La spoliation institutionnelle et le devenir de la réforme agraire en Colombie : un projet entravé par les seigneurs de la terre et les seigneurs de l’argent
par Carlos Alberto Suescún Barón, Professeur de la Faculté d’Études environnementales et Rurales, Pontificia Universidad Javeriana (Bogotá, Colombie) et Diego Alejandro Guevara Castañeda, Professeur de la Faculté des Sciences Économiques, Universidad Nacional de Colombia (Bogotá, Colombie)1.
La relation entre le processus de financiarisation de l’économie et le retard du secteur rural dans les pays latino-américains, en particulier en Colombie, n’est pas évidente a première vue. Pourtant, et de manière tragique, une telle relation existe depuis la doixième moitié du XXe siècle et perdure encore aujourd’hui. Il est vrai que la littérature internationale a établi un lien entre la finance et la dynamique de la spoliation, de l’abandon forcé ou de l’accaparement des terres [1, 2]. Cependant, d’autres formes de dépouillement des terres, situées dans les « zones grises » du débat public, ne sont pas aussi visibles en raison de technicismes ou d’une simple censure.
Cet article présente une modalité de spoliation dans laquelle la finance est intervenue et a empêché toute politique de transformation de la réalité défavorable du monde rural : la « spoliation institutionnelle ». Cette modalité de spoliation se comprend comme la perte ou l’affaiblissement des institutions sous l’effet de la financiarisation de l’économie, en particulier la soumission des États aux injonctions du capital financier et la prééminence de la rémunération de ses « services » préalablement à toute autre obligation étatique. Cette forme de spoliation, laquelle est observée dans divers secteurs, englobe non seulement les institutions officielles de l’État, mais aussi d’autres institutions formelles et informelles de la société.
Dans le cadre de cet article, la spoliation institutionnelle est analysée en mettant l’accent sur les institutions formelles du développement rural. Une telle dynamique a empêché la matérialisation de politiques comme celle de la réforme agraire qui avait été conçue pour transformer une réalité rurale historiquement défavorable.
De même, l’article met en évidence comment la spoliation institutionnelle provoquée par la financiarisation de l’économie a coïncidé avec les intérêts des acteurs bénéficiant du statu quo rural (grands propriétaires fonciers, entrepreneurs spécialisés dans les monocultures d’exportation, grandes entreprises minières, entre autres), ce qui expliquerait en grande partie l’incapacité des États périphériques à mettre en œuvre des politiques transformatrices telles que la réforme agraire.
L’effet des réformes structurelles du néolibéralisme a été largement étudié depuis le milieu des années 1980, reformes par lesquelles ont été supprimés ou restructurés des organismes chargés de la redistribution des terres, de l’accès à l’irrigation, de l’octroi de crédits ainsi que d’autres mesures conçues pour stimuler la production agricole et le développement rural [3, 4]. Cette spoliation institutionnelle et le démantèlement subséquent de la politique publique de développement (par exemple, la réforme agraire) afin de garantir les bénéfices du secteur financier n’ont pas été pleinement saisis au sein de la relation financiarisation-développement. En réalité, il s’agit là d’un champ de recherche à part entière, et cet article vise avant tout à impulser la réflexion.
En effet, l’Amérique latine est chaque jour davantage exposée aux conséquences négatives de la financiarisation à différentes échelles. Ces conséquences négatives, en termes institutionnels et fiscaux, tout en ayant trait aux influences répétées des activités financières sur les territoires, se matérialisent non seulement sous l’impulsion des banques multilatérales mais également à travers l’action des banques et des sociétés à capitaux privés [5,6].
Ce n’est pas un hasard si la financiarisation continue aujourd’hui à marquer l’avenir des politiques publiques et entraver le schéma d’accumulation autonome en Amérique latine ; idée essentielle des écoles hétérodoxes de pensée économique propres à la région, oubliées dans les facultés d’économie ici et là, telles que l’école structuraliste de la CEPAL et la théorie de la dépendance [7].
Cet article de réflexion s’appuie sur plusieurs postulats de ces écoles hétérodoxes et s’attache à montrer comment les relations de dépendance entre le centre et la périphérie ont soumis le développement rural aux desseins du capital financier international, en particulier depuis les années soixante-dix, ce qui a empêché toute remise en cause du statu quo rural. Lors de cette période d’environ cinquante ans, nous avons été témoins d’un processus au cours duquel la question de la propriété foncière, le soutien à la production agricole et la recherche de transformations structurelles des zones rurales ont succombé aux intérêts du capital financier. De tels intérêts sont alors allés de pair avec l’inertie d’une structure agraire obsolète.
Les sections suivantes développent la relation complexe entre la financiarisation et la spoliation institutionnelle de la politique de développement rural, une relation qui pourrait s’appliquer à l’ensemble de l’Amérique latine, mais qui sera étayée par les preuves apportées spécifiquement par le cas colombien. L’article part de la prémisse selon laquelle cette problématique n’est pas un caprice théorique mais un problème central lié à la question structurelle du retard du secteur rural et à l’inertie des inégalités en Colombie. Ainsi, on analysera le problème central de l’absence de matérialisation de la réforme agraire en Colombie, ce au moment-même où on observe l’essor et la domination du capital financier et son impact sur le développement rural. Ensuite, on examinera comment la spoliation institutionnelle promue par le capital financier dans le cadre de la politique de développement rural a coïncidé avec les intérêts des « seigneurs de la terre ». À ce propos, on présentera un bref résumé de l’émergence et de la consolidation ultérieure de la spoliation institutionnelle à travers les réformes structurelles d’orientation néolibérale, et finalement conclure avec une réflexion sur les obstacles persistants auxquels la réforme agraire est confrontée aujourd’hui.
