L’histoire tourmentée du Sahara occidental

Patrice Allard

 

I&C 176Comparé aux méandres tumultueux d’une décolonisation manquée et à la non résolution d’une question qui interroge le droit international depuis plus de quarante ans, le décor peut paraître dérisoire : 266 000 km2 de désert, c’est-à-dire une immensité de sable ou de cailloux avec le ciel par en dessus qui « demeure l’élément mobile et changeant, l’éternelle nouveauté, la vie qui console de tant de néant[1] ». Pourtant le destin de ce territoire, et le sort de ses habitants restent irrésolus depuis 1975, rappelant à plusieurs égards celui de la Palestine et des Palestiniens.

La colonisation du Sahara occidental

 C’est une colonisation tardive, n’intervenant qu’à la fin du XIXème siècle. Pourtant la présence espagnole est bien antérieure du fait des flottilles de pêche attirées par les eaux côtières, très poissonneuses, du Sahara[2]. Le besoin d’aménager, à proximité des pêcheries, des escales pour se ravitailler constitue, pour une longue période, le seul intérêt de la future métropole coloniale. Le territoire lui même, pays de tribus  principalement nomades, qui se distinguent par leur langue, le hassaniya, et une culture particulière centrée sur le nomadisme, attire peu les Européens. La conquête de l’Algérie à partir de 1830, sa transformation en colonie de peuplement et l’occupation progressive du Sud algérien par la France réveillent les impérialismes européens. Pour l’Espagne ce réveil se manifeste par un conflit avec le Maroc (octobre 1859-avril 1860) qui s’achève par une défaite du Maroc et un traité de paix (Tétuan, 26 avril 1860) qui contraint le Maroc à payer une lourde indemnité financière, à rétrocéder l’ancienne possession espagnole de Santa Cruz Pequeña et à conclure un traité de commerce avec l’Espagne[3]. L’engrenage d’une conquête coloniale espagnole se met ainsi en place. Elle commence en 1884 par des accords conclus entre ce pays et des chefs de tribus qui lui cèdent une partie du territoire, le Rio del Oro[4]. Cette même année, la Conférence de Berlin donne mandat à l’Espagne d’occuper le Sahara occidental pour en assurer la défense contre toutes agressions étrangères[5]. En 1906, le traité d’Algésiras fait de la France et de l’Espagne les « protecteurs » des territoires relevant d’un empire marocain. Ce traité est précisé en 1912 par la convention de Madrid qui fixe les territoires de l’un et l’autre de ces protectorats et établit les responsabilités et compétences des puissances en charge de les administrer[6]. Le statut du Sahara occidental et ses rapports avec l’Espagne sont ainsi fixés en 1912, sous la forme d’un protectorat. Cependant les différences concrètes entre protectorat et colonie sont assez floues. Les missions de la puissance occupante (administrer, assurer l’ordre intérieur et protéger contre toutes agressions extérieures) ne sont guère distinctes de celle d’une métropole coloniale si ce n’est dans leur finalité : le protectorat doit conduire, après une période « d’apprentissage » (d’une durée non spécifiée), à l’émancipation du protégé. Dans le cas du Sahara occidental, il est donc plus juste de parler de colonisation espagnole[7].

Jusqu’au milieu des années 1950, cette colonisation espagnole présente deux ca-ractéristiques : les résistances qu’elle rencontre et le faible intérêt de la métropole pour sa colonie. L’occupation du territoire commence par une « pacification » passant par l’engagement et le maintien de forces militaires pour briser une résistance qui se manifeste par des actes de rébellion sans cesse répétés. Des tribus se soulèvent, des « bandits de frontière » pratiquent des razzias de part et d’autre de la frontière algérienne, agissant dans une colonie (française ou espagnole) et se réfugiant ensuite dans l’autre. L’un de ces derniers, Ma al’Ayn Ayn, est resté célèbre du fait de ses actions. Le Front Polisario en fera plus tard un des symboles de la résistance sahraouie. La répétition des soulèvements rend toujours inachevée la pacification. Ainsi, peu après la mort de Ma al’Ayn Ayn, un nouveau soulèvement va mener à une véritable bataille, à Lakdayn, où un peloton de méharistes sera défait[8]. Si nous suivons Sonia Vergara Ruiz, ces nombreux actes de résistance ne relèvent pas de l’éveil d’une conscience nationale mais plutôt de la défense d’un mode de vie nomade que les frontières établies par les colonisateurs entravent. Elles restreignent les aires de nomadisme, donc de pâturage itinérant, et, bien que rendant possible des activités de contrebande (réprimées par les occupants), constituent une menace pour la survie économique de l’élevage nomade. La colonisation affecte donc les conditions de vie des tribus sahraouies, confrontées à la difficulté de poursuivre leurs activités habituelles et ne trouvant d’autres alternatives que dans des activités illégales ou dans les prébendes versées par les colonisateurs à certaines tribus et à certains de leurs chefs, devenus notables (très vieille politique pratiquée par toutes les puissances coloniales).

Le Sahara occidental présente peu d’intérêts économiques pour l’Espagne, surtout confrontés au coût d’une présence militaire toujours conséquente. L’accès aux pêcheries dans les eaux côtières et au-delà sont, au début du protectorat du moins, l’unique avantage qui profite à l’économie espagnole. La mécanisation des moyens de pêche justifie des escales pouvant apporter aux navires espagnols non seulement l’eau douce et les vivres mais aussi le charbon ou les carburants nécessaires. El Aaiun et Villa Cisneros (devenue ensuite Dakhla) seront ainsi crées, à partir de villages préexistants, par la puissance occupante[9]. Ce n’est que tardivement qu’une richesse nouvelle, les phosphates, sera mise à jour puis exploitée. C’est en 1940 qu’est reconnu le gisement de Boucraa (près d’El Aaiun). Ce gisement ne sera mis en exploitation qu’à partir de 1962, avec une bande convoyeuse de plus de 100 km reliant le gisement à la mer, par la société espagnole Fos Boucraa[10].

La marche à la décolonisation

Le contexte politique de la région change à partir du milieu des années 1950. Le 1er novembre 1954 commence la guerre d’indépendance algérienne. En 1956 les indépendances du Maroc et de la Tunisie sont proclamées et acquises. Au Maroc où un parti politique, l’Istiqlal[11], mène la lutte pour la décolonisation du pays depuis 1944, l’indépendance est marquée par le retour au pouvoir du sultan, devenu le roi Mohamed V en 1957, dans un climat de tensions de plus en plus vives entre forces conservatrices et progressistes. Pour l’Istiqlal, l’indépendance est accueillie surtout comme une étape devant conduire à la décolonisation complète du « grand Maroc » (qui inclut une partie de l’Ouest algérien, le Sahara occidental et la Mauritanie). Pour établir une légitimité et conforter le rétablissement de la royauté, Mohamed V va s’appuyer, dans un premier temps, sur l’Istiqlal, en partageant certains de ses projets. La monarchie s’établit sur une base constituée de trois piliers qui font du roi le représentant de l’ensemble des Marocains, leur chef religieux (le roi est le commandeur des croyants) et le garant de l’intégrité territoriale du royaume[12]. Ces piliers que les tenants du nouveau régime voudraient consensuels sont contestés, une contestation s’inscrivant dans le débat sur le futur du pays qui oppose conservateurs et modernistes. L’Istiqlal connaît ainsi une scission en janvier 1959 : l’Union nationale des forces populaires (UNFP) est crée à l’initiative de Mahjoud Ben Seddik (secrétaire général de l’Union marocaine du travail, la puissante centrale syndicale du pays) et de Mehdi Ben Barka. Ce nouveau parti refuse le retour de la royauté et lui oppose un projet républicain. Dans ce climat tendu, Mohamed V s’appuie sur le troisième pilier pour asseoir sa légitimité. En ce qui concerne le Sahara occidental, cela se traduit, en 1957, par une demande du Maroc priant l’Organisation des nations unies (ONU) d’agir en faveur de la décolonisation de ce territoire[13] et, en 1960, par une revendication marocaine portant sur le Sahara occidental et la Mauritanie[14]. À la mort subite de Mohamed V (février 1961), son fils assume la succession sous le nom d’Hassan II. Faute d’hériter d’une acceptation consensuelle de la monarchie, Hassan II va l’imposer par la pratique des « gouvernements de palais » et de la répression[15] dont seront victimes, entre autres, les militants de l’UNFP.

Au plan extérieur, l’indépendance du Maroc puis celle de l’Algérie, en 1962, ont été marquées par des conflits frontaliers, opposant en 1957 l’Espagne et le Maroc en Ifni (Sud marocain) et au Sahara, puis en 1963-64 entre le Maroc et l’Algérie. Ils trouvent leur origine dans l’imprécision ou l’incomplétude des traités internationaux des périodes coloniale et précoloniale (Traité de Lalla Maghnia fixant les frontières de la colonie française d’Algérie et du royaume chérifien en 1845, par exemple). Ces conflits se traduisent par des relations diplomatiques assez tendues entre le Maroc et ses deux voisins algérien et espagnol à un moment où se pose la question du futur de la colonie espagnole du Sahara. La perspective d’une prochaine décolonisation rencontre l’opposition résolue de l’Espagne franquiste qui, en 1958, change le statut de ce protectorat en celui d’une province espagnole d’outre-mer, sous l’appellation de Sahara espagnol[16].

De plus, après les deux guerres d’indépendance menées contre le colonialisme français en Indochine et en Algérie, la communauté internationale fait preuve d’une sensibilité accrue en faveur de la décolonisation des territoires encore dépendants. À l’ONU, en 1960, la résolution 1514 de l’Assemblée générale affirme à la fois le droit à l’indépendance de ces territoires et le droit à l’autodétermination de leurs habitants. Cette résolution est complétée par la résolution 1541 de la même assemblée qui  précise que l’application ce droit à l’autodétermination peut déboucher sur l’indépendance, comme sur la libre association ou à l’intégration dans un autre État. En 1963, le Sahara occidental est inscrit dans la liste des territoires à décoloniser par cette même ONU et en 1965 la résolution 2072 de l’Assemblée générale demande à l’Espagne l’application au Sahara occidental de la résolution 1514.

