéralisme, est menacée. Conformément à la pensée d’un Leo Strauss, théoricien du néo-conservatisme américain, « il y a un étalon du juste et de l’injuste qui est indépendant du droit positif et qui lui est supérieur ». Les États-Unis, en effet, « revendiquent un statut d’exception permettant, au nom de la responsabilité particulière qui leur incombe en tant qu’unique super puissance, de s’émanciper des contraintes pesant sur les autres États [32].

Cette forme dévoyée d’éthique de la responsabilité de la part d’une Puissance s’arrogeant le monopole de la définition du « Bien », du « Mal » et de la « Vérité », à l’égal d’une puissance religieuse dogmatique, peut conduire jusqu’à la liquidation, du moins à la désuétude de la Charte des Nations Unies et à la disparition de l’ONU, en tant que rouage pertinent de la gouvernance planétaire.

Notes:

Professeur émérite de l’Université de Nice-Sophia Antipolis.

[1] La zone d’intérêt vital des États-Unis est constituée de la planète entière, couverte de bases militaires et du marché mondial où s’investissent les firmes nord-américaines. Le messianisme qui anime le Département d’État légitime cet interventionnisme et cette omniprésence généralisés. La Chine s’efforce de reconstituer les liens anciens d’allégeance à son profit sur sa périphérie, mais n’a pas de tradition messianique. Quant à la France, elle continue, dans la mesure de ses forces, sa politique unilatérale dans son “pré carré africain”.

[2] Dans l’affaire du Kosovo, en 1999, par exemple, devant l’hostilité de la Chine et de la Russie, au sein du Conseil de Sécurité, l’OTAN (c’est-à-dire les États-Unis) déclenche une opération militaire hors du cadre des Nations Unies.

[3] L’ONU a multiplié, depuis la fin de l’URSS, ses interventions, en en réalisant plus en dix ans que durant les 45 premières années (14 opérations entre 1945 et 1989, 36 entre 1990 et 2000). Très souvent, les moyens n’ont pas suivi : en 2000, en Sierra Leone, les 500 Casques bleus, chargés de garantir le cessez-le-feu, furent pris en otages par les forces responsables d’atrocités durant la guerre civile. Ils n’ont pu être dégagés que par l’intervention de troupes britanniques.

[4] En 2001, le retard de paiement des États-Unis à l’ONU est de 1,8 milliard de dollars : 500 millions au budget général, 1,3 milliard au budget pour le maintien de la paix. Le budget de fonctionnement de l’ONU est de 1,1 milliard de dollars par an et celui des opérations de maintien de la paix de 2,2 milliards. La contribution nord-américaine est de 22 % (chiffres 2001).

[5] Cf. M. Bertrand, L’ONU, La Découverte, 6ème édition. 2006, p. 116.

[6] Les politiques, les médias et quelques universitaires emploient la formule inadaptée de « communauté internationale » qui, en fait, ne concerne que le petit groupe des grandes puissances, voire exclusivement les États-Unis et l’Europe. Cette formule est le reflet d’une conception néocoloniale distinguant l’Occident et le reste du monde, alors que si l’Occident est « dans » le monde, il n’est plus « le » monde !

[7] En 1945, comme aux lendemains de la Première Guerre mondiale avec la SDN, les États vainqueurs organisent la société internationale conformément à leurs intérêts, tout en étant porteurs, grâce au combat contre les fascismes, de valeurs de progrès. C’est ainsi, par exemple, que le droit de veto des 5 alliés, vainqueurs de l’Allemagne et du Japon, permet d’éviter que l’ONU devienne l’instrument de l’une des grandes puissances de l’époque contre une autre. Le droit de veto utilisé par l’URSS et par les États-Unis a empêché cette instrumentalisation et a participé à la coexistence pacifique qui s’est imposée.

[8] Entre les « alliés » et entre firmes d’obédience financière plus ou moins diversifiée, la concurrence se poursuit ainsi que les fluctuations des rapports de forces (économiques, monétaires, etc.). Cette triple hégémonie est donc elle-même en tension permanente et est traversée de contradictions profondes, sauf lorsqu’il s’agit de frapper ceux qui n’acceptent pas la logique de ce nouvel impérialisme.