Ce n’est pas une lubie, c’est un problème central : la répartition et les usages de la terre
La littérature académique n’a pas manqué d’identifier le problème de la répartition et des usages de la terre parmi les raisons principales du retard et de l’absence d’un véritable développement rural en Colombie [4, 8]. De multiples missions d’experts, des ouvrages, des articles, des rapports, des lois, des projets de réforme et même des accords de paix2 ont mis en évidence que ce problème constitue un facteur explicatif de la violence, de la pauvreté et des inégalités au sein des zones rurales colombiennes.
Le problème de la répartition et des usages de la terre en Colombie plonge ses racines dans la période coloniale avant de se consolider tout au long de la période dite « républicaine » (1810 à nos jours). Toujours est-il que ce problème dérive de la relation continue de dépendance économique et culturelle, d’abord vis-à-vis du royaume d’Espagne lors de la phase de colonisation, puis du schéma centre-périphérie à l’issue de l’indépendance [9,10].
Sur le plan culturel, les normes et les paradigmes ont été dictés ou prescrits par des agents externes, d’abord par le pouvoir de facto incarné par la relation coloniale (par exemple, constituer des resguardos3, puis les éliminer avant de faire payer l’usage de la terre), et ensuite par l’influence de différents acteurs étrangers (missions, rapports et recommandations de politique des banques multilatérales, des banques privées ou de clubs de bonnes pratiques tels que l’OCDE) concernant ce qu’il faudrait faire pour parvenir au développement (participation des communautés, redistribution des terres, révolution verte, compétitivité, etc.). Néanmoins, à aucun moment n’ont été prises en compte les spécificités du capitalisme dans chaque pays, en particulier ses caractéristiques culturelles. De fait, lorsqu’on examine les différents paradigmes du développement rural, leur application a été uniforme dans tous les pays d’Amérique latine, comme si ceux-ci devaient simplement suivre une mode particulière [3,11].
En ce qui concerne l’économie, les cycles économiques et plus récemment les crises ont influencé le schéma d’occupation-usage-thésaurisation de la terre. La nécessité de générer des devises durant la période républicaine (tout comme l’extraction de l’or pour payer les tributs durant la période coloniale) afin de régler la dette publique et d’importer des biens et services non produit localement a reproduit un schéma d’occupation façonné par un avantage comparatif limité aux biens primaires à faible valeur ajoutée. À certaines époques ce fut la banane, puis le café, ensuite le pétrole, la coca, tandis que le même schéma continue [3, 10]. Les périodes de prospérité dépendaient de la demande internationale et généraient des rentes et des bénéfices au profit d’acteurs bien définis (grands entrepreneurs liés aux monocultures avec un potentiel d’exportation, l’exploitation minière et le pétrole, entre autres), et il semble que cela continuera ainsi à moyen et long terme, en raison du report systématique de la concrétisation de deux impératifs structurels : la réforme agraire et l’industrialisation.
Lors de toute phase ou tout type de cycle, l’appropriation de la terre et des ressources constitue une continuité. Les plus défavorisés dans les campagnes sont exploités pour la destruction des forêts et jungles, soit comme main-d’œuvre bon marché, soit comme de simples exécutants subordonnés. C’est pourquoi l’autonomie de la population paysanne dérange autant, d’où l’intérêt de leur limiter encore davantage cette faculté au moyen de restrictions dans l’accès à la terre et à d’autres ressources ou facteurs de production.
Le fait est que, indépendamment de l’usage de la terre, que ce soit à des fins productives, spéculatives ou de domination territoriale, les seigneurs de la terre se sont toujours employés à empêcher sa démocratisation. Ce n’est pas un hasard si les tentatives de réforme agraire se sont heurtées aux intérêts territoriaux des grands propriétaires terriens, tout en révélant que les fortes inégalités mesurées par l’indice de Gini des terres constituent l’un des phénomènes les plus persistants selon diverses estimations historiques [12, 13]. En effet, posséder de la terre, en plus d’incarner le pouvoir économique, implique également le prestige ainsi que la capacité d’exercer le pouvoir politique et le contrôle à l’échelle territoriale. Cela a été très bien compris par le monde de la finance, qui ne semble pas être en conflit avec les seigneurs de la terre. En effet, la finance a instrumentalisé, au milieu de l’adversité apparente, non seulement les forêts, mais aussi les ressources en eau et la biodiversité elle-même, transformant les biens communs en marchandises lors d’une phase significative de financiarisation [3].
L’essor et la domination du capital financier dans le monde occidental
Divers auteurs associent l’essor du capital financier à la chute de l’accord de Bretton Woods et à la crise séculaire du capitalisme contemporain, depuis la crise pétrolière du début des années 1970 et en passant par la chute-sauvetage-maintien de la suprématie financière après la crise de 2008 [14, 15].