La réaction sahraouie à ce nouveau contexte est d’abord attentiste mais devient plus active devant les refus répétés du régime franquiste à toutes les revendications indépendantistes. En 1967 Mohamed Bassiri crée l’Organisation avancée pour la libération du Sahara (OALS). Dans des conditions rendues difficiles par l’appauvrissement de la majorité des Sahraouis, en particulier du fait de la grande sécheresse qui frappe la région et par l’opposition des notables locaux, liés au colonisateur par les cadeaux qu’ils en reçoivent, l’OALS lance en 1970 des manifestations pacifiques. Celles-ci sont lourdement réprimées (11 morts, plus de cent arrestations dont celle de Mohamed Bassiri qui sera, ensuite, « porté disparu ») et provoque l’exode d’une partie des Sahraouis vers les pays voisins. Devant cet échec coûteux, l’OALS opte pour une ouverture de négociations avec l’Espagne. Se heurtant à l’intransigeance du colonisateur, cette nouvelle tentative n’obtient pas plus de succès. En réaction à ce nouvel échec, le 10 mai 1973 se constitue le Front pour la libération de la Saguia El Hamra et du Rio del Oro (Front Polisario). Ce nouveau mouvement s’oriente vers la lutte armée pour arracher l’indépendance et ne tarde pas à s’imposer comme l’unique représentant du peuple sahraoui. Il porte le projet d’une nation indépendante moderne et démocratique, affirmant ainsi un désir de rompre avec l’ancien ordre tribal[17].

1975-76 : la décolonisation ratée du Sahara occidental

Alors que les dispositions de la résolution 2072 de l’Assemblée générale de l’ONU de 1965 ont été répétées l’année suivante par la résolution 2229 de la même Assemblée, il faut attendre le mois d’août 1974 pour voir la position espagnole s’assouplir. À ce moment, l’Espagne, encore franquiste, accepte de renoncer à son mandat de protecteur et d’administrateur du Sahara et admet le principe de l’organisation d’un référendum d’autodé-termination fixant le sort futur du pays[18]. La réaction marocaine est sans la moindre ambiguïté. Des troupes sont dépêchées sur la frontière et le Maroc, avançant l’argument de l’existence de liens de souveraineté entre ce pays et le Sahara, demande (avec la Mauritanie) que lui soit confié l’administration du territoire. Il y a donc une opposition directe entre les positions adoptées par le Maroc et la Mauritanie et celles adoptées par l’ONU et l’Espagne. Pour trancher ce différend, un accord est trouvé entre le Maroc et l’ONU, confiant à la Cour internationale de Justice (CIJ) une mission d’arbitrage. Cette Cour est donc appelée à examiner l’existence de liens de souveraineté pendant la période précoloniale entre le Maroc (et la Mauritanie) et les populations habitant le Sahara occidental avec pour enjeu, en cas de preuve de l’existence de ces liens, une restitution du Sahara au Maroc et à la Mauritanie et dans le cas contraire, l’application des résolutions 1514, 2072 et 2229 de l’Assemblée générale[19].

Le 16 octobre 1975, la CIJ remet ses conclusions : elle n’a « pas constaté l’existence de liens juridiques de nature à modifier l’application de la résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations Unies quant à la décolonisation du Sahara occidental et en particulier l’application du principe d’autodétermination grâce à l’expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire[20] ». Pour l’ONU la question est donc tranchée : la décolonisation du Sahara passe par l’organisation d’un référendum d’autodéter-mination.

Bien qu’ayant accepté le principe de l’arbitrage de la CIJ, le roi du Maroc, Hassan II, refuse l’avis de cette cour. Il organise, le 6 novembre 1975, la « Marche verte », c’est-à-dire le regroupement à la frontière de 350 000 civils marocains suivi par leur entrée dans le Sahara occidental. La présentation de cette action comme spontanée et pacifique est très probablement fausse. Le court délai qui sépare le 16 octobre du 6 novembre écarte l’idée d’une action populaire spontanée et tend à montrer qu’il s’agit d’une action prévue à l’avance, une sorte de plan B pouvant être mis en œuvre en cas de besoin. Elle n’a de pacifique que l’apparence : l’armée marocaine accompagne ce mouvement, bien sûr pour assurer la sécurité des civils. Le Sahara occidental, encore sous mandat espagnol et en instance de décolonisation, est maintenant envahi aux deux tiers par son voisin du nord, alors que la Mauritanie fait de même dans sa partie sud.

Confronté à cette situation imprévue, l’Espagne organise à Madrid une négociation avec le Maroc et la Mauritanie dans le but avoué d’obtenir le retrait des envahisseurs. L’objet de cette négociation est parfaitement en phase avec la résolution 380 du Conseil de sécurité de l’ONU qui, traitant dans l’urgence de la situation nouvelle, demande avec insistance un retrait marocain. Toutefois cette négociation va déboucher le 14 novembre 1975 sur un tout autre résultat : une volte face espagnole. L’accord qui en résulte dont les dispositions restent très confidentielles conduit à un transfert de la mission d’administration de l’Espagne au profit du Maroc et de la Mauritanie en échange du maintien des droits de pêche détenus par l’Espagne et d’une participation à hauteur de 35 % au capital de la mine de Boucraa[21]. Cet accord est très vite entériné par les Cortes (parlement espagnol) qui promulguent le 18 novembre la décolonisation du Sahara occidental, le départ des derniers civils et militaires espagnols s’opérant le 28 février 1976. Ce transfert unilatéral du mandat espagnol sur le Sahara est contraire au droit international suivant lequel ce mandat étant reconnu par la communauté des nations (ONU) ne pouvait être délégué que par ou avec l’accord de celle-ci. Suivant Carlos Ruiz Miguel, il s’agit là de « l’accord le plus infâme et aux effets les plus pernicieux de toute l’histoire de l’Espagne[22] ».

La caution ainsi apportée par Madrid à l’invasion du Sahara occidental fixe provisoirement le sort du Sahara : sans la moindre considération pour ses habitants, il sera occupé et administré par le Maroc et la Mauritanie, ces deux pays s’accordant sur le partage du territoire en deux zones le 14 avril 1976. Il s’agit là d’une situation de fait contraire au droit international. Pour l’ONU, le Sahara occidental reste un territoire à décoloniser suivant les dispositions arrêtées par la résolution 1514 de l’Assemblée générale. La réaction de ceux qui sont les plus ignorés et les plus affectés par ce coup de force marocain et la « farce » diplomatique de l’accord de Madrid est rapide. Le Front Polisario, le 28 novembre 1975, établit un Conseil national sahraoui, puis, le 27 février 1976, proclame l’indépendance du Sahara occidental et la création de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), dotée d’une Constitution provisoire, la Constitution définitive étant adoptée en assemblée générale par le Front Polisario le 29 août 1976. Par ailleurs, le Front Polisario organise une résistance active à l’occupation sous la forme d’une lutte armée.

La surprenante et brutale tournure prises par les événements en 1975 ne manque pas d’interroger sur les mobiles suivis par les différents protagonistes. Ces questions reçoivent des réponses variables apportées par différents auteurs. Nous nous contenterons de les évoquer ci-après.

Il est inutile de rappeler l’importance du Sahara dans la construction d’un consensus national confortant le pouvoir monarchique au Maroc. Celle-ci ne saurait toutefois rendre compte à elle seule de l’audace du coup de force commis par Hassan II. Ayad Ahram, prenant en compte le contexte politique intérieur de l’époque, apporte un autre élément explicatif. Le régime est affaibli au début des années 1970, avec deux tentatives de coup d’État militaire, l’émergence d’une extrême gauche active (les mouvements « Ilal Aman » et du « 23 mars ») et, en mars 1973, un mouvement armé déclenché dans l’Atlas par des militants de l’UNFP. La restauration d’un consensus favorable à la monarchie devient urgente. « En éloignant le danger de l’armée, envoyée mordre le sable au Sud, et en gagnant à sa politique de l’intégrité territoriale toute l’opposition parlementaire et une frange de la mouvance clandestine, le pouvoir a désormais les mains libres pour s’attaquer au “danger communiste” et réaliser contre les marxistes-léninistes soutenant le Polisario, une sacro-sainte union nationale en les présentant comme des traites à la patrie, agents de l’extérieur et des athées[23] ». Pris dans cette dynamique, peu nombreux seront ceux qui soutiendront le droit à l’autodétermination des Sahraouis. Le mouvement « Ilal Aman » sera de ceux-là. Un de ses dirigeants, Abraham Serfati, va le payer d’un emprisonnement sans fin.

La volte face espagnole paraît également surprenante. Interrogeant également le contexte politique intérieur espagnol du moment, Adriano Smolarek situe les décisions arrêtées par le gouvernement dans un climat de fin du régime de Franco (devenu incapable d’assumer ses fonctions) et d’un ensemble de ministres partagés entre une opposition de principe à toute ingérence de l’ONU dans les affaires espagnoles et un certain défaitisme vis à vis de l’avenir d’un Sahara espagnol. Suivant l’auteur, la politique étrangère espagnole de l’époque était donc duale, soutenant la position de l’ONU d’un côté, mais cherchant par tous moyens à se débarrasser du problème en sauvegardant quelques intérêts économiques[24], de l’autre.

Au delà de telles explications relevant de la politique intérieure, il ne semble pas exclu qu’au plan extérieur des grandes puissances, notamment la France et les États-Unis, aient pu agir, exerçant des pressions sur l’Espagne ou apportant des encouragements discrets au Maroc. En effet la réaction française à la « marche verte » marocaine semble modérée. En conférence de presse, le 7 novembre 1975, le président Valérie Giscard d’Estaing se déclare préoccupé « par les risques que fait courir à la paix l’aggravation d’une situation qui ne paraît justifiée ni par les relations en profondeur des pays en cause, ni par les perspectives raisonnables de règlement des problèmes posés » et émet ensuite « le souhait qu’une solution juste et pacifique intervienne conformément aux principes de la charte des Nations unies d’une manière qui garantisse la paix, la stabilité, ainsi que les relations de bon voisinage des États de la région[25] ». Comme le feront remarquer ensuite de nombreux chroniqueurs, il n’y a ici aucune condamnation de l’acte d’invasion commis par le Maroc et, de plus, en faisant référence aux principes de la charte et non aux résolutions de l’ONU (dont la n°1514) cette réaction française peut apparaître comme un soutien à peine voilé à la cause marocaine. Olivier Quarante la situe dans la continuité de la politique étrangère française dans cette région. Pendant la guerre d’indépendance algérienne, la communauté d’intérêts entre la France coloniale et l’Espagne établie au Sahara a rapproché ces deux pays jusqu’à rendre possible un soutien militaire français aux forces espagnoles par des opérations menées contre des partisans marocains et des tribus sahraouies soulevées (opération Écouvillon, du 10 février 1958 au 5 mai 1959). Après l’indépendance de l’Algérie, si nous suivons Olivier Quarante, une même convergence existe entre le Maroc et la France, du fait de l’inscription du Sahara occidental sur la liste des territoires à décoloniser de l’ONU, au même titre qu’y figurent également, en ce qui concerne la France, la Polynésie et la Nouvelle Calédonie. Ainsi, contrairement à l’apparente politique française de relations bilatérales équilibrées nouées avec le Maroc et l’Algérie depuis 1965, se cache une préférence pour le premier que justifient un passé colonial et la conservation d’une mentalité d’ange gardien de son ancien protectorat, peut-être aussi due à l’importance des intérêts politiques et économiques en jeu entre les deux pays[26].

