Sociétés transnationales : quelles régulations ?

Melik Özden*

162Les sociétés transnationales (STN) sont des personnes juridiques de droit privé avec une implantation territoriale multiple mais avec un centre unique pour les décisions stratégiques. Elles peuvent fonctionner avec une société-mère et des filiales, constituer des groupes au sein d’un même secteur d’activité, des conglomérats ou coalitions ayant des activités diverses ou encore constituer des ensembles financiers (holdings). Elles peuvent segmenter leurs activités entre divers territoires, avec des filiales de fait ou de droit et/ou avec des fournisseurs, des sous-traitants et des preneurs de licences. Les STN sont actives dans la production, les services, la finance, les moyens de communication, la recherche fondamentale et appliquée, la culture, les loisirs, mais aussi dans le domaine militaire. Elles peuvent agir dans ces domaines simultanément, successivement ou en alternance.

La régulation des comportements des STN ne répond pas seulement au besoin démocratique de placer l’intérêt général au-dessus des intérêts particuliers, elle est également la prise en compte des pouvoirs importants qu’ont acquis ces sociétés dans une économie mondialisée. Alejandro Teitelbaum écrivait en 2010 : « Pour comprendre le système du pouvoir dominant dans la société contemporaine, il y a lieu de connaître le rôle qu’y jouent les STN. Les STN agissent dans la production de biens et services pratiquement dans toutes les sphères de l’activité humaine aussi bien que dans la spéculation financière. Elles interviennent y compris dans des activités illicites et dans une zone grise située entre la légalité et l’illégalité. Elles occupent un rôle de premier plan dans les décisions du pouvoir et dominent les instruments permettant de dicter aux êtres humains leur comportement, leurs idées, leurs aspirations et habitudes. Cette activité à multiples facettes est dominée par un objectif fondamental : l’obtention du profit maximum en un minimum de temps et, pour l’atteindre, les STN, avant tout celles qui jouissent du plus grand pouvoir, ne reculent devant aucun moyen, assurées qu’elles sont de la complicité de la majorité des élites politiques nationales et internationales et des services d’une bonne partie des élites intellectuelles et des personnalités les plus en vue de la prétendue « société civile ». Et, quand les circonstances le nécessitent, elles peuvent compter sur l’appui de la force armée, visible et/ou clandestine, des services spéciaux, etc. des grandes puissances. Il s’agit en conséquence de comprendre et d’expliquer comment le pouvoir énorme des  STN est en train de vider de tout contenu la démocratie représentative et en quoi il constitue un facteur de premier ordre dans la crise politique, économique, sociale, écologique et culturelle qui touche actuellement l’humanité[1] ».

Avec de tels pouvoirs, les sociétés transnationales accentuent leur mainmise sur les ressources naturelles de la planète, dictent leur volonté aux États les plus faibles et exploitent les peuples. Directement ou indirectement, elles portent une énorme responsabilité dans la détérioration de l’environnement et dans l’accroissement systématique des violations des droits humains. Ayant l’art d’être à la fois partout et nulle part, elles échappent ainsi pratiquement à tout contrôle démocratique et juridique[2]. Il importe, dans l’urgence crée par une telle situation, de dresser un état des régulations en matière de droits humains qui sont appliquées aux STN, ainsi que des débats que suscite leur élaboration.

Juridictions applicables

Les STN peuvent élire domicile dans un ou plusieurs pays : dans celui du siège réel de l’entité mère, dans celui du siège des principales activités et/ou dans le pays où la société a été enregistrée. Pour éluder leurs responsabilités dans des violations des droits humains, des législations sur le travail, sur l’environnement, mais aussi pour échapper à la fiscalité, elles ont recours à des montages très complexes.

Les STN sont en principe soumises à la législation d’un État et à la juridiction de ses tribunaux, mais cette fonction élémentaire de souveraineté est abandonnée bien souvent par les États eux-mêmes quand il s’agit des STN. En effet, il existe actuellement une instance internationale pour régler les différends entre les États et les STN qui est très favorables à ces dernières : le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Institué par la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États, son siège est celui de la Banque mondiale et le Président de cette dernière en préside également le Conseil administratif. Mal connu de l’opinion publique, le CIRDI « arbitre » les différends entre les STN et les États. Dans les faits, cela signifie que les États ne peuvent plus traiter leurs différends avec les STN devant leurs propres tribunaux. En effet, comme son nom l’indique, la Convention du CIRDI est un traité international, ratifié à ce jour par 148 États[3]. Dans les cas d’accords bilatéraux de libre-échange, c’est encore pire, étant donné que seules les STN peuvent dénoncer les États pour leur non-respect, alors que ces derniers ne peuvent pas faire de même à l’égard des STN.

Les tribunaux arbitraux du CIRDI sont constitués pour chaque cas soumis et pour lequel il n’y a pas, en principe, d’autres sources légales que l’Accord bilatéral, dont la violation fait l’objet du litige, et le Règlement du CIRDI. D’autres sentences de tribunaux, arbitraux ou non, ne sont pas prises en compte et les lois et la Constitution nationales, la Déclaration universelle et les Pactes internationaux relatifs aux droits humains ne le sont pas davantage. La Convention de Washington de 1965, qui créa le CIRDI, ainsi que le Règlement de ce dernier, ne font aucune allusion aux droits humains. Les accords commerciaux bilatéraux ne le font pas davantage (à l’exception de quelques rares cas et de manière très limitée et ambigüe). Cela veut dire que, si l’on a accepté les règles du jeu du CIRDI et des accords commerciaux bilatéraux, il ne reste aucun espace pour invoquer les droits humains devant un tribunal arbitral. Les tribunaux arbitraux du CIRDI ont refusé de façon réitérée les invocations relatives aux droits humains avancées par des États défendeurs, mais ils ont accepté les arguments des investisseurs en faveur du « droit humain à la propriété[4] ».