Ainsi, loin d’être un événement sporadique, la crise financière de 2008 fut une manifestation supplémentaire d’une crise continue de l’ordre mondial, avec des dimensions sociales, politiques et écologiques qui ne peuvent être envisagées séparément. Les crises financières contemporaines récurrentes s’ajoutent aux crises environnementale et sociale persistantes, sans entrevoir un cycle ou une résolution, révélant une accumulation de symptômes qui, sans relâche, remettent en cause les institutions et conventions créées après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, lesdites institutions et conventions sont considérées comme obsolètes selon les paroles et les actions de dirigeants mondiaux autoritaires.
Au cours des dernières décennies, nous avons assisté à un rythme surprenant de destruction institutionnelle, passant de la sphère nationale à la sphère régionale, et frôlant déjà le multilatéralisme. L’orthodoxie néolibérale a été l’objet de beaucoup de débats pour avoir promu un agenda de libéralisation totale fondé remettant en question l’État et aboutissant à une domination sans précédent du capital financier spéculatif. Cela a entraîné une baisse de la part des salaires dans le revenu national, une concentration croissante de la richesse, une augmentation des inégalités de revenu et un accroissement de l’endettement des ménages. Les dommages en matière sociale, ainsi que ceux portant sur ce qui est considéré comme public ou commun, sautent aux yeux, en particulier dans les pays périphériques. Néanmoins, en remontant un peu plus loin, le capital financier avait déjà porté un coup à une partie des conventions et institutions de régulation – ce avant même l’arsenal de recettes du consensus de Washington – en particulier celles qui régulaient la monnaie et le secteur financier.
Selon Hyman Minsky, Bretton Woods fut une parenthèse de stabilité régulée qui, en disparaissant, libéra des forces spéculatives latentes et laissa le champ libre à l’instabilité. Son analyse explique pourquoi l’essor de la globalisation financière après 1971 fut marqué par des crises récurrentes, ce qu’il attribua à la nature intrinsèquement instable du capitalisme lorsqu’il est dérégulé [16]. En effet, cette stabilité transitoire de Bretton Woods coïncida avec un appareil institutionnel faisant consensus et destiné à restreindre l’appétit sans limites du capital financier [14].
Dans le cadre de l’analyse historique du processus d’ascension de la finance au sein du contrôle des orientations fondamentales de la politique économique, et finalement dans la génération de profits en marge de la dynamique du secteur réel, plusieurs phases ont été distinguées : une première, embryonnaire, au début du XXᵉ siècle, nourrie par le déplacement du centre financier de Londres à New York ; puis une deuxième étape couvrant la grande dépression et la perte d’importance du secteur financier, coïncidant avec la période d’expansion économique contrôlée et impulsée par l’État après la Seconde Guerre Mondiale ; et une troisième phase de croissance et de consolidation à la suite de la chute de l’accord de Bretton Woods. À l’heure actuelle, nous serions peut-être dans la quatrième phase de la financiarisation, caractérisée par une dérégulation prééminente du secteur financier, sa forte domination dans la répartition des revenus et, bien entendu, l’adaptation de la politique macroéconomique à ses desseins, avec la recherche obligatoire d’une faible inflation et l’absence d’engagement en faveur de l’emploi ou de la réduction des inégalités [17]. Néanmoins, une cinquième phase se profile, dans laquelle la financiarisation semble s’affranchir de tout arrangement ou toute contrainte concernant des règles globales ; en d’autres termes, une dérégulation totale sans connexion directe ou indirecte avec lesdites règles, et dont Wall Street est l’épicentre [5, 6].
Financiarisation et développement rural
Tout est lié en fin de compte. Dans le cas du développement rural, son cadre institutionnel, ses objectifs et son destin ont été alignés au cours des cinquante dernières années sur la dynamique même de la financiarisation. Dans le cadre de cette dynamique, et sans qu’il s’agisse nécessairement d’un accord entre classes sociales ou acteurs, la détérioration du cadre institutionnel devant favoriser le développement rural – en raison de phénomènes tels que l’ajustement structurel, la priorité donnée au remboursement des emprunts au sein des interventions de l’État ou l’imposition normative (le « devoir-être ») du capital financier – a coïncidé avec l’agenda des grands propriétaires terriens, de l’agriculture d’exportation (fondée sur de grandes plantations), de l’élevage extensif et, finalement, de l’économie extractiviste rurale. Il convient à cette dernière une structure agraire obsolète soutenue, entre autres, par la répartition inéquitable de la terre, la réaffectation injuste des rares ressources financières destinées à la promotion du développement rural, ou encore l’inertie du conflit armé [3]. Pour étayer cette idée, un bref retour sur « l’histoire agrégée » des paradigmes du développement rural s’avère pertinent.
L’essor modernisateur dans les pays d’Amérique latine, en particulier dans les années soixante, avait pour toile de fond l’intérêt géopolitique des États-Unis dans l’hémisphère occidental dans le cadre de la guerre froide. Il s’agissait d’endiguer voire d’éliminer les différentes insurrections soutenues par les guérillas d’origine paysanne qui revendiquaient l’accès à la terre et la participation des agriculteurs au développement des zones rurales grâce à l’intégration de ces prérogatives dans des politiques publiques guidées par la mise en place d’un cadre institutionnel favorable à la réforme agraire [4, 18]. Cette période coïncide avec une époque de forte régulation (stabilité) du capital financier, la parenthèse dont parle Minsky ; autrement dit, la réforme agraire s’est imposée comme un paradigme du développement rural dans une phase de relative autonomie entre la politique publique et le pouvoir du capital financier.