Les États-Unis n’ont pas non plus condamné fermement l’invasion marocaine. Selon Adriano Smolarek, ils l’auraient même encouragée par les aides militaires, logistiques et alimentaires fournies à ce pays. Le mobile d’un tel soutien serait la préservation de l’influence politique américaine dans la région en s’appuyant sur le Maroc pour contrer l’influence de l’Algérie et du Polisario dont l’idéologie nationaliste, doublée d’une orientation socialiste, était fortement suspecte pour Washington[27]. Comme d’autres historiens, Rodrigo Duque Estrada[28], reprenant une analyse de Jacob Mundy[29], met en avant le rôle particulier joué par Henry Kissinger. Celui-ci, par une déformation de l’avis rendu par la CIJ, aurait essayé d’influencer en faveur du Maroc, dès avant le déclenchement de la « Marche verte », à la fois le gouvernement espagnol et le président américain Ford. Il serait alors possible d’avancer l’existence aux États-Unis d’un groupe de pression défendant la cause marocaine dont l’action s’ajouterait aux considérations stratégiques de cette politique américaine.

Le Sahara occidental en guerre, 1976- septembre 1991

Nous avons évoqué précédemment les réactions politiques du Polisario à l’invasion marocaine. Au plan militaire, elles se traduisent par une résistance armée. Alors que les envahisseurs prennent progressivement le contrôle du territoire, par exemple, Smara est occupée le 27 novembre 1975 par les forces marocaines, les premiers accrochages sérieux entre les unités du Polisario et l’armée marocaine se produisent au sud de Smara les 13 et 14 février 1976. Le départ précipité de l’Espagne a profité au Polisario qui a bénéficié de l’engagement d’un grand nombre des anciens soldats indigènes des troupes coloniales espagnoles.

La crainte des populations locales envers les intentions du nouvel occupant et la situation de guerre ont entraîné un exil massif des populations sahraouies. Combien partent ainsi ? Suivant Adriano Smolarek, plus de 25 000[30], ce qui représente de l’ordre de plus du tiers de la population du Sahara (73 497 habitants nés dans le pays suivant le recensement de 1974 effectué par les autorités coloniales espagnoles). Ces départs s’effectuent souvent dans des conditions dramatiques. Senia Bachir Abderahman, évoquant les souvenirs de cet épisode de la vie de sa grand-mère, Aziza, donne un exemple tragique de ces journées[31]. Aziza, mère de trois filles et de trois fils, d’une famille de commerçants sahraouis, après le départ de son mari parti rejoindre les forces combattante du Polisario, prend, au mois de janvier 1976, la décision de fuir vers l’Est, par crainte du sort que l’occupant pourrait réserver à ses fils, dont le plus jeune n’a que quelques mois. L’exil se fait à pied, cheminant dans le désert plutôt de nuit pour éviter les attaques aériennes, vivant de la nourriture et de l’eau emportés. Au bout de trois jours, les vivres manquent et la famille ne peut plus compter que sur l’eau et la nourriture qu’elle pourrait trouver en chemin. Le fils cadet n’y résiste pas et meurt de déshydratation. Deux jours plus tard, les deux autres fils d’Aziza sautent sur une mine. Le lendemain, la mère et ses trois filles survivantes, poursuivant leur marche vers l’Est, subissent un bombardement aérien, Aziza y perdra la vue pour toujours. Elles seront recueillies peu après et conduites vers des campements où se regroupent les réfugiés en Algérie[32]. Aziza apprendra là la disparition de son mari, tué dans l’un des premiers combats contre l’armée marocaine. Puis ce sera l’installation de ce qui reste de cette famille dans une nouvelle vie d’attente et de précarité dans les camps établis autour de Tindouf. Combien de Sahraouis connaîtront des conditions d’exil aussi, voir plus, tragiques ? Combien payeront ces départs de leurs vies ? Nous ne le savons pas.

Alors que se déroule cet exode, une guerre de mouvement, faite de coups de main en plein désert s’installe. L’Algérie, en plus d’accueillir les réfugiés et d’abriter la RASD (en exil), fournit un entraînement militaire et des armes aux combattants du Polisario ; la Libye leur livre des Land Rover[33]. Les actions du Polisario sont menées à la fois contre l’armée marocaine et l’armée mauritanienne. En mars 1977 le Polisario attaque une première fois Zouérate (ville à proximité des mines de fer du nord de la Mauritanie), tuant et capturant des coopérants français, et récidive par une nouvelle offensive contre le Nord mauritanien. Ce sera l’occasion, pour la France, de lancer l’opération (militaire) « Lamentin » pour soutenir l’armée mauritanienne débordée et protéger les ressortissants français ainsi que l’extraction du minerai de fer qui les emploie. Les combats cessent en juillet 1978 à l’issue du renversement du président (mauritanien) Moktar Ould Daddah et du retrait du conflit de ce pays obtenu le 10 août 1979 à Alger. La Mauritanie retire ses forces armées du Sahara et reconnait avoir mené là une « guerre injuste »[34]. La lutte n’est pas moins âpre entre le Maroc et le Polisario qui poursuit une tactique identique faisant des exploitations minières des cibles stratégiques. Les exportations de phosphates depuis la mine de Boucraa seront interrompues de 1980 à 1982 par suite des dommages subis par les infrastructures. Pour se protéger de ces attaques, le Maroc entreprend d’isoler le Sahara « utile » du reste du pays au moyen de murs de sable. La construction de ces murs sur 2 720 km commence en 1981 pour s’achever en 1987. Le Sahara occupé est donc maintenant bordé par un ensemble de levées de sable, infranchissable à l’exception de quelques check points, protégé par des champs de mines et tenu par de 100 à 130 000 soldats marocains.

Grâce aux efforts de l’ONU, après 15 années de guerre, un cessez-le-feu est obtenu le 6 septembre 1991. Une mission spécifique des Nations unies, la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso) est mise en place. Elle est dotée d’une double tâche, d’une part constituer une force militaire d’interposition entre les forces marocaines et celles du Polisario, donc basée le long du mur, et d’autre part chargée de l’organisation d’un référendum d’autodé-termination répondant aux principes dégagés par les résolutions 1514, 1541, 2072 et 2229 de l’Assemblée générale des Nations unies.

Le bilan de cette guerre est assez désastreux. Le territoire est partagé en deux. Il comprend une zone occupée et administrée par la force et non de droit par le Maroc, dont les limites ont été fixées unilatéralement par l’occupant (par le tracé du mur) et le reste du pays, régions tenues par le Polisario dès 1976 et régions libérées de l’occupation mauritanienne en 1979, qui sont sous la responsabilité de la RASD. Si le territoire est ainsi divisé, la population sahraouie est éclatée. Une première composante est constituée par les Sahraouis résidents dans la zone marocaine. Cette zone est habitée à la fois par des Sahraouis natifs de celle-ci et de Marocains installés là du fait des « Marches vertes » et de l’occupation militaire. Le recensement marocain de 1994 compte la population du territoire à 252 146 habitants (Sahraouis et Marocains, civils et, sans doute, militaires mélangés). À partir de ce chiffre et des listes d’électeurs établis par la Minurso, Jacob Mundy évalue à environ 75 000 le nombre des Sahraouis vivants en zone occupée[35]. Le second foyer sahraoui est constitué par les habitants des camps installés autour de Tindouf en Algérie. Il est possible d’estimer à 60 000 la population de ces camps en 1994[36]. La population sahraouie installée au Maroc et au nord de la Mauritanie, réfugiée et installée là avant comme après 1975, ne peut être estimée sans gros risque d’erreur tant les chiffres avancés diffèrent. Leur nombre irait ainsi de 9 000, selon la Minurso à 30 ou 35 000, et même 50 000 suivant les annonces marocaines ou celles du Polisario. Les chiffres concernant le nombre des Sahraouis sont donc très incertains mais l’essentiel ne saurait être limité à cet aspect quantitatif. Parler d’éclatement de la population signifie surtout que les différentes fractions de celle-ci connaissent des conditions de vie différentes.

Une paix introuvable ?

Pour trouver un règlement honorable de la question, l’ONU n’a pas ménagé ses efforts. En juillet 1985, sous la vive pression de Perez de Cuellar, le secrétaire de l’ONU, Hassan II a accepté le principe de tenue d’un référendum d’autodétermination au Sahara[37]. De plus, pour faciliter la fin des combats et l’engagement de négociations, la Minurso a été crée et mise en place en 1991, il y a donc tous lieux de penser qu’au  moment du cessez-le-feu, il existe des bases propices à un règlement : la Minurso s’interpose entre les deux camps et doit préparer la tenue du référendum, dont le principe a été accepté par Hassan II en 1985[38], et qui constitue l’objectif du Polisario pour lequel il est l’unique raison de l’acceptation du cessez-le-feu. L’accord de Houston (1997) intervenu entre le Maroc et le Polisario témoigne de l’existence de telles bases de règlement. Pourtant les deux positions restent éloignées. Le Polisario, assuré de son bon droit, fait d’un référendum une question de principe et espère pouvoir compter sur le soutien de l’ONU qui resterait attachée à la mise en œuvre de ses résolutions. De l’autre côté, le Maroc, pour les raisons que nous avons vues, se refuse à accepter que le fait accompli de l’administration et de l’utilisation des ressources naturelles qu’il exerce sur la partie occupée du Sahara puisse lui être retiré. De plus, même si des négociations entre les deux parties ont existé, elles n’impliquent pas une reconnaissance de la RASD que le Maroc qualifie de « pseudo-RASD ».

