Marc-Antoine Pérouse de Montclos*
Les envois de fonds des migrants ont pris une ampleur inégalée au cours des vingt dernières années, à tel point que, dans bien des pays du Sud, leurs flux financiers dépassent désormais les montants de l’aide publique au développement, voire des investissements étrangers. Une pareille évolution a certainement accompagné l’augmentation générale du nombre de migrants internationaux, qui est passé de 150 millions en 2000 à 214 en 2010[1]. Mais elle n’explique pas pourquoi les transferts ont cru à un rythme beaucoup plus rapide que l’aide publique au développement ou les investissements étrangers dans les pays du Sud. En outre, elle est sans commune mesure avec l’évolution de la proportion de migrants internationaux dans la population mondiale, qui est restée stable, autour de 3 %. De ce point de vue, il est fort possible que l’augmentation des montants en question provienne d’abord de la formalisation grandissante d’un phénomène qui est désormais mieux quantifié du fait de la conjonction de quatre principaux facteurs : le renouvellement des paradigmes des économistes, qui attachent désormais plus d’importance aux flux migratoires ; la réévaluation des chiffres à la hausse et les changements de méthodes statistiques de la Banque mondiale, qui inclue dorénavant des estimations et ne se contente plus d’utiliser les données officielles des gouvernements ; la criminalisation et la possible diminution des transferts informels depuis les attentats de septembre 2001 ; et la multiplication des frontières internationales avec l’implosion de l’Union soviétique ou de la Yougoslavie et l’indépendance de pays comme l’Érythrée, le Timor Oriental, le Sud Soudan, etc…
Dans une très large mesure, la massification des envois de fonds des migrants vers leurs pays d’origine reste donc une énigme. Leur impact, en particulier, ne laisse pas d’intriguer les spécialistes. Dans les pays du Sud, faut-il en effet y voir une « manne de secours » qui permettrait de pallier les lacunes des services sociaux de l’État, voire de l’investissement privé et de l’assistance internationale ? Ou, au contraire, faut-il y voir un pis-aller qui enfoncerait les destinataires des transferts dans un syndrome de dépendance vis-à-vis de l’aide des migrants ? Les débats à ce sujet sont extrêmement riches et l’étude qui suit vise à leur donner un prolongement politique en s’interrogeant sur l’impact des remises de fonds quant aux modes de gouvernance de l’Afrique subsaharienne. De fait, les transferts des migrants vers leurs pays d’origine ont surtout été étudiés par les économistes et, depuis plus récemment, les sociologues. En revanche, les politistes se sont davantage intéressés à l’influence des diasporas sur les conflits armés et les processus de transition démocratique. Concernant l’Afrique sub-saharienne, de précédents travaux ont surtout insisté sur la nécessité de penser le rôle de l’Etat pour analyser les phénomènes migratoires[2].
Le Mali constitue un cas intéressant à cet égard. En effet, ses émigrés disposent de ressources humaines et économiques qui, toutes proportions gardées, n’ont rien à envier à celles de leurs homologues en provenance de pays africains plus peuplés ou plus touchés par des exodes, tels la Somalie, le Cap Vert, le Lesotho, les Comores ou le Nigeria. Aussi convient-il de s’interroger sur la façon dont les Maliens de l’extérieur ont essayé de transformer leur force de frappe financière en capital social et politique. Partant, il importe de se demander dans quelle mesure on assiste également à l’émergence d’une diaspora. De fait, le simple maintien d’un lien physique, financier et sentimental avec le pays d’origine ne dit rien du degré d’organisation transnationale de communautés de migrants réunies autour d’une identité commune. Dans son sens le plus classique, le terme de diaspora sous-tend généralement un minimum de cohérence et de communication entre les segments d’un groupe national, régional, religieux ou culturel dispersé dans deux pays étrangers au moins. Or il n’est pas évident que les Maliens de l’extérieur aient atteint ce stade, à la différence des Somaliens ou des Capverdiens.
L’étude qui suit a ainsi pour objectif d’analyser plus précisément l’impact politique des migrants et de leurs remises de fonds au Mali. Dans une première partie sont d’abord rappelées les caractéristiques qui déterminent les modalités de l’émigration malienne et de ses apports financiers. Les remises de fonds sont ensuite analysées dans la perspective du débat qui, aujourd’hui, oppose leurs avantages à leurs inconvénients. Dans un troisième temps, enfin, l’étude se concentre sur l’organisation politique des migrants, d’une part, et sur la politique des bailleurs et de l’État malien vis-à-vis de leurs transferts, d’autre part.
Les caractéristiques de l’émigration malienne
Dans une très large mesure, l’insertion des migrants sur la scène politique locale dépend des conditions de leur départ puis de leur installation à l’étranger. Essentiellement africaine, en l’occurrence en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Nigeria et au Niger, la migration internationale des Maliens se caractérise ainsi par l’origine rurale et la précarité juridique et économique d’un bon nombre de ses « expatriés ». Les spécialisations professionnelles et la provenance géographique des différents groupes ethniques, notamment, ont beaucoup influencé les destinations des migrants, avec la Côte d’Ivoire pour les commerçants peuls Djawambé, l’Algérie ou la Libye pour les éleveurs Touaregs, et la France pour les travailleurs manuels Soninké. Ces caractéristiques ont même pu contribuer à organiser la migration à l’intérieur des pays d’accueil. En France, on raconte par exemple que les autres communautés maliennes sont désormais amenées à s’installer en province pour éviter les fiefs soninké de l’agglomération parisienne.
Autre caractéristique fondamentale, l’origine rurale de la plupart des expatriés met en évidence l’étroitesse des liens entre migrations internes et externes. De fait, la migration internationale ne peut pas s’analyser correctement sans prendre aussi en compte l’ampleur et l’organisation des flux à l’intérieur même du pays de départ[3]. Situé en milieu bambara et soninké à un peu plus d’une centaine de kilomètres au nord de Bamako, le cercle de Banamba le confirme à sa manière. Menées en mai 2010 par une équipe du département de géographie de l’Université de Bamako, des enquêtes de terrain y ont en l’occurrence souligné l’importance des flux migratoires en direction de la capitale. D’après une étude un peu plus ancienne, les deux tiers des départs enregistrés depuis le cercle de Banamba étaient ainsi des migrations saisonnières, rythmées par les cycles agricoles, lorsque les périodes de soudure obligeaient les paysans à aller chercher du travail en ville[4].
À l’étranger, beaucoup de migrants maliens vivent par ailleurs dans une grande précarité de statut sur le plan juridique et professionnel. Il est probable qu’une telle incertitude pénalise d’autant leur capacité d’action dans le pays d’origine. Mais elle ne les empêche certainement pas de renvoyer de l’argent au Mali. À en croire les théories à ce sujet, il existerait en effet une corrélation inverse entre la durée du séjour et les montants des transferts des migrants. Les expatriés qui ont refait leur vie à l’étranger, notamment ceux qui s’y sont mariés, seraient ainsi moins enclins à subventionner la famille restée au pays. À la différence des migrants temporaires, ils enverraient de moins en moins d’argent à mesure que leurs revenus se stabilisent, qu’ils ont moins besoin de constituer une épargne et qu’ils finissent de rembourser la dette qui a permis de financer leur voyage[5].
Reste évidemment à savoir dans quelle mesure les Maliens de l’extérieur suivent ce canevas. En effet, les caractéristiques de leur émigration ont beaucoup évolué au cours des vingt dernières années. Longtemps étudiés par les chercheurs, les départs vers la France des paysans Soninké de la région de Kayes sont par exemple en train de se stabiliser au profit d’autres destinations. Avec 54 000 ressortissants enregistrés officiellement lors du recensement de 2006, les Maliens continuent certes de constituer la dixième nationalité étrangère (hors Union européenne) résidant en France, ceci sans compter les sans-papiers. Mais les flux migratoires se sont diversifiés et « qualifiés ». Malgré sa proximité géographique, la Côte d’Ivoire, notamment, n’est plus aussi attractive depuis la crise de 2002. D’une manière générale, les recensements des Maliens de l’Extérieur font apparaître une baisse du nombre de migrants, qui est passé de 3,7 millions en 1995 à 2,7 en 2001, soit, respectivement, 27 % et 20 % de la population totale du pays[6]. En revanche, de nouvelles filières sont apparues, qui ne concernent plus seulement des paysans. Les diplômés de Bamako ont ainsi commencé à émigrer vers les États-Unis et d’autres pays de l’Union européenne.
