Le système migratoire boliviano – argentin

Nicolas D’Andrea* et Hervé Domenach**

 

139-page-0011 – Les spécificités du contexte bolivien

Ce vaste pays (1 098 581 km2) est souvent qualifié d’andin alors que 70 % de son territoire appartient au bassin amazonien. D’ouest en est, un gradient écologique important fait apparaître une succession d’écosystèmes variés : l’Altiplano, haut plateau à 4 000 m d’altitude en moyenne, sec et surmonté des grands sommets andins, les hautes vallées de l’étage Quechua (2 000 à 5 000m) constituant la chaîne orientale des Andes, le massif sub-andin, zone de transition altitudinale, thermique et écologique, et les grandes plaines amazoniennes au climat tropical. Pour atteindre la diversité paysagère de son voisin péruvien, il ne manque à la Bolivie que le littoral pacifique perdu lors de la guerre du Pacifique en 1879 et vivement regretté depuis. Cette configuration écologique en fait un pays internationalement reconnu pour sa biodiversité, en point de mire des organisations mondiales de conservation.

La Bolivie est d’abord un pays riche : d’écosystèmes, de bois, de cultures, de minerais et surtout d’hydrocarbures. Mais c’est également un pays pauvre, économiquement et politiquement dépendant des décideurs internationaux et de sa dette externe : les ressources sont bradées, exploitées par des firmes étrangères, les retombées économiques se limitant à une oligarchie bien ancrée au pouvoir et renforcée par les ajustements structurels de la Banque Mondiale, même si l’évolution politique récente -— l’avènement d’un président indigène Evo Morales — laisse entrevoir une sérieuse évolution, mais on manque encore de recul pour en mesurer l’impact.

En Bolivie, plus encore qu’en Argentine ou au Chili, la population est majoritairement indigène (60 à 70 % selon les estimations) : on y compte environ trente-cinq groupes ethno-linguistiques. Derrière ce qualificatif, il y a bon nombre de définitions discutables, mais on considère qu’ils sont communément regroupés en deux catégories : les collas des Andes et les cambas de l’Oriente[1], chacune regroupant plusieurs ethnies. Massacrés lors de la colonisation, marginalisés depuis l’indépendance, ils ont acquis ces quinze dernières années une certaine place dans l’espace public. En 1990 les syndicats indigènes de l’Oriente organisent la Marche pour le territoire et la dignité, suivie en 1994 par la loi de Participation Populaire qui reconnait la diversité ethnique du pays.

L’histoire de la formation d’un système migratoire entre la Bolivie et l’Argentine résulte largement de la place de la politique migratoire argentine vis-à-vis des ressortissants des pays européens dans la construction nationale du pays jusqu’au début du XXème siècle ; par la suite le recrutement de travailleurs dans les pays limitrophes, principalement la Bolivie, pour la mise en exploitation des produits de rente (mines, forêts, canne à sucre), ne s’inscrit dans aucune politique de peuplement, et pas non plus dans une politique migratoire structurée. Selon les résultats du dernier recensement de la population résidente en Argentine en 2001, on dénombrait 230 000 Boliviens officiellement résidents, tandis qu’ils étaient 146 000 en 1991. Mais cet effectif ne représente évidemment pas la réalité puisque la migration clandestine mais aussi la circulation migratoire et l’émergence d’une communauté transnationale sont difficiles à traduire statistiquement. L’enquête complémentaire du recensement 2001 fournit quelques éléments sommaires de l’ancienneté de la migration dans les deux grandes agglomérations réceptrices : Salvador de Jujuy et Salta (Tableau 1). Le fait que respectivement 49,7 % (5 305 / 10 667) et 37,8 % (4 253 / 11 256) du total des migrants déclarent être arrivés avant 1970 réflète bien l’ancrage de la communauté bolivienne dans la partie argentine de l’espace frontalier, appréhendé de manière globale. Pour compléter cette approche, il conviendrait de disposer de données concernant les Argentins d’ascendance bolivienne, c’est-à-dire les enfants des immigrés boliviens qui sont nés dans ces agglomérations et ont ainsi acquis la nationalité argentine mais sont restés partie prenante de la communauté bolivienne.

