Les processus bidirectionnels de l’action collective transnationale : cadrage, identité, mobilisation et localisation

Dominique Caouette*

Carmen Diaz**

Émilie Béland***

Catherine Willis****

 

148Introduction

Depuis le soulèvement zapatiste au Chiapas en 1994, les manifestations contre le FMI et la Banque mondiale, les grandes mobilisations de Seattle contre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1999, celles de Québec contre la Zone de libre-échange des Amériques en 2001, celles de Gênes contre le Sommet du G 7 en 2001 et les rencontres du Forum social mondial, l’étude du militantisme transnational (aussi appelé action collective transnationale) et ses liens avec la mondialisation connaissent un essor sans précédent[1]. Aujourd’hui, les réseaux de militants(es), les mouvements sociaux et les Organisations non gouvernementales (ONG) qui se mobilisent et agissent de manière transnationale retiennent l’attention non seulement des analystes des mouvements sociaux, mais également celle des spécialistes des relations internationales[2].

Dans cet article, nous tentons d’élargir l’approche conceptuelle sur l’action collective transnationale en soutenant qu’une partie de cette littérature oublie, ou du moins n’accorde pas suffisamment d’attention, aux processus bidirectionnels qu’implique la transnationalisation. À travers l’étude de trois types de mouvance transnationale, nous proposons que la dynamique de transnationalisation génère, au-delà des ressources, des connaissances ou des alliés extérieurs, de nouveaux espaces identitaires et de nouvelles possibilités de conceptualiser l’espace local de lutte et de résistance. En ce sens, les dynamiques d’échelle développées entre autres par Masson[3] deviennent significatives, mais requièrent que l’on considère de manière distincte comment l’espace national et local devient la matrice sur laquelle s’exerce et se matérialise cette transnationalisation. Au niveau du contexte global, l’étendue et l’accélération de l’internationalisation de l’économie formelle et informelle est essentielle tandis que les contours de l’espace démocratique national agissent comme facteurs contextuels qui structu­rent les variances entre les trois formes de militan­tisme transnational étudiés ici, soit la solidarité et l’organisation paysanne au Sénégal, les luttes pour les libertés de la presse et d’expression au Mexique, et la résistance féministe à l’intégration économique dans les Amériques. La diversité des études de cas constitue, nous croyons, la richesse de notre démarche comparative. Surtout, elle démontre combien les processus transnationaux sont aujourd’hui communs au sein d’une grande variété d’acteurs non-étatiques anti / altermondialistes[4].

Avant de se pencher sur chacune des études de cas, il est utile de clarifier certains concepts et idées qui guident notre analyse et qui permettent de comparer ces exemples de transnationalisation. Ici, l’action collective transnationale réfère « aux campagnes coordonnées de la part de réseaux d’activistes contre des acteurs internationaux, d’autres États ou des organisations internationales »[5]. Ici, nous tentons d’explorer plus à fond une dynamique spécifique du cadre théorique récemment proposé par Sidney Tarrow, qui est celle des « processus politiques que les militants mettent en place pour lier leurs demandes locales à celles d’autres activistes au-delà des frontières nationales et aux institutions et régimes internationaux et processus globaux »[6]. Nous tentons d’étudier non seulement la manière dont les militants réussissent à lier le local au global, mais également de pousser la réflexion un cran plus loin et d’expliquer les effets de cette transnationalisation sur les luttes locales et les militants/es.

Ainsi, les questions qui guident notre recherche sont les suivantes : en quoi le développement de l’activisme transnational est-il comparable à travers différents contextes régionaux : Amérique latine et Afrique de l’Ouest ? Quelles sont les raisons qui motivent les militants à s’engager dans l’action collective transnationale ? De quelle façon réussissent-ils à inscrire leurs demandes et leurs luttes locales à l’intérieur de réseaux transnationaux ? Enfin, en quoi cette participation à l’action collective transnationale affecte-t-elle le militantisme aux niveaux local et national ?

1 – Contexte théorique

1.1 – L’émergence du questionnement

Notre démarche comparative se situe dans la foulée des études du transnationalisme initiées aux États-Unis au début des années 1970 par des spécialistes de l’économie politique internationale[7]. Ces derniers, préoccupés de comprendre les effets et l’impact des acteurs transnationaux, ouvraient alors un champ d’analyse novateur en relations internationales. Cependant, les critères définitionnels retenus étaient bien larges et incluaient tous « contacts, coalitions et interactions au-delà des frontières étatiques et qui ne sont pas contrôlés par les agences gouvernementales principalement responsables de la politique étrangère » (Ibid : xi, notre traduction). Subséquemment, les analyses du transnationalisme se sont orientées vers des enjeux plus spécifiques, tels que la coopération internationale et l’interdépendance[8], les régimes internationaux[9] et les communautés épistémiques[10].

Il faut attendre jusqu’au milieu des années 1990 pour qu’apparaisse un cadre conceptuel plus précis ainsi qu’une méthodologie pouvant permettre l’analyse des acteurs transnationaux non-étatiques[11]. Dans l’ouvrage collectif qu’il dirige et intitulé Bringing Transnationalism Back In, Thomas Risse-Kappen[12] simplifie le nombre de variables pouvant expliquer l’influence des acteurs transnationaux à deux, soit les structures domestiques et le degré d’institutionnalisation internationale. Il définit la première comme étant : « les arrangements institutionnels et normatifs qui forment l’État, structurent la société et qui lient les deux sur le terrain du politique », et la seconde comme « l’étendue du niveau de régulation de certains enjeux spécifiques soit à travers des accords bilatéraux, des régimes multilatéraux et/ou des organisations internationales.

À la même période, les spécialistes des mouvements sociaux se tournent de manière systématique vers une meilleure compréhension des mobilisations transfrontalières et de l’activisme transnational[13]. En parallèle, des chercheurs commencent à étudier de manière empirique l’impact des normes et des idées[14] et le rôle des acteurs non-étatiques, comme les ONG et les mouvements sociaux transnationaux[15], sur le comportement des États. Cet intérêt n’est pas le fruit d’un hasard. Loin des cercles universitaires apparaissent de nouvelles manifestations de mouvements transnationaux de résistance à la mondialisation néo-libérale[16]. On assiste également à une véritable multiplication de réseaux transnationaux et de coalitions d’ONG internationales autour de grands enjeux : l’environnement, les droits de la personne, les droits des immigrants et des peuples autochtones, la paix, etc.[17] et de grandes mobilisations et manifestations sont organisées en marge des rencontres des agences internationales et des organisations multilatérales (Banque mondiale, FMI, OMC, G-7, etc.). Enfin, au début des années 2000, le Forum social mondial s’organise, en marge du Forum économique transnational. Il s’est ainsi constitué par la convergence des travaux réalisés par les spécialistes des relations internationales et ceux des analystes des mouvements sociaux[18], selon plusieurs auteurs, dont Della Porta et de Davos.

1.2 Cadre conceptuel

Dans l’étude du militantisme par Tarrow, l’action collective transnationale s’explique par trois variables : la nature et la complexité de transfert de l’internationalisation actuelle, la structure d’opportunité à niveaux multiples et l’émergence d’un nouveau type d’activiste[19].

L’internationalisation complexe peut être décrite comme « l’expansion des institutions internationales, des régimes internationaux, et du niveau de ressources des acteurs locaux et nationaux au niveau international ce qui résulte en la création de menaces, d’opportunités, de ressources pour les ONG internationales, les mouvements sociaux transnationaux et indirectement pour les mouvements sociaux à la base »[20]. Deuxièmement, la structure d’opportunité à niveaux multiples est la résultante de l’interaction entre l’internationalisation complexe et les structures domestiques. Elle représente les possibilités et les ressources qui existent pour les acteurs non-étatiques, en particulier les activistes transnationaux, « de défier les élites politiques, et à l’occasion de collaborer avec certaines d’entre elles » et d’identifier des cibles à différents niveaux, national, régional et international[21]. Enfin, Della Porta et Tarrow proposent l’idée d’un nouveau type d’acteur social, les « militants cosmopolites enracinés » (rooted cosmopolitans) qui sont des personnes ou des groupes d’individus « enracinés dans un contexte national spécifique, mais qui participent de manière régulière à des activités qui nécessitent leur implication dans des réseaux transnationaux… » souvent organisés de manière peu structurée, polycentriques et qui se chevauchent[22]. Ces militants possèdent des identités flexibles et proposent une démarche marquée par une volonté d’inclusion et une appréciation positive de la diversité et de l’échange d’idées.