La difficulté est que l’on ne connaît pas précisément les effectifs de la « diaspora » malienne, ce qui ne permet pas d’estimer correctement ses envois de fonds [voir Tableau 1]. Les variations à ce sujet sont impressionnantes, entre 2,7 millions d’émigrés selon le ministère des Maliens de l’Extérieur en 2001 et 1,2 million selon une étude du Fonds européen de développement en 2008, soit 9 % de la population totale du pays[7]. Le gouvernement, lui, est allé jusqu’à avancer le chiffre de 4,5 millions d’expatriés, quitte à gonfler artificiellement les effectifs pour exagérer son rayonnement international. En réalité, il paraît impossible de mesurer sérieusement les flux. Dans des pays de transit comme le Maroc ou le Cameroun, par exemple, on ne recense pas les arrivées car les Maliens peuvent entrer sans visas. Même les retours au Mali ne sont pas toujours comptabilisés, notamment lorsqu’ils se font par voie terrestre depuis le Maghreb, ou par charters depuis l’Arabie Saoudite. Créée en 1996 dans la foulée de l’occupation de l’église Saint Bernard par des sans papiers à Paris, l’Association des Maliens expulsés dispose ainsi d’une permanence à l’aéroport de Bamako pour accompagner les migrants renvoyés de force au pays. Mais elle ne recense que les retours des clandestins en provenance de France, avec des effectifs qui vont d’ailleurs en diminuant du fait du refus du gouvernement malien de signer un accord de réadmission avec Paris.
Tableau 1. Les principaux points d’ancrage de la « diaspora » malienne
Pays d’accueil | Fourchette basse | Fourchette haute |
Amérique | 3 600 en 2001 | 6 000 en 2001 |
Europe, dont : | n.d. | 156 100 en 2001 |
(France) | (54 000 en 2006) | (110 000 en 2001) |
Afrique, dont : | n.d. | 2 419 900 en 2001 |
(Afrique de l’Ouest) | (n.d.) | (2 156 000 en 2001) |
(Côte d’Ivoire) | (523 000 en 2001) | (1 700 000 en 2001) |
Asie | 27 800 en 2001 | 101 260 en 2001 |
Total | 783 400 en 2001 | 2 683 200 en 2001 |
Source : recensements des Maliens de l’Extérieur. Les chiffres les plus bas reposent sur les enregistrements des consulats maliens. Les différences avec les estimations les plus hautes peuvent être importantes. En France, par exemple, le nombre de comptes bancaires détenus par des Maliens fait apparaître l’existence de 50 000 à 100 000 sans-papiers dont environ 2 000 seraient régularisés par leurs employeurs chaque année.
Des remises de fonds en pleine évolution
Dans un tel contexte, le calcul du montant des remises de fonds des migrants s’avère particulièrement difficile. Aucune des méthodes proposées pour ce faire ne permet d’avoir une vue exhaustive du phénomène[8]. Parmi les principales sources utilisées, les banques centrales, notamment, présentent l’inconvénient d’ignorer les envois informels. Dans les pays d’origine de la migration, les enquêtes menées auprès des ménages posent quant à elles des problèmes de représentativité et tendent parfois à minimiser les transferts des expatriés revenus passer leur retraite ou financer des projets collectifs dans leur région de naissance. Dans les pays d’accueil, enfin, les sondages réalisés auprès des migrants ne parviennent généralement pas à inclure les sans-papiers et à couvrir tous les États où vivent les membres d’une « diaspora », à moins d’entraîner des coûts d’enquête prohibitifs. Les imprécisions sur le nombre de ressortissants à l’étranger ne sont pas seules en cause. En effet, les difficultés de quantification des remises renvoient surtout à la faiblesse des secteurs bancaires et au caractère informel des envois de fonds vers les pays en développement.
Dans le cas du Mali, l’essentiel de l’argent passe en l’occurrence entre les mains de porteurs de valise, plutôt que par le biais de commerçants ou de compagnies spécialisées. De fait, les liens lignagers et les caisses de transferts communautaires sont moins onéreux à utiliser que les banques ou les sociétés de transferts qui sont apparues dans le pays à la fin des années 1990. Tandis que les apports en nature demeurent marginaux en valeur, on estime que trois quarts des envois des Maliens de l’extérieur continuent en conséquence d’emprunter des canaux informels. Les sociétés de transfert d’argent, elles, n’ont pas encore réussi à capter l’ensemble du marché. En cas d’urgence, les migrants peuvent certes les utiliser du fait de leur plus grande rapidité que les porteurs de valise[9]. Mais les guichets des sociétés de transfert d’argent restent concentrés sur la capitale au détriment des campagnes. Bamako en recense ainsi plus de la moitié alors que la région de Kayes, grosse récipiendaire des envois des migrants, n’en a que 10 %. De plus, les sociétés de transfert d’argent se heurtent toujours à des obstacles institutionnels car elles sont statutairement obligées de travailler avec les banques locales pour être autorisées à effectuer des opérations avec l’étranger. À la différence du secteur financier au Sénégal, qui n’a pas de clause d’exclusivité, la concurrence est donc limitée : chacune des douze banques maliennes a d’ores et déjà opté pour une de ces sociétés et n’a pas le droit d’en contracter d’autres.
Résultat, les fonds des migrants continuent d’emprunter des canaux informels et leur évaluation reste pour le moins imprécise. Le problème se retrouve d’ailleurs dans tous les pays d’Afrique dont les états-civils et les secteurs bancaires s’avèrent défaillants ou inexistants. En Somalie, pays en guerre qui n’a jamais connu de recensement, les estimations des remises annuelles des migrants à destination de leurs familles variaient ainsi entre $142 millions selon des chiffres agrégés de 1996, $360 millions selon le PNUD en 2002 et $825 millions selon la Banque mondiale en 2004, la fourchette haute allant jusqu’à $1,8 milliard en 2007[10]. Au Mali en 1996, elles évoluaient entre 46 milliards de FCFA selon la banque centrale, 78 selon des enquêtes réalisées dans la région de Kayes et 92 selon des sondages menés auprès des migrants en France. En 2005, on estimait qu’elles atteignaient 456 millions d’euros et qu’elles provenaient essentiellement de France ou, plus exactement, de la région parisienne, qui pesait pour 90 % des transferts évalués à 295 millions d’euros. Par contraste, la Côte d’Ivoire ne fournissait que 84 millions d’euros, sans commune mesure avec l’importance du nombre de Maliens qui y vivaient, tandis que l’Espagne apparaissait comme un nouveau contributeur, avec des envois chiffrés à 47 millions d’euros[11].
Malgré les incertitudes qui demeurent sur les montants concernés, les observateurs s’accordent finalement sur un point : l’importance des remises des migrants dans les économies des pays en développement. De fait, le phénomène ne se limite pas aux populations urbaines et n’épargne pas les zones les plus reculées. Selon une étude du PNUD en 2002, par exemple, les envois de fonds de la diaspora somalienne représentaient 20 % du revenu des ménages en milieu pastoral, contre 23 % à l’échelle nationale[12]. Au Mali, les transferts des migrants bénéficient également à des régions rurales, à commencer évidemment par Kayes, foyer traditionnel d’émigration. Dans le cercle de Banamba mentionné précédemment, la rente migratoire constitue ainsi la deuxième source de revenus des ménages après l’agriculture. Elle s’avère d’autant plus indispensable qu’elle permet aux paysans de tenir pendant les périodes de soudure et de compenser les aléas climatiques d’un milieu sahélien semi-aride et propice aux catastrophes naturelles.