La recherche de la tenue d’un référendum est difficile. Il s’agissait à la fois de s’entendre sur la question posée (l’intégration au Maroc ou l’indépendance, suivant l’accord de Houston), de parvenir à un accord entre les deux parties sur les critères définissant les personnes éligibles à une participation à ce référendum et de dresser les listes électorales. Le manque de coopération des intéressés a fait trainer en longueur la préparation de ce référendum, menant finalement à une impasse. Dans le même temps le Maroc qui, sans doute, encourageait cette multiplication des retards a mené une politique de colonisation du Sahara dans l’espoir d’empêcher ce référendum ou d’en infléchir le résultat. Observant les effectifs d’enfants scolarisés au Sahara, Jacob Mundy montre qu’une seconde « Marche verte » est intervenue au Sahara entre 1991 et 2000[39]. L’ampleur de cette immigration n’est guère facile à évaluer. Cet auteur, par recoupement, en conclut qu’en 2004 les colons venus du Maroc représentaient de 75 à 80 % de la population.

La mort d’Hassan II en 1999 a permis à son successeur, le roi Mohamed VI, de ne pas se tenir lié par les engagements pris par son père. Les envoyés personnels du Secrétaire général des Nations unies n’ont pourtant pas baissé les bras. Confronté à un nouveau plan de règlement, le Plan Baker 2, « salué par le Conseil de sécurité comme la solution politique optimale[40] », une contre- proposition marocaine a vu le jour en 2006, celle d’une autonomie de la région du Sahara occidental. Si celle-ci paraissait pouvoir conduire à un référendum, le choix offert aux électeurs, l’autonomie du Sahara ou son intégration au Maroc, ne permettait en aucun cas un troisième choix, celui de l’indépendance, conforme aux résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies. Cette proposition était donc inacceptable. Elle marquait surtout la détermination du Maroc à défendre de manière intransigeante la mise sous sa souveraineté du Sahara. Le refus du plan Baker 2 par le Maroc sera officialisé en avril 2004 (le Polisario l’avait accepté en juillet 2003). James Baker, son initiateur, sortira découragé de cette négociation infructueuse et démissionnera peu après.

Quoi de neuf depuis ? Les envoyés personnels se succèdent et s’épuisent sans succès. Depuis 2012, les négociations directes, même « en coulisse », sont interrompues. Il est donc permis de parler de blocage de toute action diplomatique. Ainsi, en 2013, alarmés par la répression subie par les militants indépendantistes sahraouis dans les territoires occupés, les États-Unis ont appuyé le projet d’ajouter l’observation des droits de l’homme au Sahara occidental aux missions attribuées à la Minurso. Ce projet ne fut même pas discuté du fait du refus catégorique du Maroc « qui a pu, une nouvelle fois, s’appuyer sur son amie la France pour convaincre la diplomatie américaine de retirer sa proposition[41] ». Au début de l’année 2016, la déclaration de Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU, en déplacement dans la région, qualifiant la présence marocaine au Sahara comme une occupation, a suscité une réaction brutale du Maroc : l’expulsion de 84 membres (civils) de la Minurso. Faut-il voir dans cette mesure une simple rétorsion ou bien, s’agissant des personnels chargés de l’organisation du référendum, l’enterrement de toute solution passant par ce moyen ? Le Conseil de sécurité a réagi, confirmant la mission d’organisation d’un référendum de la Minurso par la résolution 2285 du 16 avril 2016 (décidée à la majorité et non à l’unanimité, ce qui n’est pas habituel dans ce Conseil). Ces deux exemples montrent bien, qu’en dépit des efforts de l’actuel envoyé personnel du secrétaire de l’ONU, Christopher Ross, le blocage s’éternise.

Face à ce blocage, la communauté internationale est divisée. Si un grand nombre de pays, du Nord comme du Sud, ne portent guère d’attention à la question du Sahara occidental qui leur reste étrangère, un clivage marqué sépare les autres, en raison des soutiens qu’ils apportent à l’une ou l’autre des parties. Parmi les pays du Sud, de nombreux pays africains (notamment l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et le Nigéria) et l’Union africaine (UA, anciennement OUA) soutiennent la RASD et la cause du peuple sahraoui[42]. Le principe du respect des frontières héritées de la période coloniale qui est un des fondements de l’Union justifie, entre autres, ce soutien. Parmi ces pays, l’Algérie est à la fois voisine immédiate du Sahara comme du Maroc et impliquée dans le conflit, hébergeant un grand nombre de réfugiés, abritant la RASD exilée et apportant un soutien aux forces du Polisario. Bien que les justifications algériennes à ce soutien s’appuient sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les soupçons d’une ambition géostratégique cachée visant à se ménager un accès à l’Atlantique par l’intermédiaire d’un État sahraoui « satellite » sont souvent avancés. Il y a tous lieux d’être prudent sur cette accusation qui offre au Maroc la possibilité de discréditer la RASD et d’apparaître non pas comme un envahisseur mais comme une victime. Il n’existe guère de preuve justifiant une telle accusation. Faute de celles-ci, il reste le soupçon à qui il est permis de faire dire bien des choses. Du côté des soutiens discrets mais efficaces reçus par le Maroc, figurent les monarchies du Golfe, ce que justifierait une solidarité établie entre régimes politiques proches[43].

Dans le camp occidental, l’appui apporté au Maroc par les États-Unis, la France (tous deux membres permanents du Conseil de sécurité), l’Espagne et l’Union européenne est à peine voilé et est attribué par de nombreux commentateurs à des intérêts économiques et politiques. Francesco Bastagli[44] place la question du Sahara comme un élément particulier inclus dans un plan géostratégique occidental qui englobe la région. Au sein de ce plan, le Maroc a occupé la position clé de rempart à toute avancée de l’Union soviétique et du socialisme dans la région et a reçu pour cela l’aide et le soutien de l’Occident (principalement de la France et les États-Unis[45]). Cette rente de situation dont bénéficie le Maroc aurait dû disparaître avec la fin de la guerre froide. Il n’en est rien. La menace terroriste dans la région (guerre civile algérienne, invasion du Mali, etc.) rétablit le rôle de rempart exercé par le royaume chérifien. Depuis 2001, la « guerre contre le terrorisme » a fait du Maghreb et du Sahel des points sensibles dans la politique sécuritaire américaine avec la « Pan-Sahel initiative » (2001) et le « Trans-Sahara Counterterrorism » (2005)[46]. Le Maroc y retrouve ainsi la protection de puissants alliés, protection d’autant plus vigilante que, pour les États-Unis ou la France, toute déstabilisation du régime marocain aurait de fortes répercussions dans toute la région. Le pouvoir d’influence des diplomaties américaine, espagnole ou française, tout comme la menace d’un véto pesant sur les décisions du Conseil de sécurité, sont des moyens efficaces pour appuyer, dans une certaine mesure, la politique marocaine, même si ces diplomaties se trouvent ainsi en contradiction avec les principes de la charte des Nations unies. Mohamed Zrug, représentant du Front Polisario au Brésil, cité précédemment, en arrive même à considérer que le rôle joué par la diplomatie française a empêché « toute avancée sur le terrain » et a ainsi contribué à la perpétuation du blocage politique de la question. Il est vrai que ce pays fait du Maroc un point d’appui pour la défense de sa « zone d’influence » africaine, dispose d’intérêts économiques importants au Maroc et participe activement aux politiques de l’UE concernant la région. Le Maroc intéresse tout particulièrement l’UE à deux titres[47]. L’accès des navires de pêche européens (en fait principalement espagnols) aux ressources halieutiques de la zone d’intérêt économique élargie (ZEE) marocaine en est un. Le rôle attribué au Maroc comme à d’autres pays méditerranéens n’appartenant pas à l’UE dans la politique d’externalisation du contrôle des flux migratoires est le second. Les avantages géostratégiques et économiques dont peuvent bénéficier les États-Unis, la France et l’Espagne sont ainsi présentés comme des éléments essentiels expliquant que le non règlement de la question du Sahara perdure depuis plus de 40 ans. Cependant l’action de groupes d’influence pro-marocains dans ces pays (et sans doute au sein des institutions européennes[48]) doit également être signalée[49]. Dans le cas de la France, Olivier Quarante[50] fait état du « Black out médiatique organisé par des relais marocains en France (qui) assure une couverture à minima du sujet par la presse » et de la « collusion qui existe bien entre une partie des élites françaises et le pouvoir royal du Maroc ».

Voilà plus de 40 ans qu’un règlement politique négocié de la question ne débouche que sur des espoirs déçus. Quarante ans (presque trois générations !) d’une longue attente pour les Sahraouis.

Être Sahraoui dans le Sahara occidental occupé

Dans le Sahara occidental occupé, la politique de colonisation mise en œuvre par le Maroc et les orientations données depuis 1991 aux activités économiques constituent un premier sujet d’interrogation. Le mouvement de colonisation du Sahara par des migrants venus du Maroc est aux yeux du droit international illégal de la part d’un pays dont la souveraineté sur le territoire n’a fait l’objet d’aucune reconnaissance par la communauté internationale. Les multiples protestations émanant des différentes instances de l’ONU en témoignent. Il est donc un état de fait qui s’ajoute à une souveraineté non reconnue. Comme le fait remarquer Jacob Mundy[51], la part des ex réfugiés sahraouis venus s’établir au Sud du Maroc avant 1975 (et éventuellement natifs du Sahara) parmi les colons est importante. Il devient fort difficile de déterminer qui est Sahraoui et qui ne l’est pas. De plus parmi les migrants non sahraouis comptés comme habitant le Sahara un certain nombre n’ont pas fonction à y demeurer sur le très long terme ; il s’agit des militaires marocains et des agents des multiples officines de sécurité dont la présence n’est justifiée que par la non résolution du conflit et les résistances rencontrées. La complexité de l’actuel peuplement du Sahara n’occulte en rien les tensions qui résultent de la coexistence sur un même territoire des 123 000 Sahraouis nés dans le territoire et y résidant de manière continue et des 320 000 colons et personnels de sécurité venus s’y établir (chiffres estimés). Ces tensions portent sur les accès à l’emploi, au logement et à la terre, sous la forme de discrimination dans l’octroi des emplois ou des logements, mais également sous la forme de confiscation de terres donnant lieu à des protestations, ainsi en est-il, au printemps 2016, du sit-in organisé à Mhairiz (extrême sud du Sahara occidental) en réponse à la remise en cause des droits des habitants sur leurs terres.