Comme l’admettent Della Porta et Tarrow, une des limites de leur approche conceptuelle est qu’elle a été élaborée dans une large mesure en fonction des spécificités historiques et sociales de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Un des défis ici est donc d’étendre la couverture géographique mais aussi de mieux spécifier l’impact de la transnationalisation, non pas sur les institutions multilatérales et nationales, mais plutôt sur les militants eux-mêmes et leurs mouvements. La présentation conjointe des différents cas nous permettra de faire ressortir cet impact. Plutôt qu’une analyse détaillée cas par cas, nous présentons brièvement les quatre études en soulignant le contexte particulier de l’émergence du processus de transnationalisation à la lumière de l’histoire de chacune des organisations et des réseaux retenus. Nous proposons ici que deux facteurs contextuels expliquent le mieux ce processus, soit l’accélération de l’internatio-nalisation de l’économie ainsi que les contraintes et les opportunités de l’espace démocratique national. Puis, les effets de cette transnationalisation sont analysés de manière comparative à la lumière des activités, des déclarations et des propositions mises en avant ainsi que des effets constitutifs au niveau de l’identité. Nous verrons que même si les cas considérés couvrent une large étendue de réalités nationales et régionales ainsi que de problématiques différentes, la mise en place d’actions transnationales par des acteurs de changement social locaux et nationaux est au cœur de processus bidirectionnels où la variété des échelles de militances interagissent pour modifier à la fois la perception du contexte de contestation, l’identité même des militants et l’élaboration de contre-discours. Par la suite, l’analyse reviendra sur la pertinence de l’approche proposée voulant que l’appropriation de l’action transnationale au niveau local constitue un axe essentiel à la compréhension des dynamiques contemporaines de résistance.

 2 – Études de cas

Les trois cas présentés ici reflètent les résultats de séjours de recherche menés au Sénégal, au Mexique et au Brésil. Les informations proviennent d’entrevues menées avec les membres des organisations et d’autres acteurs institutionnels et non-institutionnels du milieu, ainsi qu’une étude des documents produits par ces organisations. La présentation des cas s’amorce par le projet le plus restreint qui documente la collaboration entre une organisation non gouvernementale du Québec et des organisations paysannes du Sénégal. Elle se poursuit par l’étude d’un cas d’interaction entre des organisations mexicaines et des réseaux transnationaux sur la liberté de la presse. Après, toujours dans une perspective plus globale, nous nous penchons sur un mouvement transnational féministe en Amérique latine. Grâce à cette diversité d’acteurs et de problématiques, nous souhaitons démontrer que la transnationalisation des pratiques et des luttes est aujourd’hui devenue de plus en plus inhérente à l’action collective d’acteurs sociaux non-étatiques.

2.1 – La solidarité paysanne et un projet de développement au Sénégal[23]

Le premier cas ici étudié porte sur un projet de développement en agriculture en tant que processus transnational pour soutenir l’agriculture paysanne. Le projet, les Savoirs des Gens de la Terre (LSGT), a été élaboré par l’Union des producteurs agricoles – Développement international (UPA-DI). Il est mis en œuvre avec une organisation de formation agricole au Sénégal, le Centre interprofessionnel pour la formation dans les métiers de l’agriculture (CIFA). Deux organisations paysannes sénégalaises, la Fédération des périmètres auto-gérées (FPA) et l’Union des groupements paysans de Mekhé (UGPM), sont également partenaires du projet. Pour ces organisations, la libéralisation des échanges agricoles implique qu’un projet de développement doit aller au-delà de ses impacts économiques locaux à court terme mais également influencer les politiques agraires.

L’UPA-DI a été créée en 1993, par l’Union des producteurs agricoles, suite à la reconnaissance que « [s]e nourrir est devenu (…) un enjeu stratégique mondial devant lequel les milieux agricoles du Nord et du Sud ont tout avantage à s’épauler, à trouver des moyens novateurs d’intervention dans le contexte de libéralisation des échanges »[24]. Le projet étudié partage cette vision[25]. Ainsi, l’UPA-DI soutient « la ferme familiale comme modèle d’agriculture durable en appuyant des organisations paysannes démocratiques »[26]. Le projet LSGT promeut cette vision plus particulièrement à travers une valorisation des connaissances locales et un apport sur « des enjeux plus globaux »[27] dans le but de permettre aux participants de prendre des décisions éclairées[28].

 2.2 — Les ONG de la liberté d’expression au Mexique[29]

Alors que le premier paragraphe de l’article 13 de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme porte sur la liberté de pensée et d’expression, cette liberté de « rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce […] que ce soit oralement ou par écrit » (CIDH) est menacée au Mexique en raison d’un climat particulièrement dangereux pour l’exercice du journalisme. Durant le sexennat de Vicente Fox (2000-2006) vingt journalistes ont été assassinés au Mexique et cinq ont disparu[30]. 2006 a été l’année la plus meurtrière du journalisme mexicain, avec neuf assassinats et trois disparitions (Reporters sans frontières, 2007).

Le narcotrafic représente l’une des principales menaces pour le journalisme au Mexique[31]. Avec les luttes que se livrent maintenant différents cartels de drogue pour le contrôle de territoires à l’intérieur du pays et la corruption des forces de l’ordre, le Mexique fait face à une montée de violence qui a déjà fait des centaines de victimes depuis le début de 2007[32]. Dans ce contexte, plusieurs journalistes choisissent l’autocensure pour protéger leur sécurité physique. Ceux qui décident tout de même de mener leur travail d’enquête reçoivent des menaces, des pressions et dans les pires des cas sont victimes d’assassinats[33].

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) élèvent leur voix pour demander au gouvernement mexicain de mettre fin à l’impunité qui règne autour des crimes commis contre les journalistes. Selon les ONG impliquées, aucun de ces crimes n’a été résolu de manière « satisfaisante ». Les ONG demandent des enquêtes transparentes, faites dans le respect de la justice, et qui pourraient mener à l’arrestation des coupables, faisant appel aux obligations nationales et internationales de l’État à protéger la liberté d’expression et à punir les responsables d’un crime commis contre un de ses citoyens.

Cette deuxième étude de cas illustre le processus de transnationalisation d’ONG nationales mexicaines principalement grâce à leurs rapports avec des organisations non gouvernementales internationales (ONGI) et d’identifier les effets de ce processus. Les activités de cinq organisations sont ici considérées : le Centre national de communication sociale (CENCOS), la Fondation Manuel Buendia (FMB), qui font tous deux partie du Réseau de protection des journalistes et des médias de communication (la Red, pour son diminutif en espagnol), conjointement avec la correspondante de l’ONGI Reporters sans frontières au Mexique, la journaliste Balbina Flores, spécialisée dans le thème de la liberté d’expression, et finalement le Centre du journalisme et de l’éthique publique (Cepet). La liberté d’expression constitue l’enjeu central du travail de ces organisations[34].