De plus, manifestement, les tribunaux arbitraux constitués dans le cadre du CIRDI manquent d’indépendance puisque, sur trois arbitres, deux représentent de fait les intérêts de l’entreprise concernée : l’arbitre nommé par l’entreprise et le Président du tribunal qui, lorsqu’il n’y a pas d’accord entre les parties, ce qui arrive pratiquement toujours, est nommé par le Président du Conseil d’administration du CIRDI qui n’est autre que le Président de la Banque mondiale.

Un autre mécanisme juridique allié de poids des STN est l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Bien que cette instance soit composée des États membres de cette dernière et que son mandat consiste officiellement à trancher les contentieux commerciaux entre les parties [États membres], les décisions de cette instance sont basées sur les Accords de l’OMC qui sont favorables avant tout aux STN et ne tiennent nullement compte des droits humains.

Les codes de conduite volontaires des STN et leurs limites

 Depuis le début des années 2000, les STN ont multiplié les codes de conduite volontaires (dans le cadre de la Responsabilité sociale des entreprises, RSE) dans lesquels elles s’engagent au respect de normes sociales et environnementales et les imposent à leurs fournisseurs. Les STN adorent les codes de conduite volontaires, soit des textes qui n’ont finalement aucun effet sur leurs pratiques abusives. Ces codes volontaires continuent d’être opposés de nos jours aux normes juridiques contraignantes. Pourtant, les codes volontaires :

  • ne peuvent se substituer aux normes édictées par les organismes étatiques nationaux et interétatiques internationaux ;
  • sont des initiatives privées étrangères à l’activité normative des États et aux organismes publics internationaux ;
  • sont incomplets ;
  • leur application est aléatoire et ne dépend que de la seule volonté de l’entreprise qui l’a édicté ;
  • ne connaissent pas de véritable contrôle extérieur indépendant ;
  • leurs exigences se situent pratiquement toujours en dessous des normes internationales existantes.

Bref, les codes volontaires n’apportent aucune solution concrète pour prévenir et, le cas échéant, sanctionner les violations des droits humains commises par les STN.

Les démarches au niveau international pour l’encadrement des activités des STN

 La question de l’encadrement juridique des STN au niveau international s’est posée dès les années 1970. Les questions suivantes sont soulevées :

  • faut-il adopter un code de conduite volontaire ou contraignant destiné aux STN ?
  • les entreprises nationales doivent-elles également être visées ?
  • comment répartir les responsabilités entre pays hôtes et pays d’origine dans le contrôle des activités des STN ?

Les premières démarches

Afin de lutter efficacement contre les activités des STN qui violent les droits humains, il est question depuis déjà un certain temps de créer un cadre institutionnel et normatif spécifique, complétant les normes déjà existantes.

Dans ce sens, le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) créa en 1974 la Commission des sociétés transnationales, composée de 48 États et dont les missions prioritaires étaient, entres autres, d’enquêter sur les activités des STN et d’élaborer un Code de conduite pour ces dernières[5]. Le Code en question fut débattu durant dix ans mais n’a jamais abouti et ce, en raison de l’opposition des grandes puissances et du pouvoir économique transnational. L’ECOSOC créa également, en 1974, le Centre des sociétés transnationales, un organisme autonome au sein du Secrétariat de l’ONU, qui fonctionna comme secrétariat de la Commission des sociétés transnationales. Mais, en 1993-1995, les deux organismes furent pratiquement démantelés et leurs objectifs changé.

Le Secrétaire général des Nations Unies décida de transformer le Centre sur les sociétés transnationales en une Division des sociétés transnationales et de l’investissement au sein de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Pour sa part, en décembre 1994, l’Assemblée générale de l’ONU décida de transformer la Commission des sociétés transnationales en une Commission du commerce et du développement de la CNUCED et de la rebaptiser Commission de l’investissement international et des sociétés transnationales en prenant en compte le changement d’orientation de la Commission (changement dans le sens où les tentatives de mise en place d’un contrôle social sur les STN ont cédé devant la prise en charge de la contribution des sociétés transnationales à la croissance et au développement).

À la même époque, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et l’Organisation internationale du travail (OIT) se sont également penchées sur cette question.

En 1976, l’OCDE a adopté les Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales qui sont des recommandations non contraignantes. Ils ont été amendés en 2000 et plus récemment en mai 2011 pour y inclure les droits humains et la lutte contre la corruption. Il est significatif que, dans un texte à l’application de toute façon volontaire, les rédacteurs ont pris soin de mentionner que « les entreprises devraient respecter » et non pas « doivent respecter les droits humains ».

Quant au Conseil administratif de l’OIT, il a adopté en 1977 la Déclaration de principe tripartite sur les entreprises multinationales. Cette Déclaration n’est pas contraignante non plus. Elle se contente de recommander aux gouvernements, aux organisations d’employeurs et de travailleurs et aux STN d’observer, de façon volontaire, les principes ayant trait à l’emploi, la formation, les conditions de travail et de vie ainsi que les relations professionnelles. Bien que cette Déclaration ait été amendée plusieurs fois (1995, 2000 et 2006), elle reste facultative pour les STN.

Face à l’augmentation alarmante des violations graves et systématiques de droits humains commises par les STN et dans le but de leur imposer des normes contraignantes, le CETIM et l’Association américaine des juristes (AAJ) ont mené des démarches au sein des instances onusiennes des droits humains. Ainsi, nos deux organisations ont contribué à la création en 1998 d’un Groupe de travail sur les STN au sein de l’ancienne Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme de l’ONU[6].

