Hidefumi Kurasaka*
Les problèmes environnementaux auxquels nous sommes confrontés sont profondément ancrés dans notre système économique. Depuis la révolution industrielle, nous avons développé une économie industrielle, basée sur l’utilisation d’énergies fossiles. Cependant, face au réchauffement climatique, il est clair que nous devons changer notre façon de commercer, ainsi que nos styles de vie, et que nous devons opter pour une société « à économie d’énergie ». Au sommet des Nations Unies sur le changement climatique en septembre, le premier ministre japonais, Hatoyama, a annoncé, comme l’un de ses engagements de moyen terme, la réduction de 25 % des émissions du Japon d’ici 2020, par rapport au niveau des années 1990. Le nouveau cabinet devrait proposer une loi cadre pour une économie de « basse consommation en carbone » en 2010.
Une société industrialisée est caractérisée par une production massive. Le marketing ne cesse de stimuler l’envie d’acheter des consommateurs à travers la publicité, le changement des standards, la mode, etc… La production de masse provoque un gaspillage massif. Pour réduire les gaz à effet de serre et pour rendre viable les décharges publiques, nous devons mettre en place de nouvelles priorités quant à l’utilisation des ressources et matériaux. La priorité devrait essentiellement être une réduction en amont, par recyclage, en évitant le gaspillage, et ainsi, de réduire les déchets. Au Japon, cette politique, entrée en vigueur en 2000, est appelée création d’une « société de cycle » (cycle-oriented society). Depuis, de nombreuses lois ont été appliquées dans le pays, dans le but de mettre en œuvre ces priorités.
Le Japon à un environnement naturel très fertile. On recense plus de 90 000 espèces différentes sur le territoire. Parmi elles, il y a de nombreuses espèces d’origine japonaise. La Troisième Stratégie de Biodiversité Nationale de 2007 a mis en avant trois sortes de crise auxquelles la biodiversité japonaise fait face actuellement. La première crise concerne la dégradation des espèces et de l’habitat, due aux activités humaines excessives. La seconde, c’est la dégradation du paysage rural à cause de l’usage continu des ressources naturelles, due à une insuffisance au niveau de sa gestion. La troisième est l’altération de l’écosystème, causée par l’introduction d’espèces étrangères. En 2008, une loi cadre sur la biodiversité a été promulguée. Ce domaine politique est appelé la création d’une « société en symbiose avec la nature ».
La société à « économie d’énergie », la « société de cycle » et la création d’une « société en symbiose avec la nature » forment les trois politiques essentielles en ce qui concerne le développement durable au Japon. Ces politiques sont si générales que nous devrions les envisager à travers d’autres politiques telles que la politique économique, la politique de l’emploi et de sécurité sociale.
Le développement économique et la préservation de l’environnement sont parfois considérés comme deux concepts contradictoires. Cet article vise à appréhender la question de l’harmonie entre écologie et économie, et pour ce faire, à réfléchir à une politique globale. Mais il convient de définir avant tout les concepts fondamentaux utilisés dans cet article.
- Environnement et artefact
Le premier concept concerne les entités physiques qui composent notre monde, divisées en trois catégories : l’environnement naturel, les artefacts (qui sont les objets manufacturés) et les êtres humains. L’environnement naturel est une entité physique environnant et influant sur les êtres humains, mais non conçu par ces derniers. Les artefacts représentent, quant à eux, une entité physique environnant et influant sur les êtres humains et créée par ces derniers.
- Ecosystème et capital naturel
La nature est caractérisée par un comportement indépendant de la volonté humaine et un système influant sur le comportement humain est appelé « écosystème ». Certaines fonctions de l’écosystème sont utiles à l’être humain alors que d’autres ne le sont pas. Ce que l’environnement apporte à l’homme, à travers l’écosystème, est appelé services ou « cadeau de la nature ». Ces « services » sont de trois types : fourniture de ressources et énergies, amortissement des effets des pollutions et offre d’un lieu de vie. Un écosystème qui offre de tels services est appelé « capital naturel ».
