Polémique sur le Venezuela. Le pétrole et l’œuvre visible de Chavez

Arevalo Mendez Romero*

 

134-page-001À l’exemple de tant de Vénézuéliens déçus et de non moins d’étrangers dont la confiance a été abusée, El Pais s’est vu malheureusement trompé ; mais, en dépit d’un Norman Gall et de milliers d’autres de son espèce, le prestige du journal prévaudra et la vérité l’emportera. Le susnommé a voulu faire étalage d’une prétendue qualité scientifique en un luxe d’écrits où s’exprime un point de vue qui, du fait de son inconsistance, ne saurait aucunement se targuer de crédibilité, aussi minime fût-elle. Les textes signés par Norman Gall qui ont bénéficié d’une diffusion privilégiée avec pour titres « L’œuvre douteuse de Chavez » et « Le chaos pétrolier », le lundi 27 et le mardi 28 mars 2006, constituent une escroquerie collective médiatique.

Le contenu de ces articles, en raison même de leur manque de scrupule, n’appelle pas un effort d’argumentation. Les affirmations avancées traduisent à l’évidence une perte de contrôle délirante qui les discréditent a priori dans un débat. La virulence de l’auteur l’entraîne inconsciemment à exprimer des impressions formelles outrées qui font que les articles perdent toute autorité à être présentés sous la dénomination respectable de « Enquêtes et Analyses ». On est particulièrement impressionné par l’outrecuidance avec laquelle, sans le moindre souci d’honnêteté et encore moins de concision, Gall rapporte des chiffres invraisemblables à l’origine inconnue, cite des sources indéterminées à l’existence douteuse et condamne des fonctionnaires par pur arbitraire viscéral.

Ces textes affligeants sont l’œuvre de quelqu’un rendu malade par la détermination qui est la nôtre d’administrer souverainement nos ressources naturelles et notre industrie pétrolière. Contrairement à la démarche de Gall, nous préférons en la matière nous en remettre aux déclarations des organisations internationales. De la résolution 1 803 de l’Assemblée Générale des Nations Unies, en date du 14 décembre 1962, une garantie fondamentale se dégage : le droit des peuples et des nations à la souveraineté permanente vis-à-vis de leurs richesses et de leurs ressources naturelles doit s’exercer dans l’intérêt du développement national et du bien-être du peuple de tout État.

C’est dans cet esprit que le Gouvernement bolivarien a mis un frein à la privatisation de Pétroles du Venezuela Société Anonyme (PDVSA) qui, ignominieusement, conformément aux désirs de Gall et d’autres à sa suite, était dépouillée peu à peu de ses activités vitales. Ce fut le cas de ce que l’on a appelé « l’internationalisation », un audacieux mécanisme marchand néo-libéral qui a permis le transfert à l’extérieur de plus de 14 milliards de dollars. En d’autres termes, nous, Vénézuéliens, nous subventionnions la consommation d’énergie de l’économie la plus importante de la planète, y compris Hollywood et ses alentours.

On peut citer un autre exemple, omis évidemment par Gall, celui de la promesse fallacieuse de partenariats stratégiques de la Frange Pétrolière de l’Orénoque qui signifia la livraison aux entreprises transnationales de 600 000 barils de pétrole par jour à des conditions financières léonines. Il suffit de dire que, tandis que PDVSA dépensait quatre dollars d’investissement pour produire un baril de brut en vertu des dits contrats, elle était tenue de racheter ce brut — vénézuélien — à 22 dollars le baril, ce que Gall se garde de mentionner. Ceci n’est pas sans rapport avec le fait que Exxon s’est vu supprimer ce grossier et obscène privilège.

L’Agence Internationale de l’Énergie elle-même, dans sa comptabilité de la production des pays exportateurs d’hydrocarbures, reconnaît, dans son rapport de mars 2006, la reprise totale d’activité de PDVSA. L’entreprise a dépassé largement le niveau de production de brut enregistré avant le sabotage pétrolier de 2002 et 2003, dans un cadre légal et fonctionnel, ce qui situe la production nationale au-dessus des trois millions de barils par jour. Par ailleurs, elle comptabilise dans ce total les volumes de brut extraits de la Frange Pétrolière de l’Orénoque. Il est ainsi plus que reconnu que le Venezuela est le pays qui dispose de la plus grande quantité de réserves de gaz du monde, n’en déplaise à Gall et à ses mentors. Pour nous, Vénézuéliens, et pour tous nos pays latino-américains et caribéens, plus qu’une obligation politique, c’est une exigence existentielle que d’employer et de redistribuer les revenus fiscaux en faveur du bien-être social. Dans ce cas, également, nous préférons nous en remettre à l’Unesco et à l’Organisation des États Ibéro-américains pour l’Éducation, la Science et la Culture (OEI) qui ont reconnu, dans une déclaration adressée au peuple et au Gouvernement vénézuéliens, que le Venezuela était un territoire libéré de l’analphabétisme, un succès acquis par l’alphabétisation de 1 482 000 illettrés, inaptes dans le passé au plein exercice de leur citoyenneté.