Tableau 1 : Population née en Bolivie selon l’année d’arrivée dans l’espace argentin, en 2002-2003
 

 

Lieu de naissance et juridiction de résidence

Population trans-frontalière née en Bolivie  
 

Total

Année d’entrée en Argentine  
Avant 1970 1970 – 1979 1980 – 1989 1990 – 2002/3  
             
Agglomération de San Salvador de Jujuy 10 667 5 305 1 788 2 499 1 075  
Agglomération de Salta 11 256 4 253 1 805 3 178 2 020  
Source : INDEC, Encuesta Complementaria de Migraciones Internacionales. Censo Nacional de Poblacion, Hogares y Viviendas, 2001.

Le processus migratoire des Boliviens en Argentine ne peut plus être analysé en termes seulement de déséquilibres économiques ou même structurels entre les deux pays, même si les causes premières de l’émigration bolivienne sont restées sensiblement les mêmes et sont relativement bien connues : faiblesse des rendements agricoles, endettement de l’État, pénurie d’emplois, etc. C’est en bonne partie sur une dynamique de flux temporaires et réversibles, que s’est constitué un système d’échange de populations entre les deux pays, maintenant une forte articulation entre lieux d’origine et de destination, articulation difficile à cerner et obligeant à étudier le niveau d’interdépendance entre les différents lieux : d’origine bolivienne et de concentration en Argentine. Différentes trajectoires (directe, andine, patagonienne, métropolitaine…) sont identifiées et l’analyse s’appuie sur le concept de réseau, en distinguant sa nature et son efficacité pour les individus selon leur statut, leur génération et leur genre. Cependant, bien qu’une grande part de la population bolivienne en Argentine se trouve dans une situation de précarité socio-économique et souvent discriminée, et en dépit des liens maintenus avec la zone d’origine, de la mobilité croissante des migrants et du processus de réversibilité observé dans les données d’enquête, il existe aussi une tendance à l’irréversibilité des flux migratoires qui s’explique essentiellement par la dynamique interne de la communauté bolivienne qui s’avère si puissante qu’elle reproduit aisément sa propre dynamique socio-culturelle[2], au point d’intégrer des Argentins dans leurs pratiques folkloriques, culturelles, sportives… et de leur inculquer un sentimiento de “bolivianidad”[3].

Historiquement, les distributions spatiales de population et les dynamiques de mobilité dépendent des caractéristiques physiques des territoires, de leurs ressources et de leurs usages. Concernant l’espace frontalier boliviano – argentin qui se compose essentiellement du département de Tarija au nord[4] (Bolivie) et des provinces de Jujuy et Salta au sud (Argentine) mais comprend également l’espace boliviano – paraguayen à l’ouest, territoire quasiment vide et dépeuplé, on peut l’appréhender à travers trois sous-ensembles : les vallées, la cordillère et le Chaco qui sous-tendent trois couloirs migratoires :

       – Par delà les vallées tropicales situées sur la frontière autour des multiples rivières, c’est dans les vallées tempérées que se situe la dynamique principale de l’espace frontalier et que s’est développée l’urbanisation du nord au sud, englobant diverses villes satellites dans la région du Ramal. L’économie de cette zone des vallées est basée sur l’agriculture et l’agro-industrie : la canne à sucre est un facteur historique du peuplement régional et constitue un élément structurant du territoire — malgré les aléas de l’activité et l’extension de la culture du soja — tandis que l’horticulture et la fruticulture soutiennent des industries de transformation à haute technicité et orientées vers le marché national et international. En Argentine, la structure agraire type est la plantation, avec une concentration extrême de la propriété ; et la situation est à l’opposé du côté bolivien où la structure agraire est marquée par la fragmentation de la propriété, qui est issue d’une colonisation récente (fin des années soixante).