[9] Voir l’histoire des puissances occidentales s’ouvrant par le recours à la force armée, mais au nom de la « liberté », à la fin du XIXème siècle, le marché de la Corée et de la Chine, à partir des positions coloniales acquises (en Inde, en particulier).

[10] Les contre-mesures (de type embargo économique, blocage financier, etc.) qui prennent l’allure de véritables représailles sont souvent efficaces : voir, par exemple, l’impact du plus vieil embargo de l’histoire, celui imposé par les États-Unis à la Corée du Nord, sur la question de la réunification de la Corée ou des onze ans d’embargo sur la Libye, qui a conduit un État “révolutionnaire” à se “réinsérer” dans l’ordre mondial établi.

[11] La tentative occidentale d’imposer au monde une gouvernance mondiale à son profit passe par les pratiques unilatérales du gouvernement des États-Unis (qui va jusqu’à tenter d’universaliser les normes du droit américain : voir les lois Helms-Burton et d’Amato-Kennedy, par exemple), par les très inégales et discriminatoires institutions économiques et financières (OMC, FMI, Banque mondiale, OCDE pour la coopération et le développement économique, G7, etc.), par l’OTAN (bras armé des États-Unis et de l’Union européenne puisque le traité constitutionnel européen en cours d’adoption prévoit une subordination de la défense “européenne” à l’OTAN placé sous contrôle étroit des autorités américaines). Ces formes de gouvernance sont les plus traditionnelles qui soient dans l’histoire de l’humanité.

[12] Par exemple, alors que l’article 51 de la Charte définit la légitime défense (dans l’attente de l’intervention du Conseil de Sécurité) comme un droit se traduisant par une réaction à une agression armée menée par un État contre le territoire d’un autre État, Israël et les États-Unis ont “inventé” la « légitime défense préventive », pouvant s’exercer en dehors de l’existence d’une agression et permettant de prévenir une agression imminente, la légitime défense et l’agression tendent ainsi à se confondre ! Pourtant, la C.I.J a précisément encadré l’usage de l’article 51 (arrêt 27 juin 1986, avis consultatif du 8 juillet 1996), mais en vain.

[13] De nombreux manuels de droit international ont un contenu étrange ne laissant que très peu transparaître la réalité chaotique et comateuse du droit. Cf. R. Charvin, « De la prudence doctrinale face aux nouveaux rapports internationaux », Droit international et coopération internationale (Hommage à Jean Touscoz), France-Europe Éditions. 2007. La lecture de ces ouvrages conduit à penser qu’il existe dans les Facultés de Droit un désir de ne pas savoir. En sens contraire, voir B. Delcourt, Denis Ruiz, Eric Remacle. La guerre d’Irak, Prélude à un nouvel ordre international ? Éditions Peter Lang, 2004 et plus généralement, les articles de la Revue Belge de Droit international (Bruxelles).

[14] Les universitaires nord-américains sont très prolixes à ce sujet. La plupart d’entre eux se situent dans le cadre exclusif de ce qui est acceptable pour la diplomatie américaine.

[15] Dans le même sens, M. Bertrand, L’ONU, op. cit. p. 103.

[16] En mars 2006, le Secrétaire Général a publié un rapport (doc. A/60/692) proposant une complète réorganisation du Secrétariat dont le recours à des services privés. Cette initiative s’est heurtée à un refus très large (108 États contre 50) à la 5ème Commission de l’Assemblée Générale.

[17] Il est curieux de constater la place infime réservée à l’OIT et au travail qu’elle accomplit pour le bénéfice des travailleurs. Il est vrai que les législations nationales (notamment la législation française) n’hésitent pas à violer leurs propres engagements vis-à-vis des Conventions de l’OIT qu’elles ont pourtant ratifiées.

[18] Cf. R. Charvin, « La Déclaration de Copenhague sur le Développement social et ses suites », RGDIP, 1997, n° 3.