2.3 – Réseau latino-américain des femmes transformant l’économie (REMTE)[35]

Ces vingt dernières années, les pays d’Amérique du Sud ont connu de profondes transformations économiques dues à l’imposition de programmes d’ajustement structurel et à la conclusion de traités de libre-échange. En réaction à ces transformations, plusieurs mouvements sociaux ont mis sur pied des coalitions transnationales afin de s’opposer au libre-échange et au néolibéralisme. La pertinence d’établir un lien entre les femmes et les politiques de libre-échange peut ne pas sembler évidente à première vue, même pour les groupes sociaux militant contre le néolibéralisme. Toutefois, force est de constater que les politiques macro-économiques ont eu un profond impact sur la vie quotidienne des femmes et leurs droits fondamentaux. Par conséquent, les femmes se sont mobilisées afin d’occuper un espace dans la lutte pour une économie favorable à tous et pour la justice entre les sexes. C’est le cas, notamment, du Réseau latino-américain des femmes transformant l’économie (REMTE) qui a contribué à créer des ponts à l’échelle régionale entre les enjeux touchant les femmes et l’économie. En abordant avec une perspective féministe des enjeux inhérents au libre-échange, le REMTE a réussi, à l’aide d’autres mouvements sociaux, à organiser une résistance qui promeut des alternatives tenant compte de l’équité entre les sexes. Selon cette perspective, l’avènement d’une économie juste, revendication principale des mouvements sociaux, n’est possible que si une attention particulière est accordée à la position socio-économique des femmes.

Le REMTE a été créé en 1997. Il se définit comme un « espace d’analyse et d’action tentant de contribuer à l’appropriation critique de l’économie par les femmes au moyen de la production d’idées, de débats, d’actions et d’initiatives politiques »[36]. Le REMTE est présent dans dix pays d’Amérique latine et rassemble la participation de femmes en provenance de différents horizons, régions urbaines et rurales et diverses ONG et organisations citoyennes. Il est devenu un acteur clé au sein d’organisation comme le Conseil international du forum social mondial et l’Alliance sociale continentale, où il tente « d’élaborer un agenda global qui prenne en compte la perspective féministe. » (Leon, 2007, notre traduction) En ce sens, le REMTE n’est pas seulement critique envers le libre-échange, mais également envers les mouvements sociaux susceptibles de reproduire, dans leur discours et leurs stratégies contre les traités de libre-échange, les inégalités entre les femmes et les hommes.

 3 – Les processus de transnationalisation

Dans cette première partie de l’analyse comparative, nous tentons de comprendre la manière dont se mettent en place les processus de transnationalisation. D’emblée, nous pouvons affirmer que l’émergence de liens transnationaux est le résultat d’une prise de conscience commune des parallèles et des similarités entre différentes situations vécues localement mais qui sont les conséquences de politiques et d’activités transfrontalières. La transnationalisation vise également l’obtention d’un plus grand impact sur le plan local à travers la formation d’alliances et d’appuis solidaires.

Dans le cadre de l’UPA-DI et des organisations sénégalaises, le projet de développement est utilisé comme un outil de défense de l’agriculture familiale. Dans le cadre du projet, la vision de l’UPA est partagée à travers des formations, réparties sur trois à cinq ans, pour des élus et des membres de chacune des deux organisations sénégalaises partenaires. Le financement fourni par l’UPA-DI permet la réalisation des projets des organisations et de leurs membres qui soutiennent le développement des entreprises agricoles familiales[37]. Les formations portent sur des sujets tels le savoir-vivre dans les organisations, les droits, la citoyenneté paysanne, le commerce international et la gestion et mise en œuvre de projets. Des échanges annuels entre producteurs sénégalais et québécois font aussi partie du projet[38].

Au Mexique, la Fundación Manuel Buendía (FMB) commence dès 1988 à compiler les menaces et les attaques commises envers les journalistes au Mexique et publie les premiers Recensement des attaques (Recuento de daños). En 1996, un groupe d’ONG forme la Red (le Réseau) et commence à publier conjointement avec la FMB, le Recensement[39]. Peu de temps après, Cencos devient membre d’IFEX, ce qui permet au Réseau de diffuser ses alertes au niveau international pour dénoncer les faits et prévenir que d’autres attaques ne se produisent. De plus, une membre de la Red, Balbina Flores, est correspondante de Reporters sans frontières pour le Mexique, ce qui permet dans certains cas à la Red et aux autres organisations locales de s’afficher comme partenaires de RSF et de profiter ainsi d’une plus grande visibilité, y compris au niveau international.

Dans le cas du REMTE, sa formation ne s’est effectuée que de manière graduelle. Celui-ci s’est constitué à partir des contacts préalables entre les organisations mexicaines et péruviennes, qui ont été rejointes par la suite par d’autres organisations de femmes situées dans quatre autres pays[40]. Pour créer ces liens, il a fallu, comme l’explique Leonor Concha, ex-coordinatrice du REMTE, entretenir une communication soutenue « afin de convaincre les organisations concernées que cette alliance est bénéfique à tous » (entrevue avec Leonor Aida Concha, janvier 2007). Plus spécifiquement, différentes occasions de rencontres directes entre ces groupes ont permis la conceptualisation et la mise en place d’un réseau transnational. Rosa Guillen, également une membre fondatrice originaire du Pérou, rappelle que les premières discussions sur la volonté de créer un réseau ont eu lieu au cours de l’atelier Globalizacion del Neoliberalismo y Justicia Economica para las Mujeres tenu au Chili en 1996. Un an plus tard, un autre séminaire portant sur les femmes et l’intégration économique mondiale a été organisé par les Mexicains et les Péruviens et a eu lieu cette fois à Lima (Rosa Guillen, communication personnelle par courriel, novembre 2006). Ce séminaire constitua une importante opportunité pour les organisations féministes de discuter ensemble des effets des restructurations économiques en Amérique latine et de leur impact sur la vie quotidienne des femmes.

Dans les trois cas ici étudiés, le processus de transnationalisation est relativement nouveau. En effet, dans tous les cas, ces différentes formes de transnationalisation prennent place dans un contexte de mondialisation économique et d’augmentations de différents types de flux transnationaux (allant du narcotrafic à l’intégration économique). Tel que décrit, cette formation de liens et la mise en place d’actions transnationales et de réseaux transnationaux naît de la prise de conscience qu’il existe des luttes et des défis communs à confronter qui traversent l’espace national. Il convient maintenant de s’interroger sur les effets de cette transnationalisation.

4 – Les effets de la transnationalisation

Si l’on tente d’appréhender les effets des processus de transnationalisation, quatre types apparaissent les plus évidents : la constitution graduelle de nouveaux répertoires d’action collective, de nouvelles formes de cadrage, le renforcement des organisations ainsi que la constitution de formes identitaires partagées. Ainsi, de nouvelles activités et manières d’agir et façons de penser le militantisme se mettent en place et, d’autre part, de nouvelles identités apparaissent. Au-delà d’une vision instrumentale qui propose que la transnationalisation de l’action collective cherche seulement à obtenir une plus grande influence ou de contourner un État réfractaire[41] ou une organisation internationale peu encline à considérer les points de vue des acteurs de la société civile[42], il apparaît essentiel également de considérer les effets de ces processus sur les acteurs eux-mêmes.

4.1 – L’agriculture et l’économie paysanne

Dans le cas du projet « Les savoirs des gens de la Terre » (LSGT), au-delà des retombées économiques directes que le projet a pu créer au Sénégal, il est possible de discerner trois effets principaux. Premièrement, l’identité paysanne se renforce au sein des participants. Cette identité partagée se manifeste de deux façons : tout d’abord, les participants tant Sénégalais que Québécois reconnaissent qu’on peut sortir de la pauvreté et améliorer le milieu à travers le développement de l’agriculture et qu’il existe une nouvelle volonté de travailler conjointement avec les autres producteurs du pays et ceux à l’extérieur du pays.

Deuxièmement, même si un impact significatif au niveau des politiques agricoles ne peut être encore perçu, les participants réfléchissent davantage aux moyens par lesquels ils peuvent utiliser les structures organisationnelles dont ils sont membres pour faire avancer leurs objectifs. Ainsi, en connaissant davantage les lois et la conjoncture internationale, ils sont capables d’envisager un répertoire de moyen d’action plus large, et ce, à différents niveaux (local, régional, national et international) alors qu’auparavant, il existait un certain défaitisme. Troisièmement, le langage même et la manière d’exprimer leurs convictions sont modifiés. On remarque particulièrement l’utilisation du langage des droits par les participants dans plusieurs contextes : le droit d’agir vis-à-vis des politiques du gouvernement, le droit de lire et d’écrire, le droit de parole, etc.