       – Un autre couloir migratoire concerne la cordillère de la Puna, d’une altitude moyenne de 3 800 mètres, qui est principalement constituée de grands plateaux arides, ce qui explique qu’avec la Quebrada de Humahuaca du côté argentin, l’urbanisation de la zone soit fortement liée à l’axe historique qui permettait de rejoindre les mines du Haut Pérou au port de Buenos Aires. La région était relativement peuplée jusqu’au début du vingtième siècle comme en témoigne encore le réseau de villes implantées tout au long de cet axe, mais son importance est devenue mineure. À la frontière, du côté bolivien, se trouve Villazon, (28 229 habitants, selon le recensement de 2001) qui est devenue une destination commerciale privilégiée pour les Argentins de la province de Jujuy, tandis que du coté argentin, la ville limitrophe de La Quiaca, a une population de 14 753 habitants (selon le recensement de 2001), les deux localités formant ainsi un petit centre urbain frontalier porteur d’une dynamique d’échanges commerciaux avec notamment San Salvador de Jujuy, capitale provinciale.

       – Enfin, un troisième couloir migratoire répond à une large partie du périmètre frontalier qui appartient à l’immense plaine du Chaco, de la Bolivie orientale à partir des sources des fleuves Otuquis et Parapiti jusqu’au Río Salado au sud, en Argentine[5], en englobant la moitié ouest du Paraguay. Traditionnellement, l’économie du Chaco repose sur trois secteurs : élevage, agriculture et sylviculture, auxquels se sont ajoutés récemment les industries du gaz et du pétrole, faisant fortement évoluer l’organisation productive de la zone : l’importance de l’élevage a fortement diminué, le nord argentin n’étant plus compétitif au niveau national et international ; l’agriculture s’est diversifiée, s’adaptant aux changements climatiques et aux nouvelles possibilités offertes par diverses avancées technologiques et la sylviculture stagne.

2 – Les Boliviens en Argentine : un regard historique

2.1 – Première moitié du XXème siècle : l’activité sucrière fixe l’immigration dans les provinces frontalières

La présence des Boliviens en Argentine a longtemps été déterminée par l’économie régionale du nord-ouest argentin (provinces de Salta et Jujuy). Ainsi, l’exploitation de la canne à sucre engendre dès la fin du XIXème siècle un système migratoire basé sur l’emploi de main-d’œuvre agricole temporaire. Durant la première moitié du XXème siècle, l’activité se développe, les flux s’intensifient, ainsi que les pratiques d’itinérance à la recherche d’une occupation complémentaire. Progressivement, au gré des opportunités, une partie des paysans venus pour la zafra (la récolte de canne à sucre) s’établit, y compris en milieu urbain.

Graphique 1 : La population native de Bolivie résidant en Argentine, par recensement (effectifs et taux de variation annuel moyen)

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C’est toutefois à partir de la seconde moitié du XXème siècle que le courant migratoire va fortement s’implanter et s’étendre (Graphique 1). À cette rupture correspondent deux contextes nationaux favorables. D’une part, en Bolivie, la modernisation de la société impulsée par la Révolution Nationale passe notamment par l’abolition des régimes de quasi-servage qui étaient imposés dans les latifundios, aux populations de la zone andine, et libère de ce fait la mobilité de la main-d’œuvre. D’autre part, en Argentine, l’industrialisation et la croissance des villes créent de l’emploi. De surcroît, la migration vers les grandes villes engendre un besoin de main-d’œuvre de substitution dans certains secteurs d’activité traditionnels.

2.2 – Seconde moitié du XXème siècle : le courant migratoire se déplace vers Buenos Aires

La politique de développement agro-industriel des années 50-60 redynamise l’attractivité des provinces de Jujuy et Salta, en particulier avec la culture du tabac. Mais, dans la décennie suivante, la mécanisation va progressivement diminuer le besoin de main-d’œuvre non résidente[6], tandis que parallèlement, les Boliviens s’insèrent dans les marchés du travail de régions de plus en plus éloignées de la frontière[7]. Il s’agit principalement des grandes villes, au premier rang desquelles Buenos Aires. Les Boliviens s’installent également dans les grands bassins agricoles situés au pied de la Cordillère des Andes (Mendoza), et parviennent durant les années 90 aux villes portuaires et aux régions fruticoles de Patagonie.