- Les artefacts (objets manufacturés) et le capital construits par l’homme
Les objets sont imaginés et créés car ils ont une certaine utilité pour l’homme. Cette utilité apportée aux êtres humains par le biais de ces objets est appelée « apport de l’homme » (services créés par les humains) et un artefact qui permet la réalisation des services de l’homme est appelé « capital créé par les humains ». Ce capital se détériore petit à petit et devient finalement incapable de satisfaire à son objectif qui est à l’origine de sa conception en raison d’effets divers, toujours liés à l’écosystème tels que la corrosion, l’usure et la décomposition.
- Etres humains et capital humain
Les êtres humains peuvent offrir des choses utiles pour les autres, sans passer par des artefacts. On appelle cela « services de travail ». Les personnes qui proposent ces services sont regroupées sous le terme de « capital humain ».
- Les institutions et le capital social
Le terme institution reflète un sens codé donné aux entités physiques, par exemple à travers le langage, les us et coutumes, et les lois. Certaines institutions ont pour but de préparer les individus à renforcer les relations coopératives entre eux. Un tel accélérateur de relations sociales (ou institution utile), qui peut être identifié par les normes, les valeurs et la bienveillance, est appelé « capital social ».
Certaines actions humaines permettent d’augmenter le capital de chacun (de nos actions, on construit notre capital). Premièrement, en ce qui concerne le « capital naturel », l’homme peut choisir de sélectionner, relocaliser, et d’alimenter un écosystème qui pourra générer plus de services par rapport aux autres, tout comme il peut éliminer les autres écosystèmes qui se mettront en travers de sa route. Ainsi, ces institutions ont servi à accroître la quantité totale de ressources naturelles en préservant la nature. Ces efforts humains pourraient être définis comme « l’entretien de la nature ».
Pendant que des capitaux sociaux et humains se développent par des interactions entre les individus, les capitaux naturels et ceux fabriqués par l’homme augmentent avec les interférences humaines dans un contexte physique entourant les individus. Par conséquent, pour ces derniers, un problème environnemental peut survenir dans le processus d’augmentation des capitaux. Incapacité à éviter ou à atténuer ce problème amènera à la détérioration des services de l’écosystème de façon inattendue.
Par conséquent, la notion de développement durable-soutenable pourrait être redéfinie comme un accroissement dans le temps de chacun des quatre capitaux : naturel, créé par l’homme, humain et social[1].
1 – Préservation de l’environnement et compa-tibilité avec le développement économique
Les activités humaines ont toujours eu une influence sur l’environnement. Un impact physique généré par l’économie humaine sur la nature, qui pourrait être assimilé dans l’écosystème à travers un service de l’écosystème, est appelé « l’impact environnemental » (la charge environnementale). Ces charges génèrent et affectent des comportements environnementaux lorsque des ressources et énergies sont utilisées, des déchets, pollutions et réchauffement sont provoqués et l’environnement est utilisé comme un lieu de vie.
Ceci mène à des problèmes environnementaux. Ces problèmes sont dus aux activités humaines et exercent un effet négatif sur l’individu. Les effets négatifs possibles exercés sur l’individu peuvent être divisés en deux types. Le premier type est celui qui affecte le bien-être individuel, incluant à la fois des effets négatifs sur les individus, comme l’altération de la santé par les polluants, et un effet négatif indirect comme l’altération de la richesse de l’esprit d’une personne lorsque l’environnement naturel qu’elle espère conserver est détérioré. Le deuxième est un effet qui détériore les institutions qui se sont avérées durables depuis des générations. Fondées sur les institutions (ou sur les coutumes) des générations précédentes, les institutions des générations suivantes se développent. Ainsi, les institutions perdurent au-delà de la vie d’une personne. Le problème de l’environnement mondial, qui est devenu évident à la fin des années 1980, a montré que les institutions pourraient ne pas être continuellement soutenables dans le futur.
Comme il a été établi ci-dessus, la préservation de l’environnement ne doit pas avoir comme objectif de garder l’environnement naturel tel qu’il est. Le but de la conservation environnementale est de réduire l’occurrence du problème environnemental de façon à assurer le bien-être individuel et le développement durable de la société humaine dans le futur.