En 2003, un Projet de normes sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises[7], élaboré par le Groupe de travail en question, a été adopté par l’ancienne Sous-commission. Fruit d’un consensus, ces normes comportent évidemment des lacunes. Malgré cela, elles constituent un ensemble complet, précisant la responsabilité des STN. Elles s’inscrivent dans un cadre juridique visant un contrôle effectif des activités des STN.

Sous la pression du milieu patronal, ces normes ont été mises au tiroir. En effet, dès le départ, le milieu patronal, par l’intermédiaire de l’Organisation internationale des employeurs (IOE) et la Chambre de commerce international (ICC), s’est opposé à leur élaboration. Tout au long du processus, ces organisations ont insisté sur le fait que la Sous-commission devrait élaborer un code de conduite volontaire, s’opposant fermement à toute règle contraignante.

Le Global Compact, cheval de Troie des sociétés transnationales dans les Nation Unies

 John Ruggie, en tant que conseiller principal de M. Kofi Annan, a été le principal architecte du Pacte mondial (Global Compact) et son travail de Représentant spécial sur les STN a suivi les orientations idéologiques ultralibérales et les pratiques de cet organisme. En 1978, l’organisation non gouvernementale suisse, la Déclaration de Berne, a publié une brochure intitulée : « L’infiltration des firmes multinationales dans les organisations des Nations Unies », où étaient expliquées, de manière très documentée, les manœuvres déployées par de grandes STN (Brown Bovery, Nestlé, Sulzer, Ciba-Geigy, Hoffman-La Roche, Sandoz, Massey Ferguson, etc.) afin d’influencer les décisions de divers organismes du système des Nations Unies. Depuis la création du Global Compact, il ne s’agit plus d’infiltration, mais de l’ouverture à deux battants des portes de l’ONU aux STN.

Le projet de création du Global Compact a été annoncé en 1998 par le Secrétaire général de l’ONU de l’époque, M. Kofi Annan, dans un rapport déjà cité et destiné à l’Assemblée générale intitulé : « L’esprit d’entreprise et la privatisation au service de la croissance économique et du développement durable ». Dans ce rapport, le Secrétaire général déclarait que « la dérégulation est devenue le mot d’ordre de la réforme de l’État (§ 50 du Rapport) et il se faisait l’avocat de la vente des entreprises d’État, conseillant d’en céder … la propriété et la gestion a des investisseurs dotés de l’expérience et du savoir-faire nécessaires pour améliorer le rendement, même s’il faut parfois vendre les avoirs à des acquéreurs étrangers » (§ 29). C’était la légitimation de la politique pratiquée à l’échelle mondiale qui vise à brader les entreprises publiques rentables (parfois à l’aide de procédés franchement corrompus) afin de privatiser les bénéfices et de socialiser les pertes.

En mai 2000, le Congrès mondial de la Chambre de commerce internationale (ICC) s’est réuni à Budapest. Dans un discours enregistré, Kofi Annan s’est adressé au Congrès affirmant que l’ONU et l’ICC étaient « de bons et étroits associés». Mais le Président à l’époque de l’ICC, Adnan Kassar, a fixé les limites établissant ce que lui-même a appelé une condition importante : il ne doit pas y avoir de propositions qui doteraient le Global Compact de normes obligatoires (prescriptive rules). « Nous résisterons à toute tendance allant dans ce sens », a-t-il ajouté[8].

Le Global Compact[9] a été lancé officiellement le 25 juillet 2000 avec la participation de 44 grandes STN ainsi que quelques autres « représentants de la société civile ». Parmi les sociétés participantes au lancement du Global Compact, on retrouve, entre autres, British Petroleum, Nike, Shell, Rio Tinto et Novartis, qui ont de longs curriculums en matière de violations des droits humains et des droits du travail ou encore de dommages à l’environnement ; ou encore la Lyonnaise des eaux (Groupe Suez), dont les activités en matière de corruption d’élus et  de fonctionnaires publics afin d’obtenir le monopole de l’eau potable sont bien connues à travers le monde[10], etc. Cette alliance entre l’ONU et de grandes STN a créé une confusion dangereuse entre une institution politique publique internationale comme l’ONU, qui selon sa Charte représente « les peuples des Nations Unies » et un groupe d’entités représentatives des intérêts privés d’une élite économique internationale.

Le 27 avril 2006, à la Bourse de New York, le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a invité le monde des finances à adhérer aux « Principes pour l’investissement responsable ». Cette nouvelle proposition a été développée par le Global Compact et l’Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) dans le but de fournir un cadre afin d’intégrer des aspects sociaux et environnementaux aux investissements. « Aujourd’hui, il est de plus en plus clair que les objectifs des Nations Unies – paix, sécurité, développement – vont de pair avec la prospérité et la croissance des marchés. Si les sociétés échouent, les marchés échouent », a déclaré Kofi Annan à Wall Street. Il a expliqué les caractéristiques des Principes : « Ils offrent un guide afin d’obtenir de meilleurs retours sur des investissements à long terme et des marchés soutenables ». Il a également fait l’éloge du Global Compact, un accord qui « est devenu l’initiative de responsabilité corporative la plus importante du monde ». « Afin de prouver que le pas que nous faisons aujourd’hui est réellement significatif, les dirigeants de plusieurs des plus grandes et des plus influentes institutions d’investissement du monde se sont unis à nous », a déclaré le Secrétaire général[11]. Pourtant, les populations souffrent toujours des effets de la crise provoquée par « l’investissement responsable » du capital financier.