Depuis 1975, les activités économiques exportatrices existantes (poissons et phosphates) ont été poursuivies sous gouverne marocaine voir même développées du fait d’investissements marocains et étrangers. De nouvelles activités tout aussi exportatrices ont été mises en place ou figurent à l’état de projet en cours de réalisation. Il en est ainsi des exploitations de culture sous serre de fruits et légumes destinés à l’exportation vers l’Europe, établies autour de Dakhla (avec une pression vive sur des ressources hydriques limitées), de l’extraction et de l’exportation de sable destiné à la restauration des plages des îles Canaries, de l’appropriation d’une partie des rivages pour l’essor d’activités destinées au tourisme, de la mise en exploitation d’un gisement pétrolier à proximité d’El Aaiun et de la prospection en vue de la découverte d’autres sites[52]. La légalité de ces activités, souvent de nature extractive, et des investissements qui les accompagnent est fortement contestée. D’une part aux yeux du droit international le statut du Sahara occidental est central. Considéré comme territoire non autonome (ce qui est le cas pour l’ONU) le principe de la souveraineté du peuple établi sur ce territoire s’applique. En cas de la reconnaissance du Sahara comme territoire occupé, la responsabilité de la puissance occupante se trouve engagée puisque l’exploitation des richesses naturelles du territoire est prohibée à moins que celle-ci ne réponde aux besoins de la population[53]. D’autre part la pratique marocaine de ne jamais spécifier le lieu d’origine (Maroc ou Sahara occidental) des produits exportés rend plus délicate encore l’appréciation de la légalité de ces activités lors des négociations commerciales internationales. Deux réponses juridiques, pouvant faire jurisprudence, ont été apportées. Interrogé à la demande du Conseil de sécurité en 2002 sur la légalité des recherches pétrolières entreprises dans les eaux du Sahara, Hans Corell a apporté la réponse suivante : les contrats de prospection ainsi conclus étaient légaux mais la mise en exploitation des gisements en résultant devrait obtenir l’accord du peuple du Sahara[54]. Appelé à se prononcer sur l’inclusion des fruits produits au Sahara dans l’accord commercial établi entre le Maroc et l’UE, à la demande du Polisario, la Cour de justice européenne a conclu en décembre 2015 que ceux-ci étaient exclus de l’accord en raison du statut de territoire non autonome du Sahara, ce qui s’oppose à la pratique marocaine de non dissociation de l’espace marocain de l’espace saharien. Ces jugements portent sur des activités spécifiées et non sur l’ensemble de celles-ci. Les atermoiements du Parlements européen et des commissions européennes à propos du renouvellement des accords de partenariat concernant la pêche ont débouché dans un sens contraire acceptant un accord ne faisant pas mention de la localisation des zones de pêche concernées, alors qu’il est bien connu que celles-ci sont surtout situées dans les eaux sahariennes. La reconnaissance de l’illégalité des activités d’exploitation des richesses naturelles du Sahara qui ne seraient pas préalablement approuvées par la population s’achemine ainsi sur le très long chemin d’un vide juridique à combler. Ceci n’exclut en rien l’effet dissuasif que ce vide pourrait avoir sur les investisseurs non marocains.

En raison du fait accompli exercé par le Maroc au Sahara, Marocains ou Sahraouis sont considérés sans distinction comme des sujets marocains. Si cela offre à chacun certains droits (accès aux systèmes d’éducation, de santé), le contexte politique entrave l’exercice d’autres libertés pouvant impliquer le non respect des droits de l’homme. Dans le souci de contrôler l’opinion publique marocaine et sahraouie, la politique marocaine combat toutes les expressions d’opinion et actions pro-indépendantistes ou favorables à la tenue d’un référendum au Sahara. La politique répressive qui en résulte fait l’objet de critiques sévères en matière de viol des droits de l’homme. Dans un témoignage sur l’état du respect des droits humains au Sahara, Hamza Lakhal a établi une liste des violences subies par les militants sahraouis[55]. La pratique des arrestations arbitraires perdure depuis 1976. Fréquemment elles donnent lieu à une mise au secret temporaire de la personne arrêtée, accompagnée de mauvais traitements, voire de tortures, d’une ampleur croissante en cas de protestations de l’intéressé et se terminent le plus souvent par des condamnations après des procès inéquitables mais parfois par des disparitions, c’est-à-dire des assassinats. L’association des familles des prisonniers et disparus sahraouis (AFPREDESA) avance les chiffres de 30 000 arrestations de Sahraouis (arbitraires ou pas) et de 4 500 personnes portées disparus (toutes causes confondues) depuis le début du conflit. Selon cette association en 2015, plus de 500 Sahraouis auraient été arrêtés arbitrairement[56]. À côté des effets de cette politique de répression, de multiples discriminations sont à l’œuvre. Certaines concernent l’emploi. S’il est établi que les commerçants et artisans sahraouis ont bénéficié de l’accroissement de la population citadine consécutif aux deux « Marches vertes », l’accès des diplômés à des emplois qualifiés ou l’accès aux emplois créés par les activités exportatrices (extractives, pêche, etc.) ou les administrations est rendu difficile par des préférences accordées aux non Sahraouis ou par des exigences en matière de fidélité au royaume marocain. Il s’ajoute à cela, hors des villes, les difficultés des éleveurs et petits agriculteurs à poursuivre leurs activités. Ainsi il est permis de craindre un appauvrissement de la population sahraouie[57]. Ces discriminations ont pu être étendues au domaine culturel. Dans les premiers temps de l’occupation, une politique de « marocanisation » a été mise en œuvre, équivalant à une restriction à l’usage public de la langue hassanyia et aux références à une culture sahraouie. Celle-ci s’est traduite par de multiples brimades imposées aux étudiants sahraouis dans les universités marocaines, par le refus de créer une université à El Aayun et par une véritable politique d’intimidation exercée dans les écoles du Sahara, parfois même accompagnée de violence envers de jeunes élèves ou leurs enseignants. En suite au plan marocain d’autonomie de la région (2003) et au projet de transformation de la société marocaine en société pluriculturelle (arabe, berbère et sahraoui) issu du mouvement de protestation de 2011, cette politique semble en train de s’inverser vers une reconnaissance d’une culture sahraouie. S’agit-il d’un leurre ou bien d’une réelle volonté de la part du régime marocain ? La reconnaissance d’une culture sahraouie, voir d’un peuple sahraoui, ne change pas le fond du problème puisqu’un tel peuple sahraoui resterait, hors de sa volonté manifestée par un choix référendaire, sous souveraineté du royaume marocain.

Face à cette répression et à ces discriminations, l’élément nouveau est l’existence d’une résistance et de protestations bravant les interdits élevés à son encontre. En septembre 1999, des manifestations de protestation à l’initiative d’ouvriers et d’étudiants sahraouis prennent de l’ampleur et adoptent une orientation nationaliste. Il semble qu’ils aient été rejoints par des colons d’origine sahraouie excédés par les conditions de leur accueil (dans des camps Wahdah vite devenus bidonvilles). Après 1999 des manifestations sporadiques, mobilisant surtout de jeunes sahraouis, se sont produites, démontrant le renforcement d’une opposition à la politique marocaine. Elles ont connu leur apogée en 2002, à l’occasion de la venue du roi Mohamed VI au Sahara. En mai 2005, les manifestations en protestation de la répression policière féroce qui a frappé une petite et inoffensive manifestation en faveur des droits de l’homme ont pris une ampleur inattendue. Durant une semaine les troubles ont pris de l’importance au point que le terme intifada (révolte) a été employé pour qualifier ce mouvement, d’autant qu’il a pu se propager sur les campus universitaires marocains sous l’impulsion d’étudiants sahraouis. D’autres manifestations sporadiques, de dimension réduite, ont fait suite. Elles ont concerné particulièrement les écoles et les élèves de celles-ci, rencontrant les répressions policières évoquées ci-avant. Le 10 octobre 2010 la protestation sahraouie prend la forme de l’installation d’un campement à Gdeym Izic (à proximité d’El Aayun) et préfigure en quelque sorte les formes prises par les révolutions égyptienne et tunisienne quelques mois plus tard, au point que ce mouvement a pu être considéré comme relevant des « printemps arabes » de 2010-2011. L’importance prise par le nombre de ces campeurs protestataires et leur orientation en faveur de l’indépendance ont conduit à une intervention musclée des forces de l’ordre marocaine. Le camp a été démantelé le 8 novembre et la répression s’est abattue sur les participants (arrestations arbitraires). Cette répression a soulevé une certaine émotion hors du Maroc et a fait l’objet de nombreuses critiques.

À côté de ces actions, comme le montre Tara Deubel[58], la résistance emprunte des formes militantes et/ou de nature culturelle. L’auteur, s’intéressant à la construction des identités sociales au moyen d’entretiens avec des étudiants sahraouis en formation à l’Université d’Agadir (Maroc), montre l’existence d’un renouveau de la culture sahraouie sous la forme du port d’habits spécifiques, de l’aspiration à renouer des liens avec le mode de vie ancestral nomade (badiyya). Ce souci d’une construction d’une identité sur la base d’une culture sahraouie s’accompagne d’un certain militantisme, se manifestant par une recherche à faire connaître cette culture mais aussi les arguments soutenant la cause sahraouie. Pour Tara Deubel, ce militantisme de jeunes nés après 1975 résulte d’une prise de conscience politique née de la peur suscitée par la répression subie au Sahara et du dépassement de celle-ci dans un engagement militant. Ceci démontrerait l’effet contre productif de la politique marocaine de répression sans toutefois que le renouveau d’une spécificité culturelle sahraouie ne conduise mécaniquement à un engagement indépendantiste. L’acceptation du droit à l’existence d’une minorité sahraouie par le Maroc, satisfaisant aux aspirations de certains, peut conduire à des ralliements au projet marocain d’autonomie du Sahara (ralliements décriés par le Polisario)[59]. De même que le rappel des souffrances endurées à l’occasion de 15 années de guerre, de 41 années d’occupation, transmis de génération en génération au sein des familles, et vécu au quotidien sous la pression d’un État policier peut perpétuer un engagement en faveur de l’indépendance. Ce sont là des choix qui appartiennent à chacun des Sahraouis en territoire occupé.