De ce point de vue, les envois de fonds des migrants constituent une sorte de sécurité sociale dans des économies de survie et de pénurie. Ils jouent notamment un rôle de soupape de sûreté en cas de crise, comme au Mali après le coup d’État de mars 2012. Assez peu sensibles aux crises financières qui freinent les investissements étrangers, les transferts des migrants ont ainsi la réputation d’être plus réguliers et moins volatils que l’aide publique au développement. Ils peuvent également financer des infrastructures de base. Dans la région de Kayes, par exemple, les migrants ont commencé à monter leurs premiers projets collectifs lors de la sécheresse des années 1970. Depuis lors, leurs envois de fonds ont agi par capillarité. D’après une étude à ce sujet, les foyers maliens qui en bénéficiaient ont fini par investir cinq fois plus dans des projets collectifs que les ménages sénégalais de l’autre côté de la frontière[13].
Une telle manne n’a évidemment pas manqué d’intéresser les autorités. Dès avant la chute de la dictature de Moussa Traoré en 1991, le gouvernement avait ainsi affiché quelques prétentions à valoriser les ressources des « Maliens de l’Extérieur », ici compris comme les ressortissants ayant résidé moins d’une année consécutive dans leur pays d’origine. L’objectif était en l’occurrence de promouvoir une « diaspora » dont l’essentiel des effectifs vivait en Afrique. Simple secrétariat d’État sous la tutelle des Affaires étrangères en 1991, la délégation des « Maliens de l’Extérieur » était alors devenue un ministère à part entière en 2000. À l’époque, son intitulé officiel, qui mentionnait « l’intégration africaine », n’était d’ailleurs pas anodin puisqu’il allait bientôt s’opposer à la vision obsidionale du ministère français de « l’immigration et de l’identité nationale ». À l’instar du Somaliland, le gouvernement n’a cependant pas cherché à taxer les remises des migrants, de crainte de se rendre impopulaire. Il n’a donc pas suivi le modèle coercitif de l’Érythrée, qui avait littéralement rançonné sa diaspora pour financer sa guerre contre l’Éthiopie en 1999. À la différence du Lesotho ou des Philippines autrefois, le Mali n’a pas non plus tenté de signer des accords-cadres pour capter et prélever à la source une partie du salaire de ses migrants en la renvoyant directement aux autorités du pays d’origine. Au contraire, le gouvernement a évité d’imposer ses ressortissants à l’étranger afin de les inciter à investir, par exemple dans des zones franches ou sur des comptes offshore en devises, comme au Cap Vert.
De pair avec la libéralisation d’une économie « socialiste » à partir de 1991, plusieurs mesures ont été prises en ce sens. À la BIM (Banque Internationale pour le Mali), notamment, les migrants ont été autorisés à ouvrir des comptes spéciaux en FCFA. Désormais, ils disposent de leur propre agence à Bamako, dans un immeuble appelé Tounkaranke (Les Aventuriers) en référence à la témérité des candidats qui traversent le Sahara pour émigrer en Europe. Dans le cadre d’une démarche qui ne visait d’ailleurs pas spécifiquement les migrants de retour, le Code des investissements, qui datait de 1991, a par ailleurs été amendé en 2005 en vue d’attirer les sociétés étrangères avec des facilités fiscales et des exemptions de droits de douane pour des périodes allant de trois à cinq ans. Dans le même ordre d’idées, une zone franche a été créée dans la banlieue de Bamako et un Malien revenu de Côte d’Ivoire y a par exemple installé l’entreprise publique qu’il venait de racheter, à savoir la Batexci (Bakary, textile, commerce et industrie).
De leur côté, les bailleurs de fonds de la coopération pour le développement n’ont pas été en reste. Certains ont voulu croire que la manne des migrants pouvait relayer une assistance internationale qui couvrait un tiers des dépenses de l’État malien et qui pesait pour environ 10 % du produit intérieur brut du pays. En 2005, par exemple, les transferts représentaient 79 % de l’aide publique au développement à destination du Mali. Bien canalisés, ils auraient donc pu soutenir des investissements productifs. Les bailleurs ont développé plusieurs modèles à cet égard. Libéraux, les Britanniques ont en l’occurrence tenté de faire baisser les coûts des transferts en favorisant la concurrence. Les Espagnols, eux, ont davantage cherché à favoriser la bancarisation des foyers récipiendaires. Dans le cadre du « co-développement », c’est-à-dire de l’aide au retour, les Français, enfin, ont plutôt essayé d’accompagner les investissements des migrants revenus au pays. Créé en 1945, présent à Bamako depuis 1988 et passé sous la tutelle exclusive du ministère de l’immigration en 2007, l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) a ainsi disposé d’une enveloppe d’un million d’euros pour encourager le montage de projets dits de « développement solidaire ». Avec un budget cinquante fois inférieur à celui de l’AFD (Agence française de développement) dans le pays, il a cependant dû limiter son assistance à des subventions d’un montant d’autant plus faible que le Mali a refusé de signer un accord de gestion concertée des migrations qui aurait permis d’augmenter les compensations proposées dans le cadre du « co-développement ».
Le capital des migrants : un facteur de développement ?
En fait, il n’est pas évident que tous les migrants puissent s’improviser entrepreneurs. Destinés à encourager les retours au pays, les projets financés par la coopération française, en particulier, obéissent généralement à une logique caritative et non financière. Beaucoup manquent donc d’envergure et échouent au bout de quelque temps. On voit de toute façon mal comment les migrants pourraient se substituer aux agences de développement. En effet, ils ne disposent pas des leviers d’influence diplomatique de la coopération internationale pour imposer des conditions et assurer la cohérence de leurs interventions. Leurs investissements dans des projets collectifs, notamment, sont très éparpillés et pas du tout coordonnés à l’échelle nationale, ce qui multiplie les risques de duplication et relativise d’autant leur impact. Bien souvent, les migrants préfèrent d’ailleurs se tourner vers la coopération décentralisée des municipalités du Nord pour trouver des fonds complémentaires, négocier leur retour et échapper à la pression sociale des villageois qui leur réclament un énième poste de santé.
Quant aux ménages qui bénéficient de la générosité des Maliens de l’extérieur, la plupart n’ont guère la possibilité de placer leur épargne dans des investissements productifs. En l’occurrence, il s’agit surtout d’agriculteurs dont le revenu saisonnier assigne une fonction de soudure aux transferts des migrants[14]. Autre caractéristique, les foyers récipiendaires comprennent en moyenne neuf enfants, presque deux fois plus que pour d’autres pays d’Afrique où la capacité d’épargne est supérieure. Parce qu’elle répond à d’importantes contraintes familiales, l’automaticité des envois des migrants, enfin, n’encourage guère à investir dans des projets d’autosubsistance. De façon un peu provocatrice, le Malien Moussa Konaté critique ainsi l’inertie et les travers des mécanismes de solidarité lignagère qui enfoncent la population dans des liens de dépendance, voire d’asservissement[15].
Dans tous les cas, les envois de fonds des migrants n’ont pas répondu aux espoirs des acteurs du développement. En milieu rural, par exemple, ils ont pu entretenir une mentalité d’assisté qui a conduit à négliger les travaux des champs. Ainsi, les familles récipiendaires de la région de Kayes n’affichent pas de meilleures performances agricoles que les autres ménages[16]. D’une manière générale, les envois de fonds des migrants servent essentiellement à acheter des biens de première nécessité[17]. Selon les études, entre deux tiers et trois quarts des montants reçus sont utilisés pour régler des dépenses familiales courantes[18]. À l’exclusion des placements immobiliers, seulement 14 % sont investis dans des projets économiques[19]. En 2005, cette part était estimée à 18 %, équivalant à un montant de 82 millions d’euros[20].
Face à l’engouement des bailleurs et de certains États africains pour valoriser le capital des migrants, il convient ainsi de rappeler que les remises de fonds présentent aussi de nombreux inconvénients. Le premier, et pas des moindres, est d’entretenir des liens de dépendance qui rendent des régions entières vulnérables aux fluctuations des envois de l’étranger. On peut toujours arguer que la variabilité des remises est sans doute moindre que celle du cours des matières premières. On peut également souligner qu’elle menace moins les souverainetés nationales que les conditionnalités de l’aide publique au développement. Par leur volume et leur répartition, plutôt que par leur amplitude, les fluctuations des transferts des migrants sont cependant susceptibles de déséquilibrer les économies locales. Complètement enclavé à l’intérieur de l’Afrique du Sud, le Lesotho est un cas d’école en la matière, car il a l’habitude d’exporter sa main d’œuvre vers son puissant voisin. Or il a rencontré de grandes difficultés pour gérer la contraction de la masse salariale et des remises des migrants qui travaillaient dans les mines sud-africaines et qui ont dû se reconvertir à d’autres activités lorsque ce secteur a réduit ses effectifs au cours des années 1990[21].
