Partenariat euro-méditerranéen. Le cas des pays du Maghreb

Bouhadjar Hadjri*

 

111Le 27 novembre 1995, les représentants des quinze pays de l’Union Européenne, d’une part, et des onze pays de la rive Sud de la Méditerranée, d’autre part, réunis lors de la conférence euro-méditerranéenne, adoptaient la déclaration de Barcelone et s’engageaient à former une zone de paix et de prospérité. La genèse de ce projet est née de la rencontre de trois logiques, géopolitique, internationale et sécuritaire. La logique géopolitique est la conséquence directe de la désagrégation du bloc des pays de l’Est et de ses effets sur la région : Avec la fin de l’ordre bipolaire, une possible déstabilisation de la région était redoutée. Par ailleurs, le partenariat traduit également la volonté de rééquilibrage, au sein de l’UE, entre des relations de plus en plus fortes avec les pays de l’Est (avec la perspective d’intégration) et des rapports plus distants vis-à-vis des pays du sud. La logique de l’internationalisation traduit les évolutions mondiales actuelles, marquées par la mise en place de l’OMC, par la constitution plus au moins formalisée de blocs régionaux. La dimension sécuritaire découle directement des deux logiques précédentes et exprime des craintes, crainte que le maintien des inégalités de revenu entre les deux rives de la Méditerranée n’entraîne des flux migratoires dans une Europe ou existe un fort taux de chômage. Déjà dans les années 1970 les accords de coopération signés entre la CEE et les pays du Maghreb se fixaient comme objectif l’augmentation des flux d’échange entre les deux rives. Après plus de vingt ans de coopération économique, les relations commerciales entre l’UE et le Maghreb restent asymétriques. Asymétrie qui se manifeste à deux niveaux : d’une part, au niveau géographique, parce que les pays du Maghreb ont comme partenaire essentiel l’UE alors que le Maghreb représente un partenaire “marginal” d’autre part au niveau sectoriel, parce que les exportations vers l’UE en provenance du Maghreb sont constituées de produits bruts ou peu transformés alors que celles en provenance de l’UE sont des produits finis et à forte valeur ajoutée.

Les accords d’association que proposent l’UE au pays du Maghreb (le Maroc et la Tunisie ont déjà signé ces accords d’association, l’Algérie est en négociation) introduisent pour la première fois la réciprocité dans les engagements.

L’analyse des contours ainsi que des impacts potentiels des accords d’association entre l’Europe et les pays du Maghreb montre que ces accords ne peuvent pas à eux seuls avoir l’effet de développement nécessaire à ces derniers. Deux  risques majeurs sont aisément identifiables ; budgétaire et industriel.

Dans ce papier nous allons essayer de faire une analyse critique de ces accords d’association. Pour cela, on présentera dans un premier temps l’offre européenne, avant de voir quels seront les effets probables de ces accords de libre-échange sur les économies du Maghreb en tenant  compte de leurs principales faiblesses face à cette zone de libre-échange.

Les Accords d’Association Euro-méditerranéens

En lisant la déclaration de Barcelone, on peut  relever une profonde reformulation de la politique  européenne à l’égard de sa périphérie sud. Nous proposons alors de nous intéresser d’abord à la véritable signification de ce qu’il est convenu d’appeler la politique méditerranéenne rénové (PMR), avant d’aborder son aspect strictement économique.

La PMR est une initiative strictement européenne dont les enjeux pour l’Europe se confondent avec les finalités qu’elle en attend. Celle-ci s’expriment à travers le caractère global de l’approche européenne que conforte le recours au partenariat. La déclaration de Barcelone propose un cadre de coopération qui comporte trois volets : un volet politique et sécuritaire, un volet économique et financier et un volet social, culturel et humain.

Pour les PTM (pays tiers méditerranéen), c’est fondamentalement la dimension économique de l’offre européenne qui est la plus importante parce qu’elle engage leur devenir économique et, à cours terme au moins, passe par un coût élevé. Mais du point de vue européen qui l’intègre dans une démarche plus globale, il est évident que la nouvelle politique n’a de sens qu’en référence aux autres volets qui lui sont associés. Selon les  termes de la déclaration de Barcelone, la PMR répond aux grands  objectifs suivants :

Au plan politique : il s’agit de « définir un espace de paix et de stabilité », c’est à dire simplement, d’assurer une sécurité régionale dictée par les exigences de la proximité géographique.