Cette expansion du courant migratoire aboutit à une nouvelle distribution spatiale, dans laquelle l’importance des provinces frontalières ne cesse de décliner. Les provinces de Salta et Jujuy concentraient 41 % des natifs de Bolivie recensés en 1980, 34 % en 1991 et seulement 22 % en 2001. Par ailleurs, cette population vieillit fortement : près de la moitié des personnes ont 50 ans ou plus. Tandis que dans la province de Buenos Aires et le reste du pays, les immigrants boliviens sont en majorité âgés de 25 à 49 ans.

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Source : INDEC.

2.3 – L’essor des années 90 et la dévaluation de 2001 : un cycle exceptionnel

La présence bolivienne en Argentine a connu une croissance sans précédent durant les années 90. Ce phénomène s’inscrit dans un moment particulier de l’histoire économique de l’Argentine, qui a vu s’interrompre l’hyperinflation avec l’introduction d’une nouvelle monnaie en 1992, convertible à taux de change fixe avec le dollar (un peso vaut désormais un dollar). Dès lors, les salai­res argentins deviennent extrêmement attractifs pour les travailleurs des pays voisins. Entre 1991 et 2001, la population native de Bolivie a aug­menté de 56 % dans le pays et de 81 % dans la province de Buenos Aires. À partir de ce moment, les Boliviens constituent le deuxième courant mi­gratoire en provenance de pays d’Amérique du Sud, derrière les Paraguayens et devant les Chiliens.

Mais la période est éphémère, la conjoncture économique se retourne, et fin 2001, commence la dévaluation du peso qui conduit à diviser sa valeur par trois. La crise est politique, économique, fis­cale et sociale (forte hausse du chômage, baisse du pouvoir d’achat). Notamment, le pays connaît une vague de départs de ses ressortissants vers l’Europe et les États-Unis. Depuis, l’économie argentine réalise un redressement spectaculaire grâce aux exportations, affiche des taux de crois­sance à deux chiffres, sans pour autant résoudre la crise sociale, du fait de l’inflation et de l’extrême concentration des revenus[8].

Les conséquences démographiques de la crise et de la récupération actuelle sont difficiles à cerner. En comparant les résultats des enquêtes Ménages entre 2000 et 2002, E. Bologna[9] conclut que la crise n’a pu déboucher sur une sortie massive des immigrés. Une source comme l’attribution de permis de résidence définitive en signale bien l’impact, par une baisse de 40 % entre 2001 et 2002. Elle témoigne aussi d’une reprise dès 2003, profitant tout particulièrement aux Boliviens, qui deviennent les premiers bénéficiaires en 2004, avec 25 % de ces autorisations. Ces informations suggèrent que la crise de 2001-2002 marque une fin de cycle haut dans le régime de l’immigration, mais réaffirment le rôle prééminent de l’espace argentin pour les Boliviens.

3 – Les migrations boliviennes dans le contexte de la réorganisation du système migratoire sud-américain

Schématiquement, cette réorganisation com-porte trois manifestations : l’affaiblissement de l’attractivité de pôles d’accueil traditionnels dans la région, l’émergence de nouveaux espaces d’accueil dans la région, l’émergence de nouveaux espaces d’accueil en Europe.

3.1 – L’Argentine pôle d’accueil majeur

Ainsi, l’observation conjointe des recensements des pays d’Amérique et des Caraïbes[10] permet d’évaluer que l’Argentine concentrait 75 % des natifs de Bolivie recensés à l’étranger sur le continent, dans les années 70 et 80. Cette proportion a diminué de 5 % au profit des États-Unis qui s’affirment comme la seconde destination, avec 14 % des natifs de Bolivie résidant à l’étranger, selon les recensements du début des années 90, À titre de comparaison, l’Argentine accueillait au début des années quatre-vint-dix : 88 % des natifs du Paraguay, 69 % des natifs de l’Uruguay, 61 % des natifs du Chili, 12 % des natifs du Brésil, 7 % des natifs du Pérou.