Autre inconvénient, les transferts creusent les inégalités sociales entre les foyers qui en bénéficient ou pas. Dans le cas du Mali, ils exacerbent également les différentiels régionaux en matière de développement. Ainsi, Kayes capitalise l’essentiel des remises de fonds car ses migrants partent surtout vers la France et disposent en conséquence de revenus plus importants que leurs compatriotes établis dans des pays plus pauvres en Afrique. Dans une très large mesure, les transferts échappent en outre au contrôle des autorités et ne peuvent donc pas être canalisés pour mettre en œuvre des politiques de développement à l’échelle nationale. Dans certains pays comme la Somalie, leur caractère informel (hawala) a même permis de blanchir de l’argent pour financer des opérations terroristes et des mouvements de lutte armée[22]. En dépit de la menace d’AQMI (Al-Qaida au Maghreb Islamique), le Mali semble pour l’instant échapper au problème car les islamistes en pays touarègue se financent davantage par la contrebande et le versement de rançons pour libérer leurs otages. Il n’en demeure pas moins que les transferts informels de migrants risquent un jour d’être réprimés, voire interdits dans le cadre de la lutte antiterroriste. Contre-productive, leur criminalisation pourrait alors pénaliser les familles restées au pays et pousser les opérateurs dans la clandestinité en les rendant plus vulnérables aux infiltrations mafieuses[23].
De l’impact politique des transferts
Qu’on les envisage de façon positive ou négative, les transferts des migrants ont en tout cas un impact politique. Par exemple, ils peuvent financer une opposition armée, concurrencer les actions de l’État ou finir par remodeler une administration territoriale et son assiette fiscale en accentuant les différentiels régionaux en matière de développement. En creux, les envois de fonds des migrants jouent également un rôle par défaut. En effet, ils peuvent contribuer à perpétuer des systèmes dictatoriaux et corrompus en maintenant la population sous perfusion et en la dissuadant de se révolter. De plus, ils risquent d’entériner la faillite de pouvoirs publics qui s’avèrent incapables d’assumer les services de base. Dans la région de Kayes au cours des années 1980 puis 1990, les projets collectifs des associations de migrants ont ainsi consacré le retrait de l’État… tout en continuant de réclamer son intervention. Il n’y a certes pas lieu d’affirmer que les pouvoirs publics auraient sciemment choisi de se désinvestir des territoires financés par les Maliens de l’extérieur. Le réseau routier de la région de Kayes, notamment, n’a pas ou peu été développé parce qu’il existait déjà une liaison ferroviaire vers le Sénégal. Et si l’État a concentré ses efforts sur les régions de Ségou ou Sikasso, c’est d’abord parce que celles-ci offraient des opportunités agricoles et commerciales inégalées dans le reste du pays : la première, du fait de la présence de l’Office du Niger ; la seconde, à cause des possibilités d’exportation par la route vers le port d’Abidjan en évitant Dakar, devenu un rival après l’éclatement de la Fédération du Mali à l’indépendance en 1960[24].
Par défaut, les envois de fonds des Maliens de l’extérieur ont certainement contribué à aggraver ou, au contraire, atténuer les déséquilibres régionaux en matière de développement. Mais la question est aussi de savoir dans quelle mesure ils ont répondu à une volonté délibérée d’influencer la scène politique locale. Ce n’est pas évident. Résumées dans la Figure 1, les fluctuations des remises des migrants ne correspondent en effet pas aux grands moments de la vie politique du pays durant les quatre dernières décennies : élection présidentielle, guerre, coup d’État, etc. Contrairement à d’autres États africains comme le Somaliland, l’Érythrée ou le Nigeria, les Maliens de l’extérieur ne semblent pas s’être mobilisés massivement pour financer des campagnes électorales ou militaires. Dans la deuxième moitié des années 1990, la baisse conjoncturelle de leurs transferts a surtout résulté d’une crise économique locale suite à la dévaluation du franc CFA en 1994. En revanche, les affrontements politiques de Côte d’Ivoire n’ont pas empêché les remises des migrants de reprendre à un rythme soutenu malgré le retour de nombreux Maliens à partir de 2002. Depuis lors, l’augmentation continue de ces envois tient en grande partie à l’amélioration de leur capture statistique du fait de la modernisation du secteur bancaire et de la répression des économies souterraines dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le blanchiment des gains de la criminalité. Les agences spécialisées dans les transferts de fonds, notamment, ont beaucoup contribué à formaliser les flux financiers des migrants sur un marché local dont elle contrôlent désormais trois quarts des transactions si l’on en croit les chiffres de la BCEAO (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest) en 2008.
Figure 1. Évolution sur le long terme des transferts de migrants reçus au Mali
Source : Banque Mondiale, base de données sur les envois de fonds des migrants, mars 2009. NB : 1992, 1997, 2002 et 2007 sont des années d’élections.
Il convient certes de ne pas tirer de conclusions trop hâtives. En effet, il n’est pas facile de repérer des cycles réguliers dans les fluctuations des envois des migrants. En milieu rural, les transferts correspondent parfois à des saisons agricoles, par exemple dans le cercle de Banamba pour payer les impôts en janvier et acheter des semences pendant l’hivernage, en période de soudure, après les récoltes de décembre-février. Mais les envois des migrants servent aussi à financer des besoins ponctuels, notamment à l’occasion d’un mariage. De plus, les fêtes musulmanes, qui entraînent généralement de grosses dépenses, suivent un calendrier lunaire qui ne permet pas immédiatement d’identifier des mouvements récurrents d’une année à l’autre. Enfin, les banques centrales agrègent et présentent généralement leurs statistiques sur une base annuelle ou trimestrielle, et non pas mensuelle. Les agences spécialisées dans les transferts de fonds fournissent un complément d’information tout à fait essentiel de ce point de vue.
MoneyGram enregistre ainsi ses transactions sur une base quotidienne et mensuelle. Avec des commissions moindres qu’à la Western Union, elle a en outre réussi à développer un réseau qui était plus équilibré au niveau national et qui comprenait 106 guichets répartis dans 48 localités en 2009[25].
Il y a donc des chances que ses chiffres soient plus représentatifs de la situation réelle. Parmi les quatre partenaires de MoneyGram au Mali, la BNDA (Banque nationale de développement agricole) capitalisait par exemple 19 % de ses transactions en 2009. Or ses statistiques montrent que les envois de fonds des migrants, mesurés par leur nombre de transactions depuis 2007, connaissent généralement des pics mensuels en août, avec le ramadan, et en novembre, avant Noël et au moment de la fête musulmane du mouton (Tabaski), qui est aussi l’occasion de financer des pèlerinages à La Mecque. Un tel constat confirme en l’occurrence que les principaux déterminants des transferts des Maliens de l’extérieur sont d’ordre familial, économique ou culturel, et non pas politique.
Du rôle d’une diaspora en devenir
Bien entendu, cela ne signifie pas que les migrants ne jouent aucun rôle sur la scène publique. Si la dimension politique de leurs transferts semble négligeable, les Maliens de l’extérieur disposent d’autres répertoires d’action pour s’exprimer. Le vote, l’élection, le complot, l’insurrection et le boycott font en effet partie de « l’arsenal » classique des émigrés africains. Partis en Algérie et en Libye afin de fuir les sécheresses à répétition des années 1970 et 1980, les Touaregs ont ainsi mis à profit leur exil pour organiser leur rébellion avant de signer des accords de paix, de revenir au Mali entre 1995 et 1998 puis de repartir au combat pour proclamer l’indépendance de l’Azawad en 2012. Depuis la fin de la dictature en 1991, de nombreux migrants ont par ailleurs investi la scène politique locale. Le code électoral, en l’occurrence, ne leur impose pas de résider au pays pour se présenter aux présidentielles, du moment qu’ils ont conservé leur nationalité malienne. Certains ont donc concouru aux élections de 1992, 1997, 2002 et 2007[26]. D’autres prévoyaient également de se présenter aux présidentielles de 2012, annulées du fait du coup d’État militaire du capitaine Amadou Sanogo [voir Encadré 1].