Avec une meilleure connaissance des lois et des enjeux internationaux, les membres des organisations paysannes sont plus en mesure de comprendre les initiatives de leurs faîtières et d’autres organisations œuvrant dans l’agriculture et les politiques agricoles. D’ailleurs, on remarque une multiplication de lieux de débats : les débats actuels au niveau de la ROPPA (regroupement paysan sénégalais) sont reflétés dans les débats dans les groupements de base des organisations paysannes. Sur le plan transnational, le projet n’a pas seulement permis une conscientisation des enjeux plus larges, mais a permis la formation de nouveaux liens et une conscientisation de l’importance de ces liens. La place des individus dans ce processus ne peut être sous-estimée. Tandis qu’il est difficile de quantifier ces liens, le fait qu’une famille de producteurs québécois et un producteur québécois, indépendants l’un de l’autre, soient venus visiter les groupes sénégalais travaillant avec l’UPA-DI n’est pas insignifiant. La famille partie au Sénégal a tenu à remercier en particulier les producteurs sénégalais pour le soutien que ceux-ci ont offert pour le système de gestion de l’offre utilisé au Québec qui est mis en péril par les négociations à l’OMC.

4.2 – La liberté de presse au Mexique

Dans le cas des réseaux de défense de la liberté d’expression aux Mexique, le processus de transnationalisation renforce les capacités d’action nationales. Ainsi, ce processus devient un outil stratégique pour ces réseaux. En effet, ces derniers entreprennent des actions pour un plus grand respect de la liberté d’expression au Mexique en s’appropriant un cadrage et des stratégies habituellement associées aux actions de plaidoirie des droits de la personne au niveau transnational. En plus de créer de nouveaux espaces politiques de débat avec l’État, l’adoption et l’adaptation de la méthodologie des droits de la personne, soit « promouvoir le changement en rapportant les faits »[43], leur permet d’élargir leur réseau de partenaires avec les organisations non gouvernementales internationales (ONGI) et les organisations internationales.

Les traités internationaux offrent de nouvelles possibilités de cadrage aux ONG mexicaines qui peuvent alors affirmer qu’une problématique, telles les exécutions sommaires des journalistes, est criminelle à la fois selon les lois nationales mais aussi le droit international et contraire aux obligations internationales du Mexique[44]. Ainsi, on peut observer une certaine homogénéisation des stratégies des ONG et des ONGI autour de la « méthodologie des droits humains ». Par exemple, après l’assassinat du journaliste Roberto Mora Garcia, l’ONG Cepet et ses partenaires ont procédé à une mission d’enquête (la Commission En Memoria), une activité habituellement associée aux ONGI des droits humains avec plus de moyens, par exemple Amnistie internationale. Bien que Reporters sans frontières se soit joint à la Commission par le biais de sa correspondante au Mexique, sa mise en place et sa méthodologie viennent directement de la directrice du Cepet. L’adhésion au réseau a ici renforcé l’application de cette méthodologie. Dans le cas de la participation de Cencos au réseau IFEX, il est approprié de parler d’extension de la stratégie puisque la compilation des attaques et des menaces se faisait préalablement à l’adhésion au réseau international. Cette adhésion a cependant permis créer un nouvel espace de diffusion afin d’augmenter la mobilisation et favoriser la recherche d’appuis internationaux.

Enfin, la transnationalisation de leurs cadrages et de leurs stratégies permet aux ONG d’ouvrir de nouvelles opportunités politiques par rapport aux autorités mexicaines. Par exemple, en 2006, 22 ONG nationales, locales et internationales dont Cencos et Reporters sans frontières se sont réunies avec le Ministère public en charge des délits commis contre les journalistes[45]. De même, le Cepet a eu l’occasion de rencontrer diverses instances gouvernementales dans le cadre de la Commission In Memoriam et de la campagne Pas un de plus. Différentes formes de levier politique ont également été créés à travers différentes interactions avec la Commission et la Cour ainsi qu’avec le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression dans les Amériques. Ces interactions ont été facilitées par les collaborations avec les ONGI.

4.3 — La place des femmes dans l’économie latinoaméricaine

Dans le cas des mouvements féministes latino-américains, les effets de l’implication de mouvements nationaux au sein d’efforts transnationaux ont surtout eu pour effets de renforcer ces mouvements et de permettre l’émergence d’une identité commune. En 2000, plusieurs organisations membres de la REMTE ont participé à la Marche mondiale des femmes[46]. Selon la militante Roman, cette expérience a permis aux différentes organisations de femmes : « de mettre ensemble les processus d’émancipation et de développer les potentiels organisationnels (…), de (…) donner l’occasion de rassembler de nouveaux groupes dans un espace commun, (…) de favoriser une meilleure intégration (…) et de contribuer énormément dans l’organisation du mouvement » (entrevue avec Sara Roman, janvier 2007). Pour sa part, Rosario Quispe, représentante des Amériques pour le Secrétariat international de la Marche mondiale des femmes affirme que cette expérience « a favorisé l’intégration de groupes qui étaient auparavant dispersés » (entrevue avec Rosario Quispe, janvier 2007).

Apprendre sur la diversité des mouvements des femmes a été une étape importante dans la construction d’une identité collective. Comme la coordonnatrice de l’Espace féminin latino-américain, Miriam Martinez, le mentionne « nous avons réalisé la diversité des regroupements de femmes : syndicats, professeurs, organisations citoyennes, ONG. Il me fut alors possible d’enrichir mon travail sur les enjeux touchant le rapport entre les sexes » — une opinion partagée par plusieurs répondantes (entrevue avec Miriam Martinez, janvier 2007). Selon Rosario Quispe, ceci a créé un sentiment d’ « unité et l’impression d’être intégré à l’échelle mondiale. La perception qu’un problème vous touche de manière globale permet d’élargir notre vision et, ensemble, il devient possible de créer une force capable de lutter contre ce problème. » (entrevue, janvier 2007)

Une autre contribution importante de ce type de mobilisation a été d’encourager les femmes à la participation politique. Selon Leonor Concha, plusieurs comités provinciaux ont été créés pour mettre sur pied la Marche mondiale des femmes, engendrant diverses répercussions positives telles « la participation, la conscientisation et la politisation des femmes ». Concha croit que cette expérience a aussi augmenté « la visibilité des femmes et la consolidation de leur organisation ». Elle ajoute que pour plusieurs femmes il y a eu un « avant » et un « après » la Marche mondiale des femmes. Ainsi, cet événement a constitué un important outil éducationnel pour les femmes tant en ce qui concerne l’organisation que la mobilisation et la pression politique pour le respect de leurs droits à travers un recadrage des demandes (entrevue avec Leonor Concha, janvier 2007).

De plus, cette expérience a contribué à l’obtention d’une meilleure position au sein d’autres coalitions transnationales de mouvements sociaux et ainsi d’amplifier les répertoires d’action collective. La campagne de 2004 contre le traité de libre-échange des Amériques en constitue un bon exemple. Comme l’explique Leonor Concha : « Nous avons participé à la campagne de l’Alliance sociale continentale et la consultation[47] parce que nous avions déjà l’expérience de l’étape préliminaire à la Marche mondiale des femmes, la consultation nationale sur les droits des femmes » (entrevue, janvier 2007). La Marche mondiale des femmes au Mexique a aussi été l’occasion pour les organisations de femmes de développer différents outils (une caravane et une consultation nationale) et d’établir un consensus autours de deux angles d’attaque (la pauvreté et la violence).