Le 29 janvier 2009, lors du Forum économique mondial de Davos, M. Ban Ki-Moon, persistant dans la même orientation que son prédécesseur Kofi Annan, a déclaré : « L’intérêt propre est, bien entendu, l’essence de la responsabilité entrepreneuriale et la clé pour un monde meilleur[12] ». L’actuel Secrétaire général de l’ONU marche sur les traces de l’économiste ultralibéral Milton Friedman qui a déclaré : « La responsabilité sociale des entreprises consiste à augmenter ses bénéfices » (The social responsibility of business is to increase its profits).

Le CETIM, avec d’autres organisations, a dénoncé ce marché de dupes dès son lancement. Comme nous l’avons dit à maintes reprises, et la pratique l’a démontré, ce partenariat a offert surtout aux STN signataires, souvent accusées de violer les droits humains, le moyen de redorer leur image auprès de l’opinion publique et de pénétrer de nouveaux marchés.

Notre analyse a été confirmée après plusieurs années par deux instances onusiennes. Dans une étude publiée en 2005, l’Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social (UNRISD) a souligné que ce partenariat permet aux STN « de poursuivre leurs intérêts politiques particuliers au sein des Nations Unies ». Il a appelé l’ONU à « renforcer les procédures visant à contrôler le respect des normes de l’OIT et des normes internationales relatives aux droits de l’homme, à favoriser les procédures de dépôt de plaintes[13] ».

Dans un autre rapport publié en 2010, le Corps commun d’inspection de l’ONU s’inquiète des « risques liés à l’utilisation du logo de l’ONU par des entreprises qui peuvent tirer parti de leur association avec l’Organisation [des Nations Unies] sans avoir à prouver qu’elles se conforment à ses valeurs fondamentales et à ses principes. » Cette instance précise par ailleurs que le Global Compact fonctionne « dans le cadre d’un “régime spécial”, mais qu’un cadre régulateur approprié, gouvernemental et institutionnel, lui fait défaut[14] ».

La nomination d’un représentant spécial du Secrétaire général pour étudier la question des sociétés transnationales

 En juillet 2005, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, nomma John Ruggie en tant que Représentant spécial du Secrétaire général pour étudier la question des sociétés transnationales[15]. Il est, comme nous l’avons vu, son conseiller principal pour le Global Compact.

En 2006, John Ruggie rédige son premier rapport pour la Commission des droits de l’homme, mais ce dernier n’a pas été examiné, car la Commission a été dissoute sans avoir tenu sa dernière session comme il était convenu. Dans ce document, il tente de démontrer que les STN ne sont pas tenues par le droit international et qu’il serait plus approprié que ces STN, les Nations Unies (par le biais du Global Compact) et la « société civile » se concertent afin d’établir des déclarations de bonnes intentions sous forme de soft law, codes de conduite, etc. Leur application serait contrôlée par ces mêmes entreprises et par des représentants de la « société civile ».

Dans son rapport de 2007, le Représentant spécial du Secrétaire général laisse entendre que les STN ne sont pas directement soumises au droit international et que la solution la plus appropriée serait que les États, avec les entreprises et la société civile, s’inspirent de quelques instruments internationaux pour établir des normes et initiatives non contraignantes juridiquement. Cette position va à l’encontre de l’état actuel du développement du droit international, étant donné que les STN sont civilement et pénalement responsables de violations des droits humains, au même titre que les personnes physiques. Les STN peuvent être inculpées en tant que complices, mais aussi en tant qu’auteurs, co-auteurs et instigatrices de violations des droits humains. Dans ce contexte, il est donc indispensable de consolider les instruments et mécanismes nécessaires pour établir cette responsabilité et fixer la sanction correspondante au niveau international[16].

Dans son rapport de 2008, bien qu’aucune proposition concrète n’ait été faite (l’auteur soutient qu’il s’agit d’un cadre conceptuel), J. Ruggie effectue un surprenant virage à 180 degrés par rapport à ses précédents rapports, probablement influencé par les effets dévastateurs de la crise financière mondiale. Il met en évidence et distingue trois principes fondamentaux : l’obligation de l’État de protéger les droits humains, la responsabilité des entreprises de les respecter, et la nécessite d’améliorer l’accès à des mesures ou des recours face aux violations. Il met fin à cette confusion sur le rôle des entreprises comme responsables, conjointement avec les États, de faire respecter les droits humains (manière de mettre en quelque sorte sur le même pied d’égalité les États et les STN). En mai 2008, J. Ruggie présenta un Rapport additionnel, intitulé : « Entreprises et droits de l’homme : étude relative à l’étendue et aux types de violations présumées des droits de l’homme mettant en cause des entreprises », dans lequel est constaté l’effet négatif de l’activité des entreprises sur l’exercice des droits humains, liée au travail ou non. Cependant, J. Ruggie n’a pas retiré de son Rapport de 2008 les conclusions qui s’imposaient : le 28 janvier 2009, l’Office des Nations Unies de Genève (ONUG) a publié sur son site une note de J. Ruggie qui déclarait avoir obtenu les services volontaires de quinze cabinets d’avocats internationaux – dont il donne la liste – spécialisés dans le conseil aux grandes entreprises afin qu’ils étudient la législation entrepreneuriale de 40 pays et ses effets sur la promotion d’une culture de droits humains parmi leurs clients. Il est impensable que de tels consultants aient pu réaliser une étude objective et impartiale qui aille à l’encontre des intérêts de leurs riches clients, ennemis déclarés de n’importe quelle législation nationale régulatrice ou restrictive de leurs activités. Dans son Rapport de 2009, J. Ruggie maintint telle quelle la ligne directrice imposée par les STN : aucune proposition de normes obligatoires pour les entreprises.