Dans le cas colombien, tout comme dans d’autres pays, des institutions spécialisées ont été créées pour garantir l’accès et la redistribution de la terre, tout en légitimant ces luttes historiques paysannes au sein d’un cadre juridique [4]. Un exemple est donné par la création de l’ex-Institut colombien pour la réforme agraire – INCORA (aujourd’hui Agence nationale des terres – ANT) et la loi n°135 de 1961, laquelle promouvait la création et le soutien de petites et moyennes exploitations agricoles et d’élevage à travers le concept d’Unité Agricole Familiale – UAF [19].
Bien que la bourgeoisie industrielle colombienne de l’époque, largement favorisée et soutenue par les politiques publiques, souhaitait une réforme agraire pour avoir accès à un marché d’intrants, le pouvoir des grands propriétaires terriens était et demeure immense pour empêcher toute initiative redistributive de la terre et d’autres ressources en milieu rural. De cette manière, la politique de colonisation interne fut privilégiée, impliquant des zones éloignées, dotées d’une infrastructure limitée, écartant la possibilité de redistribution à l’intérieur de la frontière agraire [19]. Le chemin le plus facile, dès lors, fut de détruire la forêt pour élargir les prairies et pâturages dans lesquels des terres étaient temporairement attribuées à des colons/paysans, qui ensuite les vendaient ou en étaient dépouillés, et ainsi ne pas toucher à la propriété concentrée à l’intérieur de la frontière.
Lorsque le paradigme de la réforme agraire était en vigueur, il convient également de souligner le consensus académique national et international concernant la relation inverse entre la taille de l’exploitation et la productivité de la terre. Cette régularité, confirmée par diverses études, a été un élément clé dans l’argument selon lequel la redistribution de la terre vise non seulement l’équité (à court et à long terme) tout en promouvant la croissance économique [4, 18].
Sans aucun doute, cette relation inverse est centrale dans la proposition de redistribution de la terre et dans son lien étroit avec le développement économique. En effet, elle constitue un fondement essentiel de la réforme agraire, en limitant les controverses ou les désaccords politiques, puisqu’elle élimine la nécessité de trancher un soi-disant arbitrage entre justice sociale et croissance économique.
Les seigneurs de la terre opposés à la réforme agraire
Pendant un peu plus d’une décennie (entre 1960 et 1972), la réforme agraire a été le paradigme dominant du développement rural en Amérique latine, et en particulier le discours principal de la planification économique rurale dans le cas colombien [3, 19]. Cependant, l’opposition des seigneurs de la terre a empêché toute réalisation d’une véritable redistribution des grands domaines improductifs. Au contraire, l’élargissement de la frontière agraire a été privilégié, c’est-à-dire l’expansion des prairies qui étaient auparavant des forêts et des jungles, sans redistribuer ce qui était déjà concentré [3, 19]. Cependant, l’élargissement de la frontière agraire aux dépens des forêts et des jungles n’a pas constitué une solution à la pauvreté ou aux inégalités dans les campagnes. C’est la raison pour laquelle le coefficient de Gini, aussi bien pour la répartition des terres que pour la répartition des revenus, semble figé dans les statistiques comme dans la réalité socioéconomique de la Colombie, se maintenant en moyenne entre 0,86 et 0,9 pour la répartition des terres et 0,52 pour la répartition des revenus [3, 13].
Lors de la mise en œuvre de la réforme agraire par la voie redistributive, la préférence a toujours été, et l’est encore aujourd’hui, pour l’achat de terres, laissant de côté l’expropriation légitime du grand domaine improductif en raison de sa contradiction avec la fonction sociale de la propriété, et cela sans doute en lien avec l’énorme pouvoir politique détenu par les seigneurs de la terre. Lorsque la réforme agraire atteignit son point culminant, entre 1961 et 1973, seulement 228 330 hectares furent acquis par négociation directe, dont à peine 22,8 % (52 060 hectares) correspondaient à des terrains obtenus au moyen de la procédure d’extinction du droit de propriété au motif d’un usage inefficient. En revanche, concernant la création des baldíos, c’est-à-dire des terres publiques correspondant à l’origine à des plaines inondables ou à des forêts situées en périphérie, jusqu’au 30 juin 1973 l’INCORA avait émis 136 979 permis d’exploitation rurale couvrant 4 203 287 hectares [3].
Le faible impact redistributif à l’intérieur de la frontière agricole a indigné le mouvement paysan à la fin des années soixante, les occupations de terres et les invasions de domaines par des paysans regroupés au sein de l’Association des Paysans Usagers – ANUC devenant récurrentes. La réponse de l’État, coordonnée avec les seigneurs de la terre, ne tarda pas à voir le jour : le 9 janvier 1972, lors d’une réunion entre des représentants du gouvernement et les seigneurs de la terre dans la commune de Chicoral (département du Tolima), la fin de la dimension redistributive de la réforme agraire fut scellée. L’approche qui revendiquait la fonction sociale de la propriété fut abandonnée et, en même temps, on ouvrit la voie à l’instauration d’un nouveau paradigme pour le développement rural, dans lequel le secteur financier, et en particulier les banques multilatérales, jouèrent un rôle déterminant [3, 20].