En somme, l’impact de l’implication des femmes au sein de mouvements transnationaux sur le développement de leurs propres mouvements est fondamental. En effet, l’opinion selon laquelle un réseau est valide seulement s’il permet de renforcer les processus nationaux revient de manière récurrente auprès des femmes interviewées. Pour ces femmes, la possibilité de consolider les mouvements féministes locaux était le critère fondamental qui a influencé leur décision de participer ou non aux campagnes transnationales[48]. Cette opinion est partagée par Quispe, qui met en garde les organisations nationales de ne pas se laisser absorber par les revendications internationales : « c’est un processus à deux sens et il est nécessaire de rester ancré dans le cadre national afin de contribuer au mouvement transnational » (entrevue, janvier 2007). Roman affirme que « le réseau est viable dans la mesure où il comporte des organisations ancrées dans le cadre national. C’est bien d’avoir les ressources et la possibilité d’élargir notre vision, mais il est important de garder les deux pieds sur terre. Autrement vous avez une organisation en apparence, mais rien à l’intérieur, (…) une grosse tête sans pied » (entrevue, janvier 2007).

 5 – La transnationalisation de l’action collective : processus bidirectionnels

Après avoir étudié les effets de la transnationalisation de l’action collective, il importe maintenant de se questionner sur les dynamiques propres à ce phénomène. À la lumière de la discussion précédente, il ressort que celles-ci peuvent se concevoir telle une variété de processus bidirectionnels marqués par une dynamique réciproque et régulière d’interaction entre le local, le national et le mondial. On peut ainsi concevoir la transnationalisation à la fois comme une source de transformation non seulement de l’espace public par la création de nouvelles opportunités politiques, mais aussi même des acteurs eux-mêmes. Tels qu’observés, les groupes et organisations qui s’engagent dans un processus de transnationalisation changent, que ce soit au niveau organisationnel, au niveau identitaire ou encore au niveau des cadres et des modalités de l’action collective. Les études de cas présentées démontrent comment des enjeux globaux en viennent à influencer et modifier le cadrage des enjeux locaux, afin de provoquer des changements à un niveau local ou national. En même temps, ces processus bidirectionnels sont rendus possibles grâce à l’accélération des échanges de toutes sortes entre les organisations de la société civile et l’institutionnalisation de plus en plus étendue de normes internationales. Ainsi, au niveau macro, l’internationalisation de l’économie formelle et informelle et la légitimité des droits de la personne et de l’importance de l’action de la société civile comme facteurs contextuels constituent la matrice sur laquelle s’articule ces processus transnationaux.

Dans le cas du Sénégal, la libéralisation des échanges agricoles a fait en sorte que l’UPA a vu l’intérêt de créer l’UPA-DI afin de soutenir sa vision de l’agriculture paysanne et ainsi appuyer d’autres organisations dans des pays en voie de développement. Parmi les constats les plus intéressants qui ressortent de ce cas d’étude, nous remarquons tout d’abord que le lien transnational est certes important, mais que son importance dans le court terme se trouve au niveau local. À travers la participation aux ateliers et aux formations offertes par l’UPA-DI, les participants non seulement développent une meilleure compréhension des enjeux mondiaux qui confrontent l’agriculture, mais aussi à de nouvelles possibilités et idées quant au fonctionnement de leurs organisations. Ces idées viennent alimenter les dynamiques organisationnelles et permettent aussi la mise à l’agenda de nouveaux objectifs et de modes d’action collective. Dans ce cadre, la mise en place de liens transnationaux vient directement informer les actions locales. Dans une perspective à long terme, nous pouvons imaginer qu’au fur et à mesure que les organisations paysannes deviennent plus fortes et mettent en place des projets plus ambitieux, seules ou avec leurs faîtières, leur capacité d’influencer des politiques nationales croîtra et elles pourront jouer un rôle plus grand dans les réseaux transnationaux qui contestent la libéralisation des marchés.

Pour les militants et militantes mexicaines pour les droits des journalistes et la liberté d’expression, les ONGI et les organisations gouvernementales internationales (OGI) représentent des homologues potentiels qui offrent la possibilité de ne pas avoir à travailler de manière isolée, mais aussi ces liens permettent d’informer et renforcer le travail au niveau local et ainsi « être plus fort dans l’exécution des tâches » (entrevue avec Omar Raul Martinez, décembre 2006), et « pour profiter des connaissances de chacun » (entrevue avec Brisa Maya Solís, décembre 2006) pour reprendre les expressions de ces militants. Même si les ONG présentées dans cette étude n’ont pas encore réussi à obtenir du gouvernement mexicain qu’il respecte pleinement ses obligations internationales, les liens transnationaux qui ont été établis par rapport à cette problématique des droits humains a permis la transmission de cadres normatifs, de stratégies et d’informations pouvant être mis en place au niveau local et national. S’il est vrai que les ONG ont internalisé le discours des droits humains et les stratégies habituellement associées aux ONGI, les organisations mexicaines ont été proactives dans l’adaptation et l’apprentissage de nouveaux moyens de pression. Par exemple, suite à l’adhésion de Cencos au réseau IFEX, Cencos a pu mieux comprendre et adapter une stratégie de mobilisation et d’action collective préalablement définie et utilisée par IFEX. Tout comme pour les organisations paysannes sénégalaises, la transnationalisation peut être analysée comme un outil stratégique d’apprentissage et d’enrichis-sement pour les organisations locales ou menant des actions à un niveau national. De plus, les OGI et les ONGI sont importantes pour l’action nationale en raison des ressources financières et de la plus grande visibilité qu’elles procurent aux ONG[49] et ajoutant ainsi un certain capital symbolique. Il devient alors possible pour les ONG nationales de la liberté d’expression de soutenir qu’une attaque envers un journaliste mexicain est un crime condamné internationalement par les normes de droits humains. Ceci leur permet de se définir comme les « gardiens » locaux d’une norme internationale.

Avec le REMTE, des organisations de femmes réagissent à une situation problématique qu’elles attribuent au néo-libéralisme et qui a des impacts directs sur leur vie quotidienne et la protection de leurs droits. En ce qui concerne la liberté d’expression au Mexique, elle est menacée par un contexte où une plus grande souplesse des frontières entre les États-Unis et le Mexique nécessaire au libre-échange et le durcissement dans l’application des politiques de lutte contre la drogue ont augmenté les activités du crime transnational organisé sur le territoire mexicain tout en les rendant plus violentes. Les différents réseaux et ONG réagissent ainsi à des problématiques exacerbées par un ensemble de facteurs contextuels externes en voulant permettre à leurs membres de se placer comme des acteurs de changement.

Conclusion

Jusqu’à présent, une bonne partie de la littérature sur le militantisme transnational met l’accent sur l’internationalisation des réponses de la société civile comme réponse à l’internationalisation de l’économie et aux enjeux de gouvernance mondiale[50]. D’autres proposent que la mise en place d’ONG locales et nationales serait la conséquence de l’avènement et la diffusion d’une culture mondiale et de certaines formes de mimétisme institutionnel[51]. Ce que démontrent nos études des cas, c’est plutôt que si le contexte international, y compris la mondialisation des marchés et l’institutionnalisation grandissante de normes internationales, ont un impact sur les enjeux locaux, il faut comprendre son appropriation et ses effets au niveau identitaire pour saisir comment les liens transnationaux se co-constituent[52]. Ainsi, une meilleure compréhension de la transnationalisation devient possible lorsque les dynamiques aux niveaux local et national sont considérées. Comme il a été ici présenté, lorsque des organisations locales et nationales déjà existantes (CIFA, FPA, UGPM, Réseau mexicain de protection des journalistes, Cepet, organisations membres du REMTE) établissent des liens transnationaux, elles deviennent partie prenante au sein de différents réseaux internationaux (IFEX, REMTE), mais leurs terrains d’engagement et leurs objectifs de changements restent la plupart du temps à l’intérieur des frontières de leurs pays ou de leurs communautés.