Dans le Rapport de 2010, l’idéologie dont s’inspire le travail du Représentant spécial est reflétée dans le paragraphe 121. En effet, se voulant pragmatique, le Représentant spécial veut s’occuper des injustices « réparables ». Mais il se garde bien de nous dire qui décidera et qui a la légitimité de décider si une injustice est réparable ou non. Toujours dans ce même Rapport, l’axe de l’approche juridique peut se résumer au fait que, selon J. Ruggie, les entreprises n’ont pas de devoirs ou d’obligations mais seulement des responsabilités. Ainsi, les rapports du Représentant spécial du Secrétaire général ne proposent aucune norme obligatoire pour les entreprises conformément à ce qu’ont exigé la Chambre internationale de commerce et l’Organisation internationale des employeurs dans le document publié en mars 2004[17], s’opposant alors au Projet de normes adopté par la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme en 2003.

L’aboutissement : Le rapport Ruggie de 2011

Bien que le cadre de référence du travail du Représentant du Secrétaire général obéisse aux principes de « protéger, respecter et réparer », conformément à la résolution 8/7 du Conseil des droits de l’homme en 2008, ce dernier s’est toujours gardé de proposer des règles contraignantes à l’égard des STN. Le Rapport final de J. Ruggie va dans le même sens étant donné qu’il inclut un Projet de principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme qui s’apparente à un code de conduite volontaire.

À ce titre, il ne mérite pas de commentaires sur le fond, même si le Représentant du Secrétaire général fait des amalgames sur certains aspects et esquive des questions importantes telles que la responsabilité de l’État où siège une STN donnée vis-à-vis des violations commises par cette entité dans des pays tiers[18] ; par contre, il tient à préciser que ses principes s’appliquent aussi bien aux STN qu’aux vendeurs de rue (sic) ! C’est pourquoi, nous analyserons uniquement, plus loin, la notion de la responsabilité : un élément fondamental qui doit être clarifié à nos yeux une fois pour toute.

Avant d’aborder cette question, il est important de noter que, sous l’apparence d’une consultation ample et générale de divers secteurs sociaux, les véritables interlocuteurs de J. Ruggie ont été les grandes entreprises, les associations d’entrepreneurs comme la Chambre internationale de commerce et l’Organisation internationale des employeurs, ainsi que les conseillers juridiques de ces mêmes grandes entreprises. Quant aux autres participants aux nombreuses réunions organisées par le Représentant spécial du Secrétaire général, ils n’ont été que de simples figurants dont l’opinion n’a pas été prise en compte.

Pour revenir au rapport final (2011) du Représentant spécial du Secrétaire général, au paragraphe 2 de l’introduction, faisant référence au Projet de normes adopté par la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme en 2003, il est dit que ce dernier [Projet de normes] avait pour objectif l’imposition aux STN du même type de devoirs en matière de droits humains que ceux que les États ont accepté lors de la ratification de traités internationaux : promouvoir, assurer la réalisation, respecter, assurer le respect et la protection des droits humains.

Ruggie reprend une critique qu’il avait déjà formulée dans un de ses rapports précédents sur le Projet de normes (rapport 2006), critique que nous avions partagée et signalée en temps opportun au Groupe de travail qui a élabore ce Projet. En effet, dans le Projet de normes de la Sous-commission, après avoir dit que « même si les États ont la responsabilité première de promouvoir, respecter, faire respecter et protéger les droits de l’homme… », il est ajouté que « …les sociétés transnationales et autres entreprises ont elles aussi la responsabilité de promouvoir et garantir… ». Nous avions signalé l’erreur au Groupe de travail de la Sous-commission et nous avions proposé de supprimer la phrase suivante : « ont elles aussi la responsabilité de promouvoir et garantir… », et de la remplacer par : « doivent respecter et contribuer à faire respecter, protéger et promouvoir les droits de l’homme[19]… ». En effet, il n’y a pas de doute que l’État a, en ce qui regarde l’application des droits humains dans le cadre de sa juridiction, une responsabilité (responsibility) qu’il ne peut déléguer et selon laquelle il doit empêcher que ces droits ne soient violés, que ce soit par l’État lui-même et/ou par ses propres fonctionnaires ou que ce soit par des particuliers (personnes physiques et morales). S’il ne respecte pas cette obligation, cela relève de la responsabilité internationale.

L’expression responsabilité a deux sens, tangents mais différents, qui s’expriment en anglais par deux mots distincts : responsible, responsibility et accountable, accountability. Le premier mot a pour sens : charge de. Par exemple, les fonctionnaires qui sont chargés de faire respecter la loi. On peut dire aussi que la direction d’une entreprise est chargée (responsable, responsible) de faire en sorte que les droits du travail soient respectés dans le cadre de l’entreprise. L’autre sens fait référence au fait que chaque personne (physique ou morale, cette dernière à travers des dirigeants qui prennent les décisions) est responsable de ses actes, pour lesquels elle doit rendre des comptes (accountable). Par exemple : quelqu’un qui viole les droits du travail doit rendre des comptes aux institutions publiques compétentes (administrations de l’État et tribunaux de justice). Il faut alors réparer les dommages causés (liability). Parfois, on extrapole le premier sens en attribuant aux entreprises, surtout aux grandes entreprises, une responsabilité générale d’ « être en charge » de faire respecter les droits humains. Il y aurait, dans ce cas, une délégation au niveau des entreprises de la responsabilité inhérente à l’État de faire respecter les droits humains en général, ou une responsabilité propre à l’État partagée avec les entreprises.