C’est alors que les banques entrèrent en scène…
À la suite de la baisse du taux d’intérêt directeur de la FED aux États-Unis entre 1971 et 1975 – atteignant même un niveau négatif [en termes réels] (-1,3 %) – influencée par la rupture du lien entre le dollar et l’or en 1971 et l’abandon consécutif de l’accord de Bretton Woods, une offre élargie de prêts pour le développement fut mise en place par les banques multilatérales, en particulier la Banque mondiale, la Banque Interaméricaine du Développement (BID) et la Banque du Développement en Amérique Latine et les Caraïbes (CAF) [11, 21, 22].
Il est utile de rappeler que le système de Bretton Woods a connu un essor dans les décennies qui ont suivi sa création en 1944, établissant un ordre monétaire international fondé sur le dollar américain convertible en or. Cela a coïncidé, comme mentionné auparavant, avec une apparente stabilité et la croissance économique, tandis que les activités du secteur financier étaient contrôlées et réglementées. Cependant, après 1968, le système a évolué vers le « dollar de facto », lequel a montré une instabilité croissante jusqu’à s’effondrer en 1971. Dans ce contexte, l’inflation mondiale s’est accélérée, alimentée par l’expansion monétaire des États-Unis destinée à financer la guerre du Vietnam et des programmes sociaux. À cela s’est ajoutée l’absence d’ajustement de la part des pays excédentaires comme l’Allemagne et le Japon, qui se sont opposés à la réévaluation de leurs monnaies, ainsi que la crise de confiance liée à l’insoutenable convertibilité du dollar en or face à l’augmentation des passifs et à la diminution des réserves [14]. Des événements critiques, tels que la réévaluation du mark allemand et la dévaluation du franc français en 1969, la pression spéculative contre le dollar en 1971 et la suspension de la convertibilité du dollar en or par Nixon, ont marqué la fin du système [14].
Au début des années soixante-dix, la politique de promotion de divers secteurs économiques, y compris l’agroalimentaire, a eu recours au crédit à faible coût comme modalité de financement d’un agenda développementiste au sein des pays latino-américains [20, 21]. Au cours de cette même période, un nouveau paradigme du développement rural fut également imposé à partir des idées conçues dans des institutions étrangères à la réalité latino-américaine, et qui fut appelé le Développement Rural Intégré – DRI [11].
Le programme du DRI a été élaboré dans des universités américaines et promu par la Banque mondiale, étant appliqué initialement au Mexique puis simultanément dans de nombreux pays du Tiers-Monde [11]. De cette manière, le nouveau paradigme a exercé une grande influence sur un nombre important de projets pilotes menés dans les pays périphériques, lesquels ont bénéficié, à des degrés divers, d’un financement externe [22].
Aussi bien dans ses objectifs que dans sa conception, le paradigme du DRI en Colombie conserva, durant sa première phase (1976-1981), l’empreinte de la Banque mondiale [21, 22]. Et, comme le souligne Arturo Escobar, sa « population cible » était le secteur communément désigné comme arriéré, prémoderne ou vulnérable, bien qu’associé dans un sens socioéconomique et politique à une forme de production vitale pour la reproduction sociale : le paysannat [11]. Cependant, cette classe (ou groupe social) fut écartée de la lutte pour l’accès à la terre et pour sa redistribution institutionnalisée dans le cadre de la réforme agraire, ce à travers l’usage du DRI comme discours de substitution pour le développement rural soutenu par les banques multilatérales.
Le DRI a bien généré un processus de construction d’institutions fondées sur la planification, le suivi permanent, la coordination à divers niveaux gouvernementaux et le ciblage. Cependant, sa portée et son objectif différaient de la réforme agraire : l’objectif n’était pas de créer les conditions de la transition du paysan au fermier (petites et moyennes exploitations familiales nécessitant l’accès à des facteurs de production tels que la terre, le crédit, la technologie, et des garanties de commercialisation, entre autres), mais de produire davantage d’aliments et ainsi résoudre les problèmes de la faim et de la pauvreté dans les milieux ruraux. Ces problèmes devinrent le centre de l’agenda de la politique de développement rural [11]. Bien entendu, à cette idée « sociale » du DRI s’ajoutait l’idée « compétitive », c’est-à-dire le dualisme productif comme substitut à la redistribution de la terre : tandis que le paysan recevait des biens et services publics pour accroître l’intensité productive de ses petites (micro-)exploitations, la grande propriété demeurait intouchée et bénéficiait de soutiens permanents à l’exportation pour plusieurs produits de base [20, 21].
Le DRI s’est donc ajusté à l’accord avec les grands propriétaires terriens, puisqu’il s’agissait d’une politique qui abandonnait l’idée de l’accès à la terre par la redistribution. Aucune de ses stratégies ni de ses plans concrets d’intervention n’incluait le rachat ou la redistribution des terres comme éléments centraux. Selon des critères de ciblage comme la pauvreté et la localisation, les programmes, dans leurs différentes phases, eurent pour référence la prééminence du financement externe et l’objectif de produire davantage d’aliments afin de résoudre le problème de la faim, de la pauvreté et de l’approvisionnement de la demande en intrants de la part de l’industrie nationale.