Être Sahraoui en exil

Parler d’exil n’est pas simple puisque cette situation concerne aussi bien les Sahraouis établis temporairement ou durablement à l’extérieur (hors Maroc et Algérie) que les réfugiés installés dans les camps à proximité de Tindouf et, par extension, les résidents des territoires non occupés du Sahara occidental (du fait de l’enclavement de ces territoires et de la souveraineté de la RASD exercée dans ces zones « libres »). Par commodité nous nous limiterons ici aux réfugiés qui constituent la très grande majorité des Sahraouis exilés et aux organisations également exilées qui les administrent et incarnent la cause sahraouie.

La République arabe sahraouie démocratique (RASD) et le Front Polisario

La création de la RASD, le 27 février 1976, et la mise en place de son organisation politique, sous l’égide du Front Polisario, conduisent à une certaine imbrication entre les institutions nationales (de la RASD) et celles du Front qui, incarnant la lutte du peuple sahraoui, constitue un parti unique. Les organes de l’une et de l’autre se décomposent entre un exécutif (le président et les ministres pour l’une, un secrétariat et un secrétaire général pour le Polisario) et un organe à vocation parlementaire composé d’élus et de membres de droit (le Conseil national sahraoui pour la RASD, le Congrès général du Front, tenu périodiquement, pour le second)[60]. Le secrétaire général du Polisario est, de droit, le président de la RASD et nomme les ministres alors que le président du Conseil national sahraoui ne peut être choisi par ce Conseil que parmi les membres du secrétariat du Polisario. Le risque d’une confiscation du pouvoir par un président est atténué par le grand nombre des participants au Congrès du Front (près de 1 000) qui le désignent. L’imbrication RASD-Polisario qui pourrait donner de très larges pouvoirs au Front est tempérée par, d’une part, le pouvoir de censure des ministres et du gouvernement dont est doté le Conseil national, et d’autre part par la pratique de réunions préparatoires (Nadwa) avant chaque élection, devant débattre des questions importantes du moment et précédant la désignation des représentants. Cette recherche de formes de démocratie directe, avec le souci d’une certaine égalité homme-femme dans la participation aux institutions s’oppose à une représentation très cloisonnée des citoyens au sein du Conseil national (plusieurs collèges : les camps, les ministères, l’armée, désignant leurs représentants) à laquelle s’ajoutent deux obligations fortes imposées à chaque candidat : être Sahraoui et soutenir les buts et l’action du Polisario. Il semble assez clair que ces institutions politiques sahraouies sont largement définies dans une optique où la lutte pour l’indépendance prime sur les autres considérations. Cela rend facile les accusations marocaines de manque de démocratie de ces institutions. Il n’en demeure pas moins que si des débats critiques ouverts au plus grand nombre précèdent les prises de décision, l’existence de l’expression d’une possible contestation de celles-ci reste à montrer.

La politique conduite par la RASD et le Polisario est à la fois interne et externe. Au plan interne, celle-ci vise d’abord à encourager et conforter la mobilisation des réfugiés dans une résistance à l’occupation marocaine. Cette tache est rendue plus difficile du fait des conditions de vie de ces réfugiés, de l’installation dans un provisoire qui dure depuis plus de 40 ans et de l’engagement des hommes dans les forces du Polisario qui fait retomber la charge de chef de famille sur les femmes. La satisfaction des besoins de base de cette population constitue le second volet de ces politiques. En engageant sa responsabilité dans cette fonction, la RASD prend un risque, puisque les moyens dont elle dispose sont très limités et dépendent, non de ses propres ressources mais de l’aide internationale. Parmi ces besoins de base, permettre l’accès à l’éducation à chaque enfant constitue un objectif majeur. L’école gratuite et obligatoire est un droit qu’elle ne peut assumer qu’au niveau de l’école primaire par manque de ressources. Au plan externe, la RASD poursuit l’objectif d’être reconnue au plan international. Si, en 1976, 9 États seulement la reconnaissaient comme unique représentant du Peuple sahraoui, en 2015, 80 États et l’UA avaient adopté cette position. À cette démarche diplomatique s’ajoute la recherche d’appui auprès des sociétés civiles par la circulation de l’information dans le but de pouvoir compter sur les pressions de ces réseaux et associations pour infléchir la position des gouvernements sur cette question et aussi pour bénéficier d’aides accrues pour faire face aux nombreux besoins non satisfaits des réfugiés.

Vivre dans les camps

Combien sont-ils à habiter là ? Plus de 100 000 en 2006 suivant des agents de l’ONU ou 129 963 selon un décompte effectué en 1998-2000 par le Haut Comité des Nations unies aux réfugiés (UNHCR), un décompte d’ailleurs contesté[61]. Il est donc difficile d’être précis. Quelques lignes, empruntées à Francesco Bastagli, suffisent à décrire la situation. « Les cinq camps de réfugiés, des grappes d’abris poussiéreux, se trouvent à environ 25 km au sud de Tindouf […] Les camps sont installés sur une surface rocailleuse et grise, immensité sillonnée de traces de pneus tour à tour couvertes puis découvertes par une poussière de sable […] Ici rien ne pousse, rien n’encombre l’horizon morne, rien ne brille sous le soleil […] Le commerce et les autres activités économiques sont faibles ; les gens survivent grâce à l’argent envoyé par les immigrés depuis l’Europe, à l’aide internationale, à la contrebande et à la générosité intéressée du gouvernement algérien[62] ». Le provisoire et le précaire, si caractéristiques des camps de réfugiés, s’accompagnent ici de la lassitude d’une attente de 40 années au cours de laquelle rien ne change. Ou plutôt si ! L’aide internationale tend à se réduire au fil du temps sans qu’il soit possible d’affirmer que les transferts de revenu des diasporas sahraouies en Europe ou les aides algériennes puissent compenser. Le risque de voir se développer des stratégies de survie basées sur des activités illégales grandit. Ceci peut constituer une bonne base pour dépeindre ces camps comme des zones de non droit, des espaces de recrutement pour des mouvements islamistes extrémistes et de demander l’inscription du Polisario sur la liste des mouvements terroristes, comme le fait aujourd’hui le Maroc.

Les efforts des familles de réfugiés et du Polisario pour empêcher de telles dérives qui pourraient concerner les jeunes Sahraouis trouvent un appui dans les succès atteints par certaines politiques. La scolarisation dans le primaire est devenue effective dans les camps pour les garçons et les filles. Au delà, l’accès à des études secondaires puis supérieures se fait grâce à l’aide de pays amis, en Algérie principalement, mais aussi à Cuba, qui depuis 1980 a accueilli et formé 4 000 étudiants sahraouis, et ailleurs. Le projet d’offrir à une génération la possibilité de bénéficier d’une meilleure éducation et d’être diplômée est donc en marche, même s’il comporte le risque de voir plus de départs pour études que de retours et rend brutal, au plan culturel et social, les retours de jeunes ayant connu à l’étranger une autre vie que celle des camps[63]. Il s’ajoute à cet effort de scolarisation la solidarité des associations, des réseaux. Accueillir des enfants sahraouis venus des camps pour leur offrir quelques jours de vacance loin du Sahara, comme le fait une association espagnole, n’est-il pas une réponse aux risques de dérive qu’entraînerait le pourrissement d’une situation précaire qui tarde à trouver une juste solution.

Quel bilan peut-on dégager de cette brève histoire du Sahara occidental ? C’est avant tout d’un gaspillage dont il faut parler. Un gaspillage de temps, plus de quarante ans, un gaspillage d’énergie pour les personnes de bonne volonté qui ont voulu à trouver une solution et ont échoué. C’est aussi un gâchis humain si nous prenons en compte le sort des Sahraouis, partagés entre l’exil et une situation de peuple minoritaire sous la gouverne d’une puissance occupante dans son propre pays. C’est également un gaspillage en terme de développement. Si cela semble évident en ce qui concerne le point de vue sahraoui, la question se pose du point de vue marocain. L’occupation du Sahara occidental a-t-elle permis de dégager les moyens d’un développement du Sahara et du Maroc ? Jeffrey Smith, prenant en compte les investissements marocains et étrangers reçus par le Sahara, les retours qu’ils ont permis sous la forme de production additionnelle de richesses, et les dépenses supportées, débouche sur la conclusion suivante : « Il est raisonnable de conclure que les revenus récemment obtenus grâce aux ressources, s’ils étaient réinvestis directement dans le territoire occupé, pourraient nettement subvenir aux besoins de l’économie civile, et couvrir au moins les coûts basiques du maintien des colons et des populations sahraouies, ainsi que les dépenses publiques du Maroc (y compris les avantages fiscaux [accordés aux colons et aux investisseurs] et les subventions sur les matières premières), mais pas le coût de la présence militaire dans le territoire[64] ».

Quarante ans perdus et une situation toujours bloquée ! Le temps a paru jouer en faveur du Maroc, dans l’espoir qu’il permettrait de changer une occupation de fait en une souveraineté reconnue. Le président de la RASD, Mohamed Abdelaziz est décédé au début de l’année 2016. Brahim Galli, devenant secrétaire général du Front Polisario et président de la RASD, lui a succédé. La stratégie poursuivie, la voie de la négociation et de l’élargissement de la reconnaissance internationale de la RASD, ne semble pas modifiée. Pourtant pour de nombreux jeunes, dans les camps, s’il n’y a rien à espérer de l’ONU et/ou des grandes puissances, alors le recours à la lutte armée reste l’unique solution[65]. Pendant combien de temps le Front Polisario pourra-t-il calmer les attentes teintées de désespoir de ces jeunes si le blocage actuel perdure ? Les temps à venir sont incertains. L’enterrement dans l’oubli de la question, tout à l’avantage du Maroc est une éventualité. L’éclatement d’un nouveau conflit armé dans un Sahara déjà déstabilisé par l’action des groupes terroristes issus de l’effondrement libyen en est une autre.