Au plan social : l’objectif retenu est de « développer et favoriser la compréhension et les échanges entres les sociétés civiles ».

Au plan économique : l’objectif affiché est celui de l’instauration d’une ZLE à l’horizon 2010.

Toutefois les finalités réelles de la démarche européenne ne coïncident  qu’imparfaitement avec les objectifs formulés.

Au niveau économique en particulier, l’objectif de co-prospérité est difficilement crédible dès lors que l’on fait ressortir le décalage important entre le faible degré d’engagement européen, d’une part, et l’importance du différentiel économique et social qui le sépare des pays du flanc Sud, d’autre part. Le volet social, quant à lui, est fortement sous tendu par des motivations de maîtrise des flux migratoires, qui, manifestement, sont le véritable fondement de la coopération recherché ; l’insistance particulière qui marque la question de l’immigration figure d’ailleurs parmi les objectifs attendus de la coopération.

En effet, c’est bien seulement au niveau politique, où les préoccupations sécuritaires sont explicitement formulées, que les finalités européennes s’expriment directement.

Quelles sont alors les véritables causes de l’offre européenne ? L’initiative européenne renvoie, à l’évidence, à la prise de conscience des pays de l’Union, d’une communauté d’intérêt avec leur périphérie Sud. La conscience d’intérêts communs implique une action commune, un projet commun. Il est alors significatif de relever les observations suivantes :

La déclaration de Barcelone est une initiative strictement européenne ; totalement conçue par l’Europe en dehors des PTM, elle s’impose telle quelle à ses derniers.

Les notions de communautés (d’intérêt, de lutte, d’espace…) n’apparaissent que dans les domaines où l’interdépendance des intérêts met directement en jeu la sécurité de l’Europe (lutte contre le terrorisme, la drogue, l’immigration clandestine…), alors que dans le domaine de la coopération économique, seule la politique énergétique est expressément ciblée comme sujet de dialogue. Le traitement de la dette et de la coopération scientifique et technologique véritables enjeux de coopération entre des pays d’inégal développement sont passés sous silence.

Au plan économique, l’association régionale proposé par l’Europe relève d’une approche restrictive. Celle-ci se réduit en effet au seul cadre strictement commercial de la libre circulation des marchandises, dont sont exclues de surcroît celles qui menacent les intérêts de l’UE (produits agricoles main d’œuvre.

L’essentiel du partenariat économique tient dans l’instauration progressive (à l’horizon 2010) d’une vaste zone de libre échange entre l’espace européen et l’espace constitué par les 12 PTM. L’instauration de la ZLE constitue ainsi le principe fondamental du partenariat économique. Avant d’en préciser le contenu, il importe d’abord de revenir sur la nature de cet engagement pour les PTM. Par rapport aux autres engagements internationaux conclus par les PTM (PAS avec le FMI, accession à l’OMC), la ZLE se distingue par son caractère plus contraignant et par la même, moins susceptible d’être contourné.

Au plan contractuel, la ZLE implique la suppression totale (à terme) de toute protection au moins pour le secteur industriel. Quels sont plus précisément les termes de cet accord ? . L’offre européenne d’établir la libre circulation des marchandises entre l’union et les PTM se limite d’abord aux seuls produits industriels à l’exclusion des produits agricoles et de  circulation de main d’œuvre. De plus, elle revient seulement à permettre le libre accès des produits industriels européens au marché des pays tiers méditerranéens. En effet, aux termes des accords de coopération en vigueur depuis 1976, le marché européen était déjà ouvert aux produits industriels des PTM. Il s’agit donc seulement de supprimer le régime préférentiel dont bénéficiaient les exportations industrielles des PTM pour le remplacer par un régime de stricte réciprocité. En compensation des avantages que procure le libre accès au marché des PTM, l’Europe consent une aide financière d’un montant global de 5 milliards d’Euro (4,685) sur 5 ans.

Les principales faiblesses des économies maghrébines face à la ZLE  avec l’UE

Le processus de libéralisation en cours dans les économies maghrébines n’occulte pas le fait que ces économies continuent de se caractériser par une politique commerciale dominée par les barrières douanières élevées composées de droits de douanes et de taxes d’effet équivalent.

