Présentation du dossier « Aide et Interculturalité »

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Le 7 mai 2013 s’est tenue à l’Université Stendhal de Grenoble une journée d’étude sur le thème « La dimension interculturelle dans la gestion de projets et la négociation ». Il ne s’agissait pas Ie développer des réflexions d’ordre strictement théoriques et académiques, mais en partant d’expériences diverses de s’interroger sur ce que l’on pourrait entendre par interculturalité.

Cette journée a donc permis de croiser des regards, des expériences, des analyses, des interrogations venant de praticiens et de chercheurs confrontés de par leurs activités professionnelles ayant des dimensions internationales à des situations où la question de l’interculturalité peut se poser que ce soit à travers leurs participations à des projets de développement et d’aides, à des négociations plus variées et/ou à des expériences de transmission de connaissances ( y compris dans le cadre d’enseignements universitaires )[1].

La rédaction a trouvé intéressant et utile de reprendre et de publier une partie des interventions permettant de faire ressortir les difficultés et les enjeux de l’interculturalité. Ont été reprises les présentations initiales des différentes sessions de la journée, mais dans un ordre différent pour mieux faire apparaître les thématiques centrales issues de ce dialogue, maître mot en fin de compte de l’interculturalité.

Ce qui traverse l’ensemble des interventions, est, en effet, cette idée de dialogue, de partage, de faire ensemble. Si l’internationalisation conduit à une prise de conscience de plus en plus développée de la nécessité de prendre en compte la diversité culturelle, celle-ci ne peut pas simplement se ramener à un constat d’un multiculturalisme tendant souvent à figer les différences culturelles dans des stéréotypes, des préjugés,. L’interculturalité ne prendrait finalement un sens que dans la construction d’un commun et les projets d’aide, de développement pourraient en être un moment intéressant, dès lors que les débats qui les accompagnent, sur le sens et les finalités des actions ( débats de normes et de valeurs ), intègrent une compréhension réciproque de toutes les parties prenantes.

Les écueils sont nombreux et T. Viron, abordant à la fois la question des gestions de projet et de la négociation, souligne bien que les débats de normes et de valeurs pouvant impulser un processus de création d’un commun, n’ont sans doute guère de sens dans des rapports de domination. La domination est-elle alors l’antithèse de l’interculturel ? J. Dato illustre bien cette contradiction en exposant les asymétries de position des acteurs des projets de développement et sur les possibilités d’orienter les finalités de ceux-ci. T. Manvoutouka, en examinant une expérience en République Démocratique du Congo, décortique et illustre plus précisément ces contradictions.

Dans un autre type de contexte, K. Gatelier, en présentant une opération d’accueil de demandeurs d’asile à Grenoble, met aussi en évidence le besoin d’une interculturalité dans l’efficace du processus. Mais, celle-ci peut-elle être vraiment conceptualisée ? Certes, les concepts d’altérité, de distanciation, de réflexivité sont utiles, mais l’expérience de l’interculturalité, s’interroge-t-elle, est-elle vraiment transmissible si elle n’est pas vécue dans une activité, un travail direct et collectif ? Y. Achille contextualise ce problème des migrants vers le Nord en analysant les politiques européennes de migration (y compris les demandeurs d’asile ). Là encore, des effets de domination transparaissent, biaisant, sans aucun doute, les tentatives plus humanistes décrites par K. Gatelier.

Si finalement, l’interculturalité mérite d’être abordée en termes de construction, de processus, c’est peut-être aussi parce que la culture elle-même n’est pas figée, qu’elle est aussi toujours en construction, en devenir. Quelques pistes de réflexion sont évoquées par M. Troisvallets.

Enfin, un plongeon dans le passé peut aussi stimuler la réflexion actuelle. Le texte de P. Marthelot de 1962 est ici repris. Il analyse certains débats sur les rapports entre l’Islam et le développement à travers une recension de quelques travaux de l’époque. Les stéréotypes, les préjugés dénoncés sont bien entendu déjà là, mais ont-ils vraiment changé ?

Marc Troisvallets

Note:

[1] Il s’agit en particulier des collègues intervenant dans les masters CICM et NGT de la filière LEA de Stendhal.