De cette manière, le DRI fut promu au sein des pays latino-américains en s’appuyant sur l’idée générale selon laquelle des augmentations de productivité, combinées à un meilleur accès aux marchés pour les agriculteurs, permettraient d’accroître leurs revenus et d’améliorer leur qualité de vie, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une réforme agraire en profondeur. Un objectif, certes louable d’un point de vue socioéconomique, mais assez restrictif dans l’ambition de surmonter des facteurs historico-structurels tels que la répartition inégale de la terre et l’absence d’une large participation des agriculteurs dans les zones rurales. Ce programme cherchait à démontrer, entre autres, que les avancées technologiques de la révolution verte pouvaient générer de grands bénéfices pour les petites exploitations, indépendamment de problèmes de fond comme le morcellement antiéconomique de la propriété et la grande violence dans les milieux ruraux [22].
La crise de la dette et la consolidation de la spoliation institutionnelle
L’harmonie entre la disponibilité de crédit à faible coût et la construction de politiques publiques sous l’égide du nouveau paradigme du développement rural dura peu de temps. Entre 1975 et 1981, le taux d’intérêt directeur de la FED fut multiplié par cinq, passant de -1,28 % à 8,5 % en termes réels. Plusieurs emprunts parmi ceux susmentionnés, auxquels s’ajoutaient les nouveaux besoins de financement, durent être restructurés [22].
Toute ressemblance avec la réalité récente liée à la pandémie de Covid-19, qui correspondait également à une époque de faibles taux d’intérêt de la FED, voire négatifs en termes réels, et à ses effets subséquents sur les finances publiques des pays périphériques, n’est pas une simple coïncidence : il s’agit de la manifestation d’un schéma de dépendance financière des économies périphériques vis-à-vis de la hiérarchie monétaire internationale [23].
Le crédit à faible coût et l’essor du financement externe des politiques publiques développementalistes conduisirent à un surendettement des pays latino-américains. Et bien que la Colombie ne soit pas entrée en défaut de paiement, la formule de l’ajustement et la culpabilisation de l’État vis-à-vis de la situation macroéconomique sont des éléments qui pèsent encore aujourd’hui.
Les formules d’ajustement et de libéralisation commerciale et financière, ainsi que les processus de privatisation et de restructuration des entités publiques, ont bien entendu porté un coup à l’édifice construit pour le développement rural [24]. Le DRI entra en décadence, et le développement rural devint une catégorie fondée sur une idée abstraite : la compétitivité [3, 25].
Pour être compétitif, il fallait faire de la place au marché, culpabiliser l’État et ajuster le cadre institutionnel afin de répondre aux engagements financiers. Parmi les stratégies qui faisaient partie de la formule, on trouve l’élimination ou la restructuration d’entités publiques, la réduction de la masse salariale publique et la diminution de l’investissement public afin de générer un espace fiscal suffisant et disponible pour rembourser les emprunts. Selon cette logique, non seulement la terre, mais aussi les subventions et les infrastructures elles-mêmes devaient être méritées au lieu d’être un droit inscrit dans les politiques de l’État [3].
Ainsi, le développement rural était traité comme un simple appel d’offres, voire une aumône justifiée par un discours d’efficacité et de mérite, ce qui constitue peut-être la plus grande tromperie qui conduisit à l’éloge du développement rural compétitif. Il fallait concourir pour être pauvre, voire extrêmement pauvre, jeune, femme, autochtone et noir compte tenu de l’opacité et de la corruption dans les critères d’attribution. Le développement rural se transforma en un concept vide et inopérant, parce que l’appareil institutionnel fut dépouillé face à la nécessité/obligation de rembourser les emprunts avant toute autre responsabilité de l’État [3].
La Constitution politique de la Colombie de 1991, par exemple, établit en son article 351 que « Le Congrès ne pourra augmenter aucune des lignes budgétaires concernant les dépenses proposées par le gouvernement, ni en inclure de nouvelles, sans l’acceptation écrite du ministre compétent. Le Congrès pourra supprimer ou réduire des lignes de dépenses proposées par le gouvernement, à l’exception de celles nécessaires au service de la dette publique, aux autres obligations contractuelles de l’État, à la couverture complète des services ordinaires de l’administration et aux investissements autorisés dans les plans et programmes mentionnés à l’article 341 » [26].
De cette manière, sous la dictature de la finance, la maxime de l’État est de payer la dette avant toute politique de développement. En d’autres termes, l’ « hypothèque » imposée à l’État empêche toute possibilité de dépense/investissement nécessaire à la transformation de la réalité économique et sociale. Dans le cas colombien, par exemple, pour l’exercice en cours (2025), les dépenses destinées au service de la dette dépassent de loin les ressources d’investissement de l’État, une spirale qui ne fait que générer un processus de destruction et d’extraction de rentes, rendant irréalisable toute tentative de développement.
La réforme agraire: obstacles persistants
La réforme agraire avec le premier gouvernement progressiste en plus de deux cents ans d’histoire républicaine4 constitue un pari politique légitime dans un pays qui n’a pas résolu les problèmes de répartition des terres ni de représentation politique du secteur rural. Toutefois, tout comme soixante ans auparavant, cette politique fondamentale continue d’être entravée par le pouvoir des grands propriétaires terriens et, à l’instar des trente dernières années, reste soumise au pouvoir financier, qui oblige à consacrer plus du quart du budget au mal nommé « service » de la dette.