À ce succès, fondé sur une utilisation appropriée des revenus pétroliers nationaux, s’ajoute actuellement, toujours à titre informatif, 555 687 personnes inscrites dans un plan, de masse, d’éducation moyenne et diversifiée, et 330 346 bacheliers qui suivent des cours de formation universitaire, alors que tous étaient exclus dans le passé de ce type d’enseignement. Nous nous acheminons vers un investissement de 10 % du PIB en éducation. En matière de santé, nous rapportons la reconnaissance par l’OMS et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) des résultats obtenus par le développement d’un réseau de soins médicaux primaires et spécialisés. Jusqu’au 25 février dernier, ce réseau enregistrait 167,3 millions de consultations dans des centres édifiés dans des zones populaires ainsi que 6,7 millions d’examens réalisés dans des cliniques populaires.

Pour ce qui est du développement économique, la Commission Économique pour l’Amérique Latine (CEPAL), les banques étrangères et même le FMI et la Banque Mondiale confirment une croissance de 9,3 % de l’économie vénézuélienne en 2005, qui fait suite à une croissance de 17,3 % en 2004 ; la projection pour l’année en cours s’annonce positive. Il est certain que cette évolution de l’activité économique se fonde principalement sur la croissance du secteur non-pétrolier, ce qui prouve le dynamisme actuel de notre secteur productif. Telle est l’utilité de notre pétrole, quoiqu’en pensent Gall et des milliers d’autres Gall.

Concernant les infrastructures, domaine qui semble passionner Gall, soi-disant chercheur qui prétend asseoir ses commentaires sur trois semaines d’entretiens au Venezuela — sans s’être rendu auprès d’aucun établissement gouvernemental, alors que son prétendu travail de terrain a été réalisé au cours des années où il a vécu au Venezuela, entre 1968 et 1974 — il a oublié de mentionner qu’actuellement, dans notre pays, on construit simultanément des voies terrestres à l’est et au centre-ouest, des voies ferrées au centre, au nord et dans les plaines du pays, des voies souterraines à Caracas, Los Teques, Maracaibo et Valencia ainsi que des centrales hydroélectriques et un grand pont sur le fleuve Orénoque. Conscient que le développement des infrastructures constitue un des facteurs fondamentaux pour l’amélioration du niveau de vie et la promotion de la croissance économique, le Gouvernement vénézuélien prête une attention particulière à la mise en œuvre de nouveaux et importants travaux publics. Il s’attache aussi à éviter la ruine définitive d’ouvrages construits ou laissés à l’abandon durant des périodes de gouvernements antérieurs, affectés de vices cachés lorsqu’ils furent édifiés ; Gall n’en défend pas moins certains d’entre eux avec insistance. Le secteur de la construction est marqué par une croissance soutenue (20,1 % du PIB total en 2005), à partir de grands travaux d’infrastructure dans le domaine du chemin de fer, des lignes de métro et des autoroutes, ce qui témoigne que l’activité non-pétrolière manifeste un dynamisme supérieur à l’activité pétrolière.

Le Gouvernement bolivarien a maintenu une dotation budgétaire moyenne de 5,7 % au Ministère des Infrastructures dans l’ensemble des exercices fiscaux 2000 – 2005. C’est que les programmes d’investissement destinés aux infrastructures publiques sont fondamentaux pour le service public et la croissance économique du pays et visent à créer les conditions externes favorables à l’essor de l’industrie, de l’agriculture, du commerce et des services. De plus, on doit souligner le programme de rénovation et de construction des infrastructures de services publics essentiels tels que les institutions éducatives, les centres de santé, les installations sportives et culturelles, entre autres. Il importe de mettre l’accent aussi sur l’intérêt accordé à la construction massive de logements destinés aux couches populaires et à la classe moyenne.

Il est parfaitement admissible d’exprimer des opinions divergentes sur notre réalité actuelle, caractérisée par son dynamisme et une progression vertigineuse dans le sens d’un développement social et économique souhaitable. Il ne nous reste plus qu’à inviter Gall à visiter notre pays afin de combler son désir de présenter une enquête et une analyse. En attendant, nous préférons une critique mesurée ainsi que le témoignage de ceux qui ont fait l’effort de se rendre récemment dans notre pays et se sont montrés convaincus que notre peuple, à l’heure qu’il est, s’est engagé avec résolution dans un chemin authentiquement démocratique.

 

Notes:

* Ambassadeur de la République Bolivarienne du Venezuela en Espagne. Source : El Pais, 3 avril 2006.

Cet article, paru dans El Pais le 3 avril 2006, est une réponse à un réquisitoire fleuve du latino-américaniste nord-américain Norman Gall, paru dans le même quotidien les 27 et 28 mars. Dans ce véritable brûlot, Norman Gall brossait un tableau apocalyptique du Venezuela, pays, selon lui, rongé par la corruption, le gaspillage des ressources en hydrocarbures, le délabrement sanitaire. Cyniquement, Norman Gall affirmait que les États-Unis ne se mêlaient aucunement des affaires intérieures du Venezuela, justifiait le coup d’État d’avril 2002, déclarait frauduleuses les élections de 2004 ratifiées par les instances internationales et qualifiait la démocratie chaviste de façade.

Aimablement traduit par Charles Lancha.