La compatibilité entre écologie et économie
Le sens commun suggèrerait que nous devrions commencer par réduire l’impact environnemental sans réduire à court terme les services et par étendre graduellement la portée de l’action. La réduction de l’impact environnemental à court terme, couplé de l’augmentation dans les services, attribuable à une action, est appelée une situation de « gagnant-gagnant ». Par exemple, quand on constate qu’un effort d’économie d’énergie apporte une réduction des émissions de CO² et des dépenses dans les services collectifs, alors, l’impact environnemental (les émissions de CO²) se réduirait définitivement. En plus, on pourrait utiliser cette réduction des dépenses dans les services collectifs pour augmenter les services. Le problème d’assurer la compatibilité entre l’écologie et l’économie pourrait être substitué par le défi d’assurer la situation gagnant-gagnant dans divers contextes d’une société donnée.
Orientation pour assurer une situation de gagnant-gagnant
Il y a quatre manières de mettre en place une telle situation. La première est liée à « l’augmentation du taux de rendement dans la chaîne de production ». En produisant des biens (artefacts), un producteur va séparer les ressources matérielles (les inputs) entre une part donnant les produits et une autre part correspondant aux déchets. Le taux de rendement de la chaîne de production représente une partie des ressources matérielles qui constitueront les produits (quantité d’objets). Si une tonne d’inputs génère 100 kg de déchets, le taux de rendement est de 90 %. Pour la production des mêmes produits, un taux de rendement plus haut, générant moins de déchets, mène à moins d’impacts environnementaux.
La deuxième manière est « l’augmentation du taux de prestations apportées par l’homme ». Les biens manufacturés constituent un capital apporté par l’homme. Ce capital se détériore avec le temps et devient finalement inapte à remplir la fonction pour laquelle il a été conçu. La quantité de prestations provenant du capital construit par l’homme durant sa durée de vie d’utilité physique pourrait avoir une limite techniquement maximale, déterminée pendant l’étape de production.
Certains produits, considérés comme inutiles par une personne, peuvent encore être utiles aux yeux d’autres personnes, à travers la réutilisation ou le recyclage, entre autres, des matières premières et des énergies et ne pas retourner à leur environnement naturel en tant que déchets. Cette augmentation du « taux de prestations apportées par l’homme » consiste en une accélération de l’utilisation en cycle comme la réutilisation et le recyclage.
La troisième manière est l’augmentation du « taux de l’obtention des prestations (des services) de l’écosystème ». Le montant des prestations de l’écosystème, obtenues d’un capital naturel est déterminé indépendamment du processus de décision humaine. Par exemple, certaines quantités d’énergie solaire atteignent la surface de la terre sans aucune intervention humaine. Cependant, l’utilisation ou non d’un service spécifique d’écosystème dépend de l’intention humaine. Lorsque le taux d’utilisation des services d’écosystème dans la globalité de ce que l’écosystème offre est appelé « le taux d’obtention des prestations de l’écosystème », le taux le plus élevé devra résulter d’une plus grande quantité de services obtenus par le même capital naturel.
La quatrième considération est liée au « maintien d’un capital naturel ». Un capital naturel comprend le capital fondé sur des ressources renouvelables et sur des ressources épuisables (périssables). Les ressources renouvelables sont des ressources qui sont entièrement renouvelées par des activités astronomiques quotidiennes (le soleil, la terre, la lune) contrairement aux ressources épuisables qui ne sont pas renouvelables quotidiennement par les activités astronomiques. Certains services d’écosystème fondés sur des ressources renouvelables, tel que le soleil, correspondent à une offre stable. Pour la pêche, la forêt et les autres ressources renouvelables cependant, certains excès, au-delà d’un certain niveau, empêchent l’entretien du capital naturel duquel ces ressources sont obtenues.
Avec le temps, un capital naturel, basé sur des ressources épuisables comme les énergies fossiles telles que le pétrole, s’appauvrit petit à petit. Bien que la découverte de ressources inconnues et l’amélioration technologique pour récupérer davantage de ressources épuisables puissent prolonger la disponibilité des ressources, ces activités ont une limite. Pour une durabilité sur des centaines d’années, nous devons mettre en place dans le futur une société économique indépendante des ressources épuisables.
Plus spécifiquement, la considération suivante est requise pour conserver continuellement un capital naturel dans le futur. Avant la diminution des ressources périssables sur lesquelles un capital naturel est fondé, un autre capital naturel basé sur les ressources renouvelables doit être développé de façon à assurer une offre de prestations naturelles équivalente à celle fournie par le capital naturel venant des ressources périssables.