[19] Parmi les rares ONG du Tiers monde, beaucoup sont subventionnées par des États du Nord, plus ou moins attentifs à l’usage politique de moyens d’action qu’ils « offrent ». Les États-Unis sont particulièrement vigilants et ont pour politique « d’acheter » la complicité de nombreuses ONG, lorsqu’ils ne les fabriquent pas eux-mêmes directement.

[20] Par exemple, au sein du groupe de travail sur les peuples autochtones dans le cadre de la Sous-commission sur la prévention de la discrimination et de la protection des minorités, le projet de Déclaration des droits des peuples autochtones, mis en avant par diverses ONG favorables par exemple aux peuples amérindiens, s’est enlisé depuis plus d’une décennie en raison de l’opposition de certains États, comme le Brésil, par exemple.

[21] Selon les États-Unis, le Conseil de Sécurité doit être à « l’image du monde ». Les critères proposés pour l’admission au Conseil de Sécurité élargi sont ceux des grandes puissances occidentales ou pro-occidentales : le Département d’État souhaite en effet des États « démocratiques » (sans en donner la définition précise), des États puissants économiquement et militairement, aptes à fournir une forte contribution financière aux Nations Unies et aux actions de maintien de la paix, actifs dans la lutte anti-terroriste et en faveur de la non-prolifération nucléaire.

[22] Il s’agit du Brésil, de l’Égypte, de l’Inde, de l’Indonésie, du Mexique, du Nigeria, du Pakistan et de l’Afrique du Sud. L’Italie souhaite aussi son admission pour ne pas être reléguée au rang de puissance européenne de second ordre. Au sein de l’Union européenne, une tendance s’exprime en faveur d’une représentation unique par la fusion des sièges détenus par la France et la Grande-Bretagne.

[23] Le Conseil Économique et Social est, selon la Charte, habilité à conclure des accords de liaison avec les institutions financières. La plupart de ces accords ont été établis entre 1945 et 1950. Dans les faits, ils ne sont pas respectés. En 1983, par exemple, le FMI a octroyé un prêt à l’Afrique du Sud de l’apartheid malgré l’injonction de l’ONU de ne pas coopérer avec ce régime. Cet exemple est caractéristique de l’absence de conciliation entre les objectifs de l’ONU et de ceux des institutions financières.

[24] Cf. Cedetim, La réforme de l’ONU et le mouvement altermondialiste, G. Massiah, 15 mars 2005 site : <www.reseau-ipam.org>.

[25] Il convient de noter le désintérêt profond de la doctrine, des États et des médias pour cet organe officiellement « principal », en dépit du discours officiel en faveur du développement et de la coordination plus démocratique des politiques économiques et financières.

[26] Voir, par exemple, les propositions du CADTM (Bruxelles) sur son site : <www.cadtm.org> : « L’ONU : réforme ou restructuration ? » par H. Ruiz Diaz (13 février 2005) ou du CETIM (Genève) sur son site : <www.cetim.ch>, favorables par exemple à un renforcement du rôle des ONG dans les mécanismes onusiens ou l’attribution à la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement de compétences juridiques contraignantes.

[27] A été ainsi créé le CERF, (Central Emergency Response Fund), fonds permettant de mobiliser rapidement des moyens financiers destinés aux crises humanitaires pouvant survenir.

[28] Cf. P. Moreau-Defarges. « La réforme de l’ONU, obsédante et impossible », Annuaire Français des Relations Internationales, vol VII, 2006.

[29] Ce principe a été consacré lors du Sommet de 2005 et par diverses résolutions du Conseil de Sécurité (1 612 de 2005 sur la protection des enfants dans les conflits armés ; 1 674 de 2006 sur la protection des civils dans les conflits armés).

[30] Cf. P. E. Deldique, Fin de partie à l’ONU : les réformes de la dernière chance ? J.C. Lattès, Paris, 2005.

1[1] Cf. CRDI. Choix cruciaux : Les Nations Unies, les réseaux et l’avenir de la gouvernance mondiale, 2006.

[1] Cf. B. Delcourt, « De la sécurité collective à la sécurité sélective. Les dommages collatéraux de la stratégie américaine », La guerre d’Irak, op. cit., p. 21 et s.