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Annexe I:  Les principaux arguments en faveur de la revendication marocaine sur le Sahara occidental

Lorsque la Cour internationale de justice est amenée à émettre un avis sur les liens de souveraineté ayant existé entre le royaume du Maroc et le Sahara occidental avant la colonisation, le Maroc peut avancer quelques arguments que nous présenterons ci-après.

Au plan historique

Des liens ont existé dès le XIème siècle. Les familles régnantes Almoravides (vers 1050), Almohades (XIIème siècle) et Zenete (Merinide au XIIIème siècle) sont originaires du Sahara occidental. Dans un passé plus récent, l’extension de la zone d’influence des sultans marocains (commencée par le sultan Al Mansour), du XVIème au XVIIIème siècle, atteint Gao et Tombouctou. Elle constitue le « grand Maroc » souvent mis en avant par les souverains marocains.

Une telle zone d’influence se traduit-elle par l’établissement de liens de souveraineté ? Un premier argument en faveur du Maroc tient dans la manifestation du pouvoir des sultans marocains sous la forme d’un lien d’allégeance religieux : la prière dite au nom du sultan. Un tel lien peut-il entraîner de fait une allégeance politique ou convient-il de séparer souveraineté politique et religion ? Telle est la question que pose cet argument. La CIJ s’est tournée vers la seconde interprétation, cependant que l’Organisation de l’unité africaine (OUA, aujourd’hui Union africaine), consciente des risques de conflit qu’engendrerait l’acceptation de ce genre d’argumentaire, fixait les espaces nationaux africains dans les frontières issues de la colonisation.

Cette zone d’influence comportait également deux éléments pouvant aller dans le sens de l’existence de liens de souveraineté politiques. Il s’agit de la levée d’impôt au profit du sultan et de la nomination par ce dernier d’autorités locales (caïds, pachas et gouverneurs). Toutefois, si de tels liens ont existé, ils ne l’ont été que de manière discontinue, se renforçant lorsque le sultan accroît son autorité ou disparaissant dans la conjoncture inverse. Il est donc difficile de montrer, sur la durée, que de tels liens justifient l’appartenance du Sahara au royaume du Maroc.

Au plan économique

Le Maroc peut se prévaloir de la circulation d’une même monnaie et de l’existence d’un même système de mesure avant la colonisation du Sahara occidental par l’Espagne. Il convient toutefois de remarquer que ces deux éléments définissent un espace commercial et non un espace politique unifié. Par ailleurs, en tant qu’espace commercial, l’usage de la monnaie marocaine et d’un système de mesure commun varie dans le temps en fonction de l’essor ou de la contraction du commerce transsaharien. Là encore, il est difficile de penser qu’une intégration économique de l’espace marocain et de l’espace saharien ait pu exister.

Au plan diplomatique

Au cours de la période qui précède la colonisation du Maroc, un certain nombre d’actes peuvent être avancés comme reconnaissant une souveraineté marocaine sur le Sahara par l’Espagne, la France ou le Royaume-Uni. Il s’agit d’accords commerciaux précisant l’espace géographique qui les concerne, voir d’espaces côtiers où les marins et commerçants européens sont placés sous la sauvegarde du sultan marocain. Quelle portée faut-il leur accorder ? Dans ce type d’accord les deux partie ont intérêt à élargir le plus possible cet espace géographique, l’une en raison des opportunités commerciales plus étendues qui seraient ainsi offertes, l’autre en raison du montant des taxes qu’il pourrait percevoir.

Il s’agit également de reconnaissance diplomatique d’État à État. Par exemple une lettre adressée par la France au sultan du Maroc, le 15 novembre 1911 atteste que le Maroc comprend toute la région délimitée par l’Algérie, l’Afrique occidentale française et la colonie espagnole du Rio del Oro. Quel poids accorder à de tels actes ? Replacer dans le contexte historique de l’époque, celui d’une pénétration européenne de plus en plus accentuée qui rencontre une organisation politique entrée en décomposition, il est bien difficile de penser que ces reconnaissances ne soient autres que la formulation d’une exigence d’une puissance coloniale  (la France) face à celles d’autres puissances européennes (allemande par exemple). Leur portée historique serait donc bien limitée, un simple instant dans un différend impérialiste qui s’achèvera en 1912 par l’établissement du protectorat français sur le Maroc et, en 1914, par la Première Guerre mondiale. L’avènement de ce protectorat, de plus, fait tomber ces actes en désuétude de telle sorte que leur valeur actuelle n’est guère importante.

Si le Maroc pouvait avancer quelques arguments en sa faveur, il paraît assez clairement qu’aucun d’eux ne semblait pouvoir apporter des preuves suffisantes pour infléchir l’avis de la CIJ selon lequel il n’existait pas de preuve pertinente de liens de souveraineté faisant du Sahara occidental une province du sultanat marocain avant sa colonisation.

 

Annexe II:  Statistiques

 Les données quantitatives concernant le Sahara occidental sont rares. Les informations produites par l’Agence américaine CIA sont peu nombreuses, souvent anciennes mais assez précises. Les statistiques produites par le Maroc (Sahara-développement) posent un double problème : en matière de données économiques, elles sont souvent incomplètes et surtout, du fait du découpage administratif du Sahara, ne recoupent pas exactement le territoire. Ainsi trois régions concernent le Sahara occidental : Oued-Eddahab-Lagouira, El Aaiun-Boudjour-Saguia El Hamra et Guelmim-Es Samara. Seule la première se situe entièrement au Sahara occidental, les deux suivantes incluant des portions du Sud marocain. Ainsi nous n’avons pas essayé de recouper les données produites par l’Agence américaine et celles fournies par l’organe statistique marocain, particulièrement en ce qui concernent la population active et les emplois. Enfin faut-il préciser que les informations chiffrées ci-après ne concernent  que le Sahara occupé et que, ne pouvant les confronter à d’autres sources, celles-ci sont à traiter avec beaucoup de prudence.

Par delà ces imperfections, les statistiques marocaines s’inscrivent dans les axes de développement arrêtés par le Maroc pour ces trois régions. Ces axes sont :

– habitat et le développement urbain,

– la pêche artisanale et côtière et les villages de pêcheurs,

– accès à l’eau et l’environnement,

– l’électrification, les routes et les ports,

– l’artisanat et le tourisme.

Un certain effort a été consenti par le Maroc (4,3 milliards de dirhams entre 2004 et 2008) permettant d’atteindre quelques résultats. Des statistiques (marocaines) que nous ne reproduisons pas ci-après montrent ainsi des taux de scolarisation et d’accès à l’eau potable légèrement supérieurs dans la région à ceux obtenus dans les régions marocaines situées plus au nord.

Population

Population estimée en juillet 2013 570 866 Répartition par âge :
De 0 à 14 ans 37,9 %
De 15 à 24 ans 19,6 %
De 25 à 54 ans 33,9 %
De 55 à 64 ans 4,9 %
65 ans et plus 3,7 %
Taux de natalité estimé en 2015 30,2‰ Taux d’urbanisation estimé en 2015 80,9 %
Taux de mortalité estimé en 2015 8,3 ‰ Taux de mortalité infantile estimé en 2015 54,7 ‰
Taux de croissance démographique estimé en 2015** 28 ‰ Espérance de vie des femmes estimée en 2015* 65,02 années
fertilité 4 enfants

par femme

Espérance de vie des hommes estimée en 2015* 60,35 années

Source : sur le site : www.cia.gov/library/africa/western-sahara   *ensemble : 62,64 années

** Le taux d’accroissement démographique est supérieur au taux d’accroissement naturel (21,9‰), ce qui laisserait apparaître un excédent migratoire de l’ordre de 0,6 %

Économie

Petite économie de marché ayant pour activités principales la pêche, l’exploitation de phosphates et l’élevage en nomadisme
PIB estimation de 2007 en parité de pouvoir d’achat 905 millions de dollars (ppa) Population active esti-mée en 2010 144 000
PIB par tête estimé en 2007 2500 dollars Dont part dans le secteur primaire 50 %
Principales exportations estimées en 2012 Phosphates :

62 %des exportations.

Dont part dans les secteurs secondaire et tertiaire 50 %
Principales importations Aliments, produits pé-troliers

Source : sur le site : <www.cia.gov/library/africa/western-sahara>

Énergie (estimation en 2012)

Électricité produite 90 millions de Kw Produits pétroliers

raffinés importés

1702 barils/jour
Électricité consommée 83,7 millions de Kw Produits pétroliers

consommés

1700 barils/jour

Source : sur le site : www.cia.gov/library/africa/western-sahara

  Activités et emplois

 Agriculture (sur la période 2008-2014)

 Caractéristiques générales

Surface disponible 24 millions d’ha. Cheptel (dromadaires) 140 000
Surface agricole utile 130 000 ha. Cheptel (caprins) 380 000
Terres cultivables en année pluvieuse 50 000 ha. Cheptel (ovins) 300 000
Terres irriguées 500 ha. Cheptel (bovins) 1 100

Source : Sahara-développement

Emplois agricoles

Type d’activité Agriculteurs indépendants entreprises emplois
Traditionnelle surtout éleveurs 6 400 6 7 012

(6 400+612)

Cultures sous serres 5 6 000
Total 6 400 11 13 012

Source : Source : Sahara-développement

Pêche (sur la période 2008-2014)

Caractéristiques générales

Équipement naviguant 190 navires et 5866 barques
Équipement à terre 130 unités de traitement du poisson
Principaux ports Aayoune, Boudjour et Dahla

Source : Sahara-développement

Emplois dans le secteur de la pêche

Type d’activité entreprises emplois
Pêche artisanale 150 30 000
Pêche hauturière 10 50
aquaculture 2 30
Congélation du poisson 78 3679
glacerie 2 8
total 242 33 767

Source : Sahara-développement

Autres activités civiles, hors industries extractives (sur la période 2008-2014)

activités entreprises emplois
Autres activités agroalimentaires 12 90
Artisanat 20 4 080
Bâtiments travaux publics 20 1 618
Tourisme 27 270
Commerce et services 65 265
Total 144 6 323

Source : Sahara-développement

Notes:

[1] Théodore Monod, Méharées, Actes Sud, Arles, 1989.

[2] Jeffrey Smith, « L’appropriation du Sahara : le rôle des ressources naturelles dans l’occupation du Sahara occidental », Lutter au Sahara. Du colonialisme vers l’indépendance au Sahara occidental, Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), Givors, 2015.