Encadré 1. Des candidats de la « diaspora » aux élections présidentielles : exemples choisis
Fonctionnaire du FMI (Fonds monétaire international) à Washington, Tiéoulé Konaté est le fils de Mamadou Konaté, député du Soudan à l’Assemblée nationale en France avant l’indépendance du Mali en 1960. Revenu au pays après la chute de la dictature en 1991, il a essayé de reprendre en mains le parti de son illustre père, l’US-RDA (Union soudanaise, Rassemblement démocratique africain), mais a échoué au second tour des présidentielles de 1992, qui ont été remportées par un Malien de l’intérieur, Alpha Oumar Konaré. Rejeté par les Anciens et traité de « vacancier » du fait de son exil, Tiéoulé Konaté a alors dû créer sa propre formation en 1993 et est décédé en 1995. |
Ingénieur astrophysicien à la NASA (National Aeronautics and Space Administration), Madiasa Maguiraga a enseigné aux États-Unis avant de revenir au pays fonder le Parti populaire pour le progrès. Candidat aux présidentielles de 2002 et 2007, il était visiblement prêt à retenter sa chance en 2012. |
Ingénieur en France, Soumaïla Cissé est rentré travailler dans le secteur textile au Mali en 1984. Militant de l’ADEMA (Alliance pour la démocratie au Mali), il est devenu secrétaire général de la présidence après l’élection d’Alpha Oumar Konaré en 1992, puis Ministre des finances en 1993, du commerce en 1994, de nouveau des finances en 1997, et enfin de l’équipement en 2000. Battu de peu pour prendre la succession d’Alpha Oumar Konaré à la tête de l’ADEMA au moment des présidentielles de 2002, il a fondé son propre parti, l’URD (Union pour la république et la démocratie), en 2003, et s’en est allé à Ouagadougou occuper des fonctions honorifiques à l’Union économique et monétaire ouest-africaine jusqu’en 2011. Il était le candidat de l’URD aux présidentielles de 2012. |
Après avoir suivi des études mathématiques à Paris puis d’ingénierie aérospatiale à Washington, Cheick Modibo Diarra a travaillé à la NASA puis a été nommé président de Microsoft Afrique en 2006. Revenu à Bamako dès 2002, ce gendre de l’ancien dictateur Moussa Traoré a également créé en 2011 une formation politique, le RPDM (Rassemblement pour le développement du Mali), afin de se présenter aux présidentielles de 2012. Il a finalement été nommé premier Ministre de transition à la suite du coup d’État du capitaine Amadou Sanogo. |
Formé en France, chercheur en Sciences politiques au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et militant socialiste de l’ADEMA, Ibrahim Boubacar Keïta a été le directeur adjoint de la campagne d’Alpha Oumar Konaré aux élections présidentielles de 2002. Premier Ministre de 1994 à 2000, il n’a pas réussi à être investi candidat de l’ADEMA. Début 2001, il a donc fondé son propre parti, le RPM (Rassemblement pour le Mali), pour se présenter aux présidentielles de 2002, où il est arrivé en troisième position derrière Soulaïla Cissé et Amadou Toumani Touré. Élu président de l’Assemblée nationale, il s’est de nouveau présenté pour le compte du RPM aux présidentielles de 2007. Battu par le président sortant, Amadou Toumani Touré, il devait encore être candidat du RPM aux présidentielles de 2012. |
Formé en France, Dioncounda Traoré est un fonctionnaire, syndicaliste et militant de l’ADEMA. Ministre de la fonction publique en 1992, de la défense en 1993 puis des affaires étrangères et des Maliens de l’extérieur de 1994 à 1997, il a été élu député de Nara en 1997, circonscription où il sera cependant battu en 2002. Après le départ d’Ibrahim Boubacar Keïta fin 2000, il a pris la tête de l’ADEMA-PASJ et, élu président de l’Assemblée nationale en 2007, a été officiellement investi candidat de son parti pour les présidentielles de 2012. |
Dans le même ordre d’idées, des Maliens revenus au pays ont été élus dans des conseils communaux et à l’Assemblée nationale. À sa manière, le phénomène évoque un peu le cas du Somaliland, où la dictature est également tombée en 1991 et où, désormais, les migrants de retour fournissent un bon nombre de responsables politiques, avec un quart des députés, un tiers des ministres au gouvernement, le chef du Parlement et le président en personne, Mohamed Silanyo, qui a été élu en 2010 et qui détient aussi la nationalité britannique[27]. Pour diverses raisons, le reste de la Somalie a certes connu une évolution un peu différente. Dans la région autonome du Puntland, voisine du Somaliland, les migrants de retour ont surtout investi le gouvernement, dont ils composent à peu près la moitié des ministres, mais n’occupent que cinq sièges de députés sur 66 car les élections de parlementaires nécessitent la caution des chefs de clans traditionnels. On leur reproche en conséquence de rendre des comptes directement au président, plutôt que d’être responsables devant leur communauté. Autre souci, ils sont accusés d’être des bureaucrates arrogants, de s’être coupés de leurs racines populaires, d’être seulement revenus au pays parce qu’ils ne trouvaient pas de travail à l’étranger, et de recruter du personnel administratif sur la base des compétences, et non des affiliations lignagères. Quant au Sud de la Somalie, où le président et le premier ministre du gouvernement de transition, Sharif Sheikh Ahmed et Abdiweli Mohammed Ali, sont eux-mêmes d’anciens exilés revenus respectivement des pays arabes et des États-Unis, les migrants de retour semblent aussi avoir davantage investi les administrations locales, plus que nationales. S’ils composent la moitié des députés à Mogadiscio, ils sont surtout présents au niveau de la mairie de la capitale et du gouvernement régional de Galmudug. Avec un paradoxe : grâce au maillage des réseaux de transferts de fonds de la diaspora, les Somali de la Corne de l’Afrique n’ont jamais été aussi intégrés sur le plan économique, et divisés sur le plan politique[28] !
De ce point de vue, le Mali est assez différent car les canaux financiers de ses migrants n’ont, pour l’instant, pas encore permis de tisser des liens transnationaux durables à l’échelle régionale ou mondiale. De plus, l’investissement politique de ses émigrés n’y a pas pris l’ampleur du cas somalien. En 2010, 15 des 147 sièges de l’Assemblée nationale à Bamako étaient ainsi occupés par des migrants de retour. Bien entendu, cette proportion était encore plus élevée dans la région de Kayes, terre d’émigration fort ancienne. Sur un total de 21 députés à l’Assemblée nationale, 7 étaient en l’occurrence des migrants de retour, pour beaucoup des dissidents de l’ADEMA (Alliance pour la démocratie au Mali) ralliés à l’URD (Union pour la République et la Démocratie). Cependant, aucun d’entre eux n’avait été élu pour représenter les Maliens de l’extérieur. De plus, leur engagement en politique a répondu à des motivations fort diverses, entre convictions idéologiques et affairisme, militantisme associatif et besoin de reconnaissance sociale.