Ce niveau élevé des droits d’importations (toutes catégories confondues ) explique l’importance des recettes fiscales douanières pour les économies des trois pays maghrébins. En effet, la politique douanière ne visait pas exclusivement la protection des productions locales mais constituait un outil de politique fiscale destiné à contribuer  aux recettes de l’Etat. Cette double fonction de la politique douanière donne une dimension particulière à l’opération  de démantèlement tarifaire qui est prévue pour les produits industriels dans le cadre de la ZLE.

Algérie Maroc Tunisie
Recettes totales (en % du PIB) 28,5 26,4 25,0
Recettes non fiscales (en % du PIB) 17,5 3,0 4,8
Recettes fiscales (en % du PIB) 11,0 23,4 20,2
Droit et taxes sur les importations

(en % du PIB)

2,9 5,0 8,2
Importations touchées par le démantèlement (en % des importations totales) 53,2 58,3 73,5
Manque à gagner fiscal (en % du PIB) 1,5 2,9 6,0
Source : FMI/ Banque mondiale.

Ainsi, pouvons-nous conclure que l’impact fiscal d’une ZLE avec l’UE pour les pays du Maghreb est important dans la mesure où les recettes provenant des barrières douanières jouent un rôle important et parfois considérable dans le budget des Etats maghrébin.

Dans une perspective dynamique, cet impact est encore plus important, car la libéralisation des échanges avec l’UE va engendrer un flux plus important encore d’importations. Nous venons de voir que les économies maghrébines, bien qu’étant dans un processus de libéralisation, continuent de pratiquer des tarifs douaniers élevés et leurs finances publiques dépendent largement de ces rentrés fiscales. Ainsi, peut-on plus justement qualifier la politique économique menée durant les 15 dernières années de processus d’ajustement plutôt que de réelle libéralisation.

Les pays maghrébins disposent de marchés intérieurs de faible dimension et de structure peu concurrentielle. Cela s’explique essentiellement par deux raisons majeures :

– la faiblesse des pouvoirs d’achat,

– la protection encore élevée des marchés.

En effet, même si la population est relativement importante (près de 65 millions d’habitant en 1996), le pouvoir d’achat y est encore relativement faible. A titre d’illustration, le PIB du Portugal ou de la Grèce est huit fois supérieur à celui de la Tunisie pour des populations comparables. Ainsi sous l’effet de la croissance démographique, du faible niveau de la croissance du PIB et de l’existence d’une inflation relativement soutenue, le pouvoir d’achat mesuré par les indicateurs macro-économiques ne se développe pas au rythme nécessaire pour faire émerger le marché intérieur.

D’autre part, en raison d’une protection douanière encore élevée, le marché intérieur demeure faiblement ouvert à la concurrence des produits importés. Cela est d’autant plus vrai que l’absence d’intégration régionale au Maghreb ne permet pas de bénéficier d’économies d’échelle permettant d’élargir le marché intérieur et baisser les prix.

Enfin, l’analyse du pouvoir d’achat au Maghreb reste largement déterminée par l’existence d’une dualité sociologique entre le monde urbain et le monde rural. Ce dernier représente encore entre 40 et 50 % de la population totale de la région. Les habitudes de consommation du monde rural ainsi que le niveau inférieur de son pouvoir d’achat par rapport aux moyennes nationales affectent également, pour un grand nombre de produits industriels, la taille du marché.

L’environnement législatif et réglementaire au Maghreb constitue un aspect important en vue de la création de la ZLE. La modernisation de cet environnement prend aujourd’hui toute son importance notamment au regard de la nouvelle réalité imposée par la mondialisation de l’économie.

En effet, trois  nouvelles séries de contraintes s’imposent aux pays du Maghreb :

Au-delà des aspects purement tarifaires; le commerce international introduit aujourd’hui de nouvelles règles dans les domaines de l’investissement, de la concurrence, de la propriété intellectuelle, des règles d’origine, de l’environnement.

De nombreuses décisions sont prises au sein de l’OMC et s’imposent dans les législations nationales  des pays membres. Des périodes de transition sont consenties mais celles-ci  doivent être mises à profit pour adapter les textes nationaux aux dispositions multilatérales. Les pays du Maghreb se trouvent ainsi de plus en plus impliqués dans un mouvement global ou les décisions multilatérales s’imposent sur le plan interne.