L’Argentine est historiquement le principal pôle d’accueil de la migration internationale intra-régionale, en masse et en diversité, le Venezuela constituant un autre pôle majeur, mais fonctionnant essentiellement avec la Colombie. Pour cette raison, l’évolution de l’Argentine est le facteur du changement que nous retenons en premier lieu. Ainsi, la crise de 2001, qui a considérablement déprécié le peso et modifié les conditions du marché du travail, constitue un facteur de réorganisation du système migratoire. L’après 2001 laisse place à une nouvelle complexité. Aujourd’hui, la destination argentine se trouve concurrencée par les nouveaux pôles d’attraction, en particulier le Chili voisin, et le Brésil ?

3.2 – L’émergence de nouveaux pôles d’accueil dans la région (Chili, Équateur, Brésil)

L’Équateur est un cas à part dans la mesure où les Équatoriens émigrent massivement et que le nouveau rôle du pays comme espace d’accueil de la migration internationale est essentiellement le fait de réfugiés et déplacés, du fait de l’aggravation du conflit interne colombien à la fin des années 90. Le nombre des Colombiens en Équateur est un sujet de dissensions, plus de 300 000 individus selon les autorités de ce pays.

Enfin, les recensements brésiliens et chiliens témoignent d’une augmentation sensible de l’immigration en provenance des pays voisins. Notamment, le dynamisme durable de l’économie chilienne expose le pays à un phénomène d’immigration inédit (la population étrangère a augmenté de 75 % entre 1992 et 2002). Par exemple, 175 000 Péruviens auraient émigré vers ce pays entre 1995 et 2005[11].

3.3 – L’émergence de nouveaux pôles d’accueil en Europe (Espagne, Italie, Portugal)

L’augmentation des flux migratoires de l’Amérique du Sud vers l’Europe s’inscrit dans un contexte d’accumulation des facteurs d’émigration dans les pays sud-américains et d’attractivité de l’Europe. Ainsi, l’Espagne, l’Italie et le Portugal deviennent-ils des pays d’immigration et ont-ils des politiques migratoires favorables à l’installation de latino-américains[12]. D’autant que les liens familiaux facilitent les projets migratoires : de nombreux sud-américains ont des contacts, ou même ont conservé la nationalité de leur pays européen d’origine, ou peuvent l’obtenir facilement.

La migration des Boliviens et des ressortissants des principaux pays sud-américains exportant une partie de leur population, est actuellement orientée vers l’Espagne qui est aujourd’hui la première destination des migrations internationales, devant les États-Unis[13]. Or, l’arrivée des Boliviens est récente, mais connaît un régime de progression ultra rapide[14]. En cinq ans, ils sont devenus le quatrième courant migratoire latino-américain, passant devant les Péruviens en 2005 et se rapprochant des Argentins en 2006. D’après le Padron Municipal, le registre administratif actualisé dans lequel doivent s’inscrire toutes les personnes qui vivent habituellement en Espagne, il y avait 2 117 résidents boliviens en 2000, 6 619 en 2001, 13 517 en 2002, 28 432 en 2003, 52 345 en 2004, 97 945 en 2005 et 139 802 en 2006.

Conclusion

On peut ainsi parler d’un système migratoire boliviano – argentin qui s’inscrit dans l’histoire et qui a montré ses capacités de renouvellement fondées sur des réseaux puissants. Les études de migration ont, par définition, été d’abord déterminées par les frontières, en termes de limites de souveraineté nationale entre États, dont le franchissement se traduisait par de multiples conséquences. Historiquement, l’Argentine est la destination de prédilection des migrants internationaux boliviens, toutefois, la question qui se pose maintenant, au regard de la réorientation du système migratoire bolivien, est de savoir si l’intégration de la région dans l’espace national va aussi se répercuter sur le plan des migrations internationales.

 

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Notes:

* Docteur en Aménagement et urbanisme.

** Démographe, Directeur de recherche IRD.

[1] L’Oriente représente les plaines amazoniennes, soit toute la partie est du pays.