À ce propos, il semble que penser la réforme agraire revient à aller à contre-courant, car le capital financier, aujourd’hui plus que jamais, peut s’opposer à des mesures à visée redistributive, du fait que les inégalités et la question foncière (informalité ou injustice) ne semblent pas l’affecter. Au contraire, elles pourraient même lui être favorables en réduisant les coûts de transaction et les coûts politiques avec des acteurs tels que les grands propriétaires terriens, étant donné la capacité de ses innovations à extraire de la valeur dans des pays riches en biodiversité et en ressources naturelles, mais pauvres et endettés, comme c’est le cas de la majorité des pays périphériques [5].
De cette manière, le problème agraire en Colombie porte non seulement la trace regrettable de la spoliation de la terre du fait de la violence, mais aussi celle de la spoliation du cadre institutionnel autrefois conçu pour le développement rural.
Par conséquent, si la réforme agraire des années soixante ne s’appliquait qu’à la marge, aujourd’hui, malgré la bonne volonté du gouvernement progressiste et en particulier des fonctionnaires chargés de l’agriculture et du développement rural, elle reste tout aussi marginale [2, 28, 29]. Ce ne sont plus seulement l’incidence du secteur financier et le refus du pouvoir des grands propriétaires terriens qui empêchent sa matérialisation. À ce pari presque utopique s’ajoute la tentative de reproduire une politique qui a été dépouillée du cadre institutionnel nécessaire à sa mise en œuvre.
L’évidence appuyant ce diagnostic saute aux yeux : si, durant la réforme agraire envisagée comme paradigme dans les années soixante, à peine 19 000 hectares en moyenne ont été obtenus par la voie redistributive, il est manifeste que l’effort du gouvernement actuel est considérable. D’après les données du Ministère de l’Agriculture et du Développement rural, entre août 2022 et mars 2025, plus de 520 798 hectares ont été traités, dont 25 % par l’achat de terres, soit près de dix fois plus que pendant les années soixante [29]. Toutefois, ces chiffres pourraient être supérieurs si, d’une part, le monopole des grands propriétaires terriens n’était pas si puissant et si, d’autre part, la politique fiscale et le consensus macroéconomique (national-global), qui privilégie les paiements aux seigneurs de la finance, ne limitaient pas les possibilités d’achats de terres à des fins redistributives ainsi que la reconstruction du cadre institutionnel nécessaire au développement rural.
Une lecture ethnographique de ce qui se passe dans le secteur public sous le gouvernement actuel permet d’inférer que, s’il est une chose qui limite l’imagination et la recherche de prérogatives sociales plus justes – et c’est quelque chose qu’a connu la première tentative progressiste en Colombie – ce n’est ni l’inexpérience ni même l’improvisation de ses fonctionnaires, mais bien la castration de toute idée qu’engendre un appareil institutionnel consolidé et conçu pour empêcher, sur les plans juridique et financier, tout type de modification structurelle.
Aujourd’hui, le pouvoir des grands propriétaires terriens reste manifeste : les grands détenteurs de richesse issue de la propriété foncière, même si l’État leur propose un prix élevé par hectare (environ 5 000 dollars), rejettent cette possibilité, car, comme le soulignait Keynes, ils sont d’accord avec les banquiers sur l’importance de deux « biens » qui se ressemblent : la terre et l’argent, deux « biens » dont les usages les plus rentables ne sont ni la production ni la transaction [30]. Thésauriser la terre et l’argent permet la génération de profits et l’exercice du pouvoir dans trois dimensions : la dimension productive (la transaction/l’usage du sol), la dimension spéculative (thésaurisation/anticipations de changements dans l’usage du sol) et la dimension du contrôle (au niveau institutionnel et financier, et, dans le cas de la terre, de la domination territoriale) [5,27,28]. Par conséquent, modifier la répartition des terres revient à altérer en soi une partie du noyau du schéma distributif sur lequel repose une grande partie des problèmes historiques et actuels de nombreux pays.
Malgré cela, hier comme aujourd’hui, la réforme agraire demeure une politique nécessaire, dès sa formulation, pour reconnaître le problème d’économie politique que connaît le monde rural, c’est-à-dire pour reconnaître l’existence de classes sociales et du conflit distributif autour de la terre et d’autres ressources. La réforme agraire apparaît aujourd’hui également comme stratégique pour résoudre le problème démographique d’un monde rural vieilli et vidé d’une grande partie de sa population en raison de la violence et des inégalités, tout en étant fondamentale pour une nation qui continue à rechercher la paix, la protection de sa culture et de sa biodiversité, ainsi qu’une plus grande autonomie et stabilité macroéconomique.
Références
[1] Deininger, K., & Byerlee, D. (2011). Rising global interest in farmland: Can it yield sustainable and equitable benefits? World Bank Publications.
[2] Puyana, A, Constantino, A. & Olavarria, M. (2015). Chinese Land Grabbing in Argentina and Colombia. Latin American Perspectives, vol. 42(6), Pp. 105–19. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/24574817.
[3] Suescún-Barón, C. (2020). Desenvolvimento rural e subdesenvolvimento: uma caracterização da estrutura agrária da Colômbia (1961-2016). Tesis doctoral, Universidade Estadual de Campinas.
[4] Berry, A. (2017). Avance y fracaso en el agro colombiano. Editorial Universidad del Rosario.