L’ouverture progressive des marchés maghrébins dans le cadre de l’OMC ainsi  que dans celui, plus poussé, de la ZLE avec l’UE implique une nouvelle organisation des marchés maghrébins. En effet, le mouvement de libéralisation doit s’accompagner de la mise en place  de nouvelles  règles aussi bien sur le plan de la  politique commerciale  que sur celui de l’organisation interne  du marché. La libéralisation ne devant pas évoluer en laisser faire, les pays maghrébins doivent accélérer  les reformes dans les domaines de la concurrence, de la propriété intellectuelle, des normes techniques ainsi que des règles d’origine.

L’attrait des IDE étant un axe important de transfert technologique, la capacité des pays maghrébins à pouvoir mettre en place un certain nombre d’instruments pouvant rassurer l’investisseur et surtout l’intégrer dans une dynamique de développement locale sera un élément fondamental dans l’évolution économique de la région.

Les effets prévisibles de la zone de libre-échange sur les économies maghrébines

Il est difficile de pouvoir faire à l’heure actuelle une évaluation rationnelle de la libéralisation réciproque des échanges entre pays développés et pays en développement. Plusieurs raisons expliquent cela :

– il n’existe pas d’exemple de libéralisation totale dans les échanges entre deux pays qu’ils soient développés ou en développement. Il ne saurait donc y avoir d’analyse sur les effets sur les pays en développement d’expériences libre-échangistes avec des pays développés;

– il n’y a, à ce jour, qu’un seul cas d’accord de libre-échange entre pays développés et un pays en développement: c’est le cas de l’ALENA. Cet accord est entré en vigueur en 1994 et il est donc trop tôt pour en dresser  un bilan et pouvoir en tirer des conclusions qui seraient élargies à l’analyse d’autres expériences similaires dans le monde surtout que la libéralisation commerciale était très importante entre les Etats-Unis et le Mexique avant même la signature de cet accord..

Enfin, il est encore trop tôt pour la plupart des pays en développement pour parler de politiques commerciales libérales. Ces pays n’en sont qu’aux premières étapes de l’ouverture de leurs économies et, à quelques rares exceptions près, les barrières tarifaires et non tarifaires restent encore importantes.

Dans ce contexte, les PTM sont parmi les premiers pays à expérimenter l’établissement d’une ZLE avec un partenaire commercial nettement plus développé qu’est l’UE.

Par rapport à un schéma général de libéralisation des échanges, la ZLE Euromed présente des particularités importantes : l’histoire, le déséquilibre initial des échanges et le niveau moyen de la protection  des deux ensembles font du partenariat euro-méditerranéen un cas tout à fait original.

Les pays du Maghreb n’auront pas, avec le libre-échange, un meilleur accès au marché.  L’ouverture est déjà acquise depuis au moins une vingtaine d’années pour les produits industriels. L’agriculture est laissée en dehors du champ du libre échange. Celui-ci va dès lors se résumer à l’ouverture préférentielle des pays du sud aux produits européens. L’augmentation prévisible des importations de ces pays sera très forte, surtout pour ceux qui ont maintenu des barrières quantitatives non négligeables. Ils vont être contraints d’éliminer ces barrières. En compensation de cet impact négatif, une dynamisation des exportations est attendue de ce libre-échange, qui va être possible grâce à l’importation d’intrants pour l’industrie locale aux prix internationaux. Pour Regnault, cette dynamisation des exportations est une « cruelle désillusion », cela tient au fait que la détaxation des intrants n’est pas une nouveauté dans les PTM. Par ailleurs, le déséquilibre des échanges en général et manufacturier en particulier est déjà, avant l’ouverture, très large. Dans le cas d’une ouverture réciproque, la théorie des zones de libre-échange fait bien apparaître que la répartition des gains et des coûts entre les partenaires se fait en faveur des pays importateurs nets. Par conséquent, s’il devait se résumer à ces effets de création et de détournement de commerce, le libre-échange régional ne présenterait pour les pays maghrébins que des avantages limités, voire des désavantages dans certains cas.