Pour un capital naturel basé sur les ressources renouvelables, l’impact environnemental ne devrait pas excéder le niveau qui permet à un écosystème de maintenir sa résistance (son seuil d’autonomie). Par conséquent, l’attention devrait être orientée à la fois vers le choix d’un impact environnemental qui puisse être facilement assimilé par une fonction de l’écosystème et vers la localisation de l’impact dans un endroit qui résiste mieux.
2 – Le rôle crucial des institutions pour assurer une situation de gagnant-gagnant
Une action économiquement viable varie selon une règle économique déterminée par une décision hors marché. Une telle action est déterminée et institutionnalisée en dehors du marché où l’on négocie des marchandises (le cadre de propriété) et où l’on permet une activité économique (le cadre des négociations commerciales). Par exemple, il n’est pas permis de vendre le droit de voter. On ne permet pas, non plus, les ententes sur les prix ni une publicité exagérée. Ces règles ne constituent pas une institution résultant d’une action sur le marché, mais plutôt une institution établie et basée sur des décisions hors du marché. Par conséquent, même une économie orientée vers le marché libre opère conformément à une certaine règle économique ; à savoir, la propriété et le cadre qui fixe les règles de négociation commerciale. Lorsque la règle économique est modifiée, le marché réagit en conséquence, aboutissant au changement de l’action économiquement viable.
Le développement économique durable requiert une révision dans les règles de la propriété et de la négociation commerciale de façon à ce que les activités du secteur privé soient orientées vers l’obtention d’une situation gagnant-gagnant. L’établissement d’une telle institution sera une activité pour créer « un capital social » qui favorise une relation de coopération parmi les individus afin de trouver une solution à la nouvelle question qui est de garantir la durabilité.
La révélation du bilan matériel des affaires
L’accomplissement d’une situation gagnant-gagnant exige, tout d’abord, l’enregistrement et la divulgation, de manière comparable, des bilans matériels des affaires liées aux activités économiques. À présent, la règle économique exige pour certaines affaires, comme les opérations boursières, de tenir et de révéler les comptes financiers (le bilan comptable, la déclaration de revenu, la déclaration de surplus, la déclaration de flux de trésorerie, etc…). Cependant, il n’y a aucun mécanisme qui permet d’enregistrer et de révéler de façon comparable la consommation d’énergie fossile, la consommation d’eau, les émissions de dioxyde de carbone et la quantité de déchets engendrée, etc…
Pour les raisons suivantes, l’information véhiculée par les prix ne peut pas assurer la durabilité de l’environnement. Premièrement, l’information sur le coût d’une affaire ne reflète pas en juste proportion la valeur d’assurer la disponibilité à très long terme des ressources. Par exemple, une société qui extrait des ressources épuisables décide de la quantité de ressources qui doit être extraite étant donnés le coût de l’extraction et le prix du marché. Le coût de l’extraction augmentera s’il n’y a aucun endroit où l’on pourra plus facilement obtenir ces ressources. Cependant, jusque-là, l’utilisation des ressources en vue d’économiser sur le coût de la main-d’œuvre réduira le coût de l’extraction. Lorsque le coût de l’extraction fait finalement monter le prix des ressources, l’épuisement global des ressources deviendra rapidement une préoccupation. Il est trop tard pour trouver une solution à un tel problème. Deuxièmement, les informations sur le profit d’une affaire reflètent mal la durabilité sur le très long terme. Par exemple, dans le secteur privé, la direction ne prend pas en compte en justes proportions la valeur monétaire future parce qu’elle escompte le flux de trésorerie futur. Alors, les ressources épuisables sont facilement remplacées par le flux de trésorerie actuel. Troisièmement, les informations sur le prix comme le coût et le bénéfice n’aident en rien à identifier la durabilité des ressources soi-disant en accès libre, même à court terme.
Ainsi, les informations suivantes devraient être incluses dans le bilan matériel pour être révélées. Premièrement, l’input et le produit pour les entités d’affaires devraient être enregistrés et divulgués du point de vue de « l’augmentation du taux de rendement ». Deuxièmement, un capital naturel géré par les entités d’affaires doit être enregistré et divulgué du point de vue du « maintien du capital naturel ». Troisièmement, le bilan matériel pour des biens produits par des entités d’affaires et les informations liées aux prestations rendues par l’homme, obtenues de ces biens produits (les voies d’utilisation, de maintien, de recyclage, etc…), doivent être divulgués du point de vue de « l’augmentation du taux d’obtention de prestations apportées par l’homme ».