[5] Suescún Barón, C. A., Guevara, C., & Guevara, D. (2024). Financialization of Land in Peripheral Countries: Disciplining Agrarian Structures and Perpetuating Macroeconomic Vulnerabilities. Review of Political Economy, 1-28.
[6] Gabor, D. (2021). The Wall Street consensus. Development and Change, 52(3), 429-459.
[7] Rist, G. (2014). The history of development: From western origins to global faith. Bloomsbury Publishing.
[8] Gutiérrez-Sanin, F. (2025). Tierra Guerra Politica La Vuelta A Las Raices. Editorial Debate.
[9] Colmenares, G. (2007). La formación de la economía colonial (1500-1740). En: Ocampo, J.A. Comp. (2007). Historia Económica de Colombia. Editorial Planeta Colombiana S.A.
[10] LeGrand, C. (2016). Colonización y protesta campesina en Colombia (1850-1950). Bogotá: Ediciones Uniandes, Universidad Nacional de Colombia, CINEP.
[11] Escobar, A. (1998). La invención del Tercer Mundo. Editorial Norma.
[12] Ibáñez, A. M., & Muñoz, J. C. (2011). La persistencia de la concentración de la tierra en Colombia:¿ qué pasó entre 2000 y 2010? Universidad de los Andes. Disponible en: https://hdl.handle.net/1992/8812
[13] Instituto Geográfico Agustín Codazzi – IGAC (2024). Fragmentación y Distribución de la Propiedad Rural en Colombia. Bogotá: IGAC.
[14] Bordo, M. D. (1993). The Bretton Woods international monetary system: a historical overview. In A retrospective on the Bretton Woods system: Lessons for international monetary reform (pp. 3-108). University of Chicago Press.
[15] Chowdhury, A., & Żuk, P. (2018). From crisis to crisis: Capitalism, chaos and constant unpredictability. The Economic and Labour Relations Review, 29(4), 375-393.
[16] Minsky, H. (1986). Stabilizing an Unstable Economy. Yale University Press.
[17] Fasianos, A., Guevara, D., & Pierros, C. (2018). Have we been here before? Phases of financialization within the twentieth century in the US. Review of Keynesian Economics, 6(1), 34-61.
[18] Lipton, M. (2009). Land reform in developing countries: Property rights and property wrongs. Routledge.
[19] Berry, A. (2002). ¿Colombia encontró por fin una reforma agraria que funcione? Revista de Economía Institucional, 4(6), 24-70.
[20] Machado, A. (1994). El agro y la cuestión social. Tercer Mundo Editores.
[21] De Janvry, A., Fajardo, D., Errazuriz, M., & Balcázar, F. (1991). Campesinos y desarrollo en América Latina. Tercer Mundo Editores.
[22] Urrutia Montoya, M., Durán, S., & Baquero, A. D. (2017). Continuidad y discontinuidad de un programa social: una historia del desarrollo rural integrado (DRI). Documentos CEDE No. 55, CEDE-Universidad de los Andes.
[23] De Conti, B., & Prates, D. (2014). The International Monetary System hierarchy: determinants and current configuration. FMM Conference.
[24] Sachs, J. D. (1989). Nuevos enfoques para la crisis de la deuda latinoamericana. El Trimestre Económico, 56(221), 107-161.
[25] Krugman, P. R. (1994). Competitividad: Una peligrosa obsesión. Ciencia política, (36), 147-163.
[26] Constitución Política de Colombia (1991). Artículo 351.
[27] García, A. (1970). Esquema para una sociología de la reforma agraria: reflexiones sobre la experiencia histórica en América Latina. Problemas del desarrollo 1(4), 65-101.
[28] García, A. (2006). La estructura del atraso en América Latina: hacia una teoría latinoamericana del desarrollo. Convenio Andrés Bello.
[30] Keynes, J. M. (1936). The General Theory of Employment, Interest and Money. Palgrave Macmillan.
Traduction de l’article original par Jenny Paola Danna-Buitrago (Institut Universitaire Área Andina, Bogotá, Colombie) et Rémi Stellian (Pontificia Universidad Javeriana, Bogotá, Colombie). ↩︎
Note des traducteurs : les accords de paix en question ont lieu entre l’État et différents groupes armés illégaux tels que les guérillas d’inspiration socialiste-marxiste et les groupes paramilitaires avec ou sans affiliation aux idéologies d’extrême droite. Ces groupes armés sont notamment engagés dans des activités illicites en matière d’exploitation minière, culture de coca, production de drogues, extorsions, blanchiment d’argent et contrôles de certains territoires. Un premier accord de paix a été ratifié en 2016 entre le gouvernement du président Juan Manuel Santos (2010-2018) et la guérilla des FARC-EP (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie – Armée Populaire). Aujourd’hui, des pourparlers tentent de rapprocher d’autres groupes armés d’un accord de paix. ↩︎
Note des traducteurs : un resguardo est un territoire doté d’une propriété collective, géré par une communauté autochtone et au profit de celle-ci. Cette entité juridique a une origine historique qui remonte à la période coloniale, lorsque les communautés cherchaient à protéger leurs terres ancestrales contre la spoliation. ↩︎
Note des traducteurs: il s’agit du gouvernement de Gustavo Petro, élu président pour un mandat de quatre ans entre 2022 et 2026. ↩︎