En définitive, c’est surtout au niveau communal que les émigrés maliens ont fait entendre leurs voix. Légalisées en France à partir de 1981, leurs associations avaient déjà beaucoup investi le terrain, notamment dans la région de Kayes. Lors de la grande réforme de décentralisation des collectivités territoriales en 1995-1996, les migrants ont alors joué un rôle capital dans le redécoupage des communes nouvellement créées[29]. Destinées à remplacer les arrondissements d’autrefois, celles-ci ont en l’occurrence été délimitées sur une base affective, plus que fonctionnelle, et leur viabilité économique n’a pas toujours été évidente[30]. De plus, leur découpage n’a pas eu d’incidence sur les circonscriptions électorales au niveau national, qui ont continué de reposer sur les limites administratives des cercles. Mais elles ont propulsé sur le devant de la scène les migrants de retour qui se sont désengagés du milieu associatif pour se présenter aux premières élections communales de 1999. Dans le système politique malien, un simple siège de conseiller municipal permet en effet d’accéder à des fonctions plus importantes au niveau régional et national, en particulier auprès du Haut Conseil des collectivités territoriales, un organisme qui est appelé à jouer le rôle d’un Sénat. En outre, les élections communales de 1999 ont été très suivies et ont donc contribué à légitimer la participation des migrants aux affaires locales, avec un taux de participation électorale qui a pu atteindre 50 %, contre 20 % à 33 % lors des scrutins nationaux. À défaut d’avoir le droit de voter aux municipales, les Maliens restés à l’étranger ont quant à eux été utilisés par les politiciens en lice pour financer et animer leurs campagnes électorales, comme au Somaliland.
Prompte à donner des consignes de vote aux élections communales, la « diaspora » s’est, en comparaison, peu investie pour les présidentielles, qui était pourtant le seul scrutin auquel elle pouvait officiellement participer. À meilleure preuve, les régions les plus touchées par l’émigration, comme Kayes ou Sikasso, connaissaient une moindre participation électorale que Gao, Kidal et Tombouctou dans le Nord. D’une manière générale, le vote de la « diaspora » est resté assez conservateur si l’on en juge par les résultats des législatives de 2002 et 2007 ou des municipales de 1999, 2004 et 2009[31]. En 2007, par exemple, 52 % des voix des Maliens de l’extérieur se sont portées sur le président sortant, Amadou Toumani Touré, dit « ATT ». Traditionnellement très forte, leur abstention électorale doit certes être relativisée car elle est amplifiée par l’inscription sur les listes d’électeurs « fantômes » dont le décès n’a pas été notifié ou qui sont doublement enregistrés au Mali et à l’étranger. En l’absence d’une véritable opposition, il est en outre difficile de repérer un éventuel vote de contestation de la « diaspora ». En effet, le président ATT ne s’appuyait sur aucun parti en particulier. De plus, les formations en lice étaient très éclatées et ne parvenaient guère à collecter des fonds parmi les émigrés. Contrairement aux municipalités jumelées à des communes du Nord, elles entretenaient peu de relations institutionnelles avec des partis frères en Europe ou en Amérique, à l’exception des membres de l’Internationale socialiste, où l’on retrouvait l’ADEMA-PASJ (Alliance pour la démocratie au Mali – Parti africain pour la Solidarité et la Justice), le RPM (Rassemblement pour le Mali) et le PARENA (Parti pour la renaissance Nationale).
Au niveau national, la « diaspora » paraît ainsi peu organisée sur le plan politique. Malgré la tenue d’un premier forum des Maliens de l’extérieur à Bamako en 2003, elle ne dispose pas de fondations ou de partis pour la représenter depuis l’étranger. Engoncée dans des logiques communautaires, elle semble incapable de monter une plate-forme nationale. Au moment de la chute de la dictature, elle n’a joué quasiment aucun rôle dans la transition démocratique de 1991. Depuis lors, elle s’est surtout mobilisée en vue de promouvoir ses propres intérêts, par exemple en se syndiquant pour défendre les droits des sans-papiers en France, ou en faisant pression sur le président ATT pour le dissuader de signer avec Paris un accord sur les reconduites à la frontière[32]. Aujourd’hui, la seule organisation susceptible de transcender les affiliations villageoises des Maliens de l’extérieur paraît être l’association Ansardine, qui n’a aucun rapport avec son homonyme extrémiste en pays touarègue.
Dirigée par le célèbre marabout Madani Haïdara et destinée à propager un Islam populaire et vernaculaire auprès des jeunes, des femmes et des analphabètes en dehors des mosquées, cette confrérie dispose de nombreuses sections à travers le monde. Sur la base d’un double serment (baya) au guide et à l’association, elle a en outre mis en place des mécanismes d’entraide entre ses membres. Pour autant, son leader n’a jamais donné de consignes de vote à ses fidèles. Bien que réputé proche du président Amadou Toumani Touré et hostile à la dictature de Moussa Traoré, le cheikh Madani Haïdara a préféré se tenir à distance du jeu politique afin de conserver sa base sociale et de se protéger d’éventuelles dérives affairistes ou partisanes.
La politique migratoire de l’État malien : une arlésienne ?
Par-delà les problèmes d’organisation à l’étranger, l’incapacité des migrants à constituer un lobby d’ampleur nationale tient aussi à la politique de l’État malien. En effet, la question de la représentation d’une diaspora en devenir reste pendante. Dans le cadre constitutionnel qui prévalait avant le coup d’État de 2012, les Maliens de l’extérieur pouvaient seulement voter et se présenter aux présidentielles. Concernant les législatives, les autorités avaient renoncé à organiser dans les ambassades des votes « à la carte », en fonction de l’origine régionale des migrants. En 1992 après la chute de la dictature de Moussa Traoré, elles avaient certes envisagé d’attribuer 10 % des sièges de l’Assemblée nationale aux Maliens de l’extérieur, un peu comme le système de quotas introduit au Cap Vert à la même époque. Mais le projet, qui prévoyait l’élection de treize députés à l’étranger, n’a jamais vu le jour du fait de nombreux obstacles techniques, à commencer par la double résidence de représentants qui auraient été censés participer à des sessions parlementaires à Bamako tout en continuant de travailler dans leur pays de résidence. L’immunité de tels députés a également posé problème, par exemple en France, où le gouvernement a refusé d’envisager de l’accorder à des émigrés élus sur la base d’une circonscription électorale couvrant l’ensemble du territoire de l’Hexagone.
En 1991, le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur a donc été créé comme une sorte de pis-aller. Avec un statut d’association agréée en 1993, il a d’abord dû compter sur les contributions de ses membres pour se financer. C’est seulement en 2009 qu’il a été reconnu d’utilité publique et qu’il a commencé à bénéficier de subventions plus régulières de l’État pour alimenter un budget inférieur à une centaine de millions de francs CFA en 2010. Autorisée à envoyer quatre délégués au Conseil économique et social, l’institution a alors disposé de trois sièges au Haut Conseil des collectivités territoriales, un organisme appelé à jouer le rôle d’un Sénat où, à terme, les migrants auraient donc pu bénéficier d’un droit de vote indirect. Officiellement présent dans 62 pays, le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur n’en avait pas moins une représentativité discutable, à raison d’une voix par « communauté ». En théorie, chaque segment national de la « diaspora » était ainsi censé envoyer cinq délégués qui devaient financer eux-mêmes leur voyage et qui, faute de moyens, n’arrivaient d’ailleurs pas toujours à bon port. Autrement dit, la Côte d’Ivoire pesait le même poids que la Chine, où l’on ne recensait que 800 ressortissants maliens en 2010, peut-être le double si l’on sortait de l’agglomération de Canton pour inclure la région de Shanghai.
De plus, le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur n’a pas échappé aux querelles politiciennes. Dès ses débuts, il a beaucoup pâti de l’implosion de l’ADEMA, qui a eu des répercussions jusque dans les associations de migrants et les comités de jumelage de villes. L’institution a également souffert d’une gestion et d’une gouvernance déficientes. En poste à partir de 1993, le président du Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur, Chérif Abdramane Haïdara, a fini par être très contesté de l’intérieur. Son départ n’a pas empêché les conflits d’intérêts. Proche d’Amadou Toumani Touré, son successeur en 2009, Habib Sylla, est ainsi devenu président d’honneur d’une formation, le PDES (Parti pour le développement économique et la solidarité), qui a été lancée en 2010 pour préparer le terrain aux candidats du gouvernement dans la perspective des élections de 2012.