La question de l’obtention d’un taux accru de prestations rendues par l’homme
Les produits manufacturés se détériorent progressivement lors de leur utilisation. Ils deviennent finalement incapables de produire des prestations apportées par l’homme et sont relâchés dans l’environnement naturel. La considération de l’ensemble des producteurs et utilisateurs de produits manufacturés augmentera les prestations rendues par l’homme par une certaine quantité de produits manufacturés jusqu’à leur retour dans l’environnement naturel. Les producteurs de biens peuvent augmenter les prestations rendues par l’homme, mentionnées ci-dessus, en développant des produits à durée de vie plus longue ou des produits qui permettent une utilisation cyclique aisée (le recyclage). Les utilisateurs de produits manufacturés peuvent contribuer à l’augmentation des services rendus par l’homme, mentionnés ci-dessus, en usant de produits avec soin et en les entretenant, le cas échéant, et par le recyclage de produits inutilisés.
Cependant, la plupart des producteurs vendent leurs produits pour avoir un revenu et ils n’ont aucune incitation à assurer une durée de vie plus longue de leurs produits. La durée de vie plus longue signifie la diminution du renouvellement de la demande. Les producteurs lutteront pour empêcher la diminution dans la demande en présentant une série de nouveaux produits pour rendre les produits vendus obsolètes ou pour créer une nouvelle tendance de façon à continuer à vendre leurs produits.
Par ailleurs, les utilisateurs de produits manufacturés contribueraient à l’augmentation de la durée de vie des produits et à leur utilisation par recyclage en concevant autrement leur consommation si les coûts économiques de la production des déchets, rappelés ci-dessus, sont institutionnalisés. Cependant, ils ne peuvent pas inventer de nouvelles utilisations à l’infini et l’entretien des prestations humaines est loin d’être assuré d’une façon adéquate pour les biens manufacturés. Les services (inadéquats) de réparation fournis sont étroitement liés à l’objectif de garantir une demande renouvelée de ses produits pour le producteur. Quand les biens manufacturés sont considérés par un consommateur comme des déchets, qui conserveraient néanmoins encore une valeur (comme un produit, une pièce détachée ou une matière première), en l’absence d’un marché et d’une technique spécifiques pouvant permettre leur réutilisation, ils ne vont probablement pas être utilisés efficacement par le consommateur.
Supposons qu’un producteur utilise une nouvelle méthode pour offrir seulement des prestations humaines tout en conservant la propriété des biens qu’il produit. Par exemple, le producteur vend aux consommateurs le droit d’utiliser une machine mais en garde la propriété. Dans ce cas, le développement de produits qui durent sera rentable pour le producteur qui devient alors un prestataire de services. Le producteur informera alors convenablement les consommateurs sur le meilleur moyen d’utiliser sa machine afin de ne pas réduire la valeur de son produit à cause d’une mauvaise utilisation.
Le passage d’une façon de faire des affaires, qui consiste à transférer la propriété d’un produit du producteur au consommateur (la vente), à une autre, qui consiste à offrir des services à un consommateur sans transfert de propriété (la vente de services ou la location) est appelé « servicizing »[2]. Un exemple de « servicizing » est celui d’un fournisseur de produits chimiques agricoles qui se transforme en un « exterminateur », ou d’un fournisseur de pétrole se transformant en prestataire de services de chauffage. Le développement complet du « servicizing » pousserait en avant l’utilisation cyclique des biens ainsi que le prolongement de leur durée de vie.
Le plus grand obstacle à l’extension du « servicizing » est la règle économique actuelle selon laquelle le coût de disposition des déchets non-industriels est couvert par les revenus fiscaux des autorités municipales auxquels les producteurs ne sont pas obligés de contribuer. La méthode de « servicizing », qui consiste à conserver la propriété des biens produits, forcera le producteur à payer le coût de disposition de ses produits. Donc, l’avancement du « servicizing » requiert l’introduction d’une règle économique qui impose le paiement par leurs producteurs du coût de disposition des produits comme des déchets.