Cette connexion transnationale apporte aux militants des possibilités de recadrage de leurs problématiques en des termes qui permettent de se référer à des normes internationales déjà acceptées (le respect de la liberté de la presse) ou à des processus globaux (lien entre femmes et néo-libéralisme, la place des pays du Sud dans l’économie mondiale). En même temps, cette connexion fournit des outils stratégiques qui facilitent l’action au niveau domestique par le biais de formations, d’activités communes, de transmission de connaissances, etc.[53]. Cet apport du transnationalisme va au-delà de la transmission de nouveaux cadrages et d’outils pour l’action collective en permettant la redéfinition de l’identité des acteurs non plus seulement aux niveaux national et local mais dans un espace mondial. Par la même occasion, cette redéfinition de l’espace de luttes sociales permet de créer de nouvelles opportunités de mobilisation. Il devient donc plus adéquat analytiquement de considérer la transnationalisation tel un processus bidirectionnel où la dynamique de construction identitaire est en constante définition à travers les différents niveaux d’interactions (local, national et transnational).

Cette redéfinition identitaire ressort particuliè­rement dans le cas des paysans sénégalais partici­pant au projet de l’UPA-DI. Grâce à la reconnais­sance nouvelle du pouvoir de l’agriculture comme un moyen de sortir de la pauvreté, des différentes possibilités d’organisations et de leurs connaissan­ces sur les enjeux globaux qui touchent leur pratique agricole, les paysans sont à même de s’identifier comme des acteurs du changement au niveau local. Cette nouvelle perception de leurs capacités d’influence fait que les paysans voient des opportunités d’action là où ils croyaient ne pas pouvoir agir auparavant, d’où le terme opportunités politiques subjectives.

Cette perception de la possibilité d’action est essentielle aux acteurs pour qu’ils entreprennent des actions visant un changement. Dans le cas du REMTE, la création de cet « espace d’analyse et d’action » permet aux groupes de femmes latino-américaines de créer leurs propres espaces de réflexion permettant la mise en commun d’expériences et l’élaboration d’actions coordon­nées. Tout comme dans le cas sénégalais, la trans­nationalisation permet le développement d’une identité commune favorisée par la prise de cons­cience de l’ensemble des problématiques reliées à l’économie mondiale qui touchent les femmes. Cette transnationalisation permet ensuite aux acteurs d’élargir leurs perspectives et leurs possibi­lités d’action, modifiant leur façon de travailler ensemble et ensuite d’agir sur leur contexte national propre, cible ultime des mouvements.

En contribuant à la transformation du cadre d’action et de référence des mouvements et à leurs capacités, grâce à la prise de conscience des opportunités existantes, la transnationalisation a des effets sur les mouvements et organisations. Que les acteurs aillent eux-mêmes chercher le support transnational (ONG de la liberté de la presse), qu’ils créent un nouvel espace (REMTE), ou que l’opportunité se présente à eux (FPA, UGPM), dans toutes les études les organisations nationales et locales sortent renforcées de ce processus. Grâce à une meilleure compréhension des enjeux, elles peuvent agir et prendre des décisions plus informées. De plus, elles sont à même de mieux situer ces enjeux dans un contexte plus large, de mieux organiser leurs ressources, de créer de nouveaux espaces d’échanges, de travailler en réseaux et de diversifier leurs discours et stratégies d’action. Les objectifs prioritaires des mouvements et des réseaux ne sont pas uniquement d’influencer les autorités gouvernementales mais aussi d’arriver à se renforcer.

À travers le cumul de ces apports transnationaux, les organisations, les réseaux et mouvements nationaux et locaux augmentent leurs actions vis-à-vis les autorités et également leur participation politique. Ainsi, ces acteurs domestiques insérés dans divers réseaux transfrontaliers deviennent des agents de transformation sociale en changeant « la vie quotidienne en sites cruciaux de contestation politiques »[54]. L’ouverture sur le monde crée ainsi une nouvelle ouverture sur le local, le site de l’action.

En terminant, il nous semble pertinent de revisiter l’un des concepts présentés dans l’introduction, soit celui des rooted cosmopolitans de Tarrow. Nos études de cas ont su révéler les limites et les possibilités qu’offre ce concept. Certes les acteurs qui aident à formuler les idées et à traverser les frontières pour créer et soutenir des liens transnationaux sont importants, mais les changements locaux et nationaux se réalisent à partir des membres de communautés ou de réseaux nationaux qui gagnent en connaissant mieux les enjeux internationaux et y réagissent au niveau de leur communauté.

Dans le cas du Sénégal, il est ressorti que la possession d’une connaissance de ce qui se passe dans le monde était indispensable pour que les répondants conçoivent une solidarité entre les paysans du monde et anticipent et adoptent certai­nes solutions au niveau local. Tout comme au Mexique, la connaissance des normes internatio­nales et des organisations internationales pour la protection de la liberté d’expression a permis aux journalistes mexicains de situer leurs luttes quoti­diennes et leurs revendications dans un contexte plus large. Ainsi, en parallèle à l’émergence de cosmopolites enracinés, l’idée d’une forme de localisme cosmopolitique « cosmopolitan localism »1 nous apparaît tout aussi importante. Ce processus serait celui par lequel une communauté ou une organisation en vient à appréhender son environnement en prenant en compte des enjeux globaux qui l’affectent pour pouvoir y réagir, et en même temps se rendre compte qu’il existe d’autres communautés avec d’autres besoins.

Les cas présentés ici proviennent de différentes parties du monde et représentent une variété de formes organisationnelle et d’échelles de collaborations transnationales. À partir de ces cas, nous avons pu considérer les dynamiques bidirec­tionnelles de la transnationalisation de l’action collective et de la coexistence des niveaux trans­national, national et local. Notre analyse a révélé un ensemble d’effets des processus bidirectionnels tant au niveau des dynamiques organisationnelles, des cadres d’action collective, des espaces de par­ticipation politique que de la constitution de nouvelles formes identitaires. Bien que l’internationalisation des enjeux (agriculture, narcotrafic, commerce, économie) et l’institutionnalisation des normes internationales soient ressorties comme des facteurs-clé pour l’émergence d’action collective transnationale, nous avons toutefois constaté que les impacts aux niveaux des organisations locales et nationales sont déterminants. Deux pistes de recherche nous apparaissent prometteuses, la première est celle de tester sur un ensemble plus grand de cas l’idée que transnationalisation de l’action collective permet la mise en place d’une variété de processus bidirectionnels. Ceci permettrait à notre avis de mieux saisir l’impact de la transnationalisation sur les dynami­ques locales et nationales. Enfin, la proposition d’un localisme cosmopolitique mérite d’être exa­minée de manière plus systématique afin d’en évaluer la pertinence et ainsi voir en quoi les actions collectives considérées comme locales ou micro recèlent une plus grande complexité que souvent appréhendées.

 

Sources

Sources primaires pour l’étude 1 (Sénégal)

Entrevues tenues au Sénégal par Catherine Willis avec :

7 élus de la FPA qui participent au projet LSGT.

7 élus de l’UGPM qui participent au projet LSGT.

6 membres d’un des groupements de la FPA qui participent au projet LSGT.

6 membres d’un des groupements de l’UGPM qui participent au projet LSGT.

Élus et administrateurs du gouvernement sénégalais et des agences gouvernementales.

Représentants d’autres réseaux du mouvement paysan sénégalais (CNCR, ROPPA, FONGS).

Les collaborateurs du projet du CIFA et de l’UPA-DI.

Documents et autres :

UPA-DI. Document de projet : Les savoirs des gens de la terre. Document de présentation. Septembre 2004.

CNCR. <http://www.cncr.org/&gt; (consulté le 1er mai 2007).

ROPPA. <http://www.roppa.info/&gt; (consulté le 1er mai 2007).

UPA-DI. <http://www.upa.qc.ca/fra/qui_sommes_nous/groupes/upa_internationale.asp&gt; (consulté le 30 avril 2007).