[3] Michel Liégeois, Salomé Ponsin, « La Minurso, 25 ans au service de la paix au Sahara occidental », Recherches internationales, n°103, avril-juin 2015.

[4] Sonia Vergara Ruiz, « Memoria historica saharaoui », Dossier Sahara occidental, 2015 ; sur le site : <www.ritimo.org/memoria-historica-saharaoui>

[5] Rodrigo Duque Estrada, « La geopolitica del conflicto en el Sahara Occidental », Dossier Sahara occidental, 2015 ; sur le site : www.ritimo.org/la-geopolitica-del-conflicto-en-el-sahara-occidental.

[6] Sonia Vergara Ruiz, article cité, 2015.

[7] Le terme de colonisation espagnole semble plus approprié que celui de protectorat lorsque nous constatons qu’en près d’un siècle, la présence espagnole n’a rendu possible que la formation de trois diplômés sahraouis, un médecin, un avocat et un expert-comptable, ce qui semble très éloigné d’un désir de préparer l’émancipation d’un pays.  Source : Eduardo Galeano, article cité, 2006.

[8] Sonia Vergara Ruiz, article cité, 2015..

[9] Jeffrey Smith, article cité, 2015.

[10] Ibidem.

[11] Ce parti, ainsi que le Parti communiste, seront interdits par la puissance occupante en 1952.

[12] Ayad Ahram, « Sur le conflit du Sahara occidental et les droits de l’homme dans la région », Lutter au Sahara. Du colonialisme vers l’indépendance au Sahara occidental, Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), Givors, 2015.

[13] Michel Liégeois, Salomé Ponsin, article cité, 2015.

[14] Cette revendication sera, en partie, rapidement écartée : la Mauritanie deviendra indépendante le 28 novembre 1960.

[15] Mehdi Ben Barka sera enlevé et assassiné à Paris à la fin de 1965. Mahjoud Ben Seddik sera arrêté en 1967, ainsi que les dirigeants de l’Union nationale des étudiants marocains.

[16] Rodrigo Duque Estrada, article cité, 2015.

[17] Sonia Vergara Ruiz, article cité, 2015.

[18] Carla Ricci, « La invasion marroqui y el exodo », Dossier Sahara occidental, 2015 ; sur le site : http://www.ritimo.org/la-invasion-marroqui-y-el-exodo

[19]Adriano Smolarek, « Llegalidad e intereses ocultos », Dossier Sahara occidental, 2015 ; sur le site : www.ritimo.org/llegalidad-e-intereses-ocultos

[20] Cité par Francesco Bastagli, « Fragments du Sahara occidental », Lutter au Sahara. Du colonialisme vers l’indépendance au Sahara occidental, Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), Givors, 2015, texte écrit en 2009.

[21] Jeffrey Smith, article cité, 2015 ; Adriano Smolarek, article cité, 2015.

[22] Carlos Ruiz Miguel, El Sahara occidental y España. Historia, politica y derecho, analisis critico de la politica exteriora española, Dykinson, Madrid, 1995 ; cité par Adriano Smolarek, article cité, 2015.

[23] Ayad Ahram, article cité, 2015.

[24] Adriano Smolarek, article cité, 2015.

[25] Cité par Olivier Quarante, « Le rôle de la France », Lutter au Sahara. Du colonialisme vers l’indépendance au Sahara occidental, Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), Givors, 2015.

[26] Ceci est la thèse que soutien Olivier Quarante. Cf. Olivier Quarante, ibidem.

[27] Adriano Smolarek, article cité, 2015.

[28] Rodrigo Duque Estrada, article cité, 2015.

[29] Jacob Mundy, « How the US and Marocco Seized the Spanish Sahara », Le monde diplomatique, 12 janvier 2006.

[30] Il n’y a pas de chiffre précis. Les évaluations vont d’un peu plus du tiers à près de la moitié de la population. Cf. Adriano Smolarek, article cité, 2015.

[31] Senia Bachir Abderahman, « Testimonio, una jornada por el disierto », Dossier Sahara occidental, 2015 ; sur le site : http://www.ritimo.org/testimonio-una-jornada-por-el-disierto

[32] Ce n’est qu’à partir de mai 1976 que l’édification des camps commencera près de Tindouf (Algérie).

[33] Adriano Smolarek, article cité, 2015.

[34] Ce retrait sera suivi ensuite d’un soutien, la Mauritanie reconnaissant la RASD en février 1984.

[35] Les informations statistiques marocaines ne tiennent aucun compte du rattachement à l’identité sahraouie ou pas des habitants recensés. Il faut alors procéder par recoupement comme le fait Jacob Mundy. Cf. Jacob Mundy, « Les colons marocains au Sahara occidental : colonisateur ou cinquième colonne ? », Lutter au Sahara. Du colonialisme vers l’indépendance au Sahara occidental, Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), Givord, 2015.

[36] Il est difficile d’obtenir des chiffres précis ici également. La RASD tend à surestimer le nombre de ces réfugiés afin de peser sur les aides reçues pour les faire survivre ou majorer son importance politique.

[37] Anna Théofilopoulou, « La saga du Sahara occidental continue aux Nations unies. Un point de vue de l’intérieur », Lutter au Sahara. Du colonialisme vers l’indépendance au Sahara occidental, Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), Givors, 2015.

[38] Comme le fait remarquer Anna Théofilopoulou, le plan de paix et la création de la Minurso n’ont été acceptés par le Conseil de sécurité que « sous le chapitre six de la charte des Nations unies », ce qui limite le pouvoir de l’Organisation en matière de restauration de la paix. En effet, cela implique « que toute action menée par le Conseil nécessiterait l’approbation du Maroc et du Polisario ». Cf. Anna Théofilopoulou, article cité, 2015.

[39] Jacob Mundy, article cité, 2015.

[40] Francesco Bastagli, article cité, 2015.

[41] Olivier Quarante, article cité, 2015.

[42] Le Maroc a quitté l’OUA en 1984 en raison de la reconnaissance de la RASD par l’OUA en 1976.

[43] C’est l’avis de Mohamed Zrug, représentant du Front Polisario au Brésil. Cf. Mohamed Zrug, « El rol de la diplomacia en la lucha por el reconocimento nacional », Dossier Sahara occidental, 2015 ; sur le site : www.ritimo.org/el-rol-de-la-diplomacia-en-la-lucha-por-el-reconocimiento-nacional

[44] Francesco Bastagli, article cité, 2015.

[45] Entre 1975 et 1990, le Maroc a reçu des États-Unis une aide militaire d’un milliard de dollars (soit 20 % des aides militaires destinées à l’Afrique) et d’une aide économique de 1,3 milliard. Source : Rodrigo Duque Estrada, article cité, 2015.

[46] Rodrigo Duque Estrada, article cité, 2015.

[47] Francesco Bastagli, article cité, 2015.

[48] Sur les questions de droits de pêche, Erik Hagen signale le rôle des lobbies favorables à la politique marocaine. Cf. Erik Hagen, « Le poisson passe avant la paix », Lutter au Sahara. Du colonialisme vers l’indépendance au Sahara occidental, Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), Givors, 2015.

[49] Des journalistes américains ont ainsi relevé que la candidate démocrate aux élections présidentielles, Hillary Clinton, avait reçu, pour le financement de sa campagne, 5 millions de dollars de l’Office chérifien des phosphates (OCP). Source : Jenifer Rubin, National Catholic Repoter, « Hillary Clinton, Phosphates and the Western Sahara », sur le site : http://ncronline.org/ncr-today/hillary-clinton-phosphates-and-the-western-sahara ; cité par Rodrigo Duque Estrada, article cité, 2015.

[50] Olivier Quarante, article cité, 2015.

[51] Jacob Mundy, article cité, 2015.

[52] Joanna Alla, Malainin Lakhal, « El saqueo de un pais », Dossier Sahara occidental, 2015 ; sur le site : http://www.ritimo.org/el-saqueo-de-un-pais

[53] Source : Jeffrey Smith, article cité, 2015. Ceci éclaire sur une des raisons du rejet systématique de l’usage de l’expression « territoire occupé » par les autorités marocaines.

[54] Ibidem.

[55] Hamza Lakhal, « Testimonio : las formas de violar derechos humanos », Dossier Sahara occidental, 2015 ; sur le site : http://www.ritimo.org/testimonio-las-formas-de-violar-derechos-humanos

[56] Entretien avec Abdeslam Omar Lahcen (AFPREDSA), sur le site : http://solidmar.bloogspot.fr

[57] A. Khalil, 25 mai 2016, sur le site : http://solidmar.bloogspot.fr

[58] Tara Deubel, « Identité sahraouie et intégration des minorités. Point de vue des étudiants du Sahara occidental vivant au Maroc », Lutter au Sahara. Du colonialisme vers l’indépendance au Sahara occidental, Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), Givord, 2015.

[59] Les politique marocaines récentes de valorisation du patrimoine culturel sahraoui et d’attraction des indépendantistes à partir d’une plus grande liberté de déplacement et de facilités matérielles offertes aux « ralliés » sont connues. Cf. Sébastien Boulay, « Résister par la culture, résister pour sa culture face aux politiques d’occupation du Maroc au Sahara occidental », Lutter au Sahara. Du colonialisme vers l’indépendance au Sahara occidental, Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), Givors, 2015.

[60] Voir sur ce point : Alice Wilson, « Comment sont organisées les élections dans les camps de réfugiés sahraouis », Lutter au Sahara. Du colonialisme vers l’indépendance au Sahara occidental, Amis du peuple du Sahara occidental (APSO), Givors, 2015.

[61] Le chiffre officiel admis depuis des années est de 161 000 réfugiés, parmi lesquels figurent, du point de vue de l’aide humanitaire, des familles en situation très précaire.

[62] Francesco Bastagli, article cité, 2015

[63] Enelko Calle, « Educando la dignidad desde el exilo », Dossier Sahara occidental, 2015 ; sur le site : www.ritimo.org/educando-la-dignidad-desde-el-exilo

[64] Jeffrey Smith, article cité, 2015.

[65] Senia Bachir Abderahman, « Témoignage : la jeunes génération sahraouie », Dossier Sahara occidental, 2015 ; sur le site : http://www.ritimo.org