Cette règle économique correspondrait à la « Responsabilité élargie du producteur » (EPR), proposée par l’OCDE[3]. L’EPR consiste à imposer l’impact environnemental d’un produit après consommation sur la responsabilité du producteur. Le but de l’EPR est l’internalisation, dans le prix du produit, d’un coût externe sans le paiement par un producteur, comme le coût de disposition des déchets. L’établissement d’une institution selon le principe de l’EPR requiert l’obligation pour une activité économique de payer le coût de disposition si elle n’est pas assurée sous forme de « servicizing ». Ce dernier permettra la collecte de produits peu défectueux pour faciliter leur mise à jour et leur recyclage. Cela valorisera fortement le « servicizing ».
La question de l’obtention d’un taux accru des services de l’écosystème
Ici, une dimension clé est l’utilisation maximale de l’énergie solaire. En effet, la société humaine n’a pas fait bon usage de l’énorme quantité de l’énergie solaire qui est disponible. La quantité d’énergie solaire qui joue un certain rôle comme énergie cinétique dans l’air, l’eau et comme l’énergie thermique pour la surface de la terre est environ 10 000 fois supérieure à celle que les humains consomment pendant un an. Par exemple, au Japon où se concentrent des activités économiques denses, la quantité d’énergie solaire sur le pays entier est plus de 100 fois plus grande que sa demande d’énergie. Ainsi, l’énergie solaire est une ressource libre qui s’inscrit dans la durabilité.
Certaines technologies utilisant l’énergie solaire sont en application, incluant celles qui obtiennent de l’énergie électrique comme le photovoltaïque, le vent, le générateur hydraulique et géothermique et comme celles qui utilisent l’énergie thermique (la pompe à chaleur solaire, les procédés de biomasse et les sources chaudes).
Actuellement cependant, les énergies fossiles représentent approximativement 90 % des énergies primaires principalement fournies dans le monde. C’est ainsi car l’énergie solaire, qui atteint la surface de la terre légèrement et d’une façon diffuse, est difficile à exploiter massivement et l’utilisation de l’énergie fossile est plus économique.
De même, il y a un besoin de développement de ressources décentralisées par les autorités locales car l’énergie renouvelable appropriée pour une zone varie énormément selon les régions. Au Japon, avec une terre abrupte et un climat pluvieux, la génération de puissance hydraulique sans barrage a un grand potentiel. Au Danemark, avec sa terre plate et son climat venteux, la création d’énergie éolienne serait appropriée. Même au Japon, l’énergie naturelle appropriée varie en fonction des régions. Par conséquent, les autorités locales doivent prendre l’initiative dans le développement de l’énergie renouvelable.
Par ailleurs, le gouvernement national devrait avoir l’obligation de créer des autorités compétentes et de procurer les ressources financières nécessaires aux autorités locales pour le développement et le maintien des énergies renouvelables. Le coût économique de l’émission de dioxyde de carbone ou de l’extraction de l’énergie fossile augmentera relativement la viabilité économique de l’énergie solaire. En outre, le gouvernement national doit introduire de nouvelles lignes à haute tension avec la technologie de l’information, « le petit réseau », pour accepter et satisfaire l’apport volatil des sources d’énergie renouvelable.
La question d’assurer la durabilité du capital naturel
Comme je l’ai examiné précédemment, il est impossible d’assurer la durabilité à très long terme d’un capital naturel qui soit accessible (ressources libre-accès) seulement avec les informations sur les prix, obtenues grâce au marché. La révélation du bilan matériel de manière comparable requerrait d’avantage d’attention de la part des participants du marché suivant la portée de leurs intérêts.
Cependant, il est incertain que cela assurera la durabilité du capital naturel approprié. Afin d’assurer la durabilité du capital naturel, des incitations financières devraient être institutionnalisées pour que des charges environnementales soient contrôlées en juste proportion et que la protection de la nature soit convenablement conduite. En plus, le coût économique, conformément aux charges environnementales appropriées sur un émetteur, se diffère du coût sur un responsable à l’origine de la demande, conformément au motif de la demande de financement.