 Sources primaires pour l’étude 2 (Mexique)

Entrevues tenues au Mexique par Émilie Beland avec :

Brisa Maya Solis, directrice du Cencos.

Omar Raúl Martínez, directeur de la Fundación Manuel Buendía.

Documents et autres :

Arróyave, Teodoro Rentería. 67 los periodistas asesinados. <http://alainet.org/active/16765&lang=es&gt; (consulté le 20 avril 2007).

Cepet. Declaración Contra la Violencia a Periodistas y por la Plena Libertad de Expresión en México . <http://www.cepet.org/pndeclara2004.htm&gt; (consulté le 27 avril 2007).

Commission interaméricaine des droits de l’Homme. Convention américaine relative aux droits de l’Homme. <http://www.cidh.oas.org/Basicos/frbas3.htm&gt; (consulté le 8 mai 2007).

Échange international pour la liberté d’expression. Qui sommes-nous ? <http://www.ifex.org/fr/content/view/full/51057/&gt; (consulté le 2 mai 2007).

Fiscalía Especial para la Atención a Delitos Cometidos contra Periodistas, document officiel.

Sources primaires pour l’étude 3 (Amérique Latine)

Entrevues tenues dans la ville de Mexico par Carmen Diaz :

Leonor Aida Concha, Gender and Economy Network, ex-coordinator of the Latin American Network of Women Transforming the Economy (décembre 2006, janvier 2007).

Miriam Martinez, Gender and Economy Network and Mesoamerican Women’s Space (janvier 2007).

Sara Roman, Gender and Economy Network and MUTUAC (janvier 2007).

Rosario Quispe, Gender and Economy Network and representative for the Americas at the World March of Women.

 Documents et autres :

REMTE. 2001. <http://www.movimientos.org/remte/show_text.php3?key=693&gt; (consulté le 18 octobre 2006).

Rosa Guillen, Latin American Network of Women Transforming the Economy, Pérou. Communication par courriel par Carmen Diaz.

Magdalena Leon. REMTE : Una organización de mujeres <http://www.movimientos.org/remte/&gt; (consulté le 2 janvier 2007).

 

Notes:

* Département de science politique, Université de Montréal

** Département de science politique, Université de Montréal

*** Département de science politique, Université de Montréal

**** Département de sociologie, University of Wisconsin – Madison

[1] Joe Bandy et Jackie Smith (sous la dir. de), Coalitions Across Borders : Transnational Protest and the Neoliberal Order, Rowman and Littlefield, Lanham, 2004 ; Sidney Tarrow, The New Transnational Activism, Cambridge University Press, Cambridge, 2005 ; Sanjeev Khagram, James V. Riker, et Kathryn Sikkink (sous la dir. de), Restructuring World Politics : Transnational Movements and Norms, University of Minnesota Press, Minneapolis, 2002 ; Jackie Smith, et Hank Johnston (sous la dir. de), Globalization and Resistance : Transnational Dimensions of Social Movements. Rowman & Littlefield, Lanham , 2002.

[2] Richard Price, « Transnational Civil Society and Advocacy in World Politics », World Politics, n° 55, juillet 2003, pp. 579-606 ; Thomas Risse, « Transnational Actors and World Politics », In Hanbook of International Relations. (sous la dir. de) Walter Carlsnaes, Thomas Risse et Beth Simmons. Sage, Londres, 2002 ; Sidney Tarrow, « Transnational Politics : Contention and Institutions in International Politics », Annual Review of Political Science, n° 4 2001, pp.1-23.

[3] Dominique Masson, « Women’ s Movements and Transnationalization : Developing a Scalar Approach », Communication présentée à l’Atelier « La transnationalisation des solidarités et les mouvements de femmes », Département de science politique, Université de Montréal (27-28 avril), 2006.

[4] Les études considérées dans cet article s’inscrivent à l’intérieur d’un atelier international d’étudiants portant sur les impacts des acteurs non-étatiques auprès des institutions publiques autant nationales qu’internationales appuyé par l’Institut de Recherche et de Débat sur la Gouvernance (IRG) de Paris depuis 2006.

[5] Donatella Della Porta, et Sidney Tarrow (sous la dir. de), Transnational Protest & Global Activism, Rowmann & Littlefield, Lanham, 2005, p. 7.

[6] Sidney Tarrow, The New Transnational Activism, Cambridge University Press, Cambridge, 2005, p. 11. (Traduit par nos soins).

[7] Robert Keohane, et Joseph Nye, « Transnational Relations and World Politics : An Introduction » International Organisation, n° 25, été 1972, pp. 329-349.

[8] Robert Keohane, et Joseph Nye, « Transnational Relations and World Politics: An Introduction » International Organisation, op. cit.

[9] Stephen Krasner, (sous la dir. de), International Regimes, Cornell University Press, Ithaca, 1983.

[10] Peter Haas, « Introduction : Epistemic Communities and International Policy Coordination », International Organization, 46 (1), 1992, pp.1-35.

[11] Sidney Tarrow, « Transnational Politics : Contention and Institutions in International Politics. » Annual Review of Political Science, n° 4, pp. 3-7, 2001.

[12] Thomas Risse-Kappen, (sous la dir. de), Bringing Transnational Relations Back In : Non-State Actors, Domestic Structures and International Institutions, Cambridge University Press, Cambridge, 1995, pp. 3-35.

[13] Jackie Smith, Charles Chatfield et Ron Pagnucco, (sous la dir. de), Transnational Social Movements in Global Politics : Solidarity Beyond the State, Syracuse University Press, Syracuse, 1997 ; Jonathan Fox, et L. David Brown (sous la dir. de), The Struggle for Accountability : The World Bank, NGOs, and Grassroots Movements, MIT Press, Cambridge, 1998 ; Sidney Tarrow, op. cit. 2001.

[14] Martha Finnemore and Kathryn Sikkink. « International Norm Dynamics and Political Change », International Organization, 52 (4), pp. 887-917, 1998 ; Daniel Thomas, The Helsinki Effect : International Norms, Human Rights and the Demise of Communism, Princeton University Press, Princeton, 2001.

[15] Matthew Evangelista, Unarmed Forces : The Transnational Movement to End the Cold War, Cornell University Press, Ithaca, 1999 ; John Boli et George Thomas (sous la dir. de), Constructing World Culture : International Nongovernmental Organizations Since 1875, Stanford University Press, Stanford, 1999.

[16] Thomas Olesen, International Zapatismo : The Construction of Solidarity in the Age of Globalization, Zed Books, Londres, 2003.

[17] Robert O’Brian, Anne Marie Goetz, Jan Aart Scholte et Marc Williams, Contesting Global Governance : Multilateral Institutions and Global Social Movements, Cambridge University Press, Cambridge, 2000 ; Alison Brysk, (sous la dir. de), Globalization and Human Rights, University of California Press, Berkeley, 2002.

[18] Ann M. Florini, The Coming Democracy : New Rules for Running a New World, Island Press, Washington, DC, 2003 ; John Keane, Global Civil Society ? Cambridge University Press, Cambridge, 2003.

[19] Sidney Tarrow et Donatella Della Porta, « Conclusion : “Globalization” Complex Internationalism, and Transnational Contention », in : Donatella Della Porta, et Sidney Tarrow (sous la dir. de), Transnational Protest & Global Activism, op. cit., pp. 234-240.

[20] Ibid., p. 235. (Traduit par nos soins).

[21] Ibid., p. 236. (Traduit par nos soins).

[22] Ibid., p. 237 (Traduit par nos soins).

[23] Les résultats présentés ici proviennent d’une trentaine d’entrevues menées en hiver 2006 avec les participants au projet, les acteurs du mouvement paysan sénégalais et les fonctionnaires et élus du gouvernement sénégalais.

[24] UPA-DI. Document de projet : Les Savoirs des gens de la terre. Document de présentation. Septembre 2004.