Des modèles de simulations macro-économiques sur l’impact du libre-échange ont été appliqués au Maroc et à la Tunisie. Les relations commerciales entre l’Europe et le Maghreb ont été étudiées à l’aide d’indicateurs tels que l’intensité relative des échanges, à partir des données de la base CHELEM du CEPII. Cet ensemble de travaux s’appuyant principalement sur la théorie de la spécialisation selon l’avantage comparatif, confirme la faiblesse des gains de ce libre-échange, quand ils existent.

Le deuxième enseignement, évidemment prévisible est que sans mesures compensatoires, le libre-échange est insoutenable. La progression des importations est beaucoup plus forte que celle des exportations. La dépréciation réelle produite par la baisse du tarif douanier moyen est insuffisante pour contenir la dégradation des comptes publics et produit un fort effet d’éviction sur l’investissement privé. Seule une politique compensatoire efficace et des entrées importantes de capitaux sont en mesure de rendre le bilan positif. Mais la progression des  IDE, qui devrait limiter l’ampleur de la dévaluation nécessaire, est considérée comme variable « exogène » dans tous ces modèles. La question qui reste alors posée est celle de savoir si la création d’une ZLE est par elle-même en mesure de provoquer un retournement significatif des flux d’entrées de capitaux. Dans une étude menée par le Foreign Investment Advisory Service (FIAS), un service conjoint de la Banque Mondiale et de la Société Financière Internationale, C. A. Michalet, montre le manque d’attractivité des pays du Sud de la Méditerranée. L’investissement étranger ne fait pas seulement défaut quantitativement, mais aussi qualitativement, la grande majorité des projets concerne des activités incapables de promouvoir la mise à niveau technologique de l’appareil productif.

Ainsi, si l’on a pu mettre en évidence le gain pour l’Europe d’une ouverture des pays du Sud aux produits européens, l’avantage pour le Sud n’a pas été établi. Aussi a-t-on cherché à montrer la possibilité d’effets indirects. Deux approches se complètent : l’une compte sur le « choc » du libre-échange pour forcer les économies et les sociétés du Sud a se transformer et s’adapter dans le sens d’une intégration a l’économie mondiale. L’autre table sur « l’effet d’annonce » d’un tel projet. Pour la première, les effets négatifs à court et à moyen terme seront compensés par des effets structurels positifs à long terme, si une politique d’accompagnement est adoptée, l’Europe ayant tout intérêt à faciliter ce processus et à en atténuer les conséquences les plus néfastes. Pour combler cette lacune et articuler le projet au court terme, on compte dans l’immédiat sur l’effet d’annonce de la décision de création d’une ZLE. La signature d’accords d’association entre l’UE et ses partenaires est conçue comme un signal lancé aux opérateurs économiques privés sur la crédibilité des politiques économiques suivies par les pays signataires de ces accords. On se préoccupe surtout de rassurer les investisseurs étrangers, en particulier européens, sur la détermination des gouvernements à mener des politiques conforment aux prescriptions des institutions financières internationales. Pour G. Kebabdjian, il y a plus de crédibilité dans la signature d’un accord de libre-échange que dans l’adhésion à l’OMC ou l’adoption d’un Plan d’Ajustement Structurel, car toute politique économique est réversible lorsqu’elle est mise en œuvre par un Etat souverain.

Conclusion

Le partenariat euro-méditerranéen, s’il se résume à la création d’une zone de libre-échange, ne peut tenir lieu de politique de développement. La simple conclusion de tels accords n’est donc pas une solution suffisante pour atteindre le but d’une « zone de prospérité partagée » telle qu’il est mentionné dans la déclaration de Barcelone. Le partenariat devrait viser à la mise en place des infrastructures de connaissances et de capacité technologique. Le développement des relations euro-maghrébines dépend d’une triple volonté qui doit s’exprimer d’une manière forte : celle de chacun des pays du Maghreb d’améliorer les conditions de la croissance et de la compétitivité dans son pays ; celle des pays maghrébins d’accélérer leur processus d’intégration régionale ; celle de l’UE de définir clairement une politique maghrébine volontariste. Le succès de toute initiative de développement des relations économiques entre l’Europe et sa rive Sud dépend de l’interaction forte entre ces trois niveaux de volonté.

 

 

  

Bibliographie

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Note:

* GRREC, Université Pierre Mendès France, Grenoble.