Dans son numéro 134 (janvier – mars 2006), Informations et Commentaires avait consacré le dossier de ce numéro à l’expérience de changement introduite au Venezuela par Hugo Chavez (Le bolivarime et le Venezuela). Deux raisons principales avaient justifié ce choix : l’originalité du projet vénézuélien et de son ambition (fonder une alternative aux modèles de développement labélisés par l’ordre mondial libéral) pour une part, rompre avec la partialité dont les médias occidentaux faisaient preuve pour tout ce qui concernait ce pays et son Président, pour l’autre. Ce dossier avait ainsi été conçu en donnant la parole aux acteurs engagés dans le processus de changement.
C’est dans un esprit analogue que nous proposons à nos lecteurs ce dossier consacré à la Bolivie et aux transformations qu’elle connaît depuis la victoire électorale du MAS (Mouvement vers le socialisme) et l’arrivée à la présidence de son leader, Evo Morales. Plus que le parti pris et les silences des médias, c’est l’originalité du projet politique, des choix sociaux et de la voie de développement qui retiennent l’attention.
La question n’est pas nouvelle. Dans son numéro 145 (octobre décembre 2008), la revue a publié l’article « La Bolivie d’Evo Morales », dans lequel l’auteur, Charles Lancha, soulignait l’imbrication des résistances conservatrices internes et des intérêts étrangers dans le cours des événements qu’a connu ce pays. Ce dossier approfondit la question en portant le regard sur les dynamiques sociales internes qui ont été à l’origine du changement politique et qui, aujourd’hui, en sont les moteurs.
Le cas bolivien peut être perçu comme exemplaire. Le projet du Président Morales et du MAS cherche avant tout à libérer la société et ses institutions politiques de l’héritage néocolonial autant que du poids des effets de domination que produit l’ordre néo-libéral mondial. En participant activement à l’ALBA et à l’UNASUR, la Bolivie inscrit résolument sa voie de développement à l’échelle d’un continent et s’oriente vers un soutien aux courants politiques progressistes dans les pays latino-américains comme dans ceux des Périphéries.
La dynamique de changement social revêt, en Bolivie, une telle importance que, dans tous les articles du dossier, chaque auteur considère qu’il est indispensable de la rappeler. Ce n’est qu’une fois cet exposé mené à bien qu’ils développent chacun une analyse originale.
Dans les articles du dossier, la rédaction a pris le parti de traduire le terme originario dans l’expression naciones y pueblos indigena, originario campesinas par “autochtone”, et non par “originaire”, ce qui est une des traductions habituellement retenues.