Ruggie utilise cette erreur du Projet de normes de la Sous-commission précité pour créer la confusion entre les obligations inhérentes à l’État de promouvoir, respecter, protéger et mettre en œuvre les droits humains, et l’obligation – et la responsabilité directe qui en découle en cas de violation – des entreprises (comme de toutes les personnes privées, morales et physiques) de respecter les droits humains reconnus dans les normes internationales. En effet, dans le paragraphe 60 de son rapport de 2006, il a écrit : « Si les Normes ne font que réaffirmer des principes juridiques internationaux, elles ne peuvent pas avoir directement force obligatoire pour les entreprises, car, sauf éventuellement pour certains crimes de guerre ou crimes contre l’humanité, il n’existe pas à l’échelle internationale de principe ayant un tel effet[20]». De la sorte, les droits humains constitueraient, selon le Représentant spécial du Secrétaire général, une catégorie spéciale de droits qui peuvent être violés uniquement par les États et leurs fonctionnaires, mais non par les personnes privées, sauf pour certains crimes de guerre et crimes contre l’humanité[21]. Selon ce même rapport de 2006, les délits commis par ces derniers peuvent constituer des violations de droits humains seulement lorsque l’État apparaît comme coparticipant par action ou par omission. C’est-à-dire qu’il y a violation des droits humains seulement lorsque, d’une manière ou d’une autre, la responsabilité de l’État est mise en cause. De sorte que, selon le Représentant spécial du Secrétaire général, la même action que celle commise par un État, et qui implique sa responsabilité au titre de violation des droits humains, impliquerait aussi, lorsqu’elle est commise par un particulier, la responsabilité de ce dernier, mais uniquement au titre de crime ou de délit selon le droit national correspondant, et non au titre de violation des droits humains.

Il ne fait aucun doute que les STN, comme toutes les personnes privées, ont l’obligation de respecter la loi et, si elles ne le font pas, elles doivent être sanctionnées civilement et pénalement, et ce également à l’échelle internationale, ce qui découle clairement d’un examen un peu approfondi des instruments internationaux en vigueur. La reconnaissance des obligations des personnes privées en matière de droits humains et de leur responsabilité, en cas de violation de ces droits, a fait l’objet de l’article 29 de la Déclaration universelle des droits de l’homme[22] et elle a été approfondie dans les textes par de nombreuses conventions internationales notamment en ce qui concerne la protection de l’environnement[23] et dans la jurisprudence.

Avec cette approche, le Représentant spécial du Secrétaire général s’acquitte avec succès des exigences des STN : aucune règle internationale à caractère obligatoire pour les grandes entreprises, comme il le dit lui même dans les paragraphes 11 et 14 de l’introduction de son rapport final en anglais : (paragraphe 11) « The Guiding Principles addressing how Governments should help companies avoid getting drawn into the kinds of human rights abuses that all too often occur ». C’est-a-dire que les Principes directeurs ne sont pas et n’aspirent pas à être des règles obligatoires, mais demeurent uniquement des indications sur la manière dont les gouvernements doivent aider (et non contrôler ou sanctionner) les entreprises afin d’éviter qu’elles ne soient incitées à commettre ces genres d’abus contre les droits humains qui surviennent trop souvent. Dans ce paragraphe, on exclut la volonté délibérée des entreprises de commettre des violations et elles apparaissent comme incitées à les commettre par un facteur extérieur et étranger à leur volonté et non comme des acteurs principaux dont la motivation fondamentale est d’obtenir le maximum de bénéfices. Dans le paragraphe 14, nous pouvons lire : « The Guiding Principles’ normative contribution lies not in the creation of new international law obligations ». C’est clair : la contribution normative des principes directeurs ne consiste pas à créer de nouvelles obligations dans le droit international (souligné par nous).

Les Principes directeurs de J. Ruggie sont donc de simples orientations. Ils sont dépourvus de tout caractère obligatoire, tant pour les États que pour les entreprises, répondant ainsi aux exigences, exprimées à plusieurs reprises, des grandes entreprises transnationales. Les organisations non gouvernementales (ONG) qui s’occupent de la question ont unanimement critiqué l’inexistence dans les Principes de J. Ruggie de normes obligatoires. Une partie d’entre elles ont néanmoins considéré que le projet était utile, tandis que d’autres ont demandé au Conseil des droits de l’homme qu’il le retire.

En  juin 2011, le Conseil des droits de l’homme a approuvé, par consensus, les Principes directeurs de J. Ruggie et décidé la création d’un Groupe de travail chargé en particulier de les promouvoir[24]. Seul le représentant de l’Équateur énonça diverses objections : l’absence, en ce qui concerne les Principes, de normes obligatoires, ce que la résolution du Conseil ne mentionne pas davantage comme un objectif à atteindre ; le fait qu’il ne soit pas prévu un mécanisme de plainte à la disposition des victimes des activités des STN et qu’en définitive la résolution se réduise pratiquement à promouvoir la diffusion des dits Principes. Ses observations ne figurent pas dans la résolution, bien que ce pays ait demandé expressément qu’elles y soient incorporées.

Par sa résolution précitée, le Conseil des droits de l’homme a décidé également de créer un « Forum sur les entreprises et les droits de l’homme » qui « se réunira chaque année pendant deux jours[25] ». Le Forum, qui s’est tenu pour la première fois en 2012, est ouvert à différentes organisations et personnes comme dans certains organes de l’ONU (l’ECOSOC et les organes qui s’occupent des droits humains) qui admettent, à titre consultatif, la participation des organisations intergouvernementales, des agences de l’ONU et des organisations non gouvernementales (ONG). Le secteur privé et les STN y sont représentés, en particulier, par deux organisations déjà citées (l’organisation internationale des employeurs, IOE, et la Chambre internationale de commerce, ICC), sans parler, bien entendu, de nombreuses ONG créées par les STN. Mais la nouveauté de taille dans le Forum réside dans la participation directe des STN et « autres entreprises ». En faisant abstraction du mandat de ce Forum[26], cette ouverture à la participation directe des STN dans une instance formelle de l’ONU pose de nombreux problèmes.