La charge appropriée sera déterminée selon la valeur de la demande financière adéquate basée sur une idée de la charge sur l’unité engendrant la demande de financement. Elle sera déterminée selon que la charge diminue ou non en juste proportion les impacts environnementaux, c’est-à-dire, le niveau de l’incitation créée qui est fondée sur une idée de la charge conformément au degré de la cause provoquant ces impacts ; il serait juste de déterminer la charge suivant la valeur de l’impact environnemental.
La charge constitue une incitation et non un revenu. Donc, il est raisonnable de reverser le revenu de la mesure à la société comme une subvention pour davantage augmenter l’incitation et / ou réduire le poids des charges publiques existantes comme l’impôt sur le revenu et sur les sociétés et les dépenses de la sécurité sociale. Une institution de charge n’est pas limitée à la taxation. Elle inclut largement une institution de charges économiques encourues conformément aux émissions avec impact environnemental, comme le schéma de négociations des émissions.
Finalement, la charge économique sur un bénéficiaire du maintien de la nature est exigée pour garantir suffisamment le maintien de la nature avec un capital naturel durable. Ici de nouveau, deux types d’avantages doivent être discutés séparément. La première signification de l’avantage est celui tiré d’une mesure ou d’un projet conduit par une entité publique. Une telle idée mène à une notion de charger un bénéficiaire pour payer le coût de la mesure ou du projet. La seconde signification est liée à l’avantage provenant du capital naturel. Par exemple, quand l’existence d’une forêt contribue à l’alimentation de la source d’eau abondante, potable et propre, l’avantage découle du capital naturel de la forêt. Si la protection de la nature est exigée pour supporter ces services d’écosystème, les normes seraient établies de telle sorte que les bénéficiaires des services soient soumis à la charge conformément à l’avantage qu’ils en tirent.
La charge sur un bénéficiaire d’un capital naturel sera une mesure incitative et non une mesure pour garantir une source de revenu. À l’instar de la charge sur un responsable des impacts environnementaux, qui vise à encourager des actions pour réduire les impacts, la charge sur un bénéficiaire d’un capital naturel sera prélevée en vue d’encourager une action visant à payer les charges financières de maintien de la nature. La simple collection de charges économiques d’un bénéficiaire ne sera pas une mesure suffisante. Une mesure supplémentaire devrait l’accompagner pour fournir l’aide financière nécessaire à la réalisation d’une activité du secteur privé visant à protéger la nature, utilisant le revenu comme la ressource financière. Par exemple, une mesure raisonnable devra soutenir ceux qui travaillent vraiment pour le maintien de la forêt, avec le revenu fiscal provenant d’un bénéficiaire de la forêt.
Conclusion
Depuis la conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement en 1992, il a été largement reconnu que nous devons matérialiser l’idée du développement durable. Cependant, cela ne peut pas aboutir à des résultats satisfaisants si on l’associe à la politique de développement de ces 18 dernières années. Les pays développés gardent encore l’habitude de gaspiller les ressources tandis que les pays en développement continuent d’ignorer les problèmes environnementaux. Parmi les pays développés, les Etats-Unis et le Japon ne sont, jusqu’à maintenant, pas sensibles à ces nouveaux défis.
Il me semble que la source de ce manque de discernement est la définition incompréhensible que l’on nous propose du développement durable. Dans cet article, j’ai identifié les mots-clés, au travers des concepts fondamentaux clairement définis. Et la présentation d’un ensemble de politiques en a été déduite de façon logique, dans le but d’assurer le développement durable.
L’arrivée de nouveaux gouvernements, à la fois aux Etats-Unis et au Japon, apporte l’espoir de changer de politique. Les deux gouvernements introduisent l’idée des métiers verts (green jobs) et d’un nouveau contrat vert (green new deal). L’essentiel de la politique à appliquer est contenue dans cet article. J’espère juste pouvoir la voir aboutir.
Notes:
* Université de Chiba, Japon.
Texte traduit par Léa Dalle et Arthur Lemaire.
[1][1] Voir pour une analyse détaillée de ces différents aspects : H. Kurasaka, « Economics for ensuring sustainability-framework of ecological economics », in H. Kurasaka (ed), The environment-Sustainable Economic System, Keiso Shobo, à paraître (en langue japonaise).
[2] Allen L. White et Alii, Servicizing : The Quiet Transition to Extended Product Responsibility, Tellus Institute, 1999.
[3] OCDE, Extended Producer Responsibility : Guidance Manual for Government, 2001.