L’intégration de la question des migrants dans les politiques publiques de l’État malien a certes fait des progrès depuis le temps de Modibo Keita, quand les clandestins expulsés de France étaient tout simplement condamnés à une double peine et emprisonnés une fois revenus au pays[33]. Les autorités ont par exemple facilité le rapatriement et le relogement des ressortissants chassés par la guerre au Libéria à partir de 1990 puis la crise en Côte d’Ivoire depuis 2002. En revanche, elles n’ont guère prévu de soutenir la réinsertion sociale des migrants renvoyés d’Europe. Si le gouvernement a dû céder aux pressions de l’opinion publique et refuser de conclure un accord de réadmission avec Paris, il a accepté l’offre de coopération de Madrid pour accueillir les clandestins maliens en échange de l’installation de 17 postes frontières dans le nord du pays. À terme, la menace d’AQMI pourrait d’ailleurs inciter les autorités à durcir leur position à l’égard des migrants. En attendant, la politique migratoire de l’État malien fait figure d’arlésienne. À la différence d’un pays comme le Cap Vert, elle manque de cohérence et ne s’est pas encore franchement engagée en faveur d’une véritable stratégie de valorisation des atouts d’une diaspora en devenir. Ces hésitations ont contribué à la dispersion des ressources des Maliens de l’extérieur. En effet, l’influence des migrants dépend en grande partie de la bonne volonté politique de leur État d’origine, plus encore que de leurs effectifs et de leur force de frappe financière relativement à des économies en développement[34].
Des effets insidieux de la migration : une perspective à long terme
Le cas malien met ainsi en évidence toute l’ambiguïté du rôle des diasporas et de leur contribution à la démocratisation des pays du Sud. Même dans des États effondrés comme la Somalie, l’apport des migrants a en l’occurrence eu des aspects positifs et négatifs tout à la fois, qu’il s’agisse de régler les achats d’armes des combattants ou, au contraire, de financer des forums de réconciliation (shir) et de payer un prix du sang (diya) pour compenser les familles des victimes. Au Mali, les migrants ont quant à eux rempli une fonction de sécurité sociale, indispensable à la survie de bien des ménages. Mais ils ne sont pas ou peu organisés à l’échelle nationale et leurs interventions n’ont généralement pas dépassé le niveau villageois, dans un cadre communautaire qui ne favorisait pas la construction de véritables politiques de développement. Le bilan est donc difficile à établir.
Plusieurs thèses s’opposent en la matière. Selon la première, la fuite des cerveaux prive les pays d’origine de leurs éléments les plus éduqués et susceptibles d’améliorer la gouvernance d’États en développement. Très en vogue chez les dirigeants africains des années 1970, ce paradigme a cependant été disputé par les bailleurs de la coopération internationale, qui ont renversé les perspectives en cherchant à valoriser les ressources humaines des diasporas, par exemple dans le cadre des programmes MIDA (Migration for Development in Africa) de l’OIM ou TOKTEN (Transfer of Knowledge Through Expatriate Nationals) du PNUD au cours de la décennie passée. Selon une seconde thèse, l’exil offre en effet aux migrants un tremplin et une caisse de résonance qui leur permettent d’influencer la scène politique de leur pays d’origine, soit en finançant des groupes d’opposition, soit en revenant y investir ou y contester des élections. Autre avantage, l’éloignement permet d’échapper aux réseaux clientélistes ou ethniques de régimes mafieux. L’apprentissage de la démocratie dans les pays développés, enfin, rendrait les migrants plus exigeants vis-à-vis des gouvernements de leur pays d’origine.
Autrement dit, l’apport des Maliens de l’extérieur ne se jouerait pas tant sur le court terme, au niveau des élections et des institutions étatiques, que sur le long terme, en contribuant à modifier en profondeur les habitudes de consommation et les conditions de vie des familles restées au pays. Insidieux, les effets secondaires de la migration porteraient notamment sur la promotion des femmes et l’urbanisation de l’habitat. Dans un cas extrême comme la Somalie, où les affrontements ont essentiellement tué des hommes, la guerre et l’exil ont ainsi assigné aux femmes des responsabilités publiques que la tradition réprouvait, en particulier pour les veuves devenues chefs de ménage[35]. Une pareille évolution est sans doute moins évidente au Mali. L’enquête réalisée dans le cercle de Banamba, par exemple, ne fait pas apparaître d’émancipation des femmes, y compris dans la décision de migrer. En revanche, la migration a certainement eu un impact important en matière d’urbanisation. En effet, elle est en quelque sorte le prolongement transnational de l’exode rural dans un pays dont le taux d’urbanisation est passé 17 % en 1976 à 32 % en 2009.
Ainsi, les migrants maliens viennent pour la plupart des campagnes. À l’étranger, ils vivent essentiellement en ville, où ils acquièrent une culture citadine. De retour au pays, beaucoup préfèrent alors s’installer à Bamako car la capitale leur offre des possibilités de réinsertion et d’investissement plus importantes qu’au village[36]. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas propre au Mali. Au Cap-Vert, pays dont le taux d’urbanisation est passé de 39 % en 1980 à 53 % en 2000, la diaspora vit essentiellement dans des métropoles mondiales qui sont desservies par la compagnie aérienne nationale[37]. Or les migrants de retour préfèrent également se faire construire des maisons en ville, notamment à Espargos, sur l’île de Sal, à Mindelo, le long de l’avenue de Holanda, ou à Assomada, une bourgade de Santiago dont la population a doublé en dix ans pour dépasser les 7 000 habitants selon les chiffres du recensement de l’an 2000. On raconte que le blanchiment de l’argent de la drogue a largement contribué au financement des nouvelles constructions. Mais le tropisme urbain des migrants de retour tient surtout à la spéculation immobilière, qui rend les investissements en ville plus attrayants, et au mode de vie citadin des retornados, qui ne veulent pas finir leurs jours au village de crainte de ne pouvoir assurer correctement l’éducation de leurs enfants[38].
Dans le cas du Mali, la contribution de la migration internationale à l’urbanisation du pays s’apprécie finalement depuis trois points de vue : au départ, lorsqu’elle précipite l’exode rural, comme dans le cercle de Banamba ; à l’étranger, lorsqu’elle met en œuvre l’apprentissage d’une culture citadine et cosmopolite ; au retour, enfin, lorsque le migrant préfère revenir s’installer en ville. Sur le long terme se dessinent ainsi de profondes transformations sociales qui impactent évidemment le mode de gouvernance d’un pays sahélien. À cet égard, il est clair que l’analyse de la portée « démocratique » d’une diaspora en devenir ne peut s’arrêter à l’étude des transferts de fonds ou des institutions de l’État. Il conviendrait en effet d’y inclure le rôle politique de la ville, envisagée comme un facteur de modernisation et de brassage social. Mais c’est là une tout autre histoire…
Notes:
* Centre Population et Développement (CEPED – UMR 196 Paris Descartes Ined IRD).
Ce texte est celui du Working paper n°26 du CEPED, septembre 2012. Deux encadrés n’ont pas été reproduits.
[1] Khalid Koser & Frank Laczko (ed.) [2010], World Migration Report 2010, International Organization for Migration (OIM), Genève, 2010.
[2] Luc Sindjoun, État, individus et réseaux dans les migrations africaines, Karthala, Paris, 2005.
[3] Historiquement, le cas du Cap-Vert illustre bien les différentes étapes de la migration internationale à cet égard. À l’intérieur de l’archipel, la grande misère des campagnes a d’abord précipité vers les bourgades existantes des va-nu-pieds appelés badius en créole, par déformation du mot portugais vadios. Depuis ces villes, les paysans sans terres ont alors tenté leur chance à l’étranger, notamment en s’engageant à bord des navires qui faisaient escale au Cap-Vert pour traverser l’Atlantique. Souvent proches de la faillite, les petits propriétaires fonciers, eux, ont également cherché à partir et ont dû gager leurs récoltes ou, beaucoup plus rarement, vendre leurs champs pour financer leur voyage. Résultat, leur absentéisme a encore accéléré la détérioration de l’économie agricole et, conséquemment, motivé d’autres départs.
[4] GERAD, Étude des causes, caractéristiques et incidences des migrations sur la situation socio-démo-économique des zones de départ, Groupe d’études de recherches et actions pour le développement, polycopié, Bamako, 2007.
[5] Stuart Brown, « Can Remittances Spur Development ? A Critical Survey », International Studies Review, vol.8, n°1, mars 2006.