Premièrement, les STN ne sont pas des entités démocratiques et transparentes. En effet, ces dernières échappent non seulement à tout contrôle démocratique, mais elles recourent  à des montages complexes pour échapper en particulier aux mesures fiscales et à leurs responsabilités lorsqu’elles sont impliquées dans des violations (directement ou indirectement) des droits humains.

Deuxièmement, par définition, les STN sont des entités qui défendent des intérêts particulier (surtout ceux d’une poignée d’actionnaires majoritaires) et non pas l’intérêt général. Elles peuvent faire faillite, être achetées par d’autres entités (ou par des gouvernements), se transformer (changer complètement d’orientation) ou disparaître (par exemple, il n’existe presque plus d’entreprises en Europe qui exploitent des mines de charbon).

Troisièmement, les STN seront juges et parties de l’instance censée proposer des mesures à  prendre contre ces dernières afin de prévenir et/ou de sanctionner les violations des droits humains.

Quatrièmement, les échanges au sein du Forum en question auront lieu avec des moyens inégaux, étant donné que les organisations de la société civile et même beaucoup d’États du Sud, qui disposent de moyens financiers dérisoires, seront confrontés à des STN qui brassent des dizaines voire des centaines de milliards de dollars étatsuniens par année.

Enfin, le nouveau Groupe de travail précité est tenu de « réserver une place dans son rapport à des réflexions sur les délibérations du Forum et à des recommandations touchant les questions thématiques à traiter à l’avenir[27] ». Le mandat du dit Groupe de travail est déjà bien verrouillé avec la promotion des principes directeurs de J. Ruggie déjà citée. Le seul point du mandat qui nous parait intéressant est l’étude que devrait mener le Groupe de travail sur l’amélioration de l’accès des victimes des violations des droits humains commises par les STN aux recours efficaces[28]. Avec l’exigence de tenir compte des « délibérations » du Forum qui sera dominé sans doute par ces entités économiques privées, le Groupe de travail en question n’aura ainsi aucune marge de manœuvre (ni le temps avec deux jours de réunion par année) pour prendre des initiatives[29] en faveur des victimes des violations des droits humains commises par des STN.

Notes:

* Centre Europe Tiers Monde (CETIM), Directeur du Programme droits humains et représentant permanent auprès de l’ONU.

1 Melik, Özden et Alejandro Teitelbaum, « Sociétés transnationales, acteurs majeurs dans la violation des droits humains », Cahier critique n°10, série : Business et droits humains, CETIM, décembre 2011. La citation est une reprise de Alejandro Teitelbaum, La armadura del capitalismo. El poder de las sociedades transnacionales en el mundo contemporaneo, Éditions Icaria, coll. Antrazyt, Barcelone, 2010.

[2] CETIM, « Sociétés transnationales et droits humains », brochure accessible sur le site : <http://www.cetim.ch/fr/publication_stn-bro2.php&gt;

[3] Dix autres États l’ont signé mais pas ratifié. Il faut noter que la Bolivie, en 2007, et l’Équateur, en 2009, se sont retirés du CIRDI en suite aux mobilisations populaires contre les privatisations des ressources naturelles et au changement de gouvernements dans ces pays. On peut voir à ce propos le Cahier critique du CETIM : « Les traités internationaux, régionaux, sous-régionaux et bilatéraux de libre-échange » accessible sur le site : <http://www.cetim.ch/fr/publications_cahiers.php#traites&gt;

[4] Des exemples parmi beaucoup d’autres : les cas de Tecmed contre le Mexique, Azurix contre l’Argentine et CMS Gas Transmission contre l’Argentine. Source : Luke Eric Peterson, « Les rapports entre droits humains et traités d’investissement » , Droits et démocratie, 2009.

[5] Nations Unies, Conseil économique et social, Commission des sociétés transnationales, Rapport sur la première session, New York, 1975.

[6] Résolution intitulée : « Rapport entre la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et du droit au développement et les méthodes de travail et activités des sociétés transnationales », E/CN.4/Sub.2/RES/1998/8.

[7] Document E/CN.4/Sub.2/2003/12/Rev.2, adopté le 13 août 2003 par la résolution de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme de l’ONU.

[8] Cf. site : <WWW.iccbo.org home news_archives 2000 buda_global.asp>. , 18 mai 2000.

[9] Le Global Compact propose 9 principes que les signataires s’engagent à respecter. Ces principes sont les suivants :

Au niveau des droits de l’homme :

Principe 1. Les entreprises doivent promouvoir et respecter les droits de l’homme reconnus sur le plan international.

Principe 2. Les entreprises ne doivent pas se faire complices de violations des droits fondamentaux.

Au niveau des normes du travail :

Principe 3. Les entreprises devraient respecter l’exercice de la liberté d’association et reconnaître le droit à la négociation collective.

Principe 4. Élimination de toutes les formes de travail forcé et obligatoire.

Principe 5. Abolition effective du travail des enfants.

Principe 6. Élimination de la discrimination en matière d’emploi et d’exercice d’une profession.

Au niveau de l’environnement :

Principe 7. Promouvoir une approche prudente des grands problèmes touchant l’environnement.

Principe 8. Prendre des initiatives en faveur de pratiques environnementales plus responsables.

Principes 9. Encourager la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l’environnement. (ndlr)

[10] Voir à ce propos l’article : « Bréviaire de la corruption », Le Monde diplomatique, juillet 1995.