UPA-DI. <http://www.upa.qc.ca/fra/qui_sommes_nous/groupes/upa_internationale.asp&gt; (consulté le 30 avril 2007).

[25] Ibid.

[26] Ibid.

[27] Ibid., p. 3.

[28] Ibid.

[29] L’analyse ici présentée est fondée sur une série d’entrevues menées entre septembre et décembre 2006 avec des membres d’ONG mexicaines ainsi que différents documents publiés par ces mêmes ONG.

[30] Gabriel Leon Zaragoza, « México, país más peligroso de AL para informar sobre crimen y corrupción », La Jornada 3 janvier 2007 <http://www.jornada.unam.mx/2007/01/03/index.php?section=politica&article=005n1pol&gt;.

[31] Bien que producteur de marijuana et de cocaïne, en plus de servir de point de d’expédition de l’héroïne d’Amérique du Sud vers le large marché américain, le Mexique semblait avoir évité la violence qu’on associe à ce secteur illicite de l’économie dans des pays comme la Colombie et l’Afghanistan. Le trafic international de drogues est souvent associé à une forme de crime transnational organisé. Selon Peter Andreas : « Le crime transnational organisé, […], est, dans un certain sens simplement un nouveau terme plus tape-à-l’œil (et moins clair) pour une pratique économique transnationale depuis longtemps établie » Peter Andreas, « Illicit International Political Economy : The Clandestine Side of Globalization », Review of International Political Economy, 25: 3, 2004, pp. 641-652.

[32] Sergio Aguayo, « Vivre et mourir avec les narcos », Courrier International, n° 860, 26 avril – 2 mai 2007, p. 26.

[33] María Idalia Gómez, « México », dans Mapa de Riesgos para periodistas — Brasil, Colombia, México, Société Interaméricaine de la presse, 2006, p. 34.

[34] L’ONG Cencos est membre du réseau IFEX (Échange international pour la liberté d’expression). IFEX compte 71 organisations membres à travers le monde et gère un important réseau d’alertes qui permet aux membres de dénoncer des violations de la liberté de la presse par la transmission d’alertes à l’ensemble des membres du réseau et à d’autres intéressés à travers le monde (IFEX).

[35] L’étude se base sur des entrevues menées en hiver 2007 avec des membres du réseau au Mexique ainsi que de différents documents publiés par les organisations membres du réseau.

[36] Magdalena Leon, REMTE : Una organización de mujeres <http://www.movimientos.org/remte/&gt; (consulté le 2 janvier 2007).

[37] Ainsi, les deux organisations paysannes partenaires dans le projet font partie du mouvement paysan sénégalais ; directement ou à travers une organisation parapluie. Elles sont toutes deux membres du Cadre National de Concertation des Ruraux (CNCR), créé en 1993, qui est le porte-parole du mouvement paysan sénégalais dans les réseaux régionaux, tel que le Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) établi en 2000 et dans les discussions avec l’État (voir le site web du ROPPA http://www.ROPPA.info (consulté le 1ier mai 2007).

[38] Chaque année, deux producteurs sénégalais séjournent pour un mois au Québec et participent aux formations de l’UPA-DI et font un stage avec une famille de producteurs québécois. À l’inverse, un producteur québécois passe une douzaine de jours au Sénégal, deux fois par année, pour assister aux formations des organisations paysannes partenaires en temps que producteur expert.

[39] Afin de débusquer les attaques et les menaces commises contre les médias et les journalistes, des membres de la Red font une recherche quotidienne dans les journaux mexicains en plus d’utiliser de l’information venant d’autres ONG. Parfois, des attaques sont directement signalées aux ONG.

[40] Red Genero y Economia (Mexique), Mujer y Ajuste Estructural (Pérou), Movimiento Maria Elena Cuadra and Grupo Nitaplan (Nicaragua), Mujeres contra el Ajuste Estructural (Colombie), Grupo Mujer y Ajuste (Bolivie) et Red Mujeres frente a la Globalización (Chili).

[41] Margaret Keck et Kathryn Sikkink, Activists Beyond Borders. Cornell University Press, Ithaca, 1998 ; Thomas Risse, Stepen Ropp et Kathryn Sikkink (sous la dir. de), The Power of Human Rights : International Norms and Domestic Change, Cambridge University Press, New York, 1999.

[42] Jonathan Fox, « Assessing Binational Civil Society Coalitions: Lessons from the Mexico‑U.S. Experience », in : Cross-Border Dialogues : U.S.‑Mexico Social Movement Networking, D. Brooks and J. Fox (sous la dir. de), Center for U.S.‑Mexican Studies, University of California-San Diego, La Jolla, 2002, pp.341-417.

[43] Diane F. Orentlicher, « Bearing Witness : The Art and Science of Fact-Finding », Harvard Human Rights Journal n° 83, 1990. p. 84.

[44] Mark F. Massoud, « The Influence of International Law on Local Social Movements », Peace and Change, Vol. 31, n° 1, 2006, p. 18.

[45] Document produit par la Fiscalía Especial para la Atención a Delitos Cometidos contra Periodistas, à la demande de la chercheuse.

[46] En 2000, 500 organisations au Mexique ont participé à la Marche mondiale des femmes. La consultation sur le droit des femmes mexicaines est le résultat d’une pétition ayant recueilli plus d’un million et demi de signatures.

[47] Consultation à propos de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), une initiative de l’Alliance sociale continentale.

[48] Leonore ajoute : « Si ce réseau n’aide pas au bout du compte le processus d’émancipation des femmes mexicaines, nous n’en voulons pas. Appartenir à un réseau latino-américain n’a pas de sens pour nous, s’il n’a aucune répercussion sur les femmes mexicaines. C’est donc pourquoi nous avons accepté le défi, pour avancer la cause des femmes mexicaines » (entrevue avec Leonor Concha, janvier 2007)

[49] Les déclarations des ONGI continuent à avoir plus d’écho dans la presse, même la presse nationale, selon le vice-président de la Fédération latino-américaine de journalistes, Teodoro Rentería Arróyave : « […] nous n’avons jamais reçu le moindre appui à nos dénonciations de la part de la dite grande presse. Encore aujourd’hui ils préfèrent mentionner des organisations étrangères comme Reporters sans frontières […] que nos organisations nationales et régionales […] »

[50] Sidney Tarrow, « Transnational Politics : Contention and Institutions in International Politics » Annual Review of Political Science, 2001, art.cit. ; Donatella Della Porta, et Sidney Tarrow (sous la dir.), Transnational Protest & Global Activism, op. cit. ; Joe Bandy et Jackie Smith (sous la dir. de), Coalitions Across Borders : Transnational Protest and the Neoliberal Order, op. cit. ; John Clark (sous la dir. de), Globalizing Civil Engagement, Earthscan, Londres, 2003.

[51] John Boli et George Thomas (sous la dir. de), Constructing World Culture: International Nongovernmental Organizations Since 1875, op. cit.

[52] Donatella Della Porta, Massimiliano Andretta, Lorenzo Mosca, et Herbert Reiter, Globalization from Below : Transnational Activists and Protest Networks, University of Minnesota Press, Minneapolis, 2006.

[53] Sonia E. Alvarez, « Latin American Feminisms “Go Global” : Trends of the 1990’s and Challenges for the New Millenium. » in : S.E. Alvarez, E. Dagnino, A. Escobar (sous la dir. de), Cultures of Politics. Politics of Culture. Re-visioning Latin American Social Movements, Westview Press, Boulder et Oxford, 1998, pp. 293-324 ; Sonia Alvarez, « Um Outro Mundo (Também feminista) é possivel : construindo espaços transnacionais e alternativas globais a partir dos movimentos », Estudos Feministas, Florianopolis, n° 11(2), juillet-décembre 2003, p. 360.

[54] William F. Fisher, « Doing Good ? The Politics and Antipolitics of NGO Practices », Annual Review of Anthropology n° 26, 1997, pp. 439-464. (Traduit par nos soins).