[6] Lisa Chauvet & Marion Mercier, Migration and Elections in Mali : Does migration promote democratization in Africa ? DIAL, polycop., Paris, 2010.
[7] Vincent Okele, José Garcia Medrano & Alexandre Cordahi, Diaspora-led investments into domestic Economies: the case of sub-saharan Africa, Fonds européen de développement, Bruxelles, 2008.
[8] Flore Gubert, « Envois de fonds des migrants : quelle méthode de quantification privilégier ? », Stateco n°101, 2007.
[9] Les Ivoiriens de France, par exemple, se sont ainsi rués sur la Western Union ou Moneygram pour envoyer des fonds à la famille restée au pays après les élections contestées de décembre 2010 qui ont abouti à une reprise de la guerre civile. Cf. Elise Vincent, « Paris-Abidjan, l’effet miroir », Le Monde, 4 janvier 2011.
[10] Marc-Antoine Pérouse de Montclos, « A Refugee Diaspora: When the Somali Go West », in Khalid Koser, (Ed.) New African Diasporas, Londres, Routledge, Londres, 2003 ; Anna Lindley, [The early morning phonecall: Somali refugees’ remittances, Berghahn Books, New York, 2010.
[11] Ludovic Houssard et al., Migrant Remittances : A Development Challenge, African Development Bank, Tunis, 2007.
[12] Suzan Bishop et al. [« Livestock and Livelihoods in Protracted Crisis : The Case of Southern Somalia », in Luca Alinovi, Günter Hemrich, & Luca Russo, (éd.), Beyond relief: food security in protracted crises, FAO, 2008.
[13] Ludovic Houssard, op. cit. 2007.
[14] Ludovic Houssard, op. cit. 2007.
[15] Moussa Konaté, L’Afrique noire est-elle maudite ? , Fayard, Paris, 2010.
[16] Jean-Paul Azam & Flore Gubert,« Those in Kayes. The Impact of Remittances on Their Recipients in Africa », Revue Economique vol.56, n°6, 2005.
[17] Le Mali ne fait pas exception à cet égard. On estime par exemple que seulement 13 % des envois de fonds des migrants somaliens en Grande Bretagne financent des activités commerciales dans le pays d’origine. D’une manière générale, les envois de la diaspora somalienne jouent surtout une fonction d’aide sociale pour les familles en difficulté, même s’ils représentent jusqu’à 80 % des investissements économiques en Somalie. Sur un total de $2 milliards aujourd’hui, seulement 10 % (entre $130 et 200 millions par an) servent à financer des projets de développement qui, en général, sont très limités par des considérations claniques. Cf. Laura Hammond et al., Cash and Compassion : The Role of the Somali Diaspora in Relief, Development and Peace- building, United Nations Development Programme, New York, 2011.
[18] Frédéric Ponsot & Bruno Obegi, Étude de capitalisation des initiatives et mécanismes en matière de transferts de fonds au Mali, CIGEM (Centre d’information et de gestion des migrations), Bamako, 2010.
[19] Babacar Ndione, & Jérome Lombard, « Diagnostic des projets de réinsertion économique des migrants de retour : étude de cas au Mali (Bamako, Kayes) », Revue européenne des migrations internationales vol. 20, n°1, 2004.
[20] Ludovic Houssard, op. cit. 2007.
[21] Jonathan Crush & Belijnda Dodson, (éd.), Migration, Remittances and Development in Lesotho, IDASA, Pretoria, 2010.
[22] Depuis lors, les autorités bancaires et policières des pays occidentaux ont mis en place des restrictions telles que les groupes considérés comme terroristes en sont revenus au vieux système des « porteurs de valise » et évitent désormais d’utiliser les canaux des migrants. En octobre 2010, les milices islamistes des Chabab du Sud de la Somalie ont par exemple interdit les transferts de fonds par téléphone car elles ne bénéficient pas de ce système et y voient une forme d’occidentalisation des pratiques économiques des croyants. Voir aussi Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Diaspora et terrorisme, Presses de Sciences-Po, Paris, 2003.
[23] Selon les spécialistes, les groupes terroristes utilisent en fait assez rarement le système de transfert informel des migrants pour financer leurs attentats. Dans la plupart des cas, les fonds passent plutôt par le secteur bancaire classique. En 2004, par exemple, les auteurs des attentats de Madrid ont seulement utilisé les hawala pour envoyer de l’argent à leur famille restée au pays ! Cf. Nikos Passas, « Fighting terror with error: the counter-productive regulation of informal value transfers », Crime, Law and Social Change vol.45, n°4-5, mai 2006.
[24] L’auteur remercie Stéphanie Lima pour ces précisions.
[25] Frédéric Ponsot & Bruno Obegi, op. cit., 2010.
[26] Envisagées à partir de 2000, les candidatures des binationaux restent en revanche interdites, notamment en vertu de l’article 31 du projet de révision constitutionnelle de 2012.
[27] Anna Lindley, The early morning phonecall: Somali refugees’ remittances, Berghahn Books, New York, 2010.
[28] Laura Hammond et al., Cash and Compassion: The Role of the Somali Diaspora in Relief, Development and Peace-building, United Nations Development Programme, New York, 2011.
[29] Stéphanie Lima, « Dynamiques des collectivités territoriales frontalières et circulations internationales en Afrique de l’Ouest », in Michel Bussi (éd.), Un monde en recomposition : géographie des coopérations territoriales, Publications des Universités de Rouen et du Havre, Mont-Saint-Agnan, 2009 ; Christophe Daum & Céline Le Guay, « Le Mali, sa démocratisation et ses émigrés », Revue Hommes et migrations n°°1256, juillet 2005.
[30] Sur 703 communes créées fin 1996, les trois quarts avaient ainsi moins de 10 000 habitants.
[31] Lisa Chauvet & Marion Mercier, polycop. cit., 2010.
[32] Le président de l’Association des Maliens expulsés, Ousmane Diarra, déplorait à cet égard l’égoïsme des migrants qui, une fois régularisés, ne se mobilisaient guère plus en faveur des clandestins. Concernant leur capacité d’action politique, il préférait ironiquement parler de Maliens « à » l’Extérieur plutôt que « de » l’Extérieur. Source : entretien à Bamako, septembre 2010.
[33] Daouda Gary-Tounkara, « Quand les migrants demandent la route, Modibo Keita rétorque : “Retournez à la terre !” : « Les “Baragnini” et la désertion du “chantier national” (1958-1968) », Mande Studies, vol.5, 2003.
[34] Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Diaspora(s), remittances, and Africa South of the Sahara : a strategic assessment, Institute of Strategic Studies, Monograph n°112, Johannesburg, 2005.
[35] Marc-Antoine Pérouse de Montclos, « Des femmes au risque de la guerre : une étude de cas de la Somalie et du Soudan », in Michel Bozon & Thérèse Locoh, (éd.), Rapports de genre et questions de population, Institut National d’Études Démographiques, Dossiers & recherches n°85, Paris, 2001.
[36] Babacar Ndione & Jérome Lombard, art. cit., 2004. Beaucoup d’acheteurs, en l’occurrence, viennent de France car les migrants de retour d’autres pays africains sont généralement moins riches. Cf. Bertrand Monique, « Émigrés internationaux maliens face aux marchés fonciers bamakois : connivences et concurrences », Revue européenne de migrations internationales vol.15, n°3, 1999. Voir aussi Bertrand Monique, De Bamako à Accra. Mobilités urbaines et ancrages locaux en Afrique de l’Ouest, Karthala, Paris, 2011.
[37] Francine Vieira, « La “caboverdianidade” entre mythe et réalité », in Lusotopie (ed.), Des protestantismes en “ lusophonie catholique ”, Karthala, Paris, 1998 ; Michel Lesourd, État et société aux îles du Cap-Vert, Karthala, Paris, 1995.
[38] À ceci s’ajoute les effets d’une réforme agraire qui, engagée par le parti unique à l’Indépendance en 1975, a délibérément pénalisé les propriétaires fonciers partis à l’étranger. Afin de protéger les métayers et les petits paysans, les autorités ont en l’occurrence interdit aux émigrés d’acheter des terres qu’ils risquaient de ne pas