[11] Service d’information des Nations Unies, « Wall Street : le Secrétaire général lance un programme d’investissements responsables », L’ONU-Actualité en bref, n°PPQ 4631, 27 avril 2006.

[12] Cité par : Pedro Ramiro, « Las multinacionales y la responsabilidad social corporativa », in Hernandez Zubizarreta, Juan y pedro Ramiro (sous la dir.), El negocio de la responsabilidad. Critica de la Responsabilidad Social Corporativa de la empresas transnacionales, Edition Icaria, coll. Antrazyt, Barcelone, 2009.

[13] UNRISD, Responsabilité sociale et encadrement juridique des sociétés transnationales : Synthèse 2, UNRISD, 2005.

[14] Corps commun d’inspection, Rapport : United Nations Corporate Partnerships : The role and functioning of the Global Compact, classé sous la cote ONU : JIU/REP/2010/9, 2010.

[15] Son titre complet est : « Représentant spécial du Secrétaire général sur la question des droits de l’homme et les sociétés transnationales et autres entreprises ».

[16] Cf. Déclaration orale conjointe du CETIM, des FSM, LIDLIP, MRAP, et WILPF, présentée à la 4ème session du Conseil des droits de l’homme.

[17] Cf. “Joint view of the IOE and ICC on the draft Norms on the responsibilities of transnational corporations and other business enterprise with regard to human right”.

[18] À noter à ce propos qu’une campagne est lancée par des ONG et des syndicats dans plusieurs pays de l’Union européenne. Une campagne similaire est également lancée en Suisse, pays siège de nombreuses STN, avec pour but d’obtenir des modifications législatives afin de poursuivre ces dernières en justice en Suisse pour des violations commises dans des pays tiers ; pour de plus amples informations, voir le site : <http://www.droitsansfrontieres.ch/fr/&gt;

[19] Voir : « Propositions d’amendements au Projet des normes sur les responsabilités des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en matière de droits de l’homme », CETIM/AAJ, éd. du CETIM, 2003.

[20] Commission des droits de l’homme, Rapport intérimaire du Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, E/CN.4/2006/97, soumis a la 62eme session, date du 22 février 2006.

[21] Depuis les procès de Nuremberg et surtout depuis l’adoption en 1998 du Statut de la Cours pénale internationale, il est impossible de soutenir d’une manière générale et même avec un minimum de sérieux, que les particuliers ne peuvent pas violer les droits humains et être directement sanctionnés pour leur violation. J. Ruggie doit accorder : « sauf éventuellement pour certains crimes de guerre ou crimes contre l’humanité ». Mais il établit une importante limite à cette exception en réduisant les formes de participation des entreprises seulement à la complicité, excluant alors les autres formes de participation telles que l’instigation, la perpétration et la coparticipation.

[22] Qui est contraignant et n’est pas seulement un principe éthique comme l’affirme le document des organisations patronales contre le Projet de normes.

[23] Il y a des instruments internationaux obligatoires pour les personnes privées qui se rapportent principalement à la protection de l’environnement comme : le principe 21 de la Déclaration de Stockholm sur l’environnement de 1972, qui réaffirme par les résolutions de l’Assemblée générale 2995 (XXVII), 3129 (XXVIII), 3281 (XXIX : Charte des devoirs et droits économiques des États), la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, à laquelle est attribuée la valeur de jus cognes, ainsi que  la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego Bay, 1982), la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontaliers et des lacs internationaux (Helsinki, mars 1992), les Conventions de Bale de 1989 et de Bamako de 1991 sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination, la Convention d’Helsinki de 1992 sur les effets transfrontaliers des accidents industriels, la Convention de Lugano de 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, la Convention de Rotterdam de 1998 sur les pesticides et sur le commerce international de produits chimiques dangereux, etc. Ils établissent la responsabilité de celui qui a causé les dommages et, en général, la responsabilité subsidiaire de l’État si ce dernier n’a pas adopté les mesures préventives nécessaires afin d’éviter les effets préjudiciables de telles activités. En décembre 1999, les États parties de la Convention de Bale de 1989 ont approuvé un Protocole sur la responsabilité et l’indemnisation en cas de dommages résultant de mouvements transfrontaliers et de l’élimination de déchets dangereux. L’article 16 du Protocole énonce : « Le Protocole ne porte pas atteinte aux droits et obligations des Parties contractantes relevant des principes de droit international en matière de responsabilité des États » (cf. http://www.basel.int). En mai 2001, la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP) a été adoptée, et elle est entrée en vigueur en mai 2004.

[24] Cf. Résolution 17/4 du Conseil des droits de l’homme.

[25] Ibid.

[26] Il se limite à examiner en particulier « l’application des Principes directeurs » de J. Ruggie et « les bonnes pratiques » des STN (cf. §§ 6.a et 6.b de la Résolution 17/4 du Conseil des droits de l’homme).

[27] § 16 de la Résolution 17/4 déjà citée.

[28] § 6 e de la Résolution 17/4 déjà citée.

[29] Pour mener à bien son mandat, quoique très limité (voir note précédente), il faut que le Groupe de travail dispose des moyens nécessaires (l’Union européenne et le Japon ont déjà fustigé le coût financier de ce nouveau mécanisme) et que ses membres en aient la volonté politique. À ce dernier propos, le choix des membres de cette instance (composée de cinq experts selon le principe de la répartition géographique équitable de l’ONU) est très critiqué par la société civile. Par exemple, un de ses membres, la Colombienne, Mme Alexandra Guaqueta, est une ancienne employée des STN (elle a travaillé pour Occidental Petroleum et Cerrejon qui ont été dénoncées à de multiples reprises pour des violations des droits humains commises à l’égard, entre autres, des peuples autochtones et des afro-descendants en Colombie).