[2] Hervé Domenach, Dora Celton et al, La comunidad boliviana en Cordoba. Caracterizacion y proceso migratorio, ORSTOM, UNC, LPE, 1995. Voir aussi Hervé Domenach, Dora Celton, Hugo Arze, Philippe Hamelin (sous la dir. de), Movilidad y procesos migratorios en el espacio de frontera argentino-boliviana, éditions Copiar, Cordoba, Argentine, 2007.

[3] Alejandro Grismon et Edmundo Paz Soldan « Migrantes bolivianos  en la Argentina y Estados Unidos », PNUD, Cuaderno De Futuro n° 7, La Paz Bolivie, 2000.

[4] Voir : Nicolas d’Andréa, Effets de frontière, migrations et redistribution du peuplement en Bolivie : les dynamiques territoriales dans le département du Tarija, thèse de doctoraten « aménagement de l’espace, urbanisme », Université Aix-Marseille III, Institut d’Aménagement Régional, 2004. Voir aussi : Ceydric Martin, Complexe migratoire et distribution spatiale de population dans le Sud bolivien. Enquêtes en milieu rural et urbain dans le département du Tarija, thèse de doctorat de démographie, Paris, Université Paris V, Faculté des sciences humaines et sociales – Sorbonne, 2005.

[5] Provinces du Chaco, de Formosa, nord de Santa Fe, nord-est de Santiago del Estero, est de Salta.

[6] Scott Whiteford, Workers from the North : Plantations, Bolivian labor, and the city in northwest Argentina, University of Texas Press, Austin, 1981.

[7] Gabriela Karasik, Roberto Benencia, « Apuntes sobre la migracion fronteriza. Trabajadores bolivianos en Jujuy », Estudios migratorios latinoamericanos, año 13-14, n° 40-41, pp. 569-594, 1999. Hervé Domenach, Dora celton et al, La comunidad boliviana en Cordoba. Caracterizacion y proceso migratorio, ORSTOM, UNC, LPE, 1995.

[8] Gerardo Della Paolera (entretien avec), « Argentine quel avenir ? », Géopolitique, n° 96, octobre 2006, pp. 34-38.

[9] E. Bologna, La réversibilité aux étapes avancées des systèmes migratoires : le cas de l’Argentine et de la Bolivie, Thèse de doctorat de démographie, Paris, Université Paris V, Faculté des sciences humaines et sociales – Sorbonne, 2006.

[10] Source : base de données Investigacion de la Migracion Internacional en América Latina (IMILA). Cette source produit une matrice des migrations sur durée de vie, croisant lieu de naissance et lieu de résidence pour tous les pays d’Amérique, par décennie de recensement (sans ajustement). L’outil offre une approximation de l’évolution de la concentration des stocks de migrants internationaux par pays.

[11] INEI, DIGEMIN, IOM, Perù : Estadisticas de la Migracion International de Peruanons, 1990-2005, 2006 (Institudo Nacional de Estadistica y Informatica, Direccion General de Migraciones y Naturalizacion, Organizacion Internacional para las Migraciones).

[12] J. Salt (sous la dir. de), Perspectives on Trafficking of Migrants, Genève, IOM, 2000, ainsi que Andreu Domingo et Rosana Martinez, « La poblacion latinoamericana censada en Espagna en 2001 : un retrato sociodemografico », Notas de Poblacion, vol. 81, 2006, pp. 99-128.

[13] C’est ce qui ressort de diverses enquêtes, des registres d’entrées et de sortie, ainsi que des recensements prenant en compte la migration internationale (Colombie, 2005 ; Équateur, 2001 ; Pérou, Encuesta continua 2006). Toutefois, les stocks de migrants accumulés aux États-Unis dépassent encore nettement les implantations en Europe. Par exemple, le Dane (institut de statistiques colombien) évalue la part de ses ressortissants vivant à l’extérieur en 2005 pour 35 % aux États-Unis, 23 % en Espagne, 20 % au Venezuela, puis 3 % en Équateur. (DANE, Boletín Censo General 2005, Perfil Colombia).

[14] Andreu Domingo et Rosana